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Les chemins de l'avenir

LES PROGRAMMES FUTURS DE LUTTE CONTRE LA DÉGRADATION DES TERRES DOIVENT MONTRER POURQUOI LES TERRES SONT MAL UTILISÉES ET COMMENT IL EST POSSIBLE D'INCITER LES UTILISATEURS DES TERRES À FAIRE QUELQUE CHOSE POUR Y REMÉDIER

L'expérience africaine a montré que les programmes de vaste portée entrepris par les gouvernements pour traiter la dégradation sont rarement efficaces. Ils coûtent aussi tellement cher qu'aucun pays africain n'est probablement en mesure aujourd'hui d'entreprendre un programme de telles proportions gramme de telles proportions pour s'attaquer à ses problèmes de dégradation des terres.

Heureusement, il existe aujourd'hui d'autres solutions. Beaucoup consistent essentiellement à promouvoir des systèmes d'utilisation des terres qui maintiennent à la surface un couvert végétal permanent. Ce couvert protège le sol contre l'érosion du vent et de l'eau, accroît la fertilité du sol, augmente la teneur en matières organiques du sol et maximise la pénétration de l'eau. Les plantes et les arbres cultivés dans ces conditions bénéficient inévitablement de ces systèmes, de même que les utilisateurs des terres qui constatent que la productivité et les profits recommencent à augmenter.

Ce dernier point est très important parce qu'en dernière analyse la façon dont les terres d'un pays sont exploitées et utilisées dépend des attitudes et des actions des milliers d'agriculteurs, de pasteurs, de forestiers et d'autres utilisateurs des terres que compte le pays. Ces gens peuvent apporter des modifications fondamentales à l'utilisation des terres. C'est aux gouvernements qu'il incombe de créer les conditions qui les inciteront à le faire.

Une nouvelle approche est nécessaire - une approche qui assurera une large participation de la population rurale aux programmes de conservation, en raison des avantages qui peuvent en résulter. Les gouvernements devront conserver la responsabilité générale de la conservation, mais leur rôle principal consistera à promouvoir la participation de la population rurale à la recherche et à l'application des solutions appropriées.

Identification des causes de la dégradation des terres

Il faut commencer par identifier et par éliminer les causes de la dégradation des terres. La dégradation est essentiellement la conséquence de l'utilisation incorrecte et du mauvais aménagement des terres, de leur utilisation d'une manière incompatible avec leur capacité. Il est rare que les agriculteurs et les autres utilisateurs des terres dégradent délibérément les terres dont ils tirent leurs moyens de subsistance et avec lesquelles ils doivent nourrir leur famille. L'utilisation incorrecte des terres est donc généralement le résultat de l'ignorance ou, plus probablement, des pressions économiques, sociales et politiques. Il faut donc commencer par se demander pourquoi les terres sont mal utilisées.

Il peut y avoir plusieurs réponses - la pression démographique peut être élevée, les politiques de fixation des prix des produits agricoles peuvent être inappropriées, les moyens de production agricole peuvent manquer ou les régimes fonciers peuvent obliger les agriculteurs à surexploiter les terres. Si l'on n'analyse pas les causes profondes de la dégradation des terres, on risque de dépenser beaucoup de temps, d'efforts et d'argent pour traiter les symptômes plutôt que les causes du problème.

L'analyse peut aboutir à la conclusion que le problème ne saurait être résolu tant que certaines contraintes majeures affectant les utilisateurs des terres n'auront pas été éliminées. Cela pourrait signifier qu'il faut trouver des débouchés pour d'autres cultures, fournir certains moyens de production agricole particulièrement nécessaires ou ajuster le régime foncier - questions qui ont rarement été prises en considération dans les programmes de conservation passés.

Par exemple, l'étude d'une zone fortement érodée peut amener à conclure que la raison profonde est la pression excessive de la population sur les terres. Dans ces conditions, la terre est utilisée au-delà de sa capacité potentielle, et tout programme fondé uniquement sur l'introduction de méthodes classiques de conservation des terres - même s'il est savamment conçu et soigneusement exécuté - n'a aucune chance réelle de succès. Ces mesures peuvent simplement ralentir le processus de dégradation et donner à ceux qui vivent de la terre un court répit supplémentaire avant qu'ils en soient chassés par la baisse de productivité.

Une solution durable peut consister à alléger la pression sur la terre en réinstallant ailleurs une partie des agriculteurs ou en créant d'autres sources de subsistance. Même si ces solutions ne sont pas immédiatement réalisables, une bonne appréciation des causes profondes de la dégradation des terres peut empêcher les gouvernements de se lancer dans des programmes coûteux et inefficaces.

Faire participer l'agriculteur

Les agriculteurs sont en butte à toute une série de problèmes quand il s'efforcent de gagner un revenu raisonnable, de nourrir et vêtir leur famille, de payer leurs dettes et d'éduquer leurs enfants. Ils n'ont ni le temps, ni le désir d'adopter des pratiques nouvelles et hasardeuses pour s'attaquer à la dégradation des terres car, dans leur perspective temporelle, ce processus est tellement lent qu'il est à peine perceptible.

Les nouveaux programmes de conservation doivent reconnaître ce fait et utiliser des pratiques qui assurent à court terme des bénéfices tangibles à l'agriculteur. En pratique, cela signifie accroître les rendements, réduire les risques ou assurer d'autres avantages indirects, comme rendre le travail agricole plus facile.

Alimentation à l'étable au Rwanda

Avec une population de plus de 6 millions d'habitants et seulement 2,5 millions d'ha de terre, le Rwanda est l'un des pays d'Afrique où la densité de la population est la plus grande. La majorité de la population dépend de l'agriculture, mais quelques familles ne possèdent maintenant que de 0,2 à 0,5 ha de terre à cultiver.

Le Rwanda est un pays montagneux et, avec son relief accidenté et ses pluies tropicales, le risque d'érosion est considérable.

Dans ces conditions, il faut s'efforcer à la fois d'accroître les rendements agricoles et de protéger le sol contre l'érosion. Un certain nombre de systèmes ayant cette double finalité ont été développés avec succès.

Alimentation à l'étable au Rwanda

L'image de gauche illustre l'un des systèmes largement pratiqués aujourd'hui par les agriculteurs qui possèdent de petites parcelles de terre. L'idée fondamentale est de nourrir à l'étable une vache ou plusieurs moutons, pour obtenir du fumier qui servira de compost. Du fourrage est cultivé sur les terrasses fortement inclinées et il est donné aux animaux avec des déchets végétaux. Le compost est épandu sur les terrasses pour accroître la teneur du sol en matières organiques, ce qui améliore la perméabilité, augmente la capacité de rétention d'eau du sol, accroît la fertilité du sol, relève les rendements et réduit l'érosion.

L'eau de pluie tombant des toits est captée et stockée dans des réservoirs souterrains pour être utilisée par l'homme et le bétail.

Dans ce système, fondé sur «l'auto-assistance», le gouvernement s'efforce de donner une formation aux agriculteurs et de faire en sorte qu'ils disposent des moyens de production agricole indispensables. Quelques systèmes comparables ont été mis au point dans d'autres parties de l'Afrique, mais il en faut encore beaucoup d'autres.

Charte mondiale des sols de la FAO

Adoptée en novembre 1981 par la Conférence de la FAO à sa 21e session, la Charte mondiale des sols a été accueillie avec enthousiasme par les pays membres de la FAO. Elle énonce une série de principes pour l'utilisation optimale des ressources mondiales en terres et invite les gouvernements, les organisations internationales et les utilisateurs des terres en général à s'engager à gérer la terre en fonction des avantages que l'on peut en tirer à long terme et non d'un profit immédiat.

Charte mondiale des sols de la FAO

«Le Sénégal tout à l'instar des autres pays se réjouit de l'adoption de cette charte qui revêt un intérêt certain dans le processus de développement économique et social du monde. Elle répond en fait à une nécessité urgente de gérer les terres d'une manière rationnelle en vue de sauvegarder leur potentialité de production agricole.»

Le Ministre du développement rural, Sénégal

Il existe déjà des exemples positifs de cette approche en Afrique. Au Kenya, les terrasses «Fanya Juu» ont été introduites dans les terres cultivées dans certaines régions du pays où la pluviométrie est faible. La construction de ces terrasses permet d'accroître sensiblement les rendements du maïs et des haricots. Les agriculteurs adoptent avec enthousiasme ce type de terrasses et fournissent tout le travail nécessaire à leur construction et à leur entretien. Ces terrasses constituent aussi un moyen de combattre le ruissellement et l'érosion du sol. Elles répondent donc aux exigences du programme de conservation du pays. La contribution du gouvernement consiste à donner des conseils techniques, à planifier des terrasses et à les construire, à fournir des outils manuels aux agriculteurs et à aider ces derniers à s'organiser.

De nombreuses autres solutions peuvent être imaginées pour atteindre le double objectif de proposer des programmes attrayants aux agriculteurs, tout en empêchant en même temps la dégradation des terres. C'est ainsi que les programmes de conservation peuvent se concentrer sur des pratiques qui amélioreront la fertilité du sol, par exemple en restituant les éléments fertilisants exportés, en accroissant la teneur du sol en matière organique, en empêchant la formation de couches indurées, en réduisant l'imperméabilité du sol et en améliorant sa structure. Toute pratique susceptible d'atteindre l'un quelconque de ces objectifs réduira automatiquement la dégradation, tout en accroissant les rendements.

Comme l'eau est le facteur limitant en agriculture dans une grande partie de l'Afrique, il faut aussi accorder une plus grande attention à la conservation de l'humidité du sol. Plusieurs techniques existent déjà et il faut en mettre au point d'autres qui aideront à conserver l'humidité et à réduire le ruissellement, et par voie de conséquence la dégradation. A partir de ces données de base, le reste de cette publication se concentre sur les problèmes spécifiques liés à l'élaboration de programmes nationaux et régionaux pour combattre la dégradation des terres en Afrique et à la recherche des financements nécessaires.


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