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Encourager la participation

LES UTILISATEURS DES TERRES - AGRICULTEURS, ÉLEVEURS ET POPULATIONS DES FORÊTS - SONT LES MIEUX PLACÉS POUR PRÉPARER ET METTRE EN ŒUVRE DES PROGRAMMES DE CONSERVATION. DE QUELLE FAÇON LES GOUVERNEMENTS PEUVENT-ILS LES Y ENCOURAGER?

Participation - Tel est le mot d'ordre si l'on veut stopper la dégradation des terres en Afrique. Encourager ceux qui utilisent la terre à participer aux programmes de conservation n'est certes pas tâche facile, à moins que les intéressés ne puissent constater par eux-mêmes les avantages qu'ils peuvent en avantages qu'ils peuvent en retirer. L'impératif principal est donc de mettre au point des pratiques culturales susceptibles à la fois d'augmenter les rendements, de diminuer les risques ou de procurer d'autres avantages tout en ralentissant la dégradation des sols. En fait, cela est plus facile qu'on ne le croit car les pratiques de conservation découlent tout naturellement d'une réévaluation des utilisations des terres.

Avantages immédiats

Le projet de conservation idéal n'est pas celui qui rétribue les agriculteurs ou les autres utilisateurs des terres en échange de leur labeur ou les invite à s'associer à un programme «vivres contre travail», mais celui qui leur donne la possibilité de trouver eux-mêmes une solution conforme à leurs intérêts.

Quelle est la meilleure façon d'entreprendre ce type de projet? La première démarche consiste à trouver une formule capable d'augmenter les gains (ou de diminuer les risques) tout en assurant une meilleure conservation des sols. Par exemple, la plantation de parcelles boisées dans les villages est préférable au ramassage de bois mort pour procurer du combustible à la population rurale, mais seulement à long terme. Il est difficile de convaincre la population de planter ces parcelles et de les entretenir. Mais s'il existe des techniques agroforestières associant les arbres et les cultures avec un minimum d'efforts supplémentaires, les réactions seront très positives.

Pour introduire ces techniques, il est souvent préférable de créer des parcelles de démonstration. Quand la population locale voit les résultats obtenus par les autres, elle ne demande la plupart du temps qu'à les imiter sans avoir besoin d'y être incitée.

Encourager la participation: les options possibles

Fabrication et utilisation de charrues au Burkina Faso. Grâce à des démonstrations, à des activités de vulgarisation et à des programmes de formation à cette nouvelle technologie, la population a participé massivement à un programme quia provoqué un changement radical dans l'utilisation des terres. (A)

Fabrication et utilisation de charrues au Burkina Faso. Grâce à des démonstrations, à des activités de vulgarisation et à des programmes de formation à cette nouvelle technologie, la population a participé massivement à un programme quia provoqué un changement radical dans l'utilisation des terres. (B)

La rentabilité peut également être améliorée par des mesures de conservation délibérées. Au Rwanda, la création du Parc national des volcans a profité aux agriculteurs. En effet, étant donné que la zone est désormais protégée, l'eau s'y conserve mieux et les agriculteurs peuvent continuer à cultiver même pendant la saison sèche. En outre, l'industrie touristique constitue pour eux une source d'emploi et de revenus.

En Afrique, le secteur de la petite agriculture compte une grande proportion de femmes qui n'ont généralement pas les mêmes droits que les hommes en ce qui concerne l'accès à la propriété et au crédit. Il est donc probable qu'un accueil favorable sera réservé à des projets de petite envergure permettant aux agricultrices d'accroître leurs gains par des moyens simples tout en préservant la terre.

Organiser les associations d'utilisateurs des terres

Cependant, il est tout aussi important de faire en sorte que les utilisateurs des terres reçoivent toute l'aide dont ils ont besoin pour mettre en place leurs propres organisations. Dans la plupart des sociétés rurales, on trouve des associations locales qui sont en mesure de traiter les problèmes quotidiens, mais souvent elles ne sont pas assez influentes ni suffisamment bien reliées à d'autres organisations au niveau des districts pour être utiles dans les programmes de conservation. Il suffirait parfois de quelques encouragements et d'une subvention modeste pour transformer ces associations embryonnaires en organisations capables d'apporter un concours efficace.

Collaborer avec l'agriculteur

Dans une publication récente intitulée Land Husbandry: A Framework for Soil and Water Conservation, l'Association mondiale pour la conservation des sols et des eaux (WASWC) fait observer que ce sont les agriculteurs, et non les planificateurs, qui décident en dernier ressort de l'utilisation des terres agricoles. Ils prennent des décisions rationnelles en fonction des circonstances. Ces décisions sont influencées par les conditions géographiques (sol et climat), les conseils et l'assistance technique dont ils disposent, les caractéristiques socio-économiques de leur communauté et leur situation personnelle.

Les programmes de conservation des sols et des eaux gagnent en efficacité et sont plus facilement acceptés par les agriculteurs si l'on tient compte des considérations ci-après:

1. la conservation des sols doit faire partie intégrante des systèmes de culture et ne pas être considérée comme une discipline ou une activité à part;

2. la perte de productivité des sols est plus grave que les pertes en sol proprement dites;

3. il faut accorder plus d'importance à la gestion des eaux de pluie qu'à la simple conservation du sol;

4. les mesures biologiques sont préférables aux mesures mécaniques pour empêcher l'érosion et le ruissellement;

5. il importe de réduire le volume des eaux de ruissellement avant de chercher à en régulariser le débit;

6. les programmes d'action fondés sur une coopération à la base entre le personnel technique et les collectivités locales ont beaucoup plus de chances de succès et donnent des résultats beaucoup plus durables que ceux fondés sur une planification du type «politique-technique».


Conseils techniques et formation

Très souvent les utilisateurs des terres sont prêts à participer aux programmes proposés, mais n'ont pas les compétences voulues. Une formation pratique, parfois sans rapport direct avec la conservation, peut avoir des effets inattendus. Au Burkina Faso, par exemple, l'Organisation internationale du travail a appuyé vers la fin des années 70 un projet de formation artisanale dans les villages, qui faisait une large place au métier de forgeron. On a appris aux villageois à fabriquer des outils simples et notamment des charrues. La demande a bientôt excédé très largement l'offre et il a fallu demander l'aide de la FAO pour implanter dans le pays un élevage d'animaux de trait.

En conséquence, de nombreux agriculteurs ont pu s'affranchir du dur labeur que représente le travail de la terre à l'aide d'outils manuels. En outre, le sol est devenu plus fertile grâce à l'association de l'élevage et des cultures, qui a remplacé les systèmes fondés exclusivement sur l'agriculture.

Un exemple encore plus frappant nous est donné par le Kenya. Grâce à des pépinières à bon marché mises en place par la population locale et à un programme efficace de vulgarisation, de nombreux agriculteurs ont décidé de planter des arbres dans leur exploitation, ce qui leur procure de nombreux avantages - récolte de fruits, ombre, brise-vent et bois de feu. Une enquête menée dans le district de Kakamega au Kenya a fait apparaître que 72 pour cent des agriculteurs ont récemment planté des arbres et que 38 pour cent possèdent de jeunes plants.

Campagne publicitaire en faveur du reboisement du Cap-Vert

La campagne publicitaire en faveur du reboisement du Cap-Vert, lancée vers le milieu des années 70, a été l'une des raisons principales du succès du Programme. Le slogan à la radio et dans la presse était: «Plantez, plantez, plantez. N'abattez pas les arbres... plantez un million d'arbres». La photo représente un écolier transportant un jeune arbre prêt à être planté.

Écolier

Sensibiliser le public aux problèmes d'utilisation des terres

Une campagne nationale visant à sensibiliser le public notamment la population rurale - aux problèmes de dégradation des terres et aux solutions qu'on peut y trouver s'impose dans tout programme de conservation. La clé du succès se trouve dans une bonne publicité, car ces programmes doivent avoir une diffusion massive si l'on veut que des centaines de milliers d'utilisateurs des terres prennent rapidement conscience des nouvelles possibilités qu'offrent les mesures de conservation.

Cette campagne doit avoir recours à tous les moyens disponibles - presse, radio et même télévision. En outre, il faudrait organiser des journées en plein air et des démonstrations, incorporer des activités de conservation aux programmes scolaires et demander à des personnalités et à des politiciens de premier plan de souligner l'importance et la valeur du programme national de conservation. Au Kenya, une place de choix est faite au programme de conservation et le Président en personne participe à des démonstrations à l'occasion de journées spéciales consacrées à ce thème. Une initiative analogue a été prise par le Président du Rwanda.

Aider les associations d'utilisateurs des terres à s'organiser

Combat mené pour préserver les hauts plateaux éthiopiens

Au cours des 20 dernières années, l'Ethiopie a été le théâtre d'une action de grande envergure - sans doute la plus vaste jamais menée pour régénérer les terres érodées en Afrique. Le plateau central avait gravement souffert de la sécheresse qui a frappé le pays au début des années 70. Avec l'aide du Programme alimentaire mondial, le Gouvernement éthiopien a lancé un projet «vivres contre travail», dans lequel les participants recevaient 3 kg de céréales et 120 g d'huile végétale par jour. Grâce aux programmes FAO/PNUD, le projet initial s'est transformé en une vaste entreprise multi-institutions et multidonateurs qui a métamorphosé radicalement la géographie de la région.

Au cours de la seule année 1980, le nombre de journées/homme de travail a dépassé 34 millions. A la fin de 1982, des terrasses avaient été construites sur près de 150 000 ha de terres agricoles, 70 000 ha avaient été reboisés, 30 000 arbres fruitiers avaient été plantés, et l'on avait construit 4 200 km de routes et 400 étangs d'irrigation.

La clé de ce succès se trouve dans les associations paysannes locales, qui sont très influentes. Au cours d'une seconde étape, le programme a formé aux techniques de conservation les responsables de 18 000 associations paysannes. Etant donné que chacune d'elle regroupe des centaines de familles, cela a permis de mobiliser une vaste main-d'œuvre.

Des problèmes ont cependant surgi à la longue, car les populations locales sont devenues dépendantes de l'aide alimentaire et ont perdu les motivations nécessaires pour améliorer leurs exploitations. Cette expérience a mis en évidence la nécessité de concevoir des systèmes d'utilisation des terres qui fournissent aux agriculteurs des stimulants économiques et les encouragent à accepter des techniques capables à la fois d'accroître leur rendement et de protéger leurs sols.

Encourager la participation au Lesotho

Les efforts déployés pour appliquer des mesures de conservation au Lesotho, pays gravement touché par l'érosion, se heurtent à la résistance de 9 000 communautés villageoises. Afin d'encourager la participation à l'aménagement du territoire, on fait appel aux chefs de village et à un comité de développement élu par la population. Ce comité organise des réunions au cours desquelles les villageois donnent des représentations théâtrales qui constituent pour eux un moyen de discuter ouvertement des décisions à prendre.

Construction d'un barrage au Lesotho.

Des accords sont signés entre les communautés villageoises et les services gouvernementaux. Les administrations locales sont responsables de la mise en œuvre des plans, l'intention étant de confier la gestion des programmes aux collectivités clans un délai de cinq ans.

Zimbabwe: participation et réforme agraire

Un nouveau programme d'aménagement des zones communales pour tirer parti des ressources locales (CAMPFIRE) est mis au point au Zimbabwe afin de faciliter la transition entre le régime foncier communautaire et un régime plus structuré.

Les ressources naturelles comme la terre, l'eau la faune appartiennent traditionnellement à la communauté dans la plupart des pays d'Afrique. Cette formule est efficace tant que les ressources sont abondantes et la population peu nombreuse. Au Zimbabwe, cependant, les ressources diminuent et différents régimes de propriété sont mis au point en vue d'éviter d'éventuelles pénuries.

Le programme CAMPFIRE a pour but de faciliter la transition. Au départ, il mettra en place une structure institutionnelle afin de permettre aux coopératives locales d'élaborer des plans d'aménagement pour l'utilisation des terres, la faune, les forêts, les pâturages et l'eau dans certaines zones et d'en tirer le maximum de profit. Des coopératives communautaires bénévoles seront chargées de gérer ces ressources et de répartir les gains de façon plus équitable.

Les zones visées par le programme sont les terres communales situées à la frontière du Zimbabwe, là où les précipitations sont faibles et les sols pauvres. Ces zones couvrent environ un tiers du pays et quelque 2 millions de personnes y vivent. Les terres arables y sont rares et il serait préférable de les destiner à l'aménagement de la faune, qui pourrait procurer des avantages considérables. Le projet a pour but de faciliter l'existence des communautés qui vivent dans un environnement hostile et de les rendre davantage autosuffisantes.

Développer les institutions nationales

DANS LES FUTURS PROGRAMMES DE CONSERVATION, LES GOUVERNEMENTS AURONT POUR TÂCHE DE DONNER À LA POPULATION L'APPUI DONT ELLE BESOIN POUR PRÉPARER ET METTRE EN OEUVRE SES PROPRES PROGRAMMES D'UTILISATION DES TERRES

L'Afrique est un vaste continent qui compte plus de 50 pays très différents les uns des autres sur le plan écologique, culturel, politique et économique. Il est donc impossible d'établir un modèle de conservation applicable à l'ensemble du continent.

Pour résoudre le problème de la dégradation des terres, il faut que chaque pays ait sa il faut que chaque pays ait sa propre stratégie, de même que des politiques et des programmes adaptés aux conditions nationales.

Néanmoins, les principes généraux qui sont à la base de la lutte contre la dégradation des sols demeurent les mêmes pour tous les pays: si les gouvernements veulent fournir l'appui dont ont besoin de toute urgence les utilisateurs des terres pour trouver eux-mêmes une solution à leurs problèmes, ils doivent agir dans plusieurs domaines: renforcer et rationaliser les institutions gouvernementales compétentes, mettre en place un système consultatif et définir les besoins en matière de législation, de formation et de recherche dans le cadre des efforts de conservation.

Commission consultative

Il est presque toujours nécessaire de créer un comité ou une commission chargés de dispenser des conseils sur la formulation détaillée d'une stratégie de conservation, l'élaboration d'une politique, la coordination des activités et le suivi de leur avancement. Ce comité se compose normalement de hauts fonctionnaires et de représentants en provenance de différentes régions du pays appartenant à des groupes d'intérêts particuliers comme les associations d'agriculteurs elles coopératives de cultivateurs. Il doit également comprendre des représentants des services gouvernementaux chargés des politiques macro-économiques et des crédits budgétaires. Cela permet de garantir la poursuite du financement nécessaire dans le combat mené contre la dégradation des terres.

Développer les institutions nationales: les options possibles

Au départ, ce comité sera chargé de mettre au point la stratégie et la politique de conservation, mais il devrait ensuite rester en place afin de suivre les progrès réalisés, revoir et au besoin réformer les politiques et assurer la coordination entre les différents services gouvernementaux, ainsi que les organisations non gouvernementales et les associations d'agriculteurs intéressées.

Il existe déjà des comités de ce genre dans certains pays d'Afrique. Par exemple, le Kenya a créé en 1981 la Commission présidentielle permanente pour la conservation des sols et le reboisement, dont les membres représentent différentes régions du pays. La Commission a notamment pour fonction d'encourager la conservation et le reboisement, de suivre les progrès et de coordonner les activités des différentes organisations concernées. Elle est secondée dans sa tâche par un secrétariat restreint, qui comprend des spécialistes capables de conseiller les membres sur des problèmes techniques. La Commission rend compte directement au Chef de l'Etat, ce qui lui confère une autorité considérable. Son action s'est révélée particulièrement efficace dans la sensibilisation du public aux problèmes de conservation.

Renforcement des services gouvernementaux

Les services de conservation peuvent être organisés de différentes manières. Dans la plupart des pays francophones d'Afrique, ce sont les services forestiers qui sont le plus souvent chargés des activités de conservation. Dans d'autres pays, comme le Lesotho et le Kenya, ces activités incombent à des unités distinctes au sein du Ministère de l'agriculture. D'autres encore associent la conservation à la foresterie, à l'utilisation des terres ou à l'aménagement des bassins versants. En Ethiopie, par exemple, cette tâche est confiée au Département de foresterie communautaire et de conservation des sols du Ministère de l'agriculture. En Tanzanie, elle incombe à la section pour l'aménagement du territoire au sein du Ministère de l'agriculture et de l'élevage.

Chacun de ces systèmes présente des avantages et des inconvénients. Il appartient au gouvernement de choisir la formule qui lui convient le mieux. Il importe toutefois que chaque pays confie à un seul ministère, département ou service la responsabilité de la conservation des sols en lui conférant un pouvoir de coordination.

Rares sont les pays d'Afrique qui disposent, à l'heure actuelle, du financement ou du personnel qualifié nécessaire pour assurer tous les services voulus. Il faut donc trouver une solution de compromis si l'on veut formuler un programme réaliste dans le cadre des ressources disponibles. Ce qui importe, c'est d'assurer la continuité. Il est parfois préférable de débuter avec des effectifs réduits, des installations simples et un budget modeste, plutôt que de se lancer dans un programme ambitieux qu'on devra amputer ou abandonner par la suite.

Dispenser une formation technique à la population locale et aux vulgarisateurs est l'une des nombreuses tâches qui nécessitent une amélioration des services gouvernementaux. Les techniciens devront être formés non seulement aux techniques de conservation mais aussi aux méthodes susceptibles d'encourager la participation des populations locales.

Encourager l'action des organisations non gouvernementales

Au cours des dernières années, les ONG ont obtenu, dans le cadre de petits projets ruraux, des résultats sans commune mesure avec leurs ressources généralement modestes. Œuvrant à la base, les ONG sont souvent bien placées pour entraîner l'adhésion des agriculteurs et des associations villageoises bien plus que ne pourraient le faire les administrations locales elles-mêmes. Il faudrait confier aux ONG un rôle important dans les stratégies gouvernementales visant à combattre la dégradation des sols et à améliorer l'utilisation des terres.

Mettre en place un cadre juridique solide

La plupart des programmes de vaste envergure entrepris en Afrique pendant la période coloniale ont été imposés aux communautés rurales, le plus souvent au moyen de nouvelles lois ayant pour but de contraindre les agriculteurs à respecter les mesures de conservation. Les sanctions étaient lourdes et le paysan qui n'avait pas respecté la loi était frappé d'une amende, voire emprisonné.

Il n'est pas étonnant que la conservation soit devenue extrêmement impopulaire dans de nombreuses régions d'Afrique. En Afrique de l'Est, les lois en matière de conservation sont devenues un thème de propagande dans la lutte pour l'indépendance, et les politiciens locaux ont incité les agriculteurs à enfreindre ces lois afin de manifester leur opposition au régime colonial.

Cela a malheureusement fait naître l'idée que les lois sur la conservation des sols allaient à l'encontre de la productivité et qu'il était préférable de les éviter. En réalité, la législation constitue pour les gouvernements un instrument précieux pour agir dans ce domaine. La plupart des pays ont besoin d'un cadre juridique pour mettre en œuvre les mesures de conservation, créer les institutions nécessaires, légaliser leur mandat et leur garantir un financement régulier.

Toute stratégie nationale de conservation doit comporter une analyse approfondie des lois en vigueur. En particulier, il faut s'efforcer d'harmoniser les règlements dispersés dans les recoins des différents départements et ministères.

Main-d'œuvre et formation

Il est nécessaire de déterminer les besoins en main-d'œuvre et en moyens de formation, sans perdre de vue les impératifs suivants:

• les techniciens doivent être formés non seulement aux techniques de conservation, mais aussi aux méthodes permettant d'inciter les collectivités rurales à élaborer et mettre en œuvre leurs propres plans de conservation;

• les principes de conservation doivent être intégrés aux cours de formation à l'intention des agriculteurs au lieu d'être enseignés comme une discipline à part;

• il faudrait organiser des stages de brève durée à l'intention des administrateurs, afin de leur faire prendre conscience de l'importance de la conservation et du rôle qu'ils sont appelés à jouer dans les programmes nationaux.

Définir les besoins en matière de recherche

Il est nécessaire d'intensifier la recherche en Afrique, notamment la recherche appliquée, afin de permettre aux services de conservation d'élaborer une série de mesures adaptées aux conditions locales et pouvant aisément s'intégrer aux systèmes d'agriculture.

Stratégie nationale de conservation des sols en Tunisie

La Tunisie est particulièrement exposée à l'érosion des sols. D'après de récentes estimations, 3 millions d'ha environ 18 pour cent du pays - sont soumis à une érosion grave ou modérée.

Le problème n'est pas nouveau en Tunisie. Il y a quelque 2 000 ans, les Romains luttaient déjà contre l'érosion en dotant le pays de tout un système de drainage et de terrasses dans leurs efforts pour le transformer en grenier de l'Empire.

Depuis l'accession à l'indépendance en 1956, le Gouvernement tunisien a accordé une priorité élevée à la lutte contre la dégradation des terres. Plusieurs formules ont été expérimentées; le programme de conservation a tout d'abord été confié à la Division des ressources hydriques et de l'équipement rural rattachée au Ministère de l'agriculture. Puis le service a été transféré à la Direction des forêts. En 1983, pour répondre aux besoins nationaux toujours plus grands, une division distincte chargée de la conservation des sols et des eaux a été créée au sein du Ministère de l'agriculture.

Par la suite, le gouvernement a lancé un programme national à long terme qui reconnaît la conservation des terres et des eaux comme un élément essentiel de tous les projets de développement rural. Des mesures sont prises pour protéger et prolonger la durée utile des barrages, tandis que les activités de conservation permettent de créer des emplois ruraux.

Le programme prévoit un budget d'environ 230 millions de dollars U.S. entre 1987 et l'an 2000 et se propose de traiter 600 000 ha de bassins versants et 400 000 ha de cultures céréalières.

La Direction des sols et des eaux s'est fixé les objectifs suivants:

• réduire les pertes en terres arables, qui s'élèvent à l'heure actuelle à environ 10 000 ha par an;

• conserver la fertilité des sols afin d'éviter une baisse de productivité;

• retenir les 500 millions de m3 de ruissellement actuellement perdus;

• récupérer des terres arables en créant des ouvrages filtrants dans le sud de la Tunisie;

• prolonger la durée des barrages, dont le taux d'envasement est à l'heure actuelle de 25,8 millions de m3 par an;

• diminuer les dégâts causés aux vallées et aux plaines par les inondations;

• appliquer une nouvelle politique agricole utilisant des techniques antiérosion pour accroître la productivité;

• créer des emplois et améliorer les revenus de la population rurale dans les zones marginales.

Stratégie nationale de conservation des sols en Tunisie

Le Gouvernement tunisien a donc reconnu la nécessité d'une bonne planification à long terme en matière de conservation, ainsi que d'un service de conservation fortement structuré avec un programme et des objectifs bien définis.

Il faudrait plus particulièrement entreprendre des recherches sur les systèmes traditionnels de conservation en Afrique, comme la construction de terrasses et le système agroforestier mis au point par les Konso dans le sud de l'Ethiopie, ou encore le système de fosse et de paillage des Matengo dans le sud-est de la Tanzanie. Il est possible d'adapter ou de modifier certains de ces systèmes pour qu'ils répondent mieux aux exigences modernes.

Une fois définies les priorités de la recherche, il convient de voir s'il est préférable de mener les recherches à l'échelle nationale ou régionale. Certains pays d'Afrique possèdent d'excellents centres scientifiques où cette tâche pourrait être menée à bien. Cependant, dans la plupart des cas, la meilleure solution consiste à mettre en place un réseau régional pour analyser les problèmes de conservation communs à toute la région (voir pages 34 à 36).

Programmes de conservation

Les programmes de conservation se situent normalement à trois niveaux.

1. Au niveau national, la politique gouvernementale s'appuie sur des données géographiques et socio-économiques pour mettre au point un programme de conservation pour les 10 ou 20 années à venir. Ce programme, qui constitue un document officiel, est incorporé au plan national de développement et sert de cadre aux mesures législatives, administratives et budgétaires qui sont prises par la suite en matière de conservation.

2. Au niveau du district ou de la province, il est nécessaire d'élaborer à partir du programme national des programmes plus spécifiques et détaillés, le plus souvent sous forme de plans-chenilles quinquennaux pouvant être revus et mis à jour chaque année. Une caractéristique importante de ces programmes est l'identification des apports respectifs des institutions gouvernementales et des organismes donateurs.

3. Au niveau local, les programmes doivent être adaptés aux besoins spécifiques de la collectivité (villages ou petites agglomérations) et être élaborés en collaboration avec la population.

Dans certains pays, il existe déjà des dispositifs - par exemple, conseils villageois au Lesotho ou associations paysannes en Ethiopie - permettant de faire participer la population locale aux programmes de conservation des sols. Là où ces mécanismes font défaut, il sera nécessaire de les créer.

Les institutions gouvernementales peuvent aider les collectivités locales à préparer leurs propres programmes, qui sont ensuite soumis pour approbation aux autorités du district avant d'être mis en œuvre.


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