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L’entreprise villageoise d’exploitation des arbres au Burkina Faso – appuyer le développement des petites entreprises dont l’activité est fondée sur les produits forestiers non ligneux

T. Hill, Y. Ouedraogo et L. Conditamde

Tony Hill est directeur, chargé du soutien aux programmes. Bureau de TREE AID au Royaume-Uni, Bristol, Royaume-Uni.
Yacouba Ouedraogo
est coordonnateur de programmes, et Ludovic Conditamde est chargé de projets, Bureau de TREE AID en Afrique de l’Ouest, Ouagadougou, Burkina Faso.

Un examen des résultats d’une initiative lancée il y a deux ans visant à renforcer les capacités des ménages ruraux pauvres au Burkina Faso et à les aider à tirer des revenus des produits forestiers.

Les produits forestiers non ligneux (PFNL) occupent une place importante dans les moyens d’existence traditionnels et la culture des populations du Sahel en Afrique de l’Ouest; ils sont aussi très appréciés, non seulement par les populations rurales mais aussi par celles nouvellement établies dans les villes. Les villageois bénéficient, normalement, d’un accès libre aux ressources forestières communautaires. Les PFNL sont déjà une importante source de revenu pour les ménages ruraux – en particulier pour les femmes, car la récolte et la commercialisation de ces produits incombe traditionnellement aux femmes en Afrique. Malgré l’absence de statistiques officielles, il est reconnu que le commerce des PFNL s’est développé ces dernières années, tant au niveau national qu’international.

Cependant, l’éloignement des marchés reste un trait caractéristique qui pénalise la création de revenus ruraux dans le Sahel. TREE AID, une organisation non gouvernementale (ONG) située au Royaume-Uni, a mis au point une série d’initiatives visant à aider les populations rurales de la région a mieux tirer parti des possibilités commerciales qu’offre l’exploitation des arbres et des produits forestiers. Le présent article décrit les activités du projet d’entreprise villageoise d’exploitation des arbres au Burkina Faso.

Vente de feuilles séchées de baobab et d’autres épices tirées des forêts au marché de Fada, Burkina Faso
TREE AID

LE PROJET D’ENTREPRISE VILLAGEOISE D’EXPLOITATION DES ARBRES

En janvier 2005, plusieurs départements du Gouvernement burkinabé, des ONG locales, TREE AID et la FAO ont lancé conjointement un projet pilote pour promouvoir le développement de la petite entreprise fondée sur l’exploitation des arbres et des produits forestiers à savoir, l’entreprise villageoise d’exploitation des arbres. Le projet pilote a adopté une approche axée sur l’analyse et le développement des marchés (ADM) (voir l’encadré p. 34) pour organiser les entreprises et renforcer les capacités au niveau du village, afin d’améliorer les techniques locales de transformation et la commercialisation des PFNL. D’après une enquête initiale menée au moment du démarrage du projet, 13 pour cent du revenu total des ménages vivant dans la zone du projet venait de l’exploitation des arbres.

Pour garantir l’impact des activités du projet et assurer la répétibilité et la durabilité du soutien aux entreprises villageoises d’exploitation des arbres, le projet a réuni les ONG et le personnel de terrain du gouvernement; ils ont reçu une formation collective en matière d’ADM et ont œuvré de concert pour concrétiser l’approche au niveau du village.

Au début, les activités du projet ont été entreprises dans 29 villages situés dans huit sites au Burkina Faso, outre six autres villages se trouvant juste au-delà de la frontière avec le Mali. En avril 2005, TREE AID a reçu une donation permettant de poursuivre et développer ces activités pendant cinq ans afin de couvrir 50 villages au Burkina Faso et 20 au Mali. Un financement supplémentaire, obtenu par le biais du Programme de la Commission européenne sur les forêts tropicales, a permis d’étendre l’initiative dans les deux pays. Une initiative parallèle a été lancée dans le nord du Ghana à la fin de 2006. L’initiative de l’entreprise villageoise d’exploitation des arbres sera bientôt opérationnelle dans 172 villages sur 17 sites (figure 1).

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Sites du projet Entreprise villageoise d’exploitation des arbres



LES PROGRÈS ACCOMPLIS AU BURKINA FASO

Le processus d’ADM s’est déroulé dans 28 villages au Burkina Faso. À la fin de la première phase, les villageois avaient dressé une liste restreinte de 41 produits forestiers susceptibles d’être commercialisés. À la fin du processus, 164 groupes (au total 1 735 membres) s’intéressant à ces produits s’étaient constitués. Chaque groupe a présenté un plan de développement des entreprises. Les plans portent sur 17 PFNL différents tirés de neuf espèces arborescentes, outre des espèces à fleurs (tableau). Le revenu global prévu par les 164 plans de développement des entreprises s’élève à plus de 1,5 million de dollars EU. S’il est vrai que ce chiffre représente un résultat potentiel plutôt qu’un revenu réel, il n’en demeure pas moins qu’il donne une idée de la valeur relative des marchés de PFNL pour les ménages ayant un revenu annuel moyen de 1 000 dollars EU environ.

Parmi les besoins d’aide identifiés dans les plans de développement des entreprises, figurent les suivants:

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Besoins de formation technique identifiés

LES DÉFIS À RELEVER

Les premiers villages participants ont nécessité d’environ 18 mois pour préparer leurs plans préliminaires et six autres mois pour les achever. Le processus a été ralenti par le manque d’expérience des parties prenants, des problèmes liés à la coordination des apports des organismes publics et des ONG, et l’indisponibilité saisonnière des populations locales qui se consacrent aux travaux agricoles.

La principale difficulté technique à laquelle se sont heurtés les ONG partenaires et les villageois a été l’évaluation des taux de récolte des PFNL qui ne risquent pas de dégrader la base des ressources. En outre, beaucoup de participants s’attendaient à recevoir une contribution directe, matérielle ou financière de la part des donateurs, que d’autres projets dans la zone avaient fournie. Dans certaines zones du projet, le ciblage des produits a dû être réexaminé car le choix initial reposait sur la valeur sociale estimée des produits plutôt que sur leur viabilité économique comme base du développement des entreprises souligné par l’approche de l’ADM. Une autre difficulté a résidé dans la participation active des ménages pauvres et des femmes. Celles qui souhaitaient établir un verger devaient affronter un problème particulier car les systèmes de propriété traditionnels prévoient rarement que des femmes seules puissent acquérir une propriété foncière sûre. Cependant, des groupes de femmes ont été mieux à même de négocier avec leur chef de village l’accès à la terre sur laquelle elles entendaient planter des vergers.

Les progrès accomplis à ce jour montrent que le caractère participatif et itératif de l’approche de l’ADM peut aider les producteurs ruraux à résoudre leurs problèmes et abattre les barrières qui s’opposent au développement des entreprises fondé sur l’utilisation durable des PFNL. Cependant, l’approche impose des normes rigoureuses concernant le temps et les ressources. La présence de facilitateurs compétents, d’un investissement adéquat en matière de formation (six jours environ pour chacune des trois phases de l’approche) et un soutien et une surveillance adaptés sur le terrain sont particulièrement importants. Du fait que l’ADM n’est pas un système qui assure des résultats immédiats, il convient de considérer cette approche comme un investissement à long terme dans la durabilité.

Formation sur le terrain des facilitateurs chargés de divulguer les méthodes d’analyse et développement des marchés, village de Kogyende, Barsalogho, Burkina Faso
TREE AID

SOUTIEN AUX PETITS PRODUCTEURS POUR LA PRÉPARATION DE LEURS PLANS DE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES

Les priorités immédiates de l’initiative sont les suivantes:

Reconnaissant l’importance pour les familles pauvres d’un accès assuré aux ressources forestières et de leur contrôle aux fins de bénéficier de la mise en valeur des PFNL, TREE AID entreprend un grand projet de cinq ans (avec le financement du Département du développement international du Royaume-Uni [DFID]) dans le but de formuler des politiques et d’instituer un cadre institutionnel propices à la gestion forestière au Burkina Faso. Plutôt que sur un changement de politique, le projet met l’accent sur la mise en œuvre efficace et participative des politiques nationales de décentralisation de la gestion des ressources naturelles en vigueur et du code forestier. Le projet opérera avec de nouvelles structures publiques décentralisées et des organisations de la société civile au niveau du village ou de la commune (municipalité), des fournisseurs de services publics et des ONG partenaires locales au niveau du département (sous-provincial), les ministères pertinents du gouvernement au niveau national et des cercles d’étude en matière de gestion forestière au Mali et au Ghana, pays voisins.

À moyen terme, TREE AID envisage aussi de:

Ces plans seront exécutés en partenariat avec la FAO et l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED) par le truchement de l’initiative Forest Connect (voir www.fao.org/forestry/site/42297).

La politique commerciale du gouvernement ne paraît pas poser de problèmes à l’heure actuelle, mais les difficultés potentielles sont les barrières officielles et informelles au commerce régional, les politiques fiscales locales des autorités municipales établies récemment, l’accès au marché pour les produits forestiers de substitution importés et les règlements commerciaux internationaux régissant les exportations des principaux produits forestiers comme les noix, le beurre de karité et la gomme arabique.

POUR L’AVENIR

L’initiative de l’entreprise villageoise d’exploitation des arbres suit son cours mais de nombreuses questions restent encore sans réponse:

Toutefois, l’initiative de l’entreprise villageoise d’exploitation des arbres a déjà aidé les communautés rurales à analyser les possibilités, à planifier les demandes d’informations et à surmonter les problèmes immédiats liés à l’accès à l’information, au crédit et aux services. Elle les a aussi aidées à communiquer entre elles et à reconnaître leurs intérêts réciproques. En tant que telle, elle représente un pas en avant vers la création d’entreprises viables susceptibles de contribuer à réduire la pauvreté.

Qu’entend-on par analyse et développement des marchés?

L’analyse et le développement des marchés (ADM) est une méthodologie, mise au point par la FAO et le Centre de formation en foresterie communautaire pour la région Asie et Pacifique, pour aider les entrepreneurs locaux à créer des entreprises rentables tout en conservant les ressources agroforestières et forestières. L’approche a été conçue expressément pour être appliquée dans les zones où l’alphabétisation est faible et l’accès aux marchés limité. Elle permet aux ménages ruraux pauvres d’évaluer les revenus et les risques potentiels associés à différentes stratégies de développement des entreprises fondées sur l’exploitation des arbres et les produits forestiers.

Le processus ADM comprend systématiquement des intérêts sociaux et environnementaux, parallèlement à la prise en considération des aspects techniques, commerciaux et financiers de la commercialisation d’un produit. Il permet, dès lors, aux populations d’identifier des produits d’une valeur commerciale potentielle et de créer des marchés qui leur fourniront un revenu et des avantages sans dégrader la base de ressources. L’évaluation de la durabilité de l’environnement local est partie intégrante de l’identification et de la planification d’entreprises potentielles. Des directives pertinentes ont été formulées pour aider à déterminer les produits qui seront les plus viables sur les marchés.

Après une planification préliminaire, le processus se déroule en trois phases qui se composent d’une série d’étapes:

  • identification d’entreprises potentielles – moyennant l’inventaire des ressources et produits existants, la reconnaissance des produits qui apportent déjà un revenu aux populations locales, et l’élimination des produits non viables – et d’objectifs financiers par les populations locales intéressées au développement des entreprises;
  • choix des produits les plus prometteurs, identification des marchés potentiels et examen des moyens de commercialisation des produits;
  • préparation d’une stratégie et d’un plan commercial et formation pendant une phase pilote, y compris l’apprentissage de systèmes de surveillance des progrès et d’adaptation aux changements, le cas échéant.

L’ADM est un cadre qui peut être adapté à différents contextes, objectifs et produits. Parmi les pays où la FAO a utilisé cette approche, figurent le Burkina Faso, la Colombie, la Gambie, la République démocratique populaire lao, le Mali, la Mongolie, le Kirghizistan, la Serbie et l’Ouganda.

Matériel pédagogique

Un manuel de terrain intitulé Les petites entreprises communautaires de produits forestiers: Analyse et Développement des Marchés (FAO, 2000) a été conçu à l’intention des praticiens de terrain qui aideront les populations locales à mettre en œuvre le processus de l’ADM. Il consiste en six brochures et un schéma.

Fiches conseil au facilitateur de terrain complète le manuel de terrain, offrant des descriptions faciles à suivre de méthodes et d’outils pratiques qui peuvent être utilisés pour transformer les villageois en petits entrepreneurs performants. Pour appliquer les directives, il n’est pas nécessaire d’être un expert en gestion des entreprises.

Sont aussi disponibles des études de cas qui présentent des expériences et enseignements portant sur différents pays, et décrivent les conditions propices au développement des petites entreprises forestières.

Tout ce matériel, ainsi que d’autres informations, sont disponibles en ligne: www.fao.org/forestry/enterprises

Les publications peuvent également être obtenues en envoyant un courriel à: [email protected]


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