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ANNEXE VII (Suite.)

EXPOSE III - 3

L'EXPLOITATION DES GRANDS PLANS D'EAU ET L'AMENAGEMENT DE LA PECHE CONTINENTALE

Par

RAZAFIMAHALEO B.,
Chef, Division de la Pêche Continentale (DPA)

1. L'EXPLOITATION DES GRANDS PLANS D'EAU

1.1 Situation générale

Madagascar dispose de réseau hydrographique couvrant approximativement 550.000 ha, soit environ 1% de la superficie de l'île. Ces plans d'eau présentent des biotopes diversifiés suivant les facteurs du milieu naturel dont le climat, la topographie, … où il évoluent.

A titre indicatif, ci-dessous la liste des principaux plans d'eau intérieurs de Madagascar établie par A. Kiener en 1963:

Plusieurs textes techniques antérieurs ont assimilé les mangroves parmi la catégorie des “plans d'eau continentaux” étant donné qu'elles sont couvertes d'une végétation ligneuse (palétuviers-Honko) et qu'il s'agit d'une région du littoral dont l'estimation de la superficie (330.000 ha) s'avère difficile. En fait, il s'agit d'une zone de transition en eaux saumâtres, résultant du brassage des eaux des fleuves ou riviéres avec les eaux de mer qui, aux marées montantes créent des zones inondées où évoluent plusieurs espèces marines et euryhalines.

Ainsi, sur la superficie de 550.000 ha de plan d'eau continentale, il faudrait soustraire environ 330.000 ha de mangroves, zones à palétuviers. De ce fait, il devrait rester environ 220.000 ha de plans d'eau intérieurs concernés par la pêche continentale.

En réalité, si l'on se réfère au recensement de tous les lacs, lagunes et étangs, de plus de 20 ha effectué par A. Kiener en 1963, on n'atteint que 165.537 ha (à l'exclusion des cours d'eau et marais).

Néanmoins, plusieurs facteurs sont intervenus depuis 30 ans notamment les atterissements annuels provoqués par les érosions pluviales des bassins versants en amont des plans d'eau dont l'érodibilité par suite de la dénudation du couvert végétal engendré par la réitération des feux sauvage.

Cette situation ne pouvait qu'entrainer la diminution relative de la profondeur des lacs, étangs, marais par leur comblement d'où la réduction de leur superficie et la détérioration progressive de l'écosystéme aquatique.

D'autre part, la réduction du volume utile des fleuves et rivières par suite de leurs alluvionnements, ont entrainé des débordements de crues qui, en certains endroits propices engendrent la formation de petits plans d'eau très poissonneux sur une distance plus ou moins éloignée des berges. Certains de ces sortes de vasques peuvent atteindre de superficies assez élevées et tarir ou non à la fin de la saison séche.

Par ailleurs, les plans d'eau intérieurs ne faisaient pas tous l'objet d'exploitation commerciale permanente à l'instar de ceux dont l'accés aux débarcatéres est facile. C'est seulement depuis une quinzaine d'années que les effets directs de l'explosion démographique font accentuer la pression de la demande de consommation sur l'ensemble des produits alimentaires de base, notamment ceux d'origine animale. C'est ainsi que dans plusieurs plans d'eau récemment désenclavés, les pêches de subsistance sont passées rapidement au niveau des pêche commerciales.

La conjugaison de toutes ces situations fait qu'actuellement il est très difficile d'avancer de manière satisfaisante, la superficie exacte d'eaux intérieures faisant l'objet de pêche commerciale.

En 1989, le projet MAG/85/014 “Assistance àl'administration des pêches” a effectué une enquête sur quelques plans d'eau continentaux dont les résultats globaux sont consignés sous le tableau ci-dessous.

FaritanyLacs ou groupes de lacs enquêtésSuperficies totales (ha)Nbre de villages de pêcheurs enquêtés
AntananarivoAntanetibe, Itasy, Mantasoa, Tsiazompaniry
S/T = 4
8.37968
MahajangaBealalana, Antsohiny Port-Bergé, Mampikony, Mitsinjo, Kinkony, Kamonjy, Ambato-Boéni, Maevatanana
S/T = 9
26.984148
ToamasinaAlaotra, Andilamena, Didy
S/T = 3
20.80999
ToliaraMiandrivazo, Belo/Tsiribihina
S/T = 2
4.66344
Total: 41860.835342

La capture annuelle de ces plans d'eau a été estimée à 9.163t, soit un rendement moyen de 175 kg/ha/an.

1.2 La pêche dans les grands plans d'eau

Les principaux plans d'eau enquêtés par le projet MAG/85/014 en 1989 sont géographiquement situés entre Bealalana au nord (Mahajanga) et Miandrivazo au sud (Toliary) à l'exception des lagunes, marais et riviéres.

1.2.1 Les zones de production principales dans le Faritany d'Antananarivo

- Le lac Itasy

Situé à quelques 140 km à l'ouest d'Antananarivo, ce plan d'eau d'une superficie de 3.500 ha a joué un rôle très important dans l'approvisionnement en poissons frais des marchés de la capitale. En effet, sa production a connu une baisse considérable depuis plusieurs années. Si vers les années 1964 le tonnage débarqué êtait estimé à 1.400t/an avec 200 à 300 pirogues et environ 700 pêcheurs, soit un rendement de 400 kg/ha/an, actuellement il oscillerait autour de 300t/an pour 800 pêcheurs sur 350 pirogues monoxyles, soint un rendement d'environ 85 kg/ha/an.

Soulignons entre autres, la pêche aux anguilles : Anguille mossambicaet A. nébulosa labiata (cette dernière est en voie de disparition) qui se pratique en période pluvieuse à l'exutoire du lac dans des case-piéges (20). Sa production, en 1963 était estimée à 30t/an, actuellement le tonnage débarqué est faible.

- Le réservoir de Tsiazompaniry

Plusieurs déversements ont été entrepris avec des tilapia, black-bass et carpes, mais quelques espéces seulement ont pu se maintenir. L'enquête-cadre a recensé 114 pêcheurs piroguiers, 69 pirogues monoxyles, 4 sennes de plage et 200 filets maillants.

La capture annuelle a été de 77t, vendus presque exclusivement au marché d'Analakely, à l'état frais et de belle taille, par les membres des coopératives de pêcheurs eux-mêmes, ce qui montre la réceptivité des pêcheurs, leur sens de l'organisation.

- Le réservoir de Mantasoa

Ce barrage a été construit en 1935 à des fins similaires à celui de Tsiazompaniry.

Après plusieurs déversements de tilapia, black-bass, gouramier (Osphromenus goramy), seules les espèces suivantes ont pu se maintenir : tilapia, black-bass, carpes, cyprins dorés.

Etant donné sa proximité de la capitale (60 km environ) cette retenue d'eau peut encore jouer un rôle important pour son approvisionnement en poissons frais. Malheureusement, nous croyons savoir que sa production continue de chuter.

Des réempoissonnements en espèces planctonophages (Tilapia nilotica) doivent être envisagés sous peu si l'on souhaite accroître la productivité de ce lac qui reste toujours un pôle d'attraction touristique.

Actuellement, 155 pêcheurs piroguiers et 85 pêcheurs à pied y opérent avec 60 pirogues monoxyles ou barques. On y a recensé 2 filets sennes, 81 filets maillants, 20 éperviers et 97 lignes.

Etant donné la faiblesse de la production, la majorité des produits est écoulée sur place ou au marché de Manjakandriana, seule une infime partie des prises parvient jusqu'à Antananarivo pour être vendue de porte à porte.

- Les plans d'eau de la région d'Antanetibe/Ambatomanoina

Plusieurs lacs et étangs dont Ankarakaraka, Andranofotsy et Amparihikambana, d'une superficie approximative de 650 ha, sont situés dans le Fivondronana d'Anjozorobe.

L'enquête-cadre (1989) a recensé 239 pêcheurs dont 105 opérent à pied. Les embarcations les plus utilisées sont les pirogues monoxyles (47) et les barques (10).

Les engins de capture sont les filets maillants, les éperviers et la nasse traînante. Estimé à 69t, le tonnage débarqué est vendu presque exclusivement sur place et composé de Tilapia sp, black-bass, cyprins dorés et gambusies.

Les fibata prennent de plus en plus de place dans la capture.

1.2.2 Les zones de production principales dans le Faritany de Mahajanga

- Le lac Kinkony

Situé à 87 km du sud-ouest de la ville de Mahajanga, le deuxième lac de Madagascar d'une superficie de l'ordre de 13.500 ha est relié au canal de Mozambique (à 50 km) par l'intermédiaire de la Mahavavy-sud et l'exutoire du lac: la Kotomay. Auparavant, 17 espéces autochtones l'ont peuplé (dulcaquicoles et euryhalines) dont les Paretroplus sp., Mugil sp., Megalops cyprinoides.

Des déversements naturels ont été depuis enregistrés par l'intermédiaire de la Mahavavy à la faveur des grandes inondations.

Vers 1968, la production totale du lac oscillait entre 700–800t/an, principalement composée de besisika (Megalops cyprinoides), gogo (Arius madagascariensis) et ranaobe (Tilapia macrochir). A ce moment, les moyens de production étaient composés de : sennes de plage (105), filets maillants (20) et nasses dormantes (475).

L'enquête-cadre a recensé en 1989 : 193 pêcheurs, 117 pirogues monoxyles avec comme engins de capture 27 sennes, 80 maillants, 12 nasses dormantes pour une capture totale de l'ordre de 357t/an.

Cette baisse de la production est due principalcment à l'utilisation d'engins de captures avec des mailles réduites (< 40 mm de côté). En outre, la présence d'un grand nombre de filets sennes a contribué à réduire la potentialité de ce lac. En effet, ces filets grands preneurs sont peu sélectifs surtout si les mailles utilisées sont inférieures aux normes requises et destructifs des zones frayères si on les emploie au moment de la période de reproduction.

Notons la disparition des damba (Paretroplus dami) dont les produits fumés constituent un met succulent très prisé sur les marchés de la capitale.

- Les autres plans d'eau du Faritany de Mahajanga

Les Fivondronampokontany de Mahajanga II, Marovoay, Maevatanàna, Ambato-Boéni, Boriziny, Mampikony, Antsohihy, Analalava et Bealalana recèlent d'importants plans d'eau très poissonneux.

En effet, outre les lacs permanents qui s'y trouvent, les fleuves et rivières qui les sillonnent débordent au moment des fortes crues pour déverser dans les vasques en bordure des berges leurs eaux avec leurs contingents de poissons. Certains de ces lacs sont tarissables, d'autres permanents.

Sur les plans d'eau d'une superficie totale supérieure à 13.084 ha recensés en 1989, la production a été estimée à 3.462t/an. Mais nous pensons que les possibilités réelles en produits d'eau douce de ces régions dépassent largement ce tonnage. En effet, plusieurs plans d'eau ne sont pas encore inventoriés à l'heure actuelle et bien que l'activité de pêche y soit temporaire, surtout pour les lacs tarissables, les petits poissons dénommés “maimbokely” destinés à l'alimentation animale (farine de poissons), font l'objet de transactions commerciales intenses dont on ne connaît pas les statistiques depuis quelques années. Les espèces capturées varient suivant les régions, mais les espèces suivantes dominent : Tilapia spp, Cyprinus carpio, Arius madagascariensis, Mégalops cyprinoides, Ptychochromis oligacanthus, Pellonulops madagascariensis, Mugil sp, Hétèrotis niloticus et les Anguilla sp..

1.2.3 Les zones de production principales dans le Faritany de Toamasina

- Le lac Alaotra

Avec une superficie d'environ 20.000 ha, ce plan d'eau occupe la première place tant en superficie qu'en production. Ce lac tectonique de forme allongée (40 sur 6 km) est entouré d'un vaste marais contigu de Cyperus madagascariensis (zozoro) de 55.000 ha qui joue un rôle important à l'équilibre biologique du lac.

Le lac, par sa position en altitude est pauvre en espèces autochtones. A cet effet, plusieurs déversements ont été ensuite entrepris au cours des années notamment;

En 1962, MOAL de la SCET/COOPERATION a estimé la production annuelle du grand lac à 2.400t/an, COLLART A., en 1980 a effectué des enquêtes et avance le chiffre de 4.000t/an qui apparaît comme la prise maximale annuelle que ce plan d'eau peut supporter. Quant à l'enquête-cadre en 1989, des enquêtes sur 67 villages de pêcheurs ont permis de sortir les résultats suivants :

Les produits sont, soit consommés sur place (Ambatosoratra, Andreba, Ambatondrazaka, Tanambe, Amparafaravola), soit fumés-séchés (Anororo, Imerimandroso) pour être expédiés vers Toamasina ou Antananarivo par chemin de fer ou voiture ou à pied (jusqu'a Vavatenina).

Le diminution de la production serait probablement due à l'utilisation de filets sennes à mailles réduites et dans un degré moindre à l'infestation du lac par les prédateurs (FIBATA).

A l'exutoire du lac, le long de la rivière Maningory, la pêche aux anguilles a été effectuée depuis plusieurs années à partir du village d'Ambatomafana, à 5 km de la bifurcation entre Vohimenakely et Imerimandroso. La pêche se pratique en période pluvieuse (novembre-mars) au moment de la période d'avalaison des sujets matures.

Les produits ainsi obtenus sont quasiment fumés-séchés pour être commercialisés vers Ambatondrazaka ou Antananarivo.

- La pêche dans les Pangalanes

L'ensemble des Pangalanes-est couvre une superficie d'environ 18.000 ha, non compris les immenses marais qui couvrent parfois des centaines d'hectares. Les eaux des Pangalanes sont légèrement saumâtres (500–5.000 mg de Nacl/litre), du fait qu'en certains endroits, ses eaux sont en communication avec la mer. La faune ichtyologique qui prédomine est constituée par les espèces enryhalines, notamment les mulets, anguilles, …

La pêche aux “Vila” (barrage à poisson en forme de V), dont l'extrémité pointue est pourvue d'un piège en grillage plastique ou en fibres végétaux locaux est pratiquée sur le canal au moment des migrations saisonnières des mulets et des crevettes.

La production de ce plan d'eau régresse chaque année du fait de la fermeture de certaines embouchures empêchant la circulation des poissons catadromes.

1.2.4 Les zones de production principales dans le Faritany de Toliara

Avant le bitumage de l'axe Antsirabe-Morondava, les plans d'eau du Faritany de Toliara ne faisaient pas l'objet de pêche commerciale par suite de l'inexistence de voies d'évacuation. Actuellement, plusieurs plans d'eau de la région de Miandrivazo et Belo/Tsiribihana font l'objet de pêche commerciale intensive.

Les plans d'eau de cette région couvrent approximativement une superficie de 20.000 ha et sont très poissonneux à l'instar de ceux du Faritany de Mahajanga qui sont périodiquement “réempoissonnés” lors des débordements des crues annuelles.

- Les lacs de la région de Belo/Tsiribihina

Les produits de Belo/Tsiribihina sont vendus frais au marché local dont la capacité de vente journalière est aux alentours de 400 kg/jour, tandis que la majorité des produits est séchée pour être expédiée vers les grands centres de consommation (Antananarivo, Antsirabe, Ambositra, Fandriana). Etant donné l'état actuel de la route reliant Belo à la route bitumée, la pêche est de fait fermée pendant la saison pluvieuse.

En 1989, les pêcheurs recensés au nombre de 819, munis de 418 pirogues monoxyles, 227 filets sennes, 249 filets maillants, 240 nasses dormantes et 30 éperviers. La production annuelle a été estimée à 2.812 kg t/an.

- Les lacs de la région de Miandrivazo

La majorité des produits sinon la totalité est vendue frais, soit au marché local, soit vers les grands centres de consommation (Antananarivo, Antsirabe, Ambositra) à cause du récent bitumage de l'axe Antsirabe-Miandrivazo.

Plusieurs petits plans d'eau de cette région risquent de connaître “l'overfishing” au cours des années qui viennent si l'on augmente encore l'effort de pêche (cas de Bofo, Tsimalaijohary, Andimaky et Ankeokeo). La fermeture périodique de la pêche pendant une période de 2 mois coincidant avec les périodes culturales a contribué à limiter les effets de l'exploitation intensive des plans d'eau de cette région.

L'enquête menée en 1989 sur 25 plans d'eau de la région fait état de 352 pêcheurs dont 20 à pied, 233 pirogues manoxyles, 5 sennes, 275 filets maillants, 96 nasses dormantes, 100 harpons et 40 tulles moustiquaires. La capture annuelle a été estimée à 566t environ.

1.2.5 La pêche dans le Faritany de Fianarantsoa

A priori, ce Faritany ne dispose pas de plans d'eau importants pouvant justifier jusqu'ici une quelconque activité commerciale de la pêche continentale. Cependant, en certains endroits (cas de la rivière Ihosy) des pêches commerciales sont entreprises 10 mois/12 par des pêcheurs professionnels. Les produits sont vendus soit à Ihosy, soit à Fianarantsoa et Ambalavao.

Signalons aussi la pêche lagunaire sur la côte est de ce Faritany, le long du canal des Pangalanes, où la production n'est pas négligeable (lagune de Masianaka).

1.2.6 La pêche dans le Faritany d'Antsiranana

Jusqu'ici, peu de renseignements sont connus sur la pêche continentale dans ce Faritany. Notons cependant l'existence de 2 lagunes assez importantes : Ampahana (près d'Antalaha) et Sahaka (près de Vohémar). Le Sory (Paretroplus petiti) est une espèce très prisée par les consommateurs locaux et sa prise très élevée a entraîné la surexploitation de cette espèce.

1.3 Les autres produits d'eau douce

Les crustacés et batraciens sont autant de produits d'eaux douces qui ont fait depuis fort lontemps l'objet de pêche ou collecte et de transactions commerciales plus ou moins importantes. Malheureusement, si les grandes zones de pêche de ces produits sont quasiment connues, il n'en est pas de même en ce qui concerne leur potentialité. Les espèces les plus commercialisées sont : les écrevisses (Astacoides sp.), les camarons d'eaux douces (Macrobrachium sp.), les caridines (Caridina nilotica), les cuisses de nymphes (Mantidactylis guttulatus, Ptychadaena madagascariensis, Racophorus gondotti, et les crabes d'eau douce (Hydrotelphysa sp.).

2. L'AMENAGEMENT DE LA PECHE CONTINENTALE

En général, la population piscicole autochtone de l'île est pauvre et était constituée d'espèces à faible résilience. C'est ce qui a amené l'administration à introduire de nouvelles espèces à forte résilience entre autres, Cichlidé, Cyprinidés, etc…

Ces espèces ont, une dizaine d'années après leurs déversements, colonisé plusieurs plans d'eau et occupé les niches écologiques encore vides pour prendre la place des espèces autochtones dans les captures. Il y a lieu de signaler surtout l'élasticité des Tilapia sp. qui colonisent presque tous les plans d'eau de l'île.

Comme nous l'avions vu plus haut, l'accroissement de la population s'est fortement accrue depuis une quinzaine d'années ; ce qui a provoqué la surexploitation de certains plans d'eau près des centres de consommation et des voies d'évacuation.

Le but des aménagements est de parvenir à une exploitation rationnelle des ressources existantes à un niveau qui garantit des rendements stables pour l'avenir. En ce qui nous concerne, plusieurs mesures ont été déjà prises par l'administration pour aménager les plans d'eau exploités plus au moins intensivement.

Légalement, toute pêche commerciale doit faire l'objet d'autorisation délivrée, actuellement par le président du C.E du FAR. sur proposition du Chef du service provincial de la pêche et de l'aquaculture. Cette mesure vise surtout à limiter l'effort de pêche dans un plan d'eau donné. Cependant, elle n'est pas généralisée dans tout Madagascar.

Situation des amodiations de droit de pêche par Faritany en 1989

  Amodiations en cours
Antananarivo6
Antsiranana-
Fianarantsoa8
Mahajanga175
Toamasina1
Toliary20
Total210

Les pêcheurs des Faritany d'Antsiranana et de Toamasina en général et une grande partie des autres Faritany, n'accordent qu'une importance relative en ce qui concerne l'autorisation de pêche en eaux douces et saumâtres pour diverses raisons, notamment :

En outre, la pratique des méthodes ou d'utilisation d'engins de pêche sont réglementées par l'arrêté n °2233-MAP/FOR du 22 octobre 1960 (maillage, taille minimum à la capture, produits par engins prohibés, …).

Néanmoins, un cas particulier est cependant observé dans le Faritany de Mahajanga en ce qui concerne la pêche dans les lacs tarissables où une jurisprudence a été adoptée depuis plusieurs années. En effet, les amodiataires dans ces plans d'eau peuvent utiliser des filets à mailles inférieures à 40 mm. Dans ce biotope particulier, si l'on ne capture pas tous les poissons, ils pourriront sur place ou serviront de repas aux oiseaux de proie.

3. LES PROBLEMES ET CONTRAINTES LIES A L'EXPLOITATION ET A L'AMENAGEMENT DES GRANDS PLANS D'EAU

4. LES SOLUTIONS PROPOSEES

EXPOSE III - 4 (A)

L'AQUACULTURE EN EAU DOUCE EXEMPLE D'UNE NOUVELLE APPROCHE DE DEVELOPPEMENT

Par

JANSSEN J.,
CTP - MAG/88/005

1. INTRODUCTION

Il est difficile de définir d'une manière simple ce qu'on entend par développement en général et développement rural aquacole en particulier. D'une façon simplifiée, on pourrait dire que la dynamique de processus de développement devrait se traduire par une amélioration des conditions de production et de la productivité, devant engendrer une augmentation des excédents commercialisables et, par conséquent, des revenus de l'aquaculture. D'autre part, l'augmentation des produits de pêche continentale doit réduire le déficit en protéines animales, particulièrement dans des zones à forte densité démographique.

Cet exposé se limite à l'élevage de poisson en étang (pisciculture) et/ou en rizière (rizi-pisciculture), d'approfondir le problème : “comment développer les ressources aquacoles en eau douce”.

Rappelons que Madagascar dispose de 800.000 à 900.000 ha de rizières irriguées dont une partie non négligeable estimée à environ 150.000 ha, sont propices à la rizipisciculture ou pisciculture, ce qui correspond à un potentiel de production de 30.000–45.000t de poissons par an.

En dehors de ce potentiel exceptionnel, Madagascar dispose de 160.000 ha de plans d'eau naturels propices à la pisciculture et la pêche (Rabelahatra, 1988).

Il convient de souligner l'importance de cette production piscicole. En effet, cette quantité de poissons est produite et consommée (dont une grande partie autoconsommée par les éleveurs) dans des zones rurales à forte densité démographique déficitaire en produits de la pêche. De plus, la spéculation rizipiscicole ou piscicole ne requiert pas de frais d'investissement majeurs pour une production de produit halieutique de 200–300 kg/ha/4–5 mois en rizipisciculture et de 500–2000 kg/ha/an en pisciculture en étangs.

2. HISTORIQUES

Suite à l'introduction des espèces exotiques (carpe commune et tilapias), la pisciculture a pris son essor dans les années 50 et début 60 et en 1962. On dénombrait 85.000 étangs de pisciculture familiale. A partir de 1961, on constate un important déclin et la plupart des étangs ont été abondonnés. Ce déclin est essentiellement dû au manque d'alevins en milieu rural et à la méconnaissance des techniques d'élevage. Dès 1966, les recherches piscicoles du Centre technique forestier tropical (CTFT) ont été concentrées sur la mise au point de la technologie de la production d'alevins de la carpe commune var royale, espèce à croissance rapide, très prolifique, appréciée par les consommateurs et parfaitement adaptée au biotope rizière sur les Hautes Terres malgaches. A partir de 1974, le Gouvernement avec l'assistance technique d'un projet multidisciplinaire PNUD/FAO, s'efforçait de renforcer les infrastructures piscicoles par l'aménagement de plusieurs stations piscicoles principales (Sisaony, Analamazaotra, Ambatolampy/Ambatofotsy, Analabe et Ambohidray) dans le but d'accroître la production d'alevins nécessaire à l'empoissonnement des rizières et étangs.

3. PRINCIPALES CONTRAINTES AU DEVELOPPEMENT DE L'ELEVAGE DE POISSONS EN EAU DOUCE

L'élevage de poissons en eau douce autant en rizière qu'en étang, n'a jamais démarré de façon substantielle et durable. Les quantités de poissons produites sont restées relativement modestes. Et cela malgré un potentiel piscicole important, un engouement et un enthousiasme de la population rurale non négligeable, et bien que la pisciculture ait fait l'objet d'une attention particulière des autorités responsables depuis plusieurs décennies. Les principaux facteurs limitants de ce faible développement sont la méconnaissance des techniques d'élevage appropriées mais surtout le manque d'alevins indispensable au démarrage d'un élevage de poisson. Rappelons que sur les IIautes Terres, la reproduction de poissons est saisonnière et que les alevins ne sont disponibles que pendant une période relativement courte, c'est-à-dire 2–3 mois par an. Cette période varie légèrement en fonction de l'altitude/température et est située entre novembre et février. La méconnaissance des techniques d'élevage appropriées est sans doute importante et a jusqu'à présent, les répercussions sur la quantité de poissons de consommation produits, mais n'est pas considérée comme l'entrave principale. Elle est plutôt le résultat d'un manque d'expérience de la part des paysans rizipisciculteurs et/ou pisciculteurs. Une disponibilité en alevins en milieu rural de façon sûre, pérenne et en quantités suffisantes pendant plusieurs années consécutives ainsi qu'une campagne de sensibilisation/vulgarisation des techniques de production adéquate adaptés avec la meilleure combinaison intrants/productions possible, résoudraient sans doute ce problème qualitatif.

Le problème majeur est done le manque d'alevins en milieu rural et cette entrave anglobe deux aspects. Premièrement, la production d'alevins (reproduction et alevinage jusqu'à une taille de 2–4 cm) par des stations piscicoles et deuxièmement la distribution de ces alevins auprès des producteurs (rizipisciculteurs et pisciculteurs). Jusqu'à présent, ces activités de production et distribution d'alevins ont été réalisés par l'Etat avec ou sans assistance technique d'un bailleurs de fonds. A partir des statistiques du Ministère, nous avons pu réaliser ci-après l'histogramme qui retrace les quantités d'alevins distribués aux paysans depuis la campagne 1975–76 jusqu'à présent. On constate que, d'une part, les quantités d'alevins distribuées ne représentent l'empoissonnement en bonne et due forme que d'une surface limitée (jusqu'à 600 ha) et d'autre part, ces quantités fluctuent en fonction de l'aide financière et technique obtenue. Cet histogramme montre également la fin du projet multidisciplinaire (1981–82) et le démarrage d'un nouveau projet RDM/PNUD/FAO (1985–86).

En plus, le coût de cette intervention de l'Etat est très élevé. Une étude réalisée en 1987 a démontré qu'au niveau des stations piscicoles, le prix de revient de l'alevin départ station, après amortissement des équipements, des infrastructures existantes et du fonctionnement de l'assistance technique (32 FMG/alevin) excède le prix de vente (20 FMG/alevin) de 60%. Si à ceci, on ajoute les charges de commercialisation (20 FMG/alevin), on obtient un prix de revient rendu paysan, amortissement compris, de 60 FMG/alevin, ce qui représente trois fois le prix de vente des alevins. Il faut également souligner que le coût de revient des alevins départ station, en calculant uniquement les frais de campagne et de la main d'oeuvre, s'élève à 10 FMG/alevin.

Enfin, même si l'Etat pourrait produire et distribuer des alevins au prix coûtant, il est certain que la capacité de production et de distribution de ce dernier sera toujours limitée par rapport à la demande d'où, la proposition d'une nouvelle approche pour le développement de l'élevage de poissons en eau douce.

4. NOUVELLE APPROCHE DE DEVELOPPEMENT

Afin de résoudre les contraintes mentionnées ci dessus, une nouvelle stratégie de développement de la (rizi)pisciculture basée sur deux phases de développement a été mise au point.

4.1 Phase - I

La première phase est centrée sur l'introduction, la sensibilisation et la vulgarisation de l'élevage de poissons de consommation en rizière et en étang par le biais d'un réseau de vulgarisateurs piscicoles afin de préparer au mieux la deuxième phase. Ces vulgarisateurs sont engagés de façon temporaire pendant cette première phase de développement. Les alevins nécessaires pour les empoissonnements des rizières et étangs de pisciculture sont encore produits et distribués par l'Etat.

4.2 Phase - II

La deuxième phase est caractérisée par la mise en place d'un réseau autonome et indépendant de producteurs d'alevins en milieu rural ainsi que par le retrait des vulgarisateurs piscicoles. Ces derniers sont prioritaires pour devenir producteurs privés d'alevins. Les producteurs d'alevins ne devraient pas seulement assurer la production et la distribution des alevins mais également, dans l'intérêt de commercialiser leur production, la sensibilisation et la vulgarisation des techniques appropriées auprès des paysans rizipisciculteurs et pisciculteurs. L'encadrement de ces producteurs d'alevins est assuré par un nombre très restreint d'agents permanents.

5. REALISATIONS

Le Gouvernement, avec l'assistance technique de deux projets consécutifs PNUD/FAO, applique sur le terrain cette nouvelle approche depuis 1985. Ces projets opèrent dans une zone d'intervention limitée d'autant plus qu'un des objectifs principaux est de tester la viabilité de cette nouvelle approche.

Un premier projet (1985–1988) a identifié, formé et installé un réseau de 30 vulgarisateurs piscicoles dans la région d'Antsirabe, l'actuelle circonscription de la pêche et de l'aquaculture du Vakinankaratra. La création de ce réscau a permis la sensibilisation et l'encadrement technique de plus de 7.000 paysans (rizi)pisciculteurs ainsi que la distribution d'au moins 400.000 alevins lors de la campagne de cession 1987–88. La surface exploitée était de l'ordre de 500 ha dont 425 ha de rizière et 25 ha d'étangs pour une production dépassant légèrement 100t/an lors de cette campagne. La production d'alevins nécessaire pour la campagne de cession a été produite par la station piscicole d'Ambatolampy/Ambatofotsy.

Cette première phase a confirmé l'intérêt et l'engouement des paysans agriculteurs pour la (rizi)pisciculture en tant qu'activité agricole non contraignante. Cet intérêt des paysans pour la (rizi)pisciculture s'explique du fait que cette spéculation ne nécessite pas d'investissement, de frais considérables et qu'elle pourrait laisser un revenu monétaire complémentaire non négligeable pour l'exploitant. Ces revenus peuvent atteindre de 2.000–3.000 FMG/are pour la rizipisciculture et de 1.000 7.000 FMG/are pour la pisciculture (ceci est calculé sur la base d'une commercialisation totale de la production).

Un deuxième projet (1989–91) a commencé l'année dernière avec l'installation des premiers producteurs d'alevins en milieu rural. Lors de la campagne précédente (1989–90), le nombre de producteurs opérationnels était de neuf pour une production légèrement inférieure à 100.000 alevins distribués. Lors de la campagne actuelle (1990–91), ils seront au nombre de 23 pour une production d'alevins cessibles estimée à environ 250.000–300.000. Pour la prochaine campagne (1991–92), ils seront probablement autour de 35–40. L'idendification ainsi que l'encadrement de ces producteurs d'alevins sont assurés par 5 agents de terrain choisis parmi les meilleurs vulgarisateurs de la première phase. Ces derniers n'ayant pas de site pour s'installer comme producteurs d'alevins, sont formés, supervisés et aidés par l'équipe du projet. Les vulgarisateurs restants se sont, soit installés comme producteurs privés (9), soit remis à la disposition du Gouvernement pour être affectés ailleurs. Les autres ont préféré démissionner afin de se concentrer sur les activités agricoles familiales.

Bien que l'objectif de développement soit la mise en place d'un réseau de producteurs d'alevins indépendants et autonomes, le projet a mis en place, dans un premier temps, un crédit piscicole (fonds autorenouvelable) géré par une institution bancaire (BTM) et un service d'intrants piscicoles dont peuvent disposer les producteurs d'alevins, ceci afin de faciliter leur installation et de réduire la période nécéssaire avant d'atteindre une production de croisière. Afin de maintenir un taux de croisance soutenu dans ce nouveau secteur, une partie des revenus créés à la fin de chaque cycle productif, doit impérativement être consolidée, soit sous la forme d'investissements productifs, soit sous la forme d'épargne mobilisables.

Notons encore que, la zone d'intervention du projet a été élargie dans les régions d'Ambositra et Fianarantsoa (CIRPA de Fianarantsoa) afin de pouvoir répéter l'expérience de la région d'Antsirabe en vue de mieux évaluer la nouvelle stratégie de développement, en particulier l'importance et la durée de chacune des deux phases de développement. Ainsi, nous avons débuté l'année dernière la première phase dans cette nouvelle zone d'action avec l'identification, la formation et l'installation d'une trentaine de vulgarisateurs piscicoles et nous espérons pouvoir démarrer la deuxième phase dès l'année prochaine, c'est-à-dire, après deux années de la première phase.

Bien que, depuis 1985, nous avons pu répondre à un certain nombre d'incertitudes/questions, plus nombreuses encore sont celles qui restent à résoudre. Parmi les plus importantes questions à résoudre, on note :

Il faudrait impérativement attendre la fin du projet avant de pouvoir apprécier la nouvelle approche à sa juste valeur et surtout avant d'appliquer cette méthodologie dans les autres régions malgaches à vocation piscicole.

6. CONCLUSION ET CONSEQUENCE

Bien que les résultats de cette nouvelle approche soient jusqu'à présent prometteurs et encourageants, il est encore trop tôt pour tirer une conclusion définitive. Si cette stratégie de développement s'avère adéquate et appropriée, ceci implique de la part du Gouvernement, une révision des objectifs des stations piscicoles principales, étant donné que leur objectif principal actuel, qui reste la production d'alevins, sera repris par le réseau des producteurs d'alevins en milieu rural.

Il faudrait également étudier si ces nouveaux objectifs pourront être pris en charge par le secteur privé, ce qui ouvre la voie pour une privatisation de ces stations. Au cas où ces stations restent sous la responsabilité de l'Etat, il serait impératif de doter ces stations piscicoles d'un statut juridique leur donnant une certaine autonomie financière, seule garantie possible d'une gestion efficace et d'une productivité croissante.

EVOLUTION DES CESSIONS D'ALEYINS

(Sources:statistiques DPA)

EXPOSE III - 4 (B)

AQUACULTURE EN EAU COTIERE

Par

AVALLE O., CTP, FAO MAG/88/006

La production de la pêche crevettière malgache est estimée à 9.000 tonnes environ. Cette production est proche du maximum admissible sans nuire au stock naturel situé dans sa majorité sur la côte Ouest. L'expansion de ce secteur d'activité ne pourra donc se faire que par le biais de l'aquaculture.

Une étude de faisabilité réalisée en 1986 pour le compte du PNUD et de la FAO a précisé les potentialités en matière d'élevages de crevettes pour la zone nord–ouest de Madagascar. Cette conclusion a permis de:

Cette ferme pilote située à Nosy-Be a été financée par le Gouvernement malgache à 40%, le PNUD/FAO à 40% et les Pêcheries de Nosy-Be à 20%.

Outre les conditions générales d'environnement favorables dans l'ensemble à la réalisation d'un tel projet, le choix de Nosy-Be a été également guidé par des considérations logistiques. Ce pilote a fait l'objet d'une étude détaillée reposant sur une étude topographique et des analyses de sol.

La construction de la ferme a commencé en septembre 1988, les travaux ont été terminés en janvier 1989.

Les installations comprennent :

Les objectifs de ce pilote sont :

1. CHOIX D'UNE ESPECE

Le choix d'une espèce est guidé par de très nombreux critères, certains purement biologiques : mode de reproduction et nombre d'oeufs pondus, poids final atteint, etc…, d'autres sont essentiellement des données propres à l'espèce dans des conditions spécifiques d'élevages : vitesse de croissance, survie, besoins nutritionnels, … Enfin, l'état du savoir faire biotechnique pour l'espèce retenue doit avoir atteint un niveau de fiabilité suffisant.

Pour Madagascar, les espèces les plus répandues et les plus pêchées par les pêcheries industrielles et artisanales sont : P. indicus, P. monoceros, P. semisulcatus et P. monodon.

Les espèces P. indicus et P. monodon ont été retenues car les techniques de reproduction et de grossissement sont bien maitrisées et donnent des résultats satisfaisants en élevage.

Toutefois, des essais sur P. semi–sulcatus sont actuellement en cours. Cette espèce peu connue en aquaculture donne généralement des croissances faibles et des survies basses. L'intérêt de cette espèce serait de bien tolérer des salinités élevées donc d'être exploitée dans des zones à forte salinité où il n'y aurait pas de dessalure.

Le critère définitif pour le choix d'une espèce est celui de sa rentabilité au niveau de la production et enfin du marché. A l'heure actuelle, la demande se porte surtout sur les crevettes de grosses tailles d'un poids compris entre 20 et 40 gr.

Sur l'ensemble des résultats acquis par la ferme pilote au cours des 18 élevages pratiqués pendant la première année de production, on peut dire que P. monodon reste l'espèce la plus intéressante dans le contexte de Madagascar car elle garantit le meilleur compromis entre sécurité de production, productivité acceptable, taille marchande élevée et coût de production réduit.

2. ENCLOSERIE

La mise en place de fermes industrielles et artisanales passent par la maîtrise de l'ensemencement des bassins en post–larves.

Plusieurs solutions sont possibles :

La collecte dans le milieu naturel de post–larves ou de juvéniles est possible pour certaines espèces comme P. indicus. Par contre, pour le P. monodon, espèce peu répandue dans la zone nord–ouest, la collecte ne peut être envisagée car, à ce jour, les prélèvements effectués dans les estuaires n'ont donné que des pourcentages infimes de post–larves de P. monodon par rapport aux autres espèces. Le risque est donc d'ensemencer avec un mélange d'espèces et d'obtenir des résultats de croissance très faibles.

L'écloserie de la ferme pilote a démontré la fiabilité du système en produisant plus de 6 millions de post–larves en un an.

Les géniteurs utilisés pour la reproduction provenaient pour les 2 premières productions, du milieu naturel.

A la suite des différentes récoltes obtenues sur la ferme, les gros animaux mâles et femelles furent sélectionnés et grossis dans un bassin de géniteurs afin d'atteindre la taille suffisante.

Actuellement, l'écloserie se fournit essentiellement sur son propre stock de géniteurs pour la reproduction.

Les résultats obtenus avec les 2 espèces locales retenues sont excellents. En captivité, les femelles P. monodon pondent plus d'un million d'oeufs par ponte et environ 300.000 oeufs pour P. indicus.

La durée du cycle d'élevage larvaire est de 15 jours, ensuite les post–laves passent par une phase de prégrossissement avant d'être ensemencées dans les bassins.

3. GROSSISSEMENT

Depuis juillet 1989, date des premiers ensemencements, la ferme de Nosy-Be à réalisé 18 élevages représentant une production de plus de 12 tonnes de crevettes.

Les élevages on permis de tester les 2 espèces retenues, P. monodon et P. indicus a des densités différentes et avec des aliments différents.

A différentes densités correspond une technique particulière.

L'extensif se pratique généralement dans des bassins à marée où le renouvellement, par le jeu des marées, est faible. Les densités de crevettes sont de 0,5 à 1 par m2. Il n'y a pas d'apport d'aliments composés : seul la production naturelle parfois soutenue par les engrais sert de nourriture aux crevettes.

Les rendements sont faibles et aléatoires, de 60kg à 300kg/ha/an.

Le semi–intensif est la technique d'élevage la plus répandue surtout en Amérique latine. L'élevage se pratique dans des bassins en terre de grande superficie et une installation de pompage permettant des renouvellements d'eau quotidiens.

Les densités sont de 5 à 7 par m2 avec apport d'aliments composés et les rendements sont de 1,5t à 2,5t/ha/an.

L'intensif est une voie d'élevage qui repose sur des techniques plus sophistiquées et réalisées dans des bassins de petite dimension et nécessitant un système d'aération complémentaire.

Les densités sont de 15 à 30/m2 et les rendements sont de 4 à 7t/ha/an. L'aliment doit être dans ce cas de très bonne qualité.

Pour résumer, on peut dire que P. indicus présente un fort ralentissement de croissance à partir de 10gr de poids moyen quelque soit l'aliment utilisé et la densité d'élevage, la survie à la pêche reste par contre toujours très élevée, proche de 90%.

Pour P. monodon, les élevages ont confirmé ses bonnes possibilités de croissance quelque soient la densité d'élevages et les conditions de salinité. Par contre, en mode semi–intensif et extensif, cette espèce nécessite l'utilisation d'un aliment composé de très bonne qualité à taux de protéines élevé donc cher.

Pour les élevages en cours et à venir, la ferme pilote doit affiner la méthode d'élevage de P. monodon pour augmenter la taille finale jusqu'à 30 gr de poids moyen afin d'obtenir des rendements à l'hectare supérieurs à 2,5 t.

La condition nécessaire pour arriver à ce résultat est de disposer d'un bon aliment.

4. ALIMENTS

La production industrielle des crevettes d'élevages passe nécessairement par l'utilisation d'un aliment composé fabriqué à l'échelle industrielle. Dans le cadre du projet pilote, les aliments sont importés de TAIWAN (aliment Président) et de MAURICE (aliment Livestock).

Les deux aliments à pourcentage de protéines élevé (45% sou forme de farine de poisson) sont des aliments chers mais nécessaires pour obtenir des croissances satisfaisantes pour l'espèce P. monodon. Par contre, pour P. indicus, la qualité de l'aliment importe moins mais nous avons vu que, quelque soit la densité, sauf en extensif pur, cette crevette ne dépasse pas 12 gr de poids final.

Sur la ferme de Nosy-Be, il y a également un atelier de production d'aliments composés destinés aux crevettes. Cet atelier permet d'enseigner les bases de production d'un aliment composé réalisé à partir d'ingrédients locaux uniquement (soja, blé, têtes de crevettes, manioc, etc…). Les résultats obtenus avec cet aliment à taux de protéine de 18% sont nettement inférieurs à ceux obtenus avec les aliments importés. La différence est plus importante encore pour P. monodon que pour P. indicus.

L'absence de bonne farine de poisson dans cet aliment ne nous permettra jamais d'atteindre des croissances correctes.

La solution retenue pour la suite des tests d'élevage avec aliment local sera de produire à l'échelle du pilote un granulé de bonne qualité sur la base d'un concentré importé de France et de l'incorporation d'ingrédients disponibles localement.

Pour conclure avec la ferme pilote de crevettes, il faut parler d'un des objectifs de ce projet qui est celui de la formation du personnel et de l'assistance aux développements.

Les 20 personnes composant l'équipe de la ferme, cadres biologistes issus de l'USFH, techniciens et ouvriers ont pu, au cours de ces 2 années, acquérir une formation complète en aquaculture intégrant écloserie, grossissement, alimentation, gestion, organisation du travail, etc…

Ces aquaculteurs seront prêts en temps venu à participer aux développements des futures fermes aquacoles qui, nous l'espérons tous, verront très prochainement le jour sur la côte malgache.

5. LES AUTRES AQUACULTURES

S'il est vrai que l'élevage des crevettes de mer peut être considéré comme une activité prometteuse à Madagascar, il existe probablement d'autres filières aquacoles susceptibles à plus long terme de connaître un certain développement.

L'élavage des crevettes d'eau douce et plus particulièrement de l'espèce Macrobrachium rosenbergii pourrait très certainement trouver dans plusieurs régions et notamment sur la côte Est des conditions bio-techniques favorables.

Sous réserve, là aussi, de résoudre les problèmes d'accessibilité aux sites, d'aliments et surtout de marché, il s'agit d'une activité qui peut être envisagée à une échelle plus artisanale que la crevette de mer. Les conditions d'élevage sont maintenant techniquement bien maîtrisées et le transport des technologies d'écloserie et de grossissement parfaitement envisageables.

Les investissements nécessaires sont proportionnellement un peu plus importants que pour l'élevage des crevettes de mer, mais les charges d'exploitation moins lourdes surtout si les sites de production permettent une alimentation d'eau des bassins par gravité à partir d'une rivière.

Le problème du marché doit être cependant examiné avec attention car il s'agit d'un produit moins connu et de valeur marchande moindre que la crevette de mer.

Parmi les espèces de poisson susceptibles d'être également intéressantes, on peut citer le poisson lait (Chanos Chanos) et les mulets pour une activité plutôt artisanale et un marché de consommation locale. D'autres espèces pourraient être envisageables à plus long terme pour une production plus massive et éventuellement un marché d'exportation. Il s'agit par exemple, du Tilapia rouge, mais aussi de certains mérous ou encore du “Loup Tropical” le Lates calcarifer. Cette dernière espèce, malheureusement non présente à Madagascar, possède des potentialités d'élevage très intéressantes puisqu'il est possible dans certaines conditions d'exploitation, particulièrement en cages flottantes, d'obtenir des rendements très élevés (supérieurs à 40 kg/m3/an).

Des techniques sont actuellement pratiquement au point et ces élevages seront envisageables à plus ou moins long terme. Là aussi, s'agissant d'espèces “nobles” et relativement coûteuses à produire, les marchés d'exportation possibles doivent être soigneusement étudiés.

Madagascar possède très certainement un grand potentiel en matière de conchyliculture, c'est-à-dire d'élevage d'huîtres ou de moules.

Cependant, les essais réalisés depuis de nombreuses années sur des espèces locales, en particulier dans la région de Toliary, semblent démontrer qu'il conviendrait de se tourner vers des espèces élevées dans d'autres régions du monde, dont les techniques de production de masse sont bien maîtrisées et qui possèdent un fort potentiel de croissance.

Des essais pourraient être menés (avec toutes les précautions liées à l'introduction d'espèces) sur l'huître japonaise (Crassostrea gigas) et la moule verte des Philippines (Pernaviridis).

Enfin, on ne peut clore ce court exposé sans citer les algues qui apparaissent de plus en plus comme un produit aquacole d'avenir du fait de la part importante qu'elles prennent dans l'industrie agro–alimentaire et les cosmétiques.

Des essais, actuellement entrepris dans la région de Toliary sur l'algue EUCHEMA semblent, selon les experts, prometteurs.

EXPOSE III - 4 (C)

ELEVAGE DES CREVETTES DE MER

CONTRAINTES MAJEURES ET EBAUCHE
D'UNE STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT

Par

AUTRAND M., Consultant FAO

1. LE POTENTIEL

L'évaluation du potentiel crevetticole de Madagascar a été réalisée à la suite de deux Mission FAO (janvier 1988 et septembre 1990).

Les sites aménageables concernent exclusivement la côte ouest de l'île et représente une surface totale utile de 55.000 ha.

Cette évaluation a été effectuée en prenant en compte des coëfficients correcteurs dans les calculs de surface aménageables ainsi que certaines caractéristiques propres aux zones de sites (accessibilité, logistique, conditions d'environnement).

Une classification par odre d'intérêt a été réalisée, d'où il ressort que les sites de la côte nord ouest présentent les conditions d'environnement les plus favorables.

Ces sites sont des “tannes” (on “Sira sira”) localisés en limite supérieure de la zone intertidale. Ils sont favorables à la construction de bassins d'élevage car il s'agit de grandes surfaces planes, argileuses, mais pour lesquelles il sera cependant nécessaire de recourir au pompage.

Le développement crevetticole devra done s'appuyer sur une stratégie d'élevage de type semi–intensif, basé sur l'espèce Penaeus monodon.

2. LES CONTRAINTES MAJEURES

On peut distinguer des contraintes liées :

2.1 Contraintes liées aux conditions d'environnement et aux sites

Si les conditions naturelles sont favorables dans l'ensemble à la crevetticulture, le développement rencontrera dans sa phase initiale un obstacle majeur lié à l'insuffisance d'infrastructure pour l'accès et la desserte terrestre ou maritime des sites sélectionnés. Cet obstacle est de loin le plus important car il impose aux promoteurs, assistés par la puissance publique, de mettre en place des moyens permettant le désenclavement de ces zones. De tels investissements ne se justifient que si le projet atteint une taille industrielle. Un certain nombre de sites, localisé dans des régions à fort potentiel, permet d'envisager la réalisation de fermes industrielles couvrant plusieurs centaines d'hectares.

2.2 Contraintes liées à l'espèce et au niveau de connaissance biotechnique

L'espèce retenue P. monodon possède un fort potentiel de croissance et les conditions biotechniques de son élevage sont bien connues et maîtrisées dans l'ensemble. Deux caractéristiques de cette espèce constituent cependant des contraintes :

  1. la croissance est optimum pour une température de l'eau comprise entre 28° et 30° C. Au-dessous de 21° C, la croissance est fortement ralentie et s'arrête vers 22° C.

  2. Les besoins nutritionnels de P. monodon sont connus. Un aliment à teneur à protéine moyenne, de 40%, est nécessaire pour obtenir une croissance et un poids moyen acceptable. Il conviendra donc :

2.3 Contraintes liées aux conditions économiques et juridiques

Le développement d'une crevetticulture semi–intensive passe également par la nécessité d'importer une technologie mais aussi certaines consommables (énergie, produits chimiques, aliments…). Néanmoins, il convient de “nuancer” ces contraintes en considérant les points suivants :

Il est clair que le gouvernement a choisi de favoriser le développement de ce type d'activité en mettant récemment en place des mesures spécifiques (Code des Investissements et Régime de Zone Franche Industrielle) particulièrement incitatives.

L'agrément en Régime de Zone Franche n'est pas expressément reconnu dans les textes pour les élevages aquacoles industriels. Cependant, on peut considérer que la crevetticulture peut être assimilée à une activité de transformation de produits halieutiques dont la totalité de la production est destinée à l'exportation, et par conséquent bénéficier du régime de la Zone Franche Industrielle.

Certaines applications de ce régime devront probablement être “adaptées” à l'activité aquacole afin de tenir compte des conditions d'implantation particulières de cette activité.

Il conviendra également de définir des measures pour limiter le développement éventuel d'une crevetticulture extensive (basée sur une alimentation par la marée) s'effectuant au détriment de la mangrove. Nous insistons sur le fait que la filière d'élevage que nous proposons se développera sur des zones d'arrière mangrove (Tanne ou Sira Sira) et non pas au détriment de celle-ci. La mangrove doit être absolument conservée et protégée, car il s'agit d'un écosystème contribuant de manière significative à la richesse du milieu.

Une dernière contrainte d'importance concerne le “droit coutumier”. Un développement aquacole de cette envergure ne peut se faire qu'avec le plein accord du pouvoir coutumier, ceci impliquant de la part des promoteurs comme de la puissance publique une certaine compréhension et la nécessité de procéder parfois par étape, à un rythme qui n'est pas toujours compatible avec les impératifs économiques.

2.4 Craintes liées au marché

La crevette est un produit d'exportation, et soumis comme tel aux variations de prix du marché mondial. Quelques données très importantes doivent être prises en compte :

Cette augmentation récente de la production mondiale, due à l'apport de l'aquaculture, a entrainé un net tassement des cours depuis 1989. Les crevettes de taille moyenne (correspondant à la majorité des crevettes de pêche), sont les plus sensibles aux fluctuations de prix. Par contre, les crevettes de grosse taille (> à 30 g) constituent un créneau intéressant pour l'aquaculture.

Le marché n'est donc pas aussi favorable qu'il y a quelques années et la concurrence est forte. L'aquaculture doit, par conséquent, jouer sur les points faibles de la pêche (taille et qualité du produit) pour que le produit aquacole s'impose en “haut de gamme”. On a vu les contraintes et les efforts que cela implique pour le développement de l'activité à Madagascar.

3. LE CHOIX D'UN SCENARIO DE DEVELOPPEMENT

Dès 1988, le gouvernement a choisi une approche progressive en suscitant la réalisation d'un projet pilote, associant à ce projet le PNUD/FAO et un opérateur privé (les Pêcheries de Nosy-Be).

Cette collaboration a permis de réaliser très rapidement le projet et mettre en route cette ferme pilote dès 1989. Les résultats obtenus sont sur plusieurs points très encourageants et permettent clairement d'envisager la création de fermes industrielles.

Les Pêcheries de Nosy-Be, ont partagé le risque initial et ont donné, par leur dynamisme, l'impulsion nécessaire qui a conduit aux résultats que l'on connaît. Cette société a pris la décision de démarrer en 1991 la première phase d'un ambitieux projet de ferme intégrée.

Cette approche du développement de l'activité a donc montré toute son efficacité. Les principaux verrous biotechniques ont déjà été levés, un personnel local d'encadrement compétent est disponible, … Le développement va maintenant entrer dans une phase de “vraie grandeur” qui devra transporter les techniques acquises et démontrer la rentabilité économique.

3.1 Mise en place de fermes intégrées

Les fermes sont dites “intégrées” car elles devront comporter toutes les unités indispensables au bon fonctionnement du projet. A savoir :

L'investissement “de base” est donc très important. Il est souhaitable que les promoteurs bénéficient de toute l'aide de l'Etat dans cette phase et qu'ils puissent avoir accès à des conditions de financement “douces”.

Cette unité ainsi créée, jouera le rôle d'un “nucleus” qui permettra la mise en place d'autres fermes qui n'auront pas à supporter ces investissements initiaux et pourront se développer en bénéficiant, dans certaines conditions, des outils mis en place.

3.2 Les formes “satellites” (ou semi industrielles)

La ferme industrielle intégrée devra nécessairement créer des infrastructures indispensables. A travers des contrats d'assistance, la ferme “nucleus” pourra aider au développement de fermes satellites en fournissant :

Elle pourra, par ailleurs, conditionner le produit des fermes satellites et éventuellement faire bénéficier ces dernières de sa connaissance du marché.

3.3 Rôle du secteur public

Ainsi qu'on l'a vu, le secteur public a participé en tant que promoteur à la première étape du développement (ferme pilote) en associant étroitement, dès cette phase, le secteur privé (les Pêcheries de Nosy-Be).

Les objectifs du pilote ont en grande partie déjà été atteints ; les expériences et la formation se poursuivront encore au cours de l'année 1991.

Il semble souhaitable que le relais soit ensuite pris par le secteur privé afin d'éviter une situation où le projet, ayant atteint ses objectifs, “vivote” sans but précis, sur des financements incertains.

Le secteur public peut encore jouer un grand rôle en facilitant le développement par des measures appropriées et en “allégeant” autant que possible les contraintes administratives.

Dans certains cas, il serait également souhaitable que l'Etat puisse aider au désenclavement des zones aquacoles, car les projets d'aquaculture peuvent aussi servir de catalyseur à un développement agricole régional.

Les clefs de la réussite d'un grand projet de ferme industrielle, reposent sur quelques facteurs déterminants et sur une volonté réelle de l'Etat de faciliter les conditions de ce développement qui sera l'oeuvre du secteur privé national ou étranger. Il conviendrait surtout :

de définir les projets sur la base d'études de sites précises prenant en compte facteurs climatiques, qualité de l'eau, nature des sols, et possibilité de réaliser les infrastructures nécessaires ;


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