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VIII COMMERCIALISATION INTERNE ET CONSOMMATION DE POISSONS

1. Commercialisation interne

1.1. Adéquation entre zones de production et zones de consommation

L'analyse de la carte 4 montre une inadéquation entre la localisation des débarquements et les zones de forte concentration démographique à Madagascar. II apparait clairement que plus de 80 % des ressources halieutiques marines sont localisées sur la côte occidentale qui ne représente que le tiers de la longueur totale des côtes malgaches. Les eaux qui baignent les côtes Sud et Est sont beaucoup moins riches en ressources halieutiques.

Presque deux tiers des ressources estuarines sont concentrées dans le faritany de Mahajanga. Dans le cas des eaux continentales, on constate que les eaux à haute productivité sont plus dispersées (mais le potentiel de ces eaux est beaucoup moins important que celui de la mer).

La population est concentrée sur les Hauts-Plateaux et sur la côte Est (faritany d'Antananarivo, de Fianarantsoa et de Toamasina). Dans ces trois faritany vivent 69% des Malgaches alors que les produits halieutiques proviennent essentiellement de la partie Ouest du pays.

Cette inadéquation entre les zones de production et les zones de consommation pose le problème d'approvisionnement en poisson des régions peuplées à partir des régions éloignées de l'Ouest à potentiel exédentaire. Mais ce n'est pas seulement une question de disponibilité et de régularité de livraison des produits de pêche. Cette situation a influencé également l'organisation du commerce (circuit des produits, technique de conservation et prix des produits halieutiques).

Les conséquences pour la pêche continentale ont été le déséquilibre géographique du développement avec une surexploitation des plans d'eau les plus facilement accessibles. L'expansion de la pêche sur les plans d'eau plus éloignés et le développement de la pêche maritime augmentent en fait la longueur des circuits de commercialisation. Cet allongement des circuits, à son tour, demande un traitement de poissons pour leur conservation (congélation, réfrigération, salage et fumage). Les dépenses supplémentaires liées au traitement et au transport sur des distances considérables augmentent finalement le prix au consommateur.

Carte 4 : Localisation des ressources halieutiques marines et des zones de densité démographique

Carte 4

Sources: Préparé sur la base de : Rapports des projets MAG/77/009 et MAG/80/008. A. Ralison (1982). A. Ralison (1987), publications du CNRO et la carte de I.G.N. (1984).

1.2. Organisation de la commercialisation

L'analyse de l'organisation de la commercialisation des produits halieutiques permet de distinguer deux grandes catégories de circuits: le circuit spatial et le circuit par opérateur. Le circuit spatial peut se subdiviser en circuit intra-régional ou à l'intérieur même d'un fivondronana, et en circuit inter-régional ou national. Le premier circuit concerne essentiellement les poissons frais commercialisés en général entiers. Les trois-quarts des poissons frais sont commercialisés à l'intérieur du fivondronana d'origine. Les produits salés-séchés, congelés et fumés dominent dans le circuit inter-régional.

Le circuit court des poissons frais est lié à la faiblesse sinon à l'inexistence d'une chaîne de froid (magasin frigorifique, transport spécialisé, production et utilisation de la glace) et cela s'explique par les raisons suivantes :

Les pêcheurs traditionnels n'utilisent presque pas de glace. Ce moyen de conservation est aussi rarement utilisé par les revendeurs et les détaillants. II est évident que dans cette situation, les poissons frais doivent être écoulés rapidement, dans un délai qui ne dépasse pas un jour.

Mais compte-tenu des difficultés d'écoulement et de vente de tous les produits, en particulier pour les villages éloignés, en raison du manque de moyens de transport et de conservation, du mauvais état des routes ainsi que du caractère saisonnier de la pêche, les pêcheurs sont obligés de traiter leurs produits. En réalité, ce traitement n'engendre pas de valeur ajoutée aux produits, mais sert plutôt à les conserver.

Les produits traités (salés-séchés, fumés, congelés) peuvent rester dans le circuit commercial plus longtemps (de deux semaines pour les produits fumés à plusieurs mois pour les produits salés-séchés et congelés), et être vendus dans les centres de consommation plus éloignés. On peut constater à la base des Certificats d'origine et de salubrité (1989) que 78% des échanges inter-régionaux ont eu lieu entre trois faritany : deux faritany de production - Toliara et Mahajanga et un faritany de consommation -Antananarivo. Le faritany de Toliara se spécialise en expédition des produits salésséchés et fumés tandis que celui de Mahajanga en expédition des produits congelés. Si on analyse plus précisément ces données pour tout Madagascar, on peut dire que dix fivondronana sont considérés comme les principales régions de production (expédiant au total plus de 95 % de produits contrôlés par le COS) : Mahajanga, Toliara, Morondava, Toamasina, Morombe, Nosy-Be, Belo-sur-Tsiribihina, Antsiranana, Antsohihy et Tolagnaro. Tandis que cinq fivondronana peuvent être classés comme des régions de consommation, c'est à dire ceux qui s'approvisionnent le plus souvent en quantités importantes auprès d'autres fivondronana : Antananarivo, Antsirabe, Fianarantsoa, Arivonimamo et Manakara. Ces cinq fivondronana reçoivent plus de 95 % des produits enregistrés par les COS.

Schéma 1 : Circuits de commercialisation par opérateur

Schéma 1

Antananarivo constitue le premier centre de consommation en absorbant 74 % des produits contrôlés par les COS. L'analyse des données des COS montre aussi que les poissons expédiés en dehors des fivondronana sont pour 80 % environ commercialisés entiers et pour 16 % évicérés.

En ce qui concerne la commercialisation des poissons d'eaux douces, qui n'est pas contrôlée par les COS, on constate qu'une forte partie des poissons est écoulée dans les grands centres de consommation de l'lle, notamment dans la capitale et à Antsirabe. Les poissons frais commercialisés dans ces villes proviennent de lacs situés dans les faritany d'Antananarivo, de Toamasina (lac Alaotra) ou dans la zone de Miandrivazo (faritany de Toliara). Pour les zones de pêche plus éloignées de la capitale, les produits sont acheminés en état séchés ou fumés. Les centres secondaires de consommation tels que Tsiroanomandidy, Moramanga, Manjakandriana, Vavatenina et Mandritsara s'approvisionnent en poissons, généralement frais, auprès des zones de pêche avoisinantes. Le schéma 1 présente également les différents circuits de commercialisation par opérateur. Ils sont assez complexes et dépendent des types de produits, de la spécialisation des opérateurs et de la distance entre le lieu de production et le marché. Le circuit direct est plutôt informel et plus traditionnel. Il concerne en général des poissons frais. Le circuit indirect, par contre, est mieux organisé, plus moderne et mieux équipé, demandant donc un niveau d'investissement plus important, notamment pour les produits congelés qui nécessitent des installations frigorifiques adéquates ainsi qu'une spécialisation plus poussée des opérateurs.

1.3. Transport et stockage du poisson

L'enquête menée auprès des opérateurs commerciaux montre que tous les moyens de transport et de locomotion sont utilisés dans la commercialisation des produits halieutiques. Les modes de transport les plus utilisés sont : le taxi-brousse, le transport à pied, le pousse-pousse, ensuite le camion, enfin la pirogue et l'embarcation motorisée. En fait, le choix d'un mode de transport est déterminé par le rayon d'action de l'opérateur, la quantité transportée, le type de produit, l'accessibilité des lieux de débarquement et la disponibilité financière de l'opérateur. Les trois premiers modes de transport dominants sont liés au faible rayon d'action des revendeurs, ainsi qu'à la domination dans le circuit des poissons frais, achetés en quantité très limitée. Tandis que le camion et la camionnette sont utilisés surtout pour les transports des produits traités sur une distance plus longue. Les véhicules frigorifiques sont relativement peu nombreux. Ils servent par conséquent en priorité au transport d'une partie des produits congelés et très rarement pour les produits frais sous glace. Les embarcations sont, par ailleurs, utilisées par les revendeurs dans les régions où l'accés par voie terrestre aux villages des pêcheurs est très difficile ou impossible. Dans les régions de Morondava, de Toliara, de Mahajanga et de Manakara, les revendeurs utilisent fréquemment la voie maritime (pirogue de transport, embarcation motorisée de collecte).

En ce qui concerne la propriété des modes de transports, on constate que dans la majorité des cas, les revendeurs et les détaillants utilisent des moyens qui ne leur appartiennent pas. Toutefois, on peut remarquer que 1/3 des revendeurs et 1/7 des détaillants possèdent leur propre moyen de transport.

Enfin, la majorité des opérateurs enquêtés ne disposent pas de moyen de stockage comme le magasin à température ambiante, le refrigérateur, l'entrepôt frigorifique ou le congélateur. Seuls 12 % des détaillants et 8 % des revendeurs disposent de moyens de stockage et/ou de réfrigération. En revanche, on peut aussi constater que la majorité des moyens de stockage frigorifiques existants à Madagascar appartiennent aux producteurs (sociétés de pêches industrielles et artisanales et certains producteurs privés).

On peut constater que la production de glace est effectuée à 80 % dans deux faritany : Antsiranana et Mahajanga (tableau 23). L'analyse plus détaillée montre qu'elle appartient presqu'en totalité aux sociétés de pêches industrielles et artisanales existant dans ces deux faritany. Il semble donc, que d'une manière générale la capacité de production de la glace est insuffisante et mal répartie par rapport aux besoins et aux principaux centres de production et de collecte. Par exemple les revendeurs de la capitale sont obligés de transporter de la glace d'Antananarivo vers les lieux de production (lac Alaotra, Miandrivazo, Ambato-Boéni) sur presque 300 km. Au contraire, les capacités de congélation sont beaucoup mieux réparties entre les faritany. Mais il faut mentionner qu'à Toamasina 76 % de cette capacité n'est pas utilisée exclusivement pour les produits halieutiques mais aussi pour les légumes et les fruits. Il en est de même pour 25% de cette capacité de congélation dans le faritany de Mahajanga.

Tableau 23 : Installations frigorifiques utilisées pour la pêche
FaritanyGlaceCapacité de
congélation de produits
(tonnes/jour)
Stockage
de produits
(tonnes)
Production
(tonnes/jour)
Stockage
(m3)
1. Antananarivo5,8--744
2. Antsiranana39,012469582
3. Fianarantsoa5,0-3060
4. Mahajanga47,71721351.541
5. Toamasina2,54586941
6. Toliara9,569101438
TOTAL109,54104214.306

Source: Rapport de terrain No14a.

1.4. Infrastructure de vente

La majorité des détaillants (87%) vendent leurs produits sur les étals dont 69% au marché et 18% au bord de la rue. Les détaillants qui distribuent leurs produits dans un magasin ne constituent que 8% de l'ensemble. Le reste des détaillants vend les produits au porte à porte ou directement aux hôtels-restaurants. Les magasins de vente se trouvent surtout à Antananarivo où l'on vend en particulier les produits congelés. En général, ces magasins (poissonneries ou mixtes) sont mieux équipés et par conséquent offrent aux consommateurs des produits d'assez bonne qualité. Au contraire, les produits vendus au marché ou au bord de la rue sur des étals présentent des qualités moindres, surtout pour les produits frais. Toutefois, les effets des mauvaises conditions de conservation des produits frais sont limités par la rapidité de leur écoulement en raison de l'existence d'une demande assez élevée par rapport à une offre insuffisante.

La visite de 37 marchés dans dix principales villes de Madagascar permet de constater que les deux tiers ont des étals qui sont abrités sous hangar et que plus de la moitié possèdent des paillasses. Le nettoyage régulier des étals dépend de l'existence d'une installation d'eau courante : 32 % des marchés en sont ravitaillés, à savoir ceux d'Antananarivo, d'Antsiranana, de Fianarantsoa, de Toamasina et de Toliara. Le reste des marchés est privé d'eau et également d'électricité. Les détaillants sont obligés d'utiliser des seaux d'eau pour mouiller les poissons. Les eaux usées ne sont pas évacuées et sont réutilisées plusieurs fois. Les canaux de drainage font défaut. Les produits sont ainsi exposés à de forts risques de contamination.

Le mode de vente le plus fréquent est la vente par tas qui concerne surtout les produits salés-séchés et fumés, puis la vente au poids qui est utilisée pour la distribution des poissons congelés et frais.

1.5. Prix

Les prix du poisson sont libres et plutôt déterminés par les marchés que par les opérateurs, c'est à dire que les opérateurs n'ayant pas la possibilité d'imposer des prix calculés à partir des coûts, sont obligés de s'adapter aux prix acceptés par les consommateurs et à l'évolution générale des prix. Mais il faut remarquer que les prix sur les marchés sont assez différents selon les villes (tableau 24). Les raisons en sont : la disponibilité des produits, le niveau de la demande, l'espèce commercialisée, la provenance (eau douce, eau de mer), la concurrence, les lieux de vente, la distance des marchés par rapport aux lieux de production, la qualité, la taille et également le prix des autres produits de substitution, la saison, etc. En outre on constate aussi qu'en général, les prix dans les villes côtières sont naturellement beaucoup moins élevés que dans les villes des Hauts-Plateaux, sauf à Toamasina et à Manakara, où les prix sont très proches de ceux des villes continentales (à l'exception des produits congelés à Toamasina). Cela, à cause d'une production limitée par des conditions de mertrés difficiles dans ces régions. Les données du tableau 24 montrent aussi qu'en général les poissons d'eau douce sont plus chers que ceux de mer.

En comparant les prix du poisson à ceux de la viande, on constate que: (i) dans les villes intérieures des Hauts-Plateaux les prix moyens du poisson sont assez proches du prix de la viande de boeuf sans os, mais un peu plus élevés que la viande de boeuf avec os et plus bas en général, que la viande de porc ; (ii) dans les villes côtières, les prix des poissons frais et congelés sont globalement moins chers que ceux de la viande de boeuf (sans os ou avec os), et beaucoup moins chers que la viande de porc. Cette situation est assez différente de celle constatée par A. Collart en 1969 où les prix du poisson étaient globalement plus élevés que ceux de la viande. Ce renversement des rapports de prix entre la viande et le poisson de 1969 à 1989/90 pourrait être un facteur favorable à la demande de poisson. Ce phénomène peut s'expliquer par plusieurs raisons, entre autres : la diminution de la consommation per capita de la viande, l'augmentation de la consommation per capita du poisson, et peut-être par la différence dans la structure du circuit commercial entre la viande et le poisson. En effet, si dans le circuit commercial de la viande il existe de grands grossistes ayant une certaine emprise à la fois sur la production et la distribution, dans le circuit commercial du poisson, au contraire, la concurrence est assez vive entre petits opérateurs.

Tableau 24 : Comparaison des prix de détail de la viande et du poisson sur le marché urbain en 1990

(prix au kg)

VillesViande de boeufViande
de porc
Poisson de merPoisson d'eau douce
Avec osSans osFraisCongeléSec(1)FraisCongeléSec(1)
Villes intérieures         
Antananarivo1.8002.1002.600-1.8501.9001.8001.9002.300
Antsirabe1.2002.0002.500-1.9001.3002.000-1.250
Fianarantsoa1.4001.7002.000-2.1002.2001.8002.0002.250
Villes côtières         
Toliara1.2001.3001.5009501.0001.2001.100-1.300
Mahajanga1.7002.2002.5001.0001.1001.3501.300-1.600
Toamasina1.9002.6002.8001.4001.1502.1002.000-2.700
Antsiranana1.9002.4003.5001.3001.2001.8001.200--
Tolagnaro1.3002.0002.5001.300-1.7501.800-2.000

(1) Le poisson sec contient les produits salés-séchés et fumés.

Source : Rapport de terrain No14 a.

1.6. Revenus des opérateurs commerciaux

Le tableau 25 présente les marges globales brutes ventilées selon les types de produits. Il apparait ainsi que les poissons frais offrent la plus grande marge brute globale (93 %) tandis que pour les autres produits, elle oscille entre 48 % et 68 %. Cette marge brute globale assez élevée pour les poissons frais justifie en partie, sans doute, le nombre assez important d'opérateurs spécialisés dans ce type de produit. Cette marge s'explique également par trois autres facteurs : l'existence de plusieurs intermédiaires, le risque plus élevé dans la commercialisation des poissons frais et enfin la préférence des consommateurs pour les poissons frais. La concurrence, quoique réelle, est moindre sur les produits salés-séchés. Par contre, les poissons congelés bénéficient en grande partie d'une situation de concurrence monopolistique. En effet, les opérateurs commerciaux ne sont pas nombreux pour ce produit et ont souvent une liaison avec les producteurs (sociétés de pêche et de collecte). Par conséquent, le nombre d'intermédiaires est limité.

La marge brute globale présentée dans le tableau 25 est partagée souvent par plusieurs opérateurs du circuit commercial. En généralisant, on peut constater que pour les poissons frais les détaillants et les revendeurs se partagent à part égale entre eux la marge brute globale. Tandis que pour les autres produits, les détaillants gagnent un peu moins par kilo que les revendeurs. Toutefois, si on considère la quantité globale commercialisée par les revendeurs, laquelle est de 4,5 à 10 fois plus élevée que celle des détaillants (respectivement pour le poisson frais et salé-séché), on peut dire que le revenu brut des revendeurs est beaucoup plus important que celui des détaillants. C'est pour cette raison que les revendeurs sont plus intéréssés par l'investissement dans le secteur de la pêche que les détaillants.

Tableau 25 : Prix moyens par produit et marge brute globale
Type de produitsPrix d'achat
au producteur (FMG/kg)
Prix de vente
au détaillant (FMG/kg)
Marge brute globale
(en %)
Poisson frais7501.45093
Poisson congelé1.1001.65050
Poisson salés-séché1.1001.85068
Poisson fumé1.1501.70048

Source : Rapport de terrain No14a.

Par ailleurs, il est intéressant de connaître les marges nettes des différents opérateurs. Ce calcul est assez difficile à faire car presque tous les opérateurs ne disposent ni de comptabilité ni de simple registre des dépenses, sauf les opérateurs travaillant sur les poissons congelés et qui sont liés avec les sociétés de pêches.

Toutefois, à titre indicatif trois exemples de calcul de revenu net pour 1990 ont pu être réalisés. Le premier, sur le poisson congelé (poisson d'accompagnement) acheté par un opérateur individuel auprès de la SOMAPECHE à Mahajanga et vendu aux détaillants d'Antananarivo; la marge nette de cette opération était de 16%, soit 145 FMG/kg. Le deuxième exemple concerne le poisson salé-séché acheté par un opérateur individuel auprès des pêcheurs à Mahajanga et vendu aux grossistes d'Antananarivo. Dans ce cas, la marge nette était de 22%, soit 205 FMG/kg. Et enfin, le troisième exemple est l'achat du poisson frais par un opérateur individuel chez les pêcheurs d'Ambato-Boéni (faritany de Mahajanga) et ensuite la vente aux détaillants d'Antananarivo. Cette opération a donné une marge nette de 25%, soit 240 FMG/kg.

1.7. Comportement des opérateurs commerciaux

En général, on peut décrire le comportement des opérateurs de la manière suivante :

2. Consommation du poisson

2.1. Consommation dans les milieux urbain et rural

La disponibilité globale théorique de poisson par habitant a augmenté de 4,9 kg en 1960 à 7,4 kg en 1990, soit une augmentation de 51 %. Si on se réfère aux objectifs de la politique de la DPA en matiére de production halieutique (préparé en avril 1987) et qui prévoit une consommation entre 8 kg et 10 kg par habitant pour la période 1987–1990, cette quantité reste encore en dessous de la prévision.

Pour la même période, la consommation annuelle de viande et abat (boeuf, porc, ovin, caprin et volaille) a diminué de 25,1 kg par habitant en 1960 jusqu'à 18 kg par habitant en 1988, soit de 28,3 %. Cette baisse a été liée essentiellement à la stagnation du cheptel bovins (9,4 millions en 1960 et 10,2 millions en 1989) tandis que la population pendant ces 29 ans a doublé (5,5 millions en 1960 et 10,9 millions en 1989). La viande de boeuf constitue actuellement plus de 60 % de la consommation de la viande.

Il faut remarquer que par rapport à la consommation moyenne globale des produits halieutiques par habitant (7,4 kg), la moyenne dans le milieu urbain est deux fois plus élevé (15,4 kg). Ensuite, en comparant la consommation par chef lieu des six faritany en 1989, on constate une disparité assez élevée entre Fianarantsoa (7,9 kg), Mahajanga (32,7 kg) et les autres villes. Pour les autres chefs lieux la consommation était la suivante : Toamasina 12,0 kg, Antananarivo 12,5 kg, Antsiranana 19,3 kg et Toliara 29,4 kg. On peut aussi constater que dans tous les chefs lieux, le taux de consommation a augmenté sauf à Toamasina où il a diminué par rapport à 1970/71. Cette baisse de la consommation à Toamasina calculée en produit commercial peut s'expliquer par la diminution de la capture dans le canal des Pangalanes et dans le lac Alaotra. Une forte partie des produits provenant du lac Alaotra est acheminée actuellement vers Moramanga et Antananarivo. Elle est également dûe à la stagnation de la production de la pêche maritime dans les fivondronana de Toamasina l et ll. La croissance assez élevée de la population est aussi un facteur de diminution de la consommation par habitant.

Quant au taux de consommation moyen par habitant dans le milieu rural il est estimé à 5,1 kg en 1990. Par rapport à l'estimation de A. Collart (1973) qui était de 4,8, le taux de consommation actuelle a augmenté seulement de 6% environ. Toutefois, il faut aussi mentionner que dans les milieux de producteurs de poissons cette consommation est naturellement beaucoup plus élevée, par exemple 43,6 kg/personne dans les familles des pêcheurs côtiers.

Si on compare la part de la consommation urbaine dans la consommation totale de Madagascar, on constate qu'en 1970/71 elle était de 10.517 tonnes, soit 25% du total, tandis qu'en 1990 elle était de 37.836 tonnes, soit 46% de la consommation totale. Donc, presque la moitié des produits disponibles est actuellement consommé par la population des villes. Ce fait montre, une fois encore, qu'actuellement les producteurs s'orientent de plus en plus vers la production destinée aux marchés locaux urbains, alors qu'auparavant ils produisaient en grande partie pour l'autosubsistance et l'autoconsommation.

2.2. Part du poisson dans les dépenses des ménages

Le tableau 26 présente le taux de dépenses en poissons dans le revenu annuel des ménages, ventilé par ville. ll en résulte que les taux de dépenses par ville sont assez proches, sauf pour Mahajanga et Toliara où ils atteignent un niveau plus élevé (8,1 % du revenu des ménages). Par rapport à 1982/83, on observe que pour les villes continentale les taux de dépenses ont augmenté (Antananarivo et Fianarantsoa). Pour les villes côtières, le taux a augmenté pour Mahajanga, tandis que pour Toamasina et Antsiranana il a diminué; enfin pour Toliara il est resté presque le même. Les informations sur ces phénomènes sont insuffisantes et incomplètes. Mais on peut penser que l'augmentation du pourcentage de dépenses en poissons dans les villes des Hauts-Plateaux est liée à l'augmentation de la consommation des produits halieutiques, la hausse des prix ainsi que la substitution possible entre disponibilité en poissons et disponibilité de la viande qui est en baisse. En revanche la diminution pour Toamasina est liée à la baisse de la consommation du poisson. Dans le cas d'Antsiranana, le phénomène peut être exceptionnel, car durant la période d'enquête, une quantité abondante de faux-thons a été débarquée par les thoniers étrangers, ce qui a provoquée une chute des prix du poisson.

Tableau 26 : Part des dépenses en poisson dans le budget d'un ménage (en %)
Villes1982/831989
Antananarivo2,55,7
Antsiranana7,15,7
Fianarantsoa1,84,1
Mahajanga6,78,1
Toamasina6,65,3
Toliara8,38,1

Source: Rapport de terrain No 14a.

Par ailleurs, d'une manière générale et à titre de comparaison, les dépenses en viande (viande de boeuf, volailles et viande de porc,…) dans le budget des ménages varient de 15,9 % pour Fianarantsoa, jusqu'à 20,4 % à Antsiranana pour la période 1982/83 (Anonyme, 1985, tome ll).

2.3. Habitudes des consommateurs

ll semble important de remarquer qu'il n'y a pas d'interdit (tabou), entraînant le rejet systématique du poisson à Madagascar à l'instar de ce qui est constaté dans certaines régions d'Afrique.

Les résultats de l'ensemble de l'enquête, montrent que la clientèle dominante des produits halieutiques est constituée d'ouvriers, de cadres moyens, de commerçants et de paysans. ll s'agit donc en général, de consommateurs ne disposant que d'un revenu moyen. Toutefois, il faut remarquer qu'une partie des cadres supérieurs achètent aussi du poisson.

En ce qui concerne les préférences des consommateurs, on peut dire que d'une manière générale les poissons frais sont préférés aux autres produits. Ensuite, pour les poissons congelés, on constate une préférence plus élevée à Antananarivo et à Antsirabe que dans les autres villes. Mais il faut quand même remarquer que ce type de produit est relativement nouveau sur le marché malgache et jugé dans l'ensemble comme moyennement apprécié, sauf pour Morondava, Mahajanga et Antsiranana où il est plutôt moins bien accepté. Les autres produits traités, tels que salés-séchés et fumés, traditionnellement commercialisés dans les villes, sont moins acceptés que les précédents en particulier les produits fumés. Ces diverses préférences semblent pouvoir s'expliquer d'une part par l'opinion selon laquelle les poissons frais sont beaucoup plus nutritifs que les autres et d'autre part par leur prix moyen qui est plus accessible. En considérant l'origine des produits, les consommateurs semblent préférer les poissons d'eau douce à ceux de mer. Cette préférence est plus nette dans les villes continentales, mais aussi dans certaines villes côtières (Toamasina, Morondava). Elle est liée à l'abondance relative des poissons d'eau douce sur le marché dans ces villes. En revanche, les poissons de mer sont préférés dans les autres villes côtières où leur disponibilité est plus grande. De même, la tradition de consommation dans ces villes explique ces préférences autant que la disponibilité des produits.

En outre, en ce qui concerne la taille des poissons, les préférences semblent se concentrer sur la taille moyenne. En effet, le nombre moyen de personnes dans la famille malgache (5,8) pousse le ménage à acheter plutôt les poissons de taille moyenne pour permettre une meilleure répartition entre les membres.

Pour les modalités d'achats, on peut dire que les deux-tiers des consommateurs préfèrent acheter leur poisson principalement chez les détaillants du marché, tandis que plus de 20 % achètent chez un poissonnier. L'achat direct aux producteurs n'est pas fréquent. La fréquence moyenne d'achat par ménage est de 1,5 fois par semaine, avec une quantité moyenne assez faible - 0,94 kg. Ainsi en moyenne chaque ménage consomme 1,43 kg de poissons par semaine. Cette fréquence est assez variable selon les villes considérées, de 1,18 fois à Fianarantsoa jusqu'à 6,25 fois à Morombe, laquelle est liée à la production plus élevée dans cette dernière ville et les prix moyens plus bas que dans les autres villes. La quantité moyenne par achat varie aussi de 0,72 kg à Fianarantsoa à 1,72 kg pour Morombe.

Concernant les modes de préparation culinaire, on constate que deux tiers de consommateurs préfèrent les «poissons en sauce». En effet, la préparation en sauce, mangée directement avec le riz ou mélangée avec des brèdes, limite la consommation d'huile de cuisine qui est relativement chère. Par contre, la friture (mode préféré par un quart de consommateur) nécessite beaucoup plus d'huile pour sa préparation, mais elle est plus commode pour les poissons de petite ou de très petite taille.

A mentionner que l'ichtyosarcotoxisme (cigatera) qui interdit la consommation des poissons de roche dans beaucoup d'aires maritimes n'existe pas dans les eaux malgaches. On a constaté toutefois quelques cas d'empoisonnements ponctuels dans l'espace et dans le temps et qui sont probablement liés à des phénomènes d'eaux rouges.

2.4. Eléments déterminants de la demande

On peut considérer deux groupes d'éléments déterminant la demande de poisson : les éléments subjectifs et les éléments objectifs. Parmi les éléments subjectifs, l'enquête a montré que la qualité nutritive du poisson est le premier facteur favorisant la consommation. Ensuite, on peut dire que l'habitude alimentaire est considérée plus souvent comme le facteur favorisant la consommation des produits halieutiques. Mais il faut également mentionner que presque 15% des enquêtés pensent que l'habitude alimentaire constitue un facteur limitatif de l'achat de poisson. Enfin, les autres facteurs subjectifs comme la présentation ou la facilité de préparation ont été mentionnés dans une moindre mesure.

En revanche, les facteurs objectifs sont : la croissance démographique, lè pouvoir d'achat et le prix du poisson par rapport à celui de la viande. La croissance démographique reste l'élément principal d'augmentation du niveau de la demande. Entre 1984 et 1990, le taux de croissance de la population urbaine était de 4,9% et le taux de croissance moyen pour l'ensemble de la population malgache était de 3,0%. Cette forte croissance dans le milieu urbain où la consommation des produits halieutiques par habitant est plus élevée, entraîne une augmentation plus rapide de la demande. Par ailleurs, la faiblesse du pouvoir d'achat, en baisse jusqu'à 1988 depuis plusieurs années, est considérée comme le premier facteur limitatif de la demande en poissons. Ce facteur est d'ailleurs lié au niveau des prix dont la hausse a été toujours constaté. Cependant, il faut remarquer que les opinions des consommateurs des Hauts-Plateaux sont partagées entre le fait de considérer le niveau des prix du poisson comme facteur limitatif, ou de le considérer comme facteur favorisant, par comparaison avec les prix de la viande.


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