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LE DEVELOPPEMENT DE L'AQUACULTURE A MADAGASCAR

par A. Rabelahatra - Directeur National du projet MAG/82/014

I. Introduction

En 1987, le taux de consommation de protéines animales était de l'ordre de 20 Kg par habitant par an dont 6 Kg procurés par les produits halieutiques. Le pays a lancé le défi de l'autosuffisance alimentaire pour l'année 1990. Compte-tenu de cet objectif économique fixé par le Gouvernement malgache, le secteur halieutique devrait produire 118.020 T pour pouvoir atteindre la consommation minimale de 25 Kg de protéine animale par habitant et par an. En 1988, la production était de 110.000 Tonnes. Dans le domaine de l'aquaculture, les priorités ont été arrêtées par le Ministère de la Production Animale (Elevage et Pêche) et des Eaux et Forêts, consistant à axer les efforts sur la promotion de la pisciculture en rizière et en étang. D'autres projets de développements sont nés, mettant l'accent sur la diversification des activités aquacoles : aquaculture d'huîtres et de crevettes. De nouveaux projets sont proposés et soumis à des financements extérieurs ou locaux : élevage en cage et en enclos, salmoniculture. La possibilité d'installation de ferme piscicole intégrée a fait l'objet d'études.

II. Situation de l'aquaculture

1. Historique

Après l'introduction du Tilapia en 1950, la pisciculture en eau douce a pris de l'extension et on dénombrait en 1962, 85.000 étangs de pisciculture familiale. Ce nombre a diminué très vite à partir de 1964 ; la plupart des étangs ont été abandonnés. Ce déclin était dû essentiellement au manque d'alevins d'espèces intéressantes et à la méconnaissance des techniques d'élevage. En 1966, le Centre Technique Forestier Tropical a axé ses recherches sur la mise au point de la technologie de reproduction et d'alevinage de la carpe royale, espèce à croissance rapide, très prolifique et qui s'acclimate très bien dans le biotope rizière. Avec l'assistance de la F.A.O., à partir de 1974, le MDRRA (actuellement MPAEF) s'efforçait de renforcer l'infrastructure piscicole de base par l'aménagement des 4 stations piscicoles principales productrices d'alevins : Sisaony, Ambatofotsy-Ambatolampy, Analabe et Ambohidray.

En 1976, le système d'élevage acadja a été introduit sur la côte-Est, aux Pangalanes. C'est une technique d'élevage basée sur l'exploitation des couvertures biologiques (perithyton) qui se développent sur les branchages immergés.

En 1979, des élevages expérimentaux de poisson d'eau saumâtre en étang ont été expérimentées à Sarodrano (Toliara) en casiers, à partir de jeunes huîtres détroquées de différentes provenances.

Un élevage pilote de crevettes pénéides en bassins côtiers a démarré en juillet 1989 à Nosy-Be.

2. Activités aquacoles

La stratégie sectorielle du MPAEF en matière d'aquaculture prévoit en priorité le développement de la rizipisciculture et de la pisciculture en étang ou en bassin dans les zones peuplées où le déficit en protéines animales est particulièrement élevé. C'est l'objectif du projet PNUD/FAO/MAG/82/014 “Vulgarisation de la pisciculture et développement de la pêche continentale” (1985 – 1988) dont les activités principales sont la formation, la gestion de la station piscicole d'Ambatofotsy/Ambatolampy et la vulgarisation en milieu rural.

Le projet a réalisé de 1985 à 1987 à l'intention du personnel aquacole et des rizi (pisciculteurs), un séminaire, des stages de formations et de recyclages sur les techniques de (rizi) pisciculture et de vulgarisation. Il a également assuré l'encadrement technique de 7 pisciculteurs privés, producteurs d'alevins sur la trentaine qui a été identifiée.

La station piscicole d'Ambatofotsy/Ambatolampy a été mise à la disposition du projet afin d'établir le bilan techno-économique de cette unité de production suivant un plan d'exploitation basé sur les différentes ressources de la station. Le rôle principal de la station était la production d'alevins destinés aux besoins des rizi(pisciculteurs) de la zone du Vakinankaratra couverte par le projet. La station a cédé en 1985, 1986, 1987 et 1988 respectivement 108.494, 345.374, 416.275 et 483.890 alevins. Les cessions d'alevins ont ainsi augmenté d'année en année et par rapport à la situation en 1987, on constatait en 1988 une amélioration de 16%. Le chiffre de cessions de 1988 représente la plus grande quantité jamais réalisée jusqu'alors à la station. Néanmoins, il faut noter que la demande en alevins reste toujours insatisfaite.

La création du premier réseau de 30 vulgarisateurs piscicoles à Antsirabe a permis la distribution d'alevins en milieu rural, sur un parcours d'environ 12.000 Km et l'encadrement technique des pisciculteurs. 30 autres vont être recrutés et formés pour une opération similaire dans le faritany de Fianarantsoa.

Des enquêtes de suivi d'exploitation réalisées par les mêmes vulgarisateurs du projet ont fourni des informations intéressantes qui n'ont pas été disponibles auparavant. Elles ont donné entre autres les chiffres se rapportant aux rendements et aux revenus piscicoles moyens procurés par la rizipisciculture et la pisciculture en 1987. Ils étaient respectivement 183 Kg/ha/cycle de riz et 1.687 Fmg/are pour la rizipisciculture et 550 Kg/ha/an et 3.422 Fmg/are/an pour la pisciculture.

Grâce au projet MAG/82/014 qui a montré l'engouement des paysans encadrés ou non par la rizi (pisciculture), on dispose actuellement des éléments de base indispensables à la généralisation et au développement de la pisciculture à Madagascar, notamment dans les zones à vocation rizi (piscicole). Quant au projet MAG/88/005 “Promotion de l'aquaculture et privatisation de la production d'alevins”; il a pris début 1989 la relève du projet MAG/82/014 pour consolider les acquis de ce dernier, mais en plus, sa zone d'activités s'étend jusqu'au faritany de Fianarantsoa. Il met particulièrement l'accent sur la mise en place d'un réseau de producteurs privés d'alevins.

A noter qu'il existe à Madagascar 28 autres stations piscicoles auxquelles il faut ajouter le Centre aquacole côtier d'Antsahanibingo, Mahajanga en cours de construction et le parc ostréicole de Toliara, dans la baie de Sarodrano. Parmi cette infrastructure piscicole qui est répartie dans presque tout le pays, 7 seulement sont opérationnelles et 2 en cours de réhabilitation. En vue de résoudre le problème d'approvisionnement en alevins pour effectuer la mise en charge des rizières, il faudrait réhabiliter en priorité celles qui se trouvent dans les régions où la rizi (pisciculture) était déjà pratiquée plus ou moins intensivement telles que Manjakandriana, Andapa.

Le Département des Recherches Forestières et Piscicoles qui est rattaché au Ministère de la Recherche Scientifique et Technologique pour le Développement dispose de deux stations de recherches piscicoles à Kianjasoa (Moyen-Ouest) et Analamazaotra (Moramanga) où ont été mis au point :

En collaboration avec le Ministère du Développement Rural et de la Réforme Agraire (actuellement MPAEF), le Département a mené à Antsiranana en bassins côtiers un élevage expérimental de Chanos chanos, poisson euryhalin.

A Madagascar, il n'existe pas encore de pisciculture industrielle. Les premiers résultats de l'analyse de la gestion et de l'exploitation de la station piscicole d'Ambatofotsy/Ambatolampy ont montré les possibilités de gestion autonome et financière des stations en matière de production d'alevins.

La station d'élevage de truite de Manjakatompo est en cours de réhabilitation et ne saurait être considérée comme une entreprise commerciale. En plus, la gestion économique de cette stations sous sa forme actuelle n'est pas assez aisée, faute d'autonomie de gestion financière.

Au lac Itasy, un élevage en enclos de 20 ares a été fait à partir d'alevins de carpes d'un mois d'âge (2–3 g). Après 3 mois de grossissement, les individuels moyens atteignaient 50 g, sans aucun nourrissage. Les carpillons furent alors relâchés dans le lac aux fins de repeuplement mais l'impact de l'empoissonnement n'a pas été suivi, faute de moyens.

Actuellement, en collaboration avec le MPAEF, le DRFP et le PNUD/FAO, le projet MAG/86/005 - “Développement intégré de la région du lac Itasy” mène dans le même lac un élevage expérimental en cage d'Oreochromis nilotica.

Dans les zones côtières, la pisciculture est peu développée, la pêche maritime traditionnelle et artisanale l'approvisionnant en poissons. Néanmoins, on en reçoit actuellement des demandes d'alevins pour l'élevage en étang ou en rizière.

3. Principales espèces élevées

Sur 23 espèces de poissons d'eau douce introduites à Madagascar, 5 n'ont pas été acclimatisées. En occupant les niches vides ou peu occupées, ces nouvelles espèces ont sensiblement contribué à l'augmentation de la production piscicole malgache. Les introductions d'espèces les plus réussies sont celles de la carpe qui est un poisson de rizière par excellence, du tilapia et du cyprin doré.

Des essais de reproduction et d'élevage de l'Heterotis niloticus ont été tentés avec succès mais il s'agit d'un poisson des grands lacs et des barrages. Il peuple actuellement les plans d'eau de l'Ouest, du Nord et de l'Est.

Le paratilapia polleni (marakely) a regressé ; il a une croissance lente comme le cyprin doré.

La reproduction induite de 2 espèces de poissons exotiques introduits à Madagascar en 1982 est positive. Il s'agit de la carpe argentée (Hypophtalmychtys molitrix) et de la carpe marbrée (Aristychtys nobilis) ; il est fort probable que ce seront les espèces qui seront les plus utilisées dans un proche avenir.

Le Chanos chanos, espèce d'eau saumâtre, a été élevé en bassins côtiers à Antsiranana et a donné des rendements intéressants.

Un élevage pilote de crevettes pénéides a commencé à Nosy-Be en Juillet 1989 aux fins de mise au point et d'adaptation des techniques de reproduction et d'élevage des espèces Panaeus monodon et Penaeus indicus et de transfert de technologie.

Commencé en 1987, l'élevage expérimental d'huîtres à Sarodrano (Toliara) avec l'espèce Crassostrea cuculata Born se proposait, outre la mise au point des techniques de collecte des naissains et d'élevage, de faire le bilan économique de l'exploitation et de recueillir les informations sur les marchés et les prix.

II. Avenir de l'aquaculture à Madagascar

La politique nationale de développement aquacole est fondée sur les objectifs suivants :

Depuis plus d'une décade, le développement de l'aquaculture, celui de la pisciculture en particulier a été freiné par l'insuffisance d'appui financier et le manque de personnel qualifié. Il a repris de l'élan à partir de 1975, année de démarrage du projet TF/MAG/51 (FH) 73/009 : “Projet de développement de la pisciculture et de la pêche dans les eaux intérieures ” (1975–1976)” qui a porté son effort principal dans la restauration et la finition de deux stations piscicoles principales productrices d'alevins, l'amélioration des techniques de reproduction et d'alevinage, la distribution d'alevins, la rélisation d'installations pilotes rustiques d'élevages associés et l'octroi de deux bourses de formations à l'extérieur. D'autres aides ont suivi, financés par le PNUD/FAO :

Il faut y ajouter d'autres projets :

• Toujours sur financements PNUD/FAO :

• Sur financement local uniquement (FNDE 99.33.E. 77.01 - “Développement de la pêche continentale et de l'aquaculture) :

L'aquaculture peut contribuer à court et moyen terme à la politique d'autosuffisance protéinique et à la balance des paiements pour les espèces destinées à l'exportation. Les conditions favorables à son développement sont réunies : ressources en eau, climat, sol, espèces, main-d'oeuvre.

Les grands lacs (154.697 ha), les réserves d'eau artificielle, (12.595 ha) devraient être aménagées du point de vue piscicole par les élevages en cage et en enclos.

Le potentiel des rizières irriguées, aménageables pour la rizipisciculture est énorme : 100.000 ha, pour une production potentielle de 15.000 tonnes par cycle de riz. Pour la production massive d'alevins que les stations piscicoles seules ne peuvent pas satisfaire actuellement, les besoins immédiats étant estimés à 250.000.000 unités, des écloseries devraient être créées en annexe à des petits lacs réservoirs ou grands étangs.

Dans les environs des villes où existent des marais suffisamment importants et des déchets animaux et végétaux, pourraient être établies des piscicultures industrielles intégrées.

Les techniques de l'acadja pourraient être appliquées dans les lagunes côtières ; des élevages piscicoles d'eau saumâtre et de crevettes peuvent être entrepris dans la zone des mangroves, en ayant soin de ne pas détruire cellesci.

Les baies et les estuaires constituent des zones d'aquaculture des huîtres et des élevages en cage.

La pisciculture de la truite est vouée à être élevée dans les régions d'altitude. La réhabilitation des stations d'élevage de truite d'Antsampandrano, Montagne d'Ambre et d'Ialatsara est à envisager. Auparavant, il y aurait lieu de prospecter les marchés intérieur et extérieur (oeufs embryonnés et truites de consommation en contre-saison) et d'étudier la rentabilité financière de la spéculation.

Les sols ferralitiques de l'Est et des Hautes Terres peuvent être améliorés par l'apport de fertilisants. Par contre, les sols des vallées rizicoles sont riches et propices à la croissance rapide du poisson d'élevage.

La carpe commune (Cyprinus carpio), les tilapias (Oreochromis nilotica, Oréochromis macrochir, Oréochromis mossambica, Tilapia zillii), le cyprin doré (Carassius auratus), les truites (Salmo gairdneri, Salmo irideus) font déjà l' objet d'élevage. Ces poissons d'eau douce sont bien acceptés par la population, surtout sur les Hauts-Plateaux. Les observations sur le comportement et la croissance de deux carpes exotiques récemment introduits se poursuivent (Hypophtalmychtys molitrix et Aristichtys nobilis.

L'aquaculture des crevettes contribuera à procurer à l'Etat des devises étrangères pour l'économie.

IV. Conclusions

Le déficit actuel des apports d'origine animale doit être redressé dans les meilleurs délais. L'aquaculture peut participer à cette action de redressement, les conditions favorables étant réunies pour ce faire. Elle se prête en effet à l'élevage de subsistance et à des activités commerciales destinées à la vente sur place et à l'exportation.

Les conditions climatiques permettent la pisciculture pendant toute l'année (ressources en eau, pluies, température, évaporation), sauf dans les zones sujettes à inondation et là où les cours d'eau tarissent en saison sèche. Les rizières où il y a maîtrise d'eau existent en abondance et se prêtent à la pisciculture, les lacs, les lagunes, les réservoirs sont favorables à l'élevage en cage et en enclos. Les produits, sous-produits agricoles et industriels, les déchets d'abattoir peuvent être utilisés dans l'alimentation des poissons et des crevettes ; on doit installer à proximité des lieux d'élevage les usines pour la fabrication d'aliments. Il est possible d'utiliser les déjections animales (crottins de porc, fumure d'étable, fientes de poule) pour la fertilisation des étangs.

Les espèces d'élevage carpe-tilapia sont incapables d'exploiter à elles seules toutes les ressources nutritives des étangs d'élevage. Avec les carpes exotiques récemment introduites, à croissance rapide, des hauts rendements peuvent être atteints en étang en polyculture. La carpe commune se prête le mieux à l'élevage en rizière.

Les stations gouvernementales de reproduction actuellement inactives doivent être réhabilitées du moment que les besoins en alevins sont identifiés. La vulgarisation menée dans le cadre du projet MAG/82/014 ayant donné les résultats attendus, il s'avère maintenant indispensable de mener des opérations similaires dans d'autres endroits, dans les zones à vocations rizi (piscicoles).

Pour les nouveaux types d'aquaculture envisagés, il convient de faire des études préliminaires et des élevages expérimentaux avant de passer à la phase intensive ou semi-intensive. C'est le cas actuellement des huîtres et des crevettes. Les études d'élevage de grenouilles pour les cuisses de nymphes, d'anguilles de crevettes d'eau douce (Macrobrachium sp.) devraient être réalisées. Ce sont des produits destinés tant à l'élargissement du marché local qu'à l'exportation. Etant donné leur intérêt économique, les études pourraient être faites en coopération avec une aide bilatérale ou directement avec des promoteurs potentiels spécialisés.


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