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LA DIRECTION DES PECHES, PROCEDURE DE REGLEMENTS DES CONFLITS, PROBLEMES D'ENCADREMENT

Les centres des pêches en Côte d'Ivoire dépendent de la Direction des pêches maritimes et lagunaires. Ils ont plusieurs attributions, entre autres celles d'aider les pêcheurs à s'organiser en groupements à vocation coopérative (GVC), de récolter les statistiques, de résoudre les litiges et d'en référer à la DPML à Abidjan s'ils demandent une intervention, de veiller à ce que les réglementations soient bien respectées etc…

A propos des litiges entre pêche industrielle et artisanale, les rapports de la DPML et ceux des différents centres de pêche en Côte d'Ivoire montrent ces dernières années que les plaintes concernant des destructions d'engins deviennent de plus en plus nombreuses. La Direction des Pêches selon ses rapports entend intensifier ses efforts pour régler ces litiges. Le rapport de San Pedro 1983 précise “…qu' actuellement les pêcheurs évoquent le problème de dégats matériels causés par les navires de commerce ou de pêche malgré les textes ministériels en vigueur. Ces destructions ont souvent lieu la nuit en l'absence des pêcheurs.” Sassandra relève le problème, comme du reste Abidjan.

D'après ces rapports, les arbitrages, s'ils ont lieu sont toujours résolus à l'avantage des pêcheurs artisanaux. Ces arbitrages se passent de la manière suivante: après avoir entendu les deux parties et observés les dégâts matériels la Direction des pêches fixe le montant qui doit être remboursé. Il est la somme du prix du filet détruit majoré du manque à gagner par jour et par personne dont le pêcheur a la charge - 500 CFA par jour et par personne -(comm. pers. M. Touré DPML). Les armateurs renâclent à payer le prix demandé même s'ils sont en général assurés. La Direction des pêche encourage un réglement rapide quitte à ce que le montant du dédommagement fixé soit diminué, elle considère en effet qu'il est prioritaire que le pêcheurs puisse retrouver ses moyens de production le plus rapidement possible. Ainsi, par exemple un armateur a remboursé 1.251.300 CFA alors que la DPML estimait que les dommages s'élevaient à 2.300.000 CFA. La DPML explique cette différence entre l'estimation et le remboursement par le fait qu'elle encourage un versement rapide même s'il ne tient pas compte du manque à gagner.

Pourtant toutes les plaintes reçues par la DPML ne reçoivent pas une suite favorables. On peut avancer plusieurs raisons à cela.

La Direction des pêches est catégorique. Seule une intensification de l'encadrement sur place pourrait, non pas résoudre les conflits, mais rendre leur résolution plus équitable pour les pêcheurs qui en sont les victimes. Elle croit qu'il faut augmenter le pouvoir de contrôle et les possibilités d'action des structures d'encadrement mises en place, pour permettre d'établir des contacts plus suivis avec les pêcheurs professionels (1). Le Centre de San Pedro, par exemple invoque un projet envisagé par la Direction des pêches qui consisterait à rendre opérationelle l'équipe mobile de surveillance des côtes et à laquelle seraient confiées des pouvoirs précis qui lui permettront de mener à bien sa tâche (2). Le Directeur du centre des pêches de Sassandra a une position identique.

(1) Rapport d'activités 83 Abidjan

(2) Rapport d'activités San Pedro 83

Pourtant il est frappant, lorsque l'on est en contact avec les pêcheurs, de voir exemple que le Centre des pêches n'est presque jamais contacté si un filet a été détruit - la gendarmerie nonplus, ni la mairie, ni éventuellement la sous-préfécture-. Cette attitude est probablement due à une certaine méfiance ou à une ignorance des attributions du service des pêches. Les pêcheurs l'expriment de la manière suivante: “Nous avons contacté le Centre des pêches et il n'y a pas eu de suites.” (Ce qui pourrait être dû aux motifs invoqués plus hauts ou à une mauvaise coordination). Ou: “Nous sommes allés à la gendarmerie, et, comme nous sommes étrangers on nous a renvoyé”. Ou encore: On ne connaît personne à Abidjan et, au port de pêche les armateurs nous ont renvoyé”.

Le fait que ces pêcheurs soient étrangers est un handicap à leur intégration dans les réseaux officiels ivoiriens. Du côté des pêcheurs on note une tendance à être replié sur soi-même sans solliciter l'appui des autorités ivoiriennes s'il y a problème. Du côcés ivoirien nous avons noté presque partout une méfiance vis à vis des étrangers qui ne jouissent pas de la meilleure réputation.*

* Ils sont souvent accusés d'être voleurs et de pratiquer des sacrifices rituels répréhensibles.

Si un effort n'est pas entrepris il y a de grandes chances à notre avis pour que la situation reste sans changement. Et ceci parceque les pêcheurs maritimes sont extrêmement bien organisés au niveau de leur propre compagnie de pêche, et ils n'ont pas besoin dans un premier temps d'une assistance extérieure puisqu'ils sont organisés en structures autonomes. Une compagnie par exemple intéresse-(sans passer par d'autres organisations)- les pêcheurs à produire le plus possible et à ménager le matériel. Un système d'assurances maladie existe et, à preuve de la cohésion de la compagnie, il arrive que le salaire d'un de ses membres qui s'est embarqué sur un navire industriel revienne à la compagnie dans son intégralité le temps que dure le contrat. (Comm. pers. M Aikins. Sassandra)

Les autorités ivoiriennes, d'autre part, leur font souvent grief de de leur mobilité. En effet, outre les migrations qui les ramènent au pays, ils sont très mobiles sur la côte, et, suivant les saisons de pêche ils se déplacent facilement pour suivre le poisson, bien qu'en règle générale leur lieu de résidence reste le même d'année en année. Cette mobilité, d'après les autorités n'encourage pas un suivi aisé des affaires (*)

(*) Cette mobilité est souvent associée à la crainte que les étrangers ne paient pas leurs arriérés. Il es pourtant reconnu selon une enquête menée par la BNDA que les étrangers sont les meilleurs payeurs. D'autre part l'inconstance dont on les accuse demande à être vérifiée puisque pqr exemple les déféctions qui ont eu lieu au GVC de San Pedro étaient dues à une attitude de découragement après que la BNDA ait trop tardé dans l'acheminement des crédits. (Comm. pers. M Frey CCCE )

Il nous semble que les rapports entre pêcheurs et Centres des pêches manquent de dynamisme. La Direction des pêches affirme vouloir favoriser le développement de la pêche artisanale sur le littoral (puisque par ses nombreux points de débarquement elle approvisionne le pays en poisson), mais il n'a pas été clair lors de nos discussions, si l'on veut encourager la pêche artisanale étrangère ou si l'on veut encourager les Ivoiriens à pêcher en mer - les avis divergent entre différents centres des pêches -. Il nous semble irréaliste d'éspérer voir les nationaux ivoiriens se dédier à la pêche en mer; ce n'est pas leur vocation.

Si l'on désire développer la pêche artisanale maritime, cela devrait se faire en facilitant l'accès au crédit, au gasoil détaxé, aux services, en améliorant les réseaux commerciaux, en facilitant les fournitures de matériel et en prenant en charge d'une manière efficace les conflits qui éclatent. Sur ce dernier point il nous semble que la meilleure campagne de diffusion sur les attributions des Centres de pêche auprès des pêcheurs serait d'abord que les Centres des pêches répercutent ces cas de conflits sur Abidjan avec rigueur de façon à ce qu'ils puissent être résolus dans la mesure du possible.*

Dans le même ordre d'idée il faudrait mieux les informer sur le désir de la Direction des pêches de les voir s'organiser en GVC. ** (Ce qui se fait à Sassandra par exemple).

** Tous les pêcheurs concernés ou presque manquent de confiance; il faudrait les pousser à recueillir les renseignements utiles et non pas leur dire simplement “çà ne suffit pas”

Des GVC naissent et s'organisent timidement, pourtant. Il existe deux exemples intéressants à relever: le GVC de San Pedro qui regroupe des fonctionnaires ivoiriens et les pêcheurs étrangers qu'ils emploient, et l'autre est celui de Grand Béréby qui ne regroupe que des étrangers. Il faut relever ici les efforts de M Doumbia, Chef de projet du Sud-Ouest, qui a sû convaincre les créditeurs de faire confiance aux pêcheurs (ces derniers ont donné une garantie de leur permanence en se déclarant solidaires les uns des autres pour les crédits si un membre venait à quitter la place).*

On peut dire néanmoins que l'isolement des pêcheurs est en règle générale un handicap à leur intégration dans les structures ivoiriennes.

Nous pensons, en ce qui concerne la résolution des conflits, vue du point de vue artisanal, que les problèmes qui viennent d'être considérés ne doivent pas être ignorés au risque de laisser la situation s†agnante et de la rendre pire avec le temps. Seule une coordination plus efficace et surtout plus suivie entre les pêcheurs et les Centres des pêches qui a pour tâche de les encadrer pourra changer les perspectives de ce problème récurrent. La DPML ne peut rien faire si rien de sérieux n'est entrepris au départ -si le rapport d'enquête est mal fait ou incomplet et s'il n'y a pas de rapport d'expertise à la base et bien sûr, s'il n'existe pas de confiance réciproque entre pêcheurs et centre des pêches. Après quoi des mesures pourraient être envisagées d'une manière plus globale. (Les problèmes d'aménagement sont repris en conclusion)

* Il est curieux d'entendre la majorité des pêcheurs désireux de s'organiser en GVC alors que les rapports officiels parlent de leurs réticences à vouloir s'organiser.


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