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2. CONTEXTE ET BILAN DIAGNOSTIC

2.1. Contexte naturel

La Guinée s'étend sur 245 857 km2, pour une population estimée à 6 347 000 habitants; sa densité moyenne de population représente 26 habitants par km2. (On trouvera page suivante, les photos 1 et 2 des cartes les plus représentatives). Elle est limitée:

-  à l'ouest, par l'Océan Atlantique et la Guinée Bissau,

-  au Nord, par le Mali et le Sénégal,

-  à l'Est, par la Côte d'Ivoire,

-  au Sud, par la Sierra Leone et le Liberia.

Les deux tiers du pays sont montagneux et bénéficient d'une pluviométrie abondante et régulière qui lui vaut d'être considéré comme le château d'eau de l'Afrique Occidentale, marquant profondément le réseau hydrographique de ses quatre régions naturelles:

-   la Guinée Maritime ou Basse Guinée à l'Ouest, qui représente 15% du territoire national. Climat tropical humide subguinéen (7 à 9 mois de pluies) marqué par la mousson. Nombreux fleuves courts et puissants. Relief généralement plat.

-   la Moyenne Guinée ou Fouta Djallon, qui représente 25% du territoire national. Climat tropical foutanien tempéré par l'altitude (5 à 7 mois de pluies). Source d'importants fleuves d'Afrique de l'Ouest. Relief constitué principalement par des hauts plateaux couverts de savanes et de forêts claires.

-   la Haute Guinée au Nord Est, qui représente 40% du territoire national. Climat de type soudanien (3 à 6 mois de pluies) marqué par l'harmattan. Relief caractérisé par les grandes plaines inondables de basse altitude du Niger et de ses affluents séparés par de vastes plateaux.

-   La Guinée Forestière au Sud Est, représente les 20% restants du territoire national. Climat tropical humide (9 à 11 mois de pluies). Traversée par la dorsale Guinéenne qui culmine à 1752 m au mont Nimba, elle se caractérise par une végétation très dense et une forte humidité.

Photos fiches 2, 5,6, T.zillii, S. galilaeus et 0. niloticus

PHOTO 1

PHOTO № l: GUINEE: Organisation administrative, densités; transport et communications; agriculture, élevage, pêche; ressources minières et énergétiques. (Jean-Pierre Marquet)

PHOTO 2

PHOTO № 2: GUINEE: agriculture, élevage, pêche. (Jean-Pierre Marquet)

2.1.1. Pluviométrie

La pluviométrie annuelle moyenne et le nombre de jours de pluie par an sont représentés par Région Naturelle dans les figures 1 et 2 page suivante. Ces figures ont été obtenues à partir des relevés météorologiques présentés en annexe 1.

Ces relevés ont été effectués de 1988 à 1993 par la Direction Nationale de Météorologie dans trois localités représentatives par Région Naturelle ; nous les avons regroupés de façon à mettre en valeur les disparités climatiques régionales.

Les localités représentatives des Régions Naturelles choisies par la Direction Nationale de la Météorologie sont les suivantes (voir cartes page 4):

-   Guinée Maritime: Conakry, Boké, Kindia.

-   Moyenne Guinée: Labé, Mamou, Koundara.

-   Haute Guinée: Kankan, Faranah, Siguiri.

-   Guinée Forestière: N'Zérékoré, Kissidougou, Macenta

Les résultats des calculs de moyennes régionales par critère sont présentés dans le tableau 1 ci-dessous:

Tableau 1 : Pluviométrie par Région Naturelle

REGION NATURELLEPluviométrie (hauteur annuelle)Nombre de jours de puies par an
Guinée Maritime2634,40 mm132, 28 jours
Moyenne Guinée1253, 86 mm116, 17 jours
Haute Guinée1235, 82 mm102, 17 jours
Guinée Forestière2012,97 mm157, 83 jours

Ainsi la Guinée Maritime (ou Basse Guinée) et la Guinée Forestière sont les régions naturelles les plus favorables aux activités piscicoles pour ces deux critères (total des précipitations annuelles et nombre de jours de pluie par an).

FIGURE 1: Pluviométrie moyenne annuelle par Région Naturelle (1988–1993)

FIGURE 1

FIGURE 2: Nombre de jours de pluie par an et par Région Naturelle (1988–1993)

FIGURE 2

2.1.2. Hydrologie

Le réseau hydrographique est particulièrement dense en Guinée; on distingue toutefois des disparités régionales quant à la régularité des cours d'eau, plus favorable en Guinée Forestière et en Guinée Maritime qu'en Moyenne et Haute Guinée; ce constat de fait est directement lié à la pluviométrie régionale (quantité absolue et répartition des précipitations sur l'année) et à l'évaporation plus intense dans les régions du Nord.

On observe parallèlement une diminution sensible de la durée de la saison humide (caractérisée par une pluviométrie mensuelle supérieure au tiers de l'évapotranspiration) du Sud vers le Nord: cette durée est de 11 mois à Macenta en Guinée Forestière et diminue progressivement jusqu'à 5 mois à Koundara (situé au Nord de la Moyenne Guinée) et Siguiri (situé au Nord de la Haute Guinée).

La conséquence directe sur l'hydrologie régionale se marque du Sud vers le Nord du pays par l'assèchement temporaire des petits affluents et des différences très marquées de hauteur d'eau entre le débit de crue et celui d'étiage des grosses rivières et des fleuves (jusqu'à 8 à 10 mètres d'écart).

Ainsi pour les critères de permanence des cours d'eau et de régularité des débits, la Guinée Forestière possède des avantages comparés évidents par rapport aux autres régions du pays.

En ce qui concerne la qualité des eaux, les nombreux relevés de pH, de température et de turbidité effectués en cours de mission dans les fleuves, rivières, retenues et plans d'eau en général ont démontré l'excellente qualité des eaux continentales guinéennes: les pH relevés sont partout supérieurs ou égaux à 6 (légère acidité facile à corriger par fertilisation des eaux), même en Guinée Forestière.

En pleine saison sèche, la température est partout favorable à l'élevage de poissons tropicaux (supérieure à 25°C) et la turbidité due aux matières organiques en suspension pratiquement nulle. Il est vraisemblable qu'en saison froide, la température des eaux descende en dessous du seuil de reproduction de beaucoup d'espèces piscicoles (20°C) comme l'indiquent les températures moyennes annuelles minimales de l'air relevées de 1988 à 1993 par la Direction Nationale de la Météorologie présentées en annexe 2.

Les températures moyennes annuelles les plus basses ont été enregistrées en Moyenne Guinée, dans le Fouta Djallon, où elles descendent régulièrement en dessous de 15°C (seuil de croissance pour beaucoup d'espèces piscicoles tropicales); partout ailleurs, l'inertie thermique de l'eau maintient la température de l'eau au dessus du seuil critique de croissance.

2.1.3. Espèces

L'inventaire des poissons d'eau douce des bassins Nilo-Soudaniens d'Afrique comporte 361 espèces répertoriées (dont 91 dans la Gambie, 249 dans le Niger et 119 dans le Sénégal), réparties en 119 genres et 38 familles.

L'inventaire taxonomique des poissons d'eau douce des bassins côtiers n'est pas encore terminé, la faune ichtyologiques de la Guinée Bissau et de la République de Guinée n'étant qu'imparfaitement connue.

Quoiqu'il en soit, l'ichtyodiversité des eaux continentales guinéennes est particulièrement riche et recèle même plusieurs espèces endémiques particulières à la Guinée (Ichthyoborus quadrilineatus, Papyrocranus afer, etc…).

Ce constat justifie amplement l'usage exclusif d'espèces piscicoles locales en pisciculture et devrait attirer l'attention du gouvernement sur le danger que représente l'importation d'espèces allochtones susceptibles de bouleverser les équilibres écologiques au niveau national et dans les pays voisins irrigués par les mêmes fleuves.

Ainsi toute importation (dans un but d'élevage commercial) de poissons vivants étrangers à la faune ichtyologiques africaines devrait être rigoureusement interdite; les carpes chinoises par exemple pourraient vraisemblablement trouver des conditions de croissance et de reproduction favorables dans les hauts plateaux du Fouta Djallon mais leur incidence sur le milieu pourrait être désastreuse.

Les importations de poissons allochtones africains d'un bassin à l'autre devraient idéalement faire l'objet d'une autorisation préalable du Ministère de la Pêche et de l'Aquaculture pour éviter que des espèces moins appréciées par les consommateurs n'envahissent de nouveaux milieux (cas d“Heterotis niloticus, qui a tendance à faire disparaître beaucoup d'espèces et à gagner de l'importance dans les captures au détriment d'espèces plus intéressantes).

On trouvera dans le tableau 2 ci-dessous la liste (non exhaustive) des poissons présents en Guinée, ayant déjà fait l'objet d'expérimentations ou de productions piscicoles dans les pays voisins:

Tableau 2: Liste des espèces présentes en Guinée utilisées en pisciculture africaine

FamilleGenre espèceUtilisation(*)
OsteoglossidaeHeterotis niloticusretenues
DistichodontidaeDistichodus rostratusretenues
CitharinidaeCitharinus citharinusretenues
CyprinidaeBarbus speciesretenues
 Labeo coubieétangs / retenues
BagridaeAuchenoglanis occidentalisretenues
ClariidaeClarias anguillarisétangs/retenues
 Clarias gariepinusétangs/retenues
 Heterobranchus longifilisétangs/retenues
ChannidaeParachanna obscuraétangs / retenues
CentropomidaeLates niloticusretenues
CichlidaeHemichromis fasciatusétangs / retenues
 Oreochromis niloticusétangs / retenues
 Oreochromis aureusétangs / retenues
 Sarotherodon galilaeusétangs / retenues
 Tilapia guinéensisétangs / retenues
 Tilapia zilliidéconseillé

(*) Seulement quand l'espèce est déjà présente dans le bassin concerné

On notera la présence de Tilapia zillii (espèce très prolifique à croissance lente) dans pratiquement tous les cours d'eau de Guinée, ce qui représente un handicap certain pour le développement d'activités rizi-piscicoles (ce poisson étant phytophage). Hemichromis bimaculatus, également présent dans de nombreuses rivières de Guinée, est une espèce prolifique de très petite taille, spécialisée dans la prédation d'oeufs et d'alevins de plusieurs espèces de poisson (dont les Cichlidae). La présence de ces 2 espèces indésirables de Cichlidae obligera les pisciculteurs à bien protéger leurs étangs par des grillages et des boîtes de capture aux entrées d'eau.

2.1.4. Relief

Les interactions existantes entre le relief au sens large et la pisciculture sont liées à l'altitude, au profil en long des cours d'eau, au profil en travers des vallées et à la nature des sols.

-   Les problèmes liés à l'altitude concernent d'une part les fortes pentes des régions montagneuses qui réduisent les superficies disponibles pour les étangs et d'autre part la température qui diminue de 0, 7 °C par 100 mètres d'altitude supplémentaire. Les régions concernées par ces problèmes sont la partie montagneuse de la Guinée forestière et les hauts plateaux du Fouta Djallon en Moyenne Guinée.

-   Les profils en long des fleuves et rivières sont généralement défaforable dans les régions montagneuses où les fortes déclivités accélèrent les débits des cours d'eau (sédimentation importante) et provoque l'encaissement des cours d'eau par érosion: c'est le cas de beaucoup de rivières de Guinée Maritime avant d'atteindre la zone plane mais saline des mangroves.

-   Le profil en travers des vallées est affecté par les fortes déclivités des rivières (vallées encaissées, de superficies réduites et souvent inondables) en région montagneuse; à l'inverse, des régions planes soumises à des variations annuelles importantes du régime hydrique sont difficiles à aménager en étangs piscicoles: ensablement du lit des rivières en période d'étiage et inondation en période de crue ( cas fréquent en Haute Guinée et dans une partie de la Moyenne Guinée).

-   La nature des sols, qui contribue à façonner le relief par sa capacité de résistance aux agents érosifs, est particulièrement importante en pisciculture car elle conditionne la résistance des digues et leur étanchéïté. Les meilleures structures de sol se trouvent en Guinée Forestière et en Guinée Maritime où la terre contient un fort pourcentage d'argile, alors que la Moyenne et la Haute Guinée sont défavorisée pour ce critère par la présence de sols sablonneux plus perméables.

2.2. Environnement économique

Le secteur agricole intervient pour 21, 24% du PIB en 1993: 16,33% pour l'agriculture - 2,93 % pour l'élevage - 0,24% pour la pêche et 1,74 % pour la forêt.

2.2.1. Commercialisation du poisson

Les quantités de poisson disponibles en Guinée proviennent principalement de la pêche maritime artisanale ( 35 000 tonnes par an selon la Direction Nationale de la Pêche), de la pêche continentale (estimée à 10 000 tonnes selon Matthès) et des importations de poisson de mer complémentaire (10 000 tonnes selon les statistiques du port autonome de Conakry).

On trouvera à la figure 3 suivante les quantités capturées par type de pêche pour l'année 1993 (annuaire des statistiques agricoles 1988–1993). Les productions de la pêche industrielle sont pratiquement toutes exportées.

Figure 3: Production de pêche selon type

Figure 3

Une enquête cadre initiée récemment par le CNSHB (de Nov. 1995–Janv. 1996) a relevé les observations suivantes, confirmée et complètées par les observations de la mission FAO:

-   deux sociétés (COGIP et SONIT-Pêche) exercent un quasi monopole sur l'approvisionnement du marché intérieur en poisson congelé (chinchard et sardinelle essentiellement) qui dominent le marché, même en Haute Guinée en saison sèche. La mission estime à 13 000 tonnes la quantité commercialisée à l'intérieur du pays par ces deux sociétés dans 46 points de vente refrigérés. Les prix de détail pratiqués varient de 800 FrG le kg aux alentours de Conakry jusqu'à 1 300 FrG le kg en Guinée Forestière. Toutefois certains marchés sont également approvisionnés en poisson de mer frais et congelé par des commerçantes indépendantes, sans chaîne de froid (vente immédiate en cours de transport, invendus fumés en fin de journée).

-   le poisson de mer fumé de Guinée (Bonga) ou traité (Kéthiak: braisé-salé- sèché) en provenance des pays voisins, est commercialisé par camion sur l'ensemble du pays par des commerçants spécialisés (commerce international ou inter-régional en gros), relayés par des semi-grossistes dans les centres urbains. Bonga et Kethiak sont vendus surtout dans le Fouta Djallon, le Sud et l'Est de la Haute Guinée et en Guinée Forestière. Le produit est surtout vendu décortiqué, accessoirement entier ou en poudre. Les autres produits de mer disponibles sur les marchés intérieurs sont de qualité moyenne (dorades, capitaines: de 1 000 à 1 500 FrG le Kg congelés ou 1 500 – 2 000 FrG coupé-fumé) ou représentent le bas de gamme en coupé-fumé (raies, requins: de 1 200 à 1 600 FrG par kg).

-   le poisson d'eau douce en provenant du bassin du Niger est commercialisé sur des circuits très courts (100 à 150 km) en frais ou braisé-fumé; les quantités commercialisées ne semblent importantes qu'en Haute Guinée où elles occupent la seconde position en volume de poisson commercialisé. On trouve également sur les marchés des quantités parfois importantes de poissons d'eau douce fumés en provenance des pays voisins à des prix élevés (jusqu'à 3 500 FrG le kg pour du Clarias fumé vendu en Guinée forestière).

2.2.2. Consommation et substituts

En Guinée maritime, le poisson de mer est abondant et bon marché (750 à 800 FrG le kg), comparé à la viande de boeuf et autres substituts qui coûtent entre 1 500 et 2 000 FrG le Kg (plus encore à Conakry pour la viande de chasse qui est une denrée rare dans la capitale).

En Moyenne Guinée, le poisson de mer domine le marché à des prix abordables (1 000 FrG le Kg pour le congelé). Dans le Fouta Djallon le poisson d'eau douce est un produit de luxe, disponible en quantité limitée pour un prix nettement plus élevé (1 500 – 2 000 FrG le kg) comparable à celui de la viande de boeuf. On y trouve également du poisson de mer fumé à moins de 1 000 FrG le kg et de la viande de chasse au même prix en saison sèche.

En Haute Guinée, le poisson de mer reste globalement plus important sur les marchés urbains que le poisson d'eau douce, même en saison sèche. Le poisson congelé se vend à 1 000 FrG le kg, soit 50% du prix de la viande de boeuf. Le prix du poisson d'eau douce varie entre 1 200–1 500 FrG le kg frais et 1 500–2 000 FrG le kg fumé. La viande de chasse, abondante en saison sèche, coûte 1 000 – 1 500 FrG le kg.

En Guinée Forestière, le prix du poisson est particulièrement élevé: le poisson frais ou fumé de qualité moyenne (quelle que soit l'espèce ou la taille: Cichlidae, Barbus) est vendu au même prix que le boeuf, soit 2 000 FrG le kg. Le prix du kg de poisson de qualité inférieure à médiocre (petit fretin fumé importé du Mali, poisson de mer décongelé puis fumé, poudre de poisson) se vend entre 1 300 et 1 700 FrG le kg. Le poisson de qualité moyenne à supérieure n'est disponible qu'en quantité limitée. Les Clariidae (Clarias, Heterobranchus) sont les plus appréciés, comme partout en Guinée: des petits Clariidae fumés se vendent à 3 500 FrG le kg. Le prix du kg de viande de chasse se négotie entre 1 500 et 2 000 FrG et celui des volailles à plus de 4 000 FrG.

En 1993, la situation du cheptel se situait à 1 768 038 bovins, 468 612 ovins, 569 871 caprins, 34 842 porcins et 2 999 412 volailles (PNUD/FAO/GUI/92/019). On notera cependant que l'état de malnutrition par carence protéique des enfants de moins de 5 ans est de 11,5 % (aïgue) et 30,5 % (chronique) sur l'ensemble de la Guinée, ce qui traduit un approvisionnement difficile en protéines animale.

2.2.3. Principales cultures

Le tableau 3 suivant fournit les superficies, les rendements et les productions des principales cultures pratiquées en Guinée pour l'année 1993.

Tableau 3: Principales cultures - rendements moyens - productions - Année 1993.

(source: annuaire des statistiques agricoles 1988 – 1993; PNUD/FAO-GUI/92/019).

CulturesSuperficies, (ha)Rendements (kg/ha)Productions (tonne)
Riz377 3751380520 778
Fonio135 19360081 116
Arachide132 352880116 470
Maïs80 657104083 883
Manioc64 6997 490484 596

Le taleau 4 suivant compare les rendements obtenus par culture et par région naturelle, ce qui donne une indication comparative de la fertilité des sols.

Tableau 4: Comparaison des rendements obtenus par région naturelle et par culture en tonnes /ha , (Année 1993; source: annuaire des statistiques agricoles 1988–1993).

 RizFonioArachideMaïsManioc
Guinée Maritime1.290.340.951 .046.15
Moyenne Guinée1.160.660.901.336.43
Haute Guinée1.400.620.780.727.39
Guinée Forestière1.520.851.021.479.48

On constate à la lecture de ce tableau que les rendements moyens maxima pour toutes les cultures principales de Guinée sont obtenus en Guinée Forestière, ce qui traduit la richesse relative des sols de cette région.

2.2.4. Calendrier agricole et emploi

On trouvera au tableau 5 suivant, la répartition de la population agricole sur la population totale par région, la taille des ménages et la densité de population par région.

Tableau 5: caractéristiques de la population par Région Naturelle: (année 1993)

Source: Service National Statistiques Agricoles /Système Permanent Stat. Agricoles

ObjetSuperficiePopulationPopulation% pop. agriTailleDensité
Région(en km 2)totale (Hab)agricolesur pop.tot.ménageHab/km 2
Guinée Maritime36 2081485 993825 36255.54%6.7041.04
Moyenne Guinée63 6081628 122904 30455.54%7.1325.60
Haute Guinée96 6671608 372893 89055.58%9.4116.64
Guinée Forestière49 3741624 513735 67145.29%7.3132.90
TOTAL GUINEE245 8576347 0003359 22752.93%7.5425.82

D'après les estimations du Service National des Statistiques Agricoles (SNSA), seuls 2,06% de la population active agricole aurait l'élevage comme activité principale, 1,58% la pêche et 3,13 % d'autres activités que l'agriculture, la pêche et l'élevage. La majorité de la population active agricole, soit 93, 23 %, aurait l'agriculture comme activité principale (sur 1 985 465 actifs agricoles recensés en 1993 représentant 59,10% de la population agricole totale, ou 31,28% de la population totale).

Le calendrier agricole varie d'une Région Naturelle à l'autre en fonction du climat et surtout des précipitations; à titre d'exemple nous reproduisons ci-dessous le calendrier agricole des agriculteurs-pêcheurs (paysans producteurs de riz) encadrés par la Soguipah en Guinée Forestière :

Tableau 6: calendrier agricole en Guinée Forestière: Source: Soguipah (com. pers.)

Défrichement:15 mai au 15 juin
Défoncement:15 juin au 15 juillet
Mise en pépinière:15 juillet au 30 juillet
Repiquage:30 juillet au 15 aout
Desherbage:Septembre – Octobre
Récolte:Novembre – Décembre
Pêche:de Janvier à Avril

2.2.5. Aménagements hydrauliques

Il n'existe aucun lac naturel dans le pays; on compte actuellement 4 retenues hydro-electriques en Guinée (Baneya, Kale, Tinkisso et Donkea) totalisant 30,55 km2 . Un barrage fluvial en construction sur le Konkouré, permettant l'installation de deux centrales hydro-électriques à Garafiri (situé à 170 km à l'Est de Conakry) puis à Kaléta (situé à 60 km en aval de Garafiri), aura une superficie de 90 km2 . On compte également une cinquantaine de retenues hydro-agricoles de petites superficie réparties dans tout le pays, principalement en Guinée Forestière où 46 retenues rizicoles d'un hectare en moyenne ont été construites par la Soguipah.

Les retenues utilisables en pisciculture (élevages en cage, aménagements piscicoles divers) sont celles inutilisées pour l'approvisionnement en eau potable des populations, dont le niveau d'eau est le plus stable, situées pour la plupart dans le Sud du pays (durée de la saison des pluies et intensité de l'évaporation).

Il n'existe actuellement aucun système de passe à poisson permettant les migrations saisonnières; à l'avenir, pour conserver l'ichtyodiversité, il est indispensable d'en prévoir sur tous les barrages de superficie moyenne ou importante et il serait souhaitable d'en envisager la construction sur le Konkouré, avant la fin des travaux.

2.3. Aspects institutionnels

Après cinq changements successifs de tutelle administrative entre 1984 et 1994, le secteur Pêche est placé maintenant sous la tutelle du Ministère de la Pêche et de l'Aquaculture créé récemment fin 1994.

2.3.1. Structure administrative

L'organigramme du Ministère comprend le cabinet et des services d'appui, trois directions nationales et quatre entités publiques spécialisées. L'effectif du personnel du MPA est de 455 personnes dont 69 temporaires. Cette structure de base a déja fait l'objet de commentaires lors de la mission préparatoire FAO et semble adéquate.

La structure administrative de la Direction Nationale de la Pêche et de l'Aquaculture comprend 22 cadres supérieurs basés à Conakry et 10 directeurs préfectoraux répartis progressivement à l'intérieur du pays en fonction des besoins.

On trouvera au tableau 7 suivant, l'organigramme actuel de la DNPA.

Tableau 7: Organigramme de la DNPA

Ainsi la DNPA comprend un Directeur et son adjoint, deux chefs de Division, six chefs de Section et deux cadres complémentaires par section (soit 22 personnes au total), tous basés à Conakry. Cette organisation est complètée par dix Directeurs Préfectoraux affectés à l'intérieur du pays, qui dépendent directement de la DNPA; ils ont le rang administratif de chef de Division.

Cette structure administrative est peu fonctionnelle: il faudrait répartir les cadres disponibles sur le terrain à travers des Services Régionaux Thématiques (à mettre en place par Région Naturelle en fonction des besoins) et non pas à travers des Directions Préfectorales (trop nombreuses et coordonnées de trop loin). Des propositions plus détaillées en ce sens seront reprises dans le rapport de synthèse.

2.3.2. Formation

La plupart des cadres de la direction sont ingénieurs zootechnitiens ou médecins vétérinaire à l'exception du chef de division aquaculture (licencié en biologie) et du chef de section règlementation (qui est juriste de formation).

Beaucoup d'entre eux ont bénéficié d'une bourse de voyage d'étude à l'étranger. Aucun d'entre eux n'a reçu une formation pratique suffisante en topographie ni en gestion piscicole pour identifier des sites favorables, les aménager et les gérer. Un solide programme de formation pratique dans ces domaines essentiels devrait donc précéder leur redéploiement sur le terrain.

La formation zootechnique de base reçue par la plupart des cadres devrait permettre une assimilation rapide des notions indipensables d'élevage des poissons et devrait faciliter les intégrations agro-piscicoles (élevages associés). Les plus grosses carences de formation constatées concernent principalement la reconnaissance des espèces, la topographie, l'aménagement de sites et la construction des étangs.

2.3.3. Recherche

En matière de recherche en pisciculture continentale, la Guinée démarre pratiquement de zéro, avec les premiers essais réalisés cette année en Guinée forestière. Ce pourrait être un avantage, si seules les méthodes qui ont fait leurs preuves sont expérimentées en Guinée; encore faut-il avancer par étapes, et non essayer dès le départ les techniques les plus complexes qui demandent un long apprentissage et de l'expérience sur plusieurs années.

2.4. Réalisations et propositions à date

Dans le cadre du TCP/GUI/4556, qui a démarré en Septembre 1995, Mr Fodé Mamadou Kaba (consultant national) a dressé un bilan de synthèse des études et micro-projets réalisés depuis 1990, dans les domaines de la Pêche continentale et de l'Aquaculture. Ce bilan, complèté par nos observations sur le terrain et des recherches bibliographiques complémentaires, permettent de faire le point sur ce sujet.

2.4.1. Sommaire

Depuis la rédaction du rapport de la mission exploratoire FAO de 1990 (Matthès), 3 missions successives et indépendantes ont eu lieu:

-   une mission réalisée par Mr H. Saurin (ORSTOM) du 20 Octobre au 8 Novembre 1995, sous contrat de la Communauté Européenne (projet GUI/60), avait pour objectif d'évaluer les possibilités de développement d'une pisciculture extensive en Guinée. Le rapport de cette mission est disponible et confirme le choix (Matthès, 1990) de la Guinée Forestière comme zone d'action prioritaire.

Un protocole d'actions en 3 phases à entreprendre à partir de la station piscicole de Gwi (SOGUIPAH) de Diécké a été défini : une phase expérimentale suivie, s'il y a lieu, de 2 phases de vulgarisation. Elles seront commentées plus en détail dans les paragraphes suivants. L'accord de financement de ces actions de recherche est acquis depuis fin Mars 1996 (financement CE: microprojet 7/GUI/60; contrat CE-ORSTOM-FAC.EXP.26/95).

-   une mission réalisée par Mr Naoki Miremoto d'Octobre à Décembre 1995, financée par l'Agence Japonaise pour le Développement International (JICA) avait pour but d'identifier des sites favorables aux activités de Pisciculture et de Pêche Continentale. Le rapport de mission n'était pas disponible en Guinée en avril 1996; les renseignements pris auprès de la DNPA (qui a accompagné la mission) semble indiquer l'intention de la JICA d'importer en Guinée des carpes chinoises en vue d'y développer l'élevage de certaines de ces espèces allochtones (?)…(Voir nos recommandations au paragraphe 2.1.3. Espèces)

-   une mission de 10 jours, réalisée en Janvier 1996 par Mr Marc Oswald et financée par l'Association Française des Volontaires du Progrès (AFVP) avait pour but de faire des propositions opérationnelles en matière de Développement de la Pisciculture Continentale en Guinée. Pas de rapport de mission disponible en avril 1996, ni de proposition technique, à l'exception d'une note de 2 pages dans laquelle le consultant livre ses premières impressions. Il souhaite voir confier l'organisation et le suivi des actions de développement piscicole à l'AFVP pour éviter la multiplicité des acteurs potentiels qui risque, selon lui, de dé-responsabiliser les paysans et de favoriser la politique du plus offrant, qui exclut tout réel développement.

2.4.2. Réalisations actuelles

Les réalisations actuelles sont le fait d'agriculteurs privés, qui démarrent des activités piscicoles complémentaires avec ou sans appui de projets de développement, de centres de recherche ou de formation (Faranah, ENEA de Macenta…) ou de projets de développement agricole. Un échantillonnage de 19 réalisations actuelles décrites en détails dans les fiches d'expertises piscicoles présentées en annexe témoigne de la diversité des situations et de l'intérêt général manifesté en Guinée pour le développement de la pisciculture, malgré l'absence d'encadrement.

2.4.2.1. Réalisations Soguipah

La Soguipah (Société guinéenne de palmier à huile et d'hévéa) est une société d'Etat de type agro-industriel basé sur la complémentarité des marchés et les associations de cultures, dont la gestion est assurée par un opérateur technique (le groupe belge Socfinco). Le projet a démarré en 1987 sur un domaine réservé de 22 000 ha en Guinée Forestière, en zone à forte densité de population (préfecture de Yomou: 80 Hab/ km2); il emploie 1 500 salariés agricoles.

Ce projet a pour objectifs la plantation de palmiers à huile (réalisations: 1 560 ha de plantation industrielle et 1100 ha en plantations villageoises) et d'hévéa (réalisations: 4 560 ha de plantation industrielle et 900 ha en plantations villageoises), l'aménagement de bas-fonds rizicoles (réalisations:1100 ha à 4 tonnes paddy/ha/an) la construction de pistes rurales (800 km de routes et pistes ouvertes ou réhabilitées) et diverses microréalisations destinées aux paysans (pisciculture, pépinières de fruits et légumes). Il concerne 1 950 familles sur 3 300, sensibilisées aux problèmes de protection de l'environnement et de l'intégration d'activités rentables en milieu forestier. Son impact en Guinée Forestière est évident et témoigne de l'effet positif que peut avoir un projet de développement intégré bien conçu à long terme dans une région enclavée.

En matière de potentiel de développement piscicole (voir fiches d'expertise piscicole № 3, 4 et 5), le projet dispose de 46 retenues rizicoles de 1 ha chacune en moyenne; il a aménagé une petite station d'alevinage de 0,4 ha (construite en aval d'une des retenues rizicoles) en 9 étangs piscicoles de 4 à 6 ares par étang. Si la mission a constaté un excès de zèle évident de la part des responsables piscicoles (sur-fertilisation des étangs, techniques de production trop sophistiquées pour être vulgarisées à ce stade en milieu rural), les essais en cours démontrent la faisabilité technique de la pisciculture en milieu forestier (rendements nets supérieurs à 50 kg/are/an).

Par ailleurs, la mission a également identifié des alternatives au mode d'exploitation actuel des étangs et des retenues rizicoles; ces alternatives ont été présentées lors d'une scéance de restitution à Diécké et sont reprises dans les fiches d'expertises piscicoles 3 à 5 présentées en annexe 5 à 7.

Les réalisations de la Soguipah, la confiance dont elle bénéficie en milieu rural et l'intérêt manifesté pour la pisciculture par les cadres et les paysans de la zone d'intervention sont autant de conditions favorables à la prise en compte de cette région pour établir une base solide à l'implantation de la pisciculture en Guinée.

Cette activité complémentaire s'intègre parfaitement dans les objectifs de la société en valorisant les réalisations (retenues rizicoles) et les sous-produits (son de riz, tourteaux de palmistes) au bénéfice des paysans.

2.4.2.2. Microprojet 7/GUI/60; CE - ORSTOM - FAC

Bien qu'il n'ait pas encore officiellement démarré, ce programme d'expérimentation technique a débuté dans le cadre des infrastructures Soguipah. Il comporte en première phase, 3 séries de tests de faisabilité de 12 mois supervisés par Mr H. Saurin portant sur:

  1. l'aménagement de retenues collinaires (ouvertes) en amont des bas-fonds rizicoles avec une technique expérimentale d'acadja et un empoissonnement d'O. niloticus non sexés.

  2. des tests de reproduction et d'alevinage d'O. niloticus en “hapas” en vue d'obtenir des alevins calibrés d'âge connu, susceptibles d'être sexés manuellement à 15 gr, puis engraissés dans des étangs fertilisés et nourris au son de riz en élevage monosexe mâle.

  3. des tests de croissance d'O. niloticus sexés (mâles) nourris au son de riz dans des étangs (fermés) fertilisés par des bambous fourrés aux fientes de volaille.

L'intérêt potentiel des tests 1 et 3 est commenté dans les fiches 4 et 5 en annexe; il réside principalement dans le maintien des fertilisants (par les bambous) en retenue “ouverte” (en lagune ou en étang de barrage parcouru par un courant d'eau continu) et semble à priori limité dans les étangs “fermés” en dérivation (où la gestion de l'eau et des fertilisants est maîtrisée, avec ou sans bambou).

Celui des tests en hapas n'est justifié que si la demande en poisson est exigeante sur la taille individuelle des poissons (comme en Côte d'Ivoire). Si la différence de prix par kg de poisson ne varie pas (ou peu) en fonction de la taille individuelle des poissons, il n'est pas justifié d'utiliser des méthodes aussi compliquées, difficiles à vulgariser, pour une même productivité en biomasse.

En Guinée, à ce stade de développement, il n'est pas nécessaire de compliquer les méthodes d'alevinage et de production, car il n'y a pratiquement aucune différence de prix entre un kg de petits poissons et un kg de gros poissons (voir chapitre sur la commercialisation du poisson).

Pour ne pas compromettre le programme de formation et de vulgarisation futur de la pisciculture en Guinée Forestière (en limitant son extension à quelques techniciens spécialisés, par la complexité des méthodes de production piscicole utilisées), nous recommandons fortement de limiter ces tests en hapas au stade d'expérimentation en station. Des méthodes plus rustiques (et plus facilement vulgarisables) permettent d'obtenir les mêmes productions (en biomasse) avec la même quantité d'aliments et de fertilisants.

2.4.2.3. Réalisations AFVP

Si les réalisations de l'AFVP en matière d'élevage de porcs ont eu un impact positif sur le développement rural comme constaté en cours de mission, certaines interventions piscicoles des volontaires n'ont malheureusement pas eu le même succès. On trouvera dans les fiches № 6 et 9, les expertises piscicoles réalisées par la mission sur deux sites encadrés par des volontaires:

-   la première concerne un site mal aménagé à N'Zérékoré ( le volontaire étant spécialiste en porciculture et non en pisciculture, a délégué l'aménagement du site à un bureau local d'exécution et n'est pas directement responsable des erreurs d'aménagement qu'il a financées à travers l'AFVP).

-   la seconde concerne un site aménagé sous les conseils d'un volontaire inexpérimenté qui a fait construire un étang en terre dans une zone inondable à Macenta: l'étang et les poissons ont été emportés par l'inondation, décourageant ainsi le pisciculteur débutant, pourtant très dynamique.

Ces deux interventions malheureuses témoignent que l'amateurisme en matière d'aménagement piscicole peut avoir un effet inverse à celui du développement escompté des activités : perte de confiance dans l'encadrement et découragement des intéressés face à l'activité qu'ils souhaitaient développer au départ.

Outre ces erreurs d'aménagement, la mission a constaté que plusieurs espèces (Oréochromis niloticus, Clarias gariepinus, Hétérotis niloticus) étaient vulgarisées en même temps dès la première phase d'introduction des techniques piscicoles, sans attendre que la première espèce au moins soit maîtrisée par les pisciculteurs débutants. D'autre part, le système de subvention au transport de tourteaux de palmiste réalisé par l'AFVP (constaté à Macenta) n'est pas recommandable, car elle crée un système artificiel et non pérenne d'approvisionnement en intrants pour l'élevage.

2.4.2.4. Autres réalisations

D'autres erreurs flagrantes d'aménagement à partir de retenues rizicoles ont été constatées en cours de mission :

-   les retenues de Tolo et Dounkimagna construites sur le même modèle (fonds saoudiens) n'utilisent pas du tout l'eau excédentaire de leur déversoir respectif: toute l'eau du déversoir retourne directement dans le lit de la rivière alors que des canaux latéraux sur des courbes de niveau pourraient prolonger l'irrigation (dans le temps et dans l'espace) sans prélèvement inutiles de l'eau des retenues en saison humide.

-   à Dounkimagna, les étangs sont construits sans aucune pente dans l'assiette des étangs dont la profondeur est trop faible pour éviter l'envahissement des étangs par les plantes aquatiques; chaque étang est équipé de 2 moines : un à l'entrée (?), l'autre à la sortie. Le site a été abandonné.

-   à Faranah, deux étudiants de l'Institut Valéry Giscard D'Estaing tentent d'évaluer le potentiel de production de poissons d'élevage (plusieurs espèces mélangées) en cage posée dans une retenue à hauteur d'eau variable: des cages flottantes seraient plus indiquées (avec une seule espèce en croissance par cage).

2.5. Conclusions

Dans l'ensemble, tous les critères examinés sont favorables au développement de la pisciculture rurale continentale en Guinée Forestière (la dorsale montagneuse exclue): contexte naturel et environnement économique.

En Guinée Maritime, les critères liés au contexte naturel sont globalement favorables au développement piscicole, mais la concurrence avec les produits halieutiques marins diminue la rentabilité prévisible des investissements consentis dans ce type d'activité.

En Moyenne et Haute Guinée, certains critères liés au contexte naturel et à l'environnement économique doivent être examinés au cas par cas, suivant les sites concernés, le type d'aménagement envisagé, le prix et la disponibilité des intrants et des produits de substitution, pour évaluer les chances de succès d'une exploitation piscicole dans des zones traditionnellement vouées à l'élevage bovin, ovin et caprin.

2.5.1. Potentialités et contraintes

Globalement, notre bilan diagnostic confirme les résultats obtenus par la mission exploratoire de la FAO (Matthès; 1990): la Guinée possède un énorme potentiel de développement en matière d'aquaculture. Ce potentiel, variable d'une région à l'autre, ne peut toutefois pas être mis en valeur du jour au lendemain, sans tenir compte des étapes nécessaires au développement harmonieux du secteur. Un examen plus détaillé des potentialités valorisables et des contraintes identifiées, devrait permettre de dégager un ordre de priorité et une stratégie de développement cohérente.

2.5.2.2. Potentialités

La pisciculture en étangs ne se justifie que dans les zones d'approvisionnement permanent en eau, là où les conditions de marché sont favorables. Les techniques semi-intensives éprouvées permettent d'obtenir en étang fermé (entrées d'eau contrôlées) des rendements compris entre 5 et 8 tonnes /ha /an à des températures supérieures à 20°C (voir fiches № 3 et 8). Dans les étangs ouverts (parcourrus par un courant d'eau non maîtrisable), les rendements ne seront plus que de 1 à 2 tonnes / ha/ an s'ils sont bien fertilisés (acadjas ou compostières latérales), et inférieurs à 500 kg/ha/ an sinon.

L'aménagement de certaines retenues (barrage amont et dérivation latérale des eaux de crues, assiette en pente douce vers le dispositif de vidange; voir fiche № 5) pour les rendre plus maîtrisables par l'homme, devrait permettre de mieux valoriser 25 à 30% des retenues existantes, au moins en Guinée Forestière (Com.pers. Soguipah). Une retenue bien maîtrisée (contrôle de l'eau et des espèces piscicoles) et bien fertilisée peut produire 2 à 5 tonnes /ha/an avec une alimentation complémentaire au son de riz.

L'usage de poissons prédateurs (passe à poissons, restockage) dans les retenues de barrage non maîtrisables, associé à un programme de pêche à la palangre appâtée des plus gros prédateurs et pêche au filet dormant des Cichlidae, devrait permettre de limiter la surpopulation dans les retenues et de mieux valoriser la productivité naturelle des plans d'eau (40 à 120 kg /ha/ an; voir fiche № 10). Avec un restockage régulier d'espèces, fertilisation et alimentation complémentaire, il est possible d'atteindre 1 à 2 tonnes /ha/ an dans les petites retenues permanentes (voir fiches №; 4–5–7 et 9).

L'élevage en cage dans les retenues permanentes dont la hauteur d'eau est supérieure à 3 – 4 m (évaporation annuelle + hauteur de la cage flottante + prélèvements agricoles) est également possible (voir fiche N№ 2), après une phase d'essai pilote comprenant plusieurs tests de rentabilité (matériaux et modèles de cage, espèces piscicoles et densités d'élevage, types d'aliments composés à mettre au point et coûts); la productivité escomptée est comprise entre 40 et 80 kg/m3/an.

La pratique des élevages associés (volailles-poissons ou porcs-poissons) en étangs ou en retenues permet également l'obtention de hauts rendements (5 à 10 tonnes /ha/an) quand les normes d'association sont respectées ( 10 volailles ou 1 porc par are d'étang) et la fertilisation contrôlée régulièrement (disque de Secchi).

Une partie des superficies rizicoles pourrait être exploitée en rizipisciculture après mise au point progressive de techniques de filtration des eaux contre les espèces rizophages et expérimentation des techniques classiques de rizipisciculture (productivité:200 à 400 kg de poisson par ha de rizière aménagée comprenant 10% de superficie réservée aux poissons, fertilisée aux déjections animales et son de riz).

L'aménagement de certaines mares d'inondation en zone de capture et d'élevage (voir fiches № 13 et 14) est techniquement possible dans de nombreux sites et devrait permettre dans le long terme, d'améliorer la survie des alevins, de fournir à terme des alevins d'espèces prédatrices issues du milieu naturel aux pisciculteurs (Clarias, Hétérobranchus) et d'augmenter la productivité naturelle des mares.

2.5.2.2. Contraintes

La principale contrainte actuelle est l'absence totale d'expérience et de formation piscicole pratique des cadres et des pisciculteurs guinéens qui conditionne la valorisation de toutes les potentialités identifiées (tant en identification des sites favorables et aménagement des sites qu'en gestion de sites aménagés).

La seconde contrainte est liée au niveau d'éducation de la population: le taux d'analphabétisme en Guinée est de 61% pour les Hommes et 83% pour les femmes; le taux brut de scolarisation est de 50% pour les Garçons et 23% pour les Filles. Il est de 41% en milieu urbain mais tombe à 22% en milieu rural. Dans ces conditions, les techniques vulgarisées doivent être simples pour être bien comprises et bien appliquées.

Les contraintes additionnelles en matière de développement de la pisciculture en étangs concernent principalement les problèmes fonciers: l'attribution des terres favorables aux pratiques piscicoles à des paysans candidats pisciculteurs qui en seraient dépourvus doit faire l'objet d'une étude sociologique spécifique.

La présence de Tilapia zillii (phytophage à croissance lente et reproduction rapide) dans presque toutes les rivières et plans d'eau est un obstacle à surmonter en élevage en étangs (et en retenues maîtrisées) par des filtres et des boîtes de capture aux entrées d'eau; elle pourrait toutefois limiter fortement le développement de la rizipisciculture à quelques sites privilégiés (alimentés exclusivement en eau par une source dépourvue de poissons ou par la nappe phréatique) si ces moyens de lutte ne s'avèrent pas efficace à 100%. En retenue ouverte par contre, il est impossible de s'en débarasser complètement et il faut admettre qu'une partie de la production sera constituée obligatoirement par cette espèce peu performante.

Concernant l'élevage en cage, la principale contrainte actuelle (en-dehors de la méconnaissance des techniques usuelles) est l'absence sur le marché d'aliments granulés composés dosant 30% de protéines à des prix abordables. Tous les ingredients sont pourtant disponibles (farine de poisson, tourteaux de palmiste, son de riz et maïs) mais les seuls aliments granulés complets disponibles (à Conakry) sont vendus 400 FrG et plus. Il faut développer l'élevage en stabulation et les entreprises artisanales locales de fabrication d'aliments pour créer ce marché.

Concernant l'aménagement et l'augmentation de productivité des mares d'inondation, certains aspects sociaux pourraient faire obstacle aux améliorations techniques proposées: ainsi, par exemple, les traditions d'attribution des captures issues des mares d'inondation faisant l'objet de pêches collectives (quelle que soit la participation individuelle aux travaux d'aménagement ou d'entretien d'intérêt collectif) pourraient décourager les meilleures volontés et provoquer des conflits. La prudence s'impose donc pour éviter ces conflits et seules les nouvelles mares sans tradition, (issues de nouveaux aménagements ou strictement privées) devraient être expérimentées dans une première phase.

2.5.2. Critères fondamentaux de succès à prendre en compte

Le premier critère à prendre en compte est le choix du type de produit à développer en fonction des besoins réels identifiés. En effet, la contrainte majeure identifiée (manque d'expérience et de formation des cadres et des pisciculteurs), liée à la proximité de pays à tradition piscicole dont les problèmes de marché sont différents de ceux de la Guinée (Côte d'Ivoire) fait que la plupart des initiatives de développement piscicoles sont pilotées de l'extérieur, sans étude de marché préalable, sur des bases techniques qui ne correspondent pas aux besoins immédiats du pays. La conséquence directe est l'inadéquation des solutions proposées pour résoudre un problème mal identifié: ainsi plusieurs intervenants proposent des techniques complexes visant à produire du gros poisson, alors qu'il suffit au stade actuel de produire du poisson de toutes tailles (voir para. 2.2.1: commercialisation du poisson) ce qui simplifie les problèmes de techniques de production et de formation des cadres et des pisciculteurs.

Le second critère est le choix des méthodes de production et des techniques vulgarisées. Celles-ci doivent être aussi uniformes et simples que possible pour être vulgarisables en milieu rural faiblement scolarisé. La Guinée, comme beaucoup d'autres pays en développement, à tendance à rechercher des financements de développement du secteur sans trop regarder les exigences techniques d'accompagnement. Ainsi, selon les bailleurs de fonds, leur origine géographique et l'expérience acquise par leurs techniciens, les espèces piscicoles et les techniques vulgarisées seront très différentes et pas forcément adaptées au contexte local. Si plusieurs bailleurs de fonds financent simultanément des projets du secteur, sans coordination technique nationale, on risque fort de voir la Guinée se transformer en vaste champ expérimental en matière de pisciculture.

Les deux premiers critères conditionnent le troisième, qui est la population impliquée dans l'activité proposée: plus le choix du produit sera adapté aux besoins, facile à produire et rentable, plus le nombre de personnes impliquées dans l'activité sera élevé. Ce critère de succès sera quantifié par le nombre de pisciculteurs, le nombre d'étangs et de retenues en production et le nombre de personnes en activité dans le programme d'action: production, transformation (?), commercialisation, consommation.

La production additionnelle de poisson dans la zone d'action, qui est le quatrième critère de succès, dépend des trois premiers critères et du niveau de performance réalisé des techniques de production proposées. Il sera quantifié par la quantité totale de poisson produite et commercialisée, par les rendements obtenus par type d'élevage et par la marge bénéficiaire obtenue par producteur et par type d'élevage.


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