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3. STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT

3.1. Introduction (justification)

Les nombreux échecs enregistrés en Afrique en matière de développement piscicole justifient une approche prudente et critique pour éviter de commettre les erreurs commises par le passé. Cet argument classique est malheureusement utilisé systématiquement en Guinée (et ailleurs) par tous les intervenants extérieurs pour justifier leurs propositions, qu'elles soient ou non en accord avec ce principe.

Il ne suffit donc pas d'énoncer le principe, car il ne constitue pas en lui-même une garantie de succès: il doit être explicité par une argumentation claire et didactique, qui précise et justifie à chaque étape la stratégie de développement proposée.

Ainsi, le développement piscicole en Guinée doit démarrer sur des bases saines, ayant en vue des critères de rentabilité immédiate, et non pas s'appuyer sur de grosses infrastructures de production subventionnées pendant les quelques années d'assistance “projet”, puis condamnées par l'absence de crédits de fonctionnement et le poids des structures administratives (stations d'état). Les stations de démonstration, nécessaires pour toute nouvelle activité à promouvoir, seront conçues dès le départ pour être exploitées par le secteur privé, ou pour être cédées au secteur privé quand aura cessé leur raison d'être.

La formation des cadres et des pisciculteurs, et la vulgarisation des techniques doivent faire l'objet de financements subventionnés, pour autant qu'elles soient adaptées aux besoins. Autant que possible, les centres de formation seront choisis de telle sorte qu'ils puissent fonctionner indépendamment de toute intervention extérieure dans “l'après-projet”.

La stratégie de développement proposée repose à la fois sur ces considérations d'ordre économique et sur un découpage dans l'espace et dans le temps qui tienne compte des contraintes identifiées:

-   une concentration géographique des activités de production et de vulgarisation dans la région naturelle la plus favorable, complétée par un programme limité de recherche (sans vulgarisation) hors zone pour tester les possibilités d'extension géographique. L'opportunité d'une extension géographique de la zone de production - vulgarisation dans le long terme sera examinée selon les résultats obtenus en fin de moyen terme.

-   une stratégie à moyen terme (5 à 7 ans), justifiée par le bilan diagnostic réalisé en Guinée en 1996, suivie d'une stratégie à long terme (6 à 15 ans) qui sera définie sur base de l'analyse des résultats obtenus sur le moyen terme dans la zone d'intervention et sur les changements éventuels survenus dans le pays (aspects socio-économiques).

3.2. Stratégie de production à moyen terme (5 – 7 ans)

3.2.1. Concentration de la zone d'action

Dans un pays aussi vaste que la Guinée, avec des Régions Naturelles aussi différentes, il serait peu justifié de démarrer un programme de développement sur tout le territoire en même temps. Pour éviter la dispersion des efforts d'encadrement et le coût élevé en déplacement de toute sorte qu'il engendre, la zone d'action doit se limiter en première phase à la Région Naturelle la plus favorable pour tous les critères étudiés: la Guinée Forestière. C'est dans cette Région Naturelle que la saison des pluies est la plus longue et que les sols sont les plus favorables; les intrants piscicoles sont nombreux et bon marché et le poisson y est rare; son coût est plus élevé qu'ailleurs.

Grâce au travail préparatoire de longue haleine de la Soguipah (plusieurs retenues rizicoles et bas-fonds aménagés, paysans motivés et entrainés aux activités de production rentables) et aux nombreux avantages comparés (valeur élevée du poisson de toute taille, abondance de sous-produits, forte densité de population) la sous-préfecture de Diécké se présente comme un centre idéal pour être la zone de démarrage des activités de production et de vulgarisation piscicoles.

En matière de formation, l'ENEA de Macenta est le lieu le plus indiqué pour dispenser une formation pratique de qualité à tous les élèves qui fréquentent (pendant 3 ans) cette école pendant toute la durée de vie de l'école. Après la réfection du barrage, la construction d'une série d'étangs conformes aux modèles vulgarisables sera réalisé dans le périmètre de 18 hectares géré par les élèves de l'école pour former de façon active et systématique une réserve permanente de cadres et de pisciculteurs privés bien entraînés aux pratiques agro-piscicoles (voir fiche № 8). On évitera de surdimentionner cette station pour qu'elle puisse servir de modèle reproductible par des pisciculteurs privés ou des anciens vulgarisateurs reconvertis.

Entre ces deux zones d'action, la capitale régionale de N'Zérékoré est idéalement située pour abriter le Service Régional Thématique Pisciculture et coordonner les activités de développement piscicole en Guinée Forestière.

3.2.2. Choix d'une seule espèce à maitriser

Pour les raisons didactiques et écologiques évoquées plus haut, il est préférable de démarrer la vulgarisation de la pisciculture avec une seule espèce locale de poisson. Parmi les espèces guinéennes utilisées en pisciculture africaine, les espèces de la famille des Cichlidae sont les mieux maîtrisées, les plus représentées et les plus productives.

Si on exclut dans un premier temps les prédateurs (du genre Hémichromis) situés en bout de chaîne alimentaire, et par conséquent, plus difficile à élever à un coût acceptable en élevage monospécifique (car plus exigeants en protéines), il reste les espèces phytophages et les espèces planctonophages. Les espèces phytophages sont écartées pour trois raisons:

-   il faut apporter beaucoup de végétaux dans les étangs pour obtenir une production motivante:30 à 40 kg de feuilles par kg de poisson produit. Cela représente 1 500 à 2 000 kg de végétaux par are et par an pour obtenir 50 kg de poisson par are et par an.

-   les productivités maximales atteintes avec des espèces planctonophages de Cichlidae dans des étangs bien fertilisés sont plus élevées que celles atteintes avec des espèces de Cichlidae phytophages, même avec une alimentation optimale en végétaux de qualité.

-   Il n'est pas justifié de favoriser exclusivement le développement d'une espèce phytophage dans un pays où l'une des cultures principales est le riz irrigué et où un des principaux facteurs limitants du développement de la rizipisciculture est la présence de poissons phytophages dans les canaux d'irrigation.

Il ne reste par conséquent que trois espèces locales de Cichlidae planctonophages parmi lesquelles choisir le candidat guinéen:

-   Oreochromis niloticus, présent dans le Sénégal et le Niger Supérieur

-   Oreochromis aureus, présent dans le Sénégal et le Niger Supérieur

-   Sarotherodon galilaeus, présent dans toute la zone.

Ces trois espèces ont en commun d'être appréciées par les consommateurs, d'avoir un taux de croissance élevé (1 à 2 gr par jour) comparé à celui des autres Cichlidae , une reproduction facile en étang, et une taille individuelle maximum observée en milieu naturel supérieure à 2 kg.

Parmi ces trois espèces, Oreochromis niloticus est la plus résistante aux manipulations et aux faibles taux d'oxygène dissous (cette observation est confirmée par celles des pêcheurs guinéens rencontrés au Nord de Kankan); c'est aussi l'espèce la plus connue en pisciculture africaine et son patron de coloration (rayé noir et blanc verticalement) permet de la différencier facilement des autres espèces de Cichlidae (la traduction de son nom local attribué par les pêcheurs guinéens est: la “carpe écureuil”).

Ces caractéristiques lui donnent un avantage comparatif indiscutable; c'est donc Oreochromis niloticus (plus connu sous le nom de Tilapia nilotica) qui est recommandée comme espèce unique à vulgariser dans la première phase de développement de la pisciculture en Guinée.

3.2.3. Choix des modèles d'étangs et de retenues à aménager

Les modèles d'étangs à aménager doivent pouvoir répondre aux aspirations de ceux qui les aménagent et de ceux qui les gèrent (ce sont souvent les mêmes):

-   ne pas être trop grands pour ne pas décourager ceux qui les creusent; le travail nécessaire pour aménager un étang est le plus gros investissement des pisciculteurs.

-   ne pas trop être trop petits pour ne pas décourager ceux qui les exploitent; la production par vidange dépend bien entendu de la superficie exploitée.

Il est préférable de construire progressivement plusieurs étangs de taille raisonnable plutôt qu'un seul grand étang: cela permet de répartir les investissements en travail sur plusieurs années, de démarrer plus tôt la production, et d'avoir une quantité maîtrisable de poisson à ventiler (restockage et vente) par vidange, sans déchet (mortalités et invendus). Plusieurs étangs permettent également de trier et stocker des poissons dans de bonnes conditions.

La superficie qui a donné les meilleurs résultats de vulgarisation durable en Afrique est l'étang en dérivation de 4 ares, de forme carrée ou rectangulaire selon la topographie des lieux (déblais utilisés en remblais pour diminuer la quantité de travail); pour un rendement de 50 kg/are /an, cette superficie correspond à 200 kg de poisson par an ou 100 kg de poisson à traiter par vidange.

Cette superficie a l'avantage de convenir pour les étangs de reproduction (étangs d'alevinage), de pré-grossissement, ou de grossissement. Ainsi lorsqu'un étang de 4 ares est construit, il peut servir aux trois objectifs pré-cités en fonction des besoins du pisciculteur, de la complexité de son élevage (élevage en 1,2 ou 3 phases) ou même de sa spécialisation (éleveur “naisseur” ou “engraisseur” ).

Chaque étang sera alimenté en eau par gravité et équipé d'une entrée d'eau individuelle et maîtrisable (planchette ou vanne), munie d'une boîte de capture pour éviter les espèces indésirables (T.zillii, prédateurs divers). L'assiette de l'étang sera construite en pente douce de l'entrée d'eau (50 cm de profondeur minimum pour éviter l'envahissement par les plantes aquatiques) jusqu'au point de vidange (1m 20 à 1m 50 de profondeur maximum). Un dispositif de vidange sera installé (tuyau, moine ou digue percée) pour éviter de fragiliser la digue aval en la cassant à chaque vidange.

Plus encore que pour les étangs, la topographie des lieux imposera la forme et la superficie des retenues à aménager, la production piscicole étant (au départ) considérée comme accessoire lors de la construction d'une retenue rizicole. Nous recommandons toutefois de procéder aux aménagements préconisés dans la fiche № 5 pour rendre la retenue entièrement vidangeable et maîtrisable: les rendements piscicoles seront alors comparables à ceux obtenus en étang. On procédera à plusieurs vidanges partielles pour les retenues de grande superficie (1ha bien maitrisé peut fournir après 6 mois 2 500 kg de poisson) afin de ne pas dépasser la capacité d'absorption du marché

3.2.4. Choix des techniques d'alevinage

La pisciculture étant très peu développée, il faudra nécessairement prévoir plusieurs étangs de 4 ares consacrés à l'alevinage en début de première phase, empoissonnés avec des géniteurs. Par la suite, les éleveurs qui empoissonneront leurs étangs avec des alevins non sexés produiront en 6 mois suffisamment d'alevins pour leurs ré-empoissonnements.

La technique d'alevinage en étang préconisée en vulgarisation est proche de celle pratiquée à la station Gwi de Diécké actuellement Elle est décrite et explicitée en détail dans la fiche № 3:

-   70 mâles de 150 à 200 gr et 200 femelles de 150 à 250 gr par étang de 4 ares;

-   élevage pendant 3 mois, sans vidange ni pêche intermédiaire;

-   alimentation au son de riz: 4 kg par jour et par étang de 4 ares complétés par 0,5 à 1 kg de tourteaux de palmiste par jour, dès l'apparition des premiers alevins au bord des digues. Contrôle de fertilisation au disque de Secchi (adaptation locale à vulgariser);

-   vidange après 3 mois; production escomptée: 5 000 à 10 000 alevins de 10 gr de poids moyen individuel par étang de 4 ares et par cycle de 3 mois.

3.2.5. Choix des techniques de production

Le choix des techniques de production va conditionner le succès de la première phase de développement de la pisciculture en Guinée. En effet, des techniques complexes ne pourront être vulgarisées qu'à un petit nombre de techniciens avec beucoup de formations concentrées sur un petit nombre de personnes sélectionnées au départ sur leur scolarisation et leur intérêt pour l'activité proposée.

Des techniques de production simples par contre sont vulgarisables directement en milieu paysan, à toute personne qui possède (ou veut construire) un étang bien situé et bien aménagé.

Actuellement en Guinée, l'usage de techniques complexes n'est pas justifié, compte tenu du peu d'exigence du marché sur la taille individuelle des poissons demandés (voir aspects commercialisation). Ce n'est que plus tard, en deuxième phase, qu'il sera peut-être souhaitable de spécialiser une partie des pisciculteurs “de masse” vers une production plus spécialisée de poissons “de luxe” (de plus grosse taille individuelle) avec des techniques plus complexes (vidanges répétées pour un même lot avec séparation des sexes, alimentation plus complexe, polycultures etc…).

Ce constat a une importance capitale dans le choix des modèles et des techniques à vulgariser car il permet d'avoir une production (en biomasse) beaucoup plus importante dès les premières années, pour un même rapport coût d'encadrement /production (ou coût d'encadrement / nombre de pisciculteurs).

La technique de base choisie pour le début de la pisciculture en Guinée est donc très simple et facilement vulgarisable: elle consiste à placer 2 alevins (10 gr de poids moyen individuel) non sexés par mètre carré d'étang, soit 800 alevins par étang de 4 ares (plus 10% pour compenser les mortalités dues au transport et manipulations) et à les nourrir au son de riz pendant 6 mois.

Le dosage de l'alimentation sera effectué à l'aide d'une boîte calibrée (par exemple un modèle de boîte de lait vide en vente sur tous les marchés de Guinée) pour permettre un suivi alimentaire précis des poissons sans avoir à acheter une balance. La quantité journalière d'aliments distribuée augmente chaque mois en fonction de la croissance en nombre et en poids des poissons (voir fiche de distribution en annexe), de telle sorte qu'en 6 mois d'élevage, la quantité totale de son distribué est 8 fois la quantité de poisson produite (en poids).

Ce rapport de 8 kg de son de riz distribué par kg net de poisson produit correspond à l'efficacité zootechnique moyenne de la transformation “son de riz-poisson” à des températures supérieures à 20°C et pour une rythme de distribution qui permet l'obtention d'un rendement net moyen de 50 kg/are/an (soit 100 kg par vidange d'un étang de 4 ares tous les 6 mois).

La composition moyenne de la production obtenue à la récolte par cette méthode en milieu rural dans d'autres pays d'Afrique (Congo, Burundi…) avec la même espèce de poisson (O.niloticus) dans des conditions d'élevage similaires (qualité et température de l'eau) à partir de son de blé ou de son de riz est la suivante (en poids total ):

-   50% de “gros poissons”, poids moyen individuel compris entre 90 et 200gr

-   30% de “moyens”, poids moyen individuel compris entre 25 et 89 gr

-   20% d'alevins, poids moyen individuel compris entre 5 et 24 gr

Ces poids moyens individuels peu élevés permettent d'attribuer au moins un poisson par membre de la famille par kg de poisson acheté (critère important dans certaines familles à faible pouvoir d'achat); ils permettent aussi d'employer le poisson pour aromatiser les sauces. Ils correspondent bien à la demande actuelle en Guinée.

Le son de riz est disponible partout en Guinée (production annelle de riz en 1993: 520 778 tonnes, dont plus de 50% de son de riz), spécialement en Guinée Forestière (181 683 tonnes en 1993) qui produit à elle seule, sur 20% du territoire national, près de 32% de la production nationale annuelle de riz.

Le son de riz est vendu en moyenne 15 Fr G le kg; à Diécké il est partiellement brûlé, comme le tourteaux de palmiste, faute de demande. Même à 50 Fr G le kg de son de riz, le coût alimentaire du kg de poisson produit (vendu entre 1 500 et 2 000 Fr G) serait de 400 Fr G (pour un C.T. de 8), soit 20 à 26% seulement du prix de vente du poisson. Ainsi, avec un bénéfice brut compris entre 1 100 et 1 600 Fr G par kg de poisson produit et un rendement net de 50 kg à l'are, la marge bénéficiaire par unité de surface exploitée est de loin supérieure à toute autre spéculation agricole (fiche № 8).

3.2.6. Formation des cadres et des pisciculteurs

La formation des cadres et des pisciculteurs doit constituer la première des priorités dans tout programme de développement piscicole à mettre en oeuvre.

A court terme, un programme de formation des cadres de la DNPA doit être envisagé d'urgence pour les rendre opérationnels. Il comprendra un stage pratique (15 jours) de reconnaissance systématique des genres et des principales espèces locales de poissons d'eau douce. Il sera suivi d'un stage pratique (1 mois) concernant le choix des sites à aménager, leur aménagement et la gestion piscicole des étangs et des retenues suivant les modèles définis ci-dessus.

Ce stage sera complèté par une formation (15 jours) ayant trait à la constitution de dossiers bancables à l'intention des organismes de crédit et des représentations locales d'organismes internationaux de développement. Ainsi formés, les cadres de la DNPA pourront jouer plus efficacement leur rôle d'interface entre les communautés rurales et les bailleurs de fonds. Ce programme de formation, qui fait l'objet de la fiche de projet № 1, aura une durée totale de 3 mois pour tenir compte des modalités pratiques de réalisation des différents stages programmés. Des notes techniques dactylographiées seront remises à chaque participant par les intervenants (pendant ou après la formation).

A moyen terme, la formation des cadres moyens sera scindée en deux parties: une formation spécialisée destinée aux seuls encadreurs aménagistes et une formation générale en gestion des étangs destinée à tous les encadreurs piscicoles.

La formation spécialisée en topographie, aménagement de sites et construction d'étangs, ne concernera qu'une partie des encadreurs (environ une dizaine en début de programme); ces derniers seront les seuls habilités à confirmer la validité d'un choix de site et à donner des conseils pour leur aménagement (sous la supervision d'une cellule spécialisée en aménagement, dirigée par le Service Régional Thématique Pisciculture). Les encadreurs aménagistes seront choisis parmi les jeunes ingénieurs sortant et non pas parmi les anciens fonctionnaires à reclasser: ce poste nécessite enthousiasme, mobilité sur le terrain et de bonnes facultés d'apprentissage.

La formation générale en systématique, analyse sommaire de l'eau, fertilisation des étangs et alimentation des poissons selon les techniques définies, concernera tous les encadreurs (aménagistes et vulgarisateurs). Les vulgarisateurs seront sélectionnés préférentiellement parmi les meilleurs élèves de l'ENEA de Macenta (type assistant ou contrôleur, 3 ans d'études théoriques et pratiques) dont le programme de formation comportera déjà un solide volet piscicole conçu et exploité selon les normes à vulgariser (voir 3.2.1. concentration de la zone d'action). Ils seront contractuels pendant la durée du projet, puis pisciculteur privé dans la zone d'intervention dans l'après projet: des facilités de crédit et une prime de reconversion leur seront versées à cet effet.

Le nombre de vulgarisateur évoluera progressivement en fonction des besoins d'encadrement de la zone d'intervention sur base d'un vulgarisateur par 50 pisciculteurs (norme maximimum d'encadrement efficace ). Les vulgarisateurs pourront effectuer une pré-selection de sites mais aucun travail d'aménagement ou de construction d'étang ne pourra être effectué directement sans avoir reçu l'aval, par écrit, de la cellule aménagement, après vérification par l'un des aménagiste.

Le rôle des vulgarisateurs sera essentiellement lié à la vulgarisation des techniques de production et au suivi des pisciculteurs sur le terrain: formation sur le tas, participation aux formation de groupes, suivi des travaux d'aménagement, livraisons d'alevins, assistance aux vidanges, collecte des données de production.

Aménagistes et vulgarisateurs seront recyclés régulièrement lors de stages de perfectionnement qui auront lieu au moins une fois par an, sur des thèmes qui seront définis en cours d'exécution des activités selon les besoins et l'évolution du secteur.

La formation des pisciculteurs sera organisée par localité, lors de stages répétés et progressifs à cycle court (3 à 5 jours maximum) pour tenir compte des obligations familiales et agricoles des personnes concernées. Le nombre de pisciculteurs par stage sera limité à 15 – 20 personnes maximum. Ces stages comprendront des démonstrations pratiques, des visites de sites et d'étangs et des cours théoriques illustrés.

3.2.7. Vulgarisation des techniques éprouvées

Seules les techniques éprouvées d'alevinage et de production décrites dans ce chapitre feront l'objet de vulgarisation. Les techniques éprouvées de fertilisation des étangs par la pratique des élevages associés (porcs-poissons et volailles-poissons) aux normes d'association recommandées seront toutefois considérée comme une variante des techniques vulgarisables.

Les éleveurs de volailles, de porcs et de petit bétail, disposant d'un site favorable à la pisciculture seront assisté par la cellule aménagement et le SRTP pour la recherche de financement (investissement de développement des élevages associés).

3.2.8. Recherche d'accompagnement sur le milieu

Les aspects sociaux et fonciers, feront l'objet d'une attention particulière pendant cette première phase de développement. Ainsi l'attribution des terres piscicultivables et le droit foncier traditionnel en général pourraient constituer un frein au développement des activités dans certaines localités. A Diécké par exemple, la Soguipah a eu recours au bail emphytéotique pour pouvoir procéder aux aménagements rizicoles de certaines vallées.

Certains interdits traditionnels méritent d'être étudiés pour être mieux compris: le suffixe vogui attaché à un nom de famille traduit un interdit de consommation pour certains types d'aliment (Beavogui: interdit de consommer la viande de biche, Bili … pour la chèvre etc…). D'autres interdits pourraient concerner le poisson pour certaines catégories de personne, ou des périodes particulières (à étudier); la consommation de poisson à peau nue est parfois interdite et pourrait influencer dans la deuxième phase le choix des prédateurs d'accompagnement (polyculture). Certaines techniques de fertilisation des eaux pourraient être mal acceptées, ce qui mérite d'être étudié.

Des protocoles d'enquêtes seront mis en place et exécutés par les vulgarisateurs (lorqu'un rapport de confiance sera établi ) pour répondre à ce type de questions, et à d'autres qui pourraient se poser au cours de cette première phase.

3.3. Stratégie de recherche à moyen terme (5 – 7 ans)

Parallèllement aux actions de formation, vulgarisation et production à entreprendre exclusivement dans la zone d'action définie (Guinée Forestière), des recherches d'accompagnement seront menées dans la zone d'action et hors zone (lorsque des relais d'encadrement seront assurés à travers des centres universitaires ou des projets). Ces recherches concerneront différents thèmes potentiellement vulgarisables (après expérimentation) dans la deuxième phase.

3.3.1. Productions extensives

L'augmentation de productivité des mares d'inondation est un sujet qui intéresse à juste titre beaucoup d'agriculteurs-pêcheurs, le projet Onchocercose de Kankan, la CFDT et la DNPA, malgré les contraintes mentionnées (voir 2.5.2.) ayant trait au système traditionnel d'exploitation des mares collectives. Etant donné le nombre élevé de mares d'inondation et la production additionnelle qui pourrait en résulter, ce thème de recherche mérite d'être exploité.

On trouvera dans les fiches № 13,14 et 15, la description de sites rencontrés en cours de mission qui se prêtent bien à des expérimentations de ce type. Une première phase d'augmentation de la productivité (sans aménagement, par simple fertilisation des zones d'inondation en rapport avec les mares concernées) pourrait être testée, suivie par une deuxième phase (avec aménagement, comme proposé dans les fiches) en cas de succès dans la première phase.

3.3.2. Essai d'élevages monospécifiques en cage dans les retenues

Des essais d'élevage en cage posée comme ceux entrepris par les étudiants de l'IVG de Faranah pourraient être améliorés par l'usage de cages flottantes et plus de rigueur dans les conditions d'expérimentation (voir fiche № 2). Le facteur limitant actuel semble être la disponibilité en aliments granulés complet à un prix abordable.

Cette méthode de production de poissons d'élevage devrait être adaptée aux conditions locales qui prévalent en Guinée (choix des matériaux pour la confection des cages flottantes, mise au point de formules alimentaires artisanales), testée et évaluée (sur les aspects de rentabilité) avant toute forme de vulgarisation,

3.2.3. Essais d'évaluation des risques en rizipisciculture

La riziculture irriguée étant l'une des principales cultures de Guinée, la tentation d'y introduire des activités rizipiscicoles est forte et pourrait s'avérer être très rentable pour les paysans riziculteurs. Toutefois la présence de Tilapia zillii dans pratiquement tous les cours d'eau de Guinée justifie une approche prudente en rizipisciculture. Il est nécessaire de procéder à de nombreux essais d'évaluation des dégâts possibles sur le riz par la pratique de cette activité, avec et sans système de filtration des espèces phytophages, avant de l'appliquer en deuxième phase en milieu paysan, si les résultats obtenus sont concluants.

Figure 4: distribution géographique de Tilapia zillii en Afrique de l'Ouest

Source: Faune des poissons d'eaux douces et saumâtres d'Afrique de l'Ouest Musée de Tervuren - ORSTOM.

Figure 4

Ce type d'expérience pourrait être pratiqué en aval de la station de Gwi (Soguipah) ou en aval de la retenue de Founkama (Faranah) dans le cadre des travaux de fin d'étude, ou encore par l'ENEA à Macenta. Un protocole expérimental à mettre en oeuvre est proposé en annexe 4. Il ne doit en aucun cas être vulgarisé en milieu paysan tant qu'il n'aura pas été testé en station et évalué positivement pendant plusieurs cycles.

3.2.4. Polycultures, sélection des espèces à tester

L'attrait des consommateurs pour les silures des genres Clarias et Hétérobranchus a été constaté par la mission sur tous les marchés de Guinée: à poids égal, c'est le poisson le plus cher, bien qu'il soit présent partout, en frais ou fumé. Ces poissons ont un avenir évident dans la pisciculture guinéenne.

Grâce à leur organe de respiration accessoire qui leur permet de respirer directement l'air atmosphérique (ils ont une résistance exceptionnelle qui leur permet d'être transporté vivant jusqu'aux marchés les plus éloignés) ces poissons sont des candidats - prédateurs idéaux pour les nombreuses retenues surpeuplées en voie d'eutrophisation temporaire de saison sèche.

Les techniques d'élevage et les normes d'association Clarias gariepinus-Oreochromis niloticus pour contrôler les reproductions des Cichlidae sont expérimentées depuis les années 70 (Bangui, R.C.A) et sont à présent bien connues (1 Clarias pour 2 O.niloticus par mètre carré d'étang). Il suffit donc de les appliquer en station (Gwi, ENEA) pour confirmer l'intérêt de cette polyculture en production de poissons calibrés, avant de la vulgariser en deuxième phase (long terme) auprès des meilleurs pisciculteurs qui en feront la demande.

Les recherches sur ces espèces concerneront également les possibilités d'approvisionnement en alevins dans les mares d'inondation aménagées en période de décrue (voir fiche № 13) pour éviter d'avoir recours systématiquement aux techniques de reproduction artificielle. Le même type de recherche pourra être expérimenté sur les espèces du genre Hétérobranchus à croissance plus rapide que celles du genre Clarias.

D'autres candidats (voir 2.1.3.) pourront être testés en retenue et en étang pour pouvoir faire face à des modifications de la demande au cours du temps, mais sans vulgarisation en milieu rural pendant cette première phase.

3.2.5. Cas spécifique de la station de Tolo

La station de Tolo, proche de Mamou, située “hors zone”, en Moyenne Guinée, constitue un cas assez particulier. Si elle n'était pas construite récemment, et pratiquement prête à être exploitée (voir fiche № 17) suite aux recommandations de missions précédentes, sa construction ne serait pas envisagée dans nos recommandations immédiates.

Puisqu'elle existe, elle sera utilisée à des fins de démonstration de production avec un suivi comptable rigoureux permettant d'évaluer en vraie grandeur son potentiel d'autofinancement avec un personnel permanent restreint (3 personnes maximum: un chef de production, une sentinelle de nuit, une sentinelle de jour qui sera aussi manoeuvre responsable de l'alimentation) et des travailleurs temporaires.

Des expérimentations en polyculture pourront y avoir lieu après avoir collecté les informations techniques et économiques en monoculture d'O. niloticus pendant 2 cycles complets de 6 mois. Aucune vulgarisation ne sera pratiquée alentour en milieu paysan pendant la première phase. Elle dépendra directement de la DNPA qui veillera à la stricte exécution des méthodes de gestion technique et financière recommandées.

3.4. Stratégie à long terme (6 – 15 ans)

En fin de moyen terme, les stratégies définies ci-dessus seront évaluées sur base des résultats obtenus au cours de cette première phase de recherche - développement; une évaluation systématique de la stratégie de production et de la stratégie de recherche permettra une réorientation à long terme des moyens mis en oeuvre, selon les résultats obtenus à moyen terme et les objectifs à atteindre à long terme.


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