Chapitre II: LES RESSOURCES EN POISSONS

2.1. Les peuplements des cours d'eau

La faune ichtyologique fluvio-lacustre de Côte d'Ivoire a fait l'objet de nombreux travaux de recherche depuis les premières années de l'indépendance. En effet, les travaux de Daget et Iltis (1965) ont permis de réaliser la synthèse des connaissances sur la base des recherches antérieures et des observations réalisées par les ailleurs. Compte tenu des revisions récentes en taxinomie et des prospections réalisées durant les deux dernières décennies, le travail intitulé “Poissons d'eaux douces et saumâtres de Côte d'Ivoire” a nécessité une mise à jour car de nouvelles données ont été obtenues sur la faune ivoirienne par plusieurs auteurs :

-   Levêque et al (1977)
-   Levêque et Paugy (1977)
-   Maslin-Lény et al (1997)
-   Albaret et al (1978)
-   Albaret et de Merona (1979)
-   Paugy et al (1979)
-   Paugy (1980)
-   Levêque et Herbinet (1978)
-   Teugels et al (1988)
-   Traoré et Konan (1989)
-   Kouassi (1978)

Ces travaux ainsi que les mises à jour qui ont eu lieu, ont permis de recenser :

95 espèces dans le Bandama ;
91 espèces dans la Comoé ;
76 espèces dans le Sassandra ;
63 espèces dans le Cavally ;
60 espèces dans la Nipoué (Nuon) ;
44 espèces dans le Bia ;
55 espèces dans la Mé ;
61 espèces dans l'Agnéby ;
46 espèces dans le Boubo
32 espèces dans le San-Pedro ;
24 espèces dans la Néro ;
14 espèces dans la Méné;
18 espèces dans le Tabou.
21 espèces dans le Dodo
61 espèces dans la Tano .

2.1.1. Les peuplements ichtyologiques du Bandama

Plus de 80 espèces de poissons ont été récoltées dans le bassin du Bandama (Albaret et al, 1978); Daget et Iltis (1965); Levêque et al (1977); Merona et al (1978); Paugy et Levêque (1977) et Teugels et al (1988) (Tableau 1). La capacité théorique pour l'ensemble du bassin avait été estimée à 88 espèces (Daget et Iltis, 1965) dont 69 seulement avaient été effectivement identifiées à cette époque. Les différentes études réalisées sur le Bandama ont montré que beaucoup d'espèces se reproduisent durant la crue, l'inondation du lit majeur étant alors favorable à la survie des alevins qui peuvent y trouver des abris vis-à-vis des prédateurs. En outre, l'ensemble du peuplement ichtyologique dispose également d'une nourriture plus abondante dans les zones inondées.

Lors des années hydrologiques déficitaires, les conditions de survie sont plus sévères et le recrutement des jeunes moins important.Les captures spécifiques sont susceptibles de varier au cours d'un cycle saisonnier pour deux raisons principales :

-   utilisation différente des engins et échantillonnages durant la crue ;

-   migration anadrome de reproduction de certaines espèces.

2.1.2. Les peuplements ichtyologiques du Sassandra

Daget et Iltis (1965) ont recensé 52 espèces dans le fleuve Sassandra alors que Paugy et al en dénombraient 62. A la faveur des récentes révisions taxinomiques intervenues dans la nomenclature des poissons, les prospections réalisées par Teugels et al ont permis de recenser 72 espèces. L'ichtyofaune du Sassandra est une faune mésofluviatile qui se caractérise par l'absence d'espèces microphages pélagiques à cause du fait que le Sassandra est un fleuve à courant rapide. Ceci a pour effet de limiter la production planctonique vraie. Cependant, ce peuplement est doté d'une plasticité écologique élevée .

2.1.3. La faune ichtyologique de la Comoé

Les ressources ichtyologiques de la région sont fournies par la Comoé et ses affluents et par les affluents de la Volta Noire. Il a été recensé dans l'ensemble du bassin de la Comoé, 92 espèces de poissons (Teugels et al, 1988). Cette faune est constituée par des espèces estuariennes, des espèces guinéennes et des espèces soudaniennes. Mais dans la région Nord-Est du pays couverte par le bassin de la haute Comoé, l'ichtyofaune est constituée par 52 espèces qui sont essentiellement des espèces soudaniennes.

2.1.1. Les capacités théoriques en espèces des cours d'eau

Daget et Iltis (1965) avaient mis en évidence une relation entre la surface du bassin versant (S) et le nombre d'espèces (N) présentes dans le bassin

N= 5 S 0,25

S est exprimée en km²

Cela a permis de calculer la capacité théorique des différents bassins ivoiriens (tableau.2). Il ressort de l'examen de ce tableau.

Tableau 2 : Capacités théoriques et nombre d'espèces recensées dans les bassins hydrographique de Côte d'Ivoire

Tableau 3 : Capacités théoriques et nombre d'espèces recensées dans les principaux lacs de barrage

Tableau 4: Composition du peuplement ichtyologique des principaux cours d'eau ivoiriens

2.1.2. Zonation ichtyologique des principaux cours d'eau ivoiriens

L'étude de la composition des peuplements ichtyologique des principaux cours d'eau a montré qu'une grande partie des cours d'eau présente un peuplement relativement homogène caractérisé par la dominance de quatre espèces de Characidae. Alestes baremoze, Brycinus nurse . Brycinus macrolepidotus. Brycinus imberi dans les biotopes profonds et par celles de Labeo parvus dans les radiers (tableau 5).

En amont de cette zone encore appelée cours moyen, on distingue un cours supérieur caractérisé notamment par la présence de Brycinus longipinnis, Hepsetus odoe, Schilbe mandibularis, Schilbe intermedius et une zone de source qui correspond en fait à des ruisseaux étroits et parfois temporaires, peuplés essentiellement d'espèces naines comme les Barbus, les espèces de Cyprino-dontidae et les petits Characidae (Micralestes, Rhabdalestes).

En aval, le cours inférieur correspond à une zone sous influence marine où l'on rencontre des espèces estuariennes. Les observations de terrains nous ont permis de constater que certaines espèces n'étaient collectées que dans le cours supérieur et dans le cours inférieur. C'est le cas de Brycinus longipinnis qui disparait du cours moyen où elle est remplacée par trois autres espèces de Brycinus et de Hepsetus odoe qui est remplacée par Hydrocynus forskalii. Des espèces comme Synodontis schall et Synodontis bastiani sont présentes sur toute la longueur du cours d'eau.

L'évolution saisonnière et interannuelle des peuplements aquatiques a été suivie dans quelques stations grâce à des échantillonnages réguliers réalisés aux filets maillants. Ces stations sont :

-   Niakaramandougou, Badikaha et Marabadiassa sur le Bandama ;

-   Gansé et Pont Frontière sur la Comoé ;

-   Bac-Sémien, Sorotana et N'Golodougou sur le Sassandra ;

-   Dabakala sur le N'Zi ;

-   Mankono sur la Marahoué.

Cette étude a permis de montrer que les captures suivent une évolution saisonnière avec un minimum durant la crue. Dans l'ensemble des stations échantillonnées, l'ordre de grandeur des captures totales est de 2 kg de poissons par 100 m² de filet pêchant en une nuit pour le Bandama et la Comoé 0,8 kg/100 m²nuit pour le Sassandra, 0,5 à 1,5 kg/100 m²/nuit pour le Cavally.

Tableau 5 : Schéma de la zonation longitudinale des poissons des principaux cours d'eau ivoiriens

2.2. Peuplements ichtyologiques des lacs de barrages hydro-électriques

Très peu de travaux ont été réalisés sur les lacs de barrages hydroélectriques. Le laboratoire d'hydrobiologie de l'Université d'Abidjan, Reizer (1966). Doudet (1979) ont travaillé sur le lac d'Àyamé. Kouassi (1977, 1978, 1980), Sangaré (1978), Roest (1974), sur le lac de Kossou. Traoré (1988) sur le lac de Buyo. Ces différents travaux ont permis de recenser :

-   39 espèces dans le lac d'Ayamé ;
-   62 espèces de Kossou ;
-   51 espèces dans le lac de Taabo ;
-   56 espèces dans le lac de Buyo.

Le tableau 6 fait récapitulatif des inventaires de l'ichtyofaune de-ces lacs.

L'évolution du peuplement de ces lacs a suivi le schéma habituellement observé pour les lacs de barrages africains (Kouassi, 1979), avec d'une part la disparition de certaines espèces appartenant aux familles des Bagridae, Citharinidae, Mochokidae et Mormyridae et d'autre part l'expansion de d'autres espèces appartenant aux familles des characidae et des Centropomidae. On a vu notamment Labeo coubie disparaître de la plus grande partie du lac (Kouassi, 1974) alors que les Alestes baremoze se sont bien développées (Kouassi, 1978). Cette dernière effectue (tes migrations de reproduction vers l'amont durant la crue et l'impact de son développement étant négligeable sur les peuplements du système fluvial au Nord du lac. On rappelera que Oreochromis niloticus et Heterotis niloticus qui n'existaient pas dans le bassin du Bandama ont été introduites dans le lac de Kossou ainsi que dans le barrage de Kan.

Après cette phase de stabilisation des lacs, on a assisté à une recolonisation par certaines espèces notamment les Cichlidae au détriment des Characidae. Les Labeo ont fait un “Come back” et se sont bien implantés. Certaines espèces comme Citharinus ont pratiquement disparu. Le lac est devenu un milieu de prédilection pour certaines espèces comme Lates niloticus et les micro-phages qui ont trouvé une niche trophique vacante constituée par la prolifération du plancton: Oreochromis niloticus, Sarotherodon galilaeus et Heterotis niloticus.

Tableau 6: Inventaire des peuplements ichtyologiques des trois principaux lacs de barrage ivoiriens

2.3. Peuplements ichtyologiques des retenues hydro-agro-pastorales

L'inventaire du peuplement ichtyologique a revelé la présence d'une trentaine d'espèces dans les retenues hydro-agro-pastorales du Nord de la Côte d'Ivoire. Cet inventaires amontré que les peuplements ne sont pas fondamentalement différents de ceux des fleuves originels sur lesquels les barrages ont été érigés. Les lacs de retenues hydro-agricoles se caractérisent par :

-   leur pauvreté relative en espèces ;
-   l'absence d'espèces microphages typiques ;
-   la rareté d'espèces de grande taille.

Ces différents inventaires réalisés sont consignés dans les tableaux suivants:

Tableau 7: Inventaire du peuplement piscicole des retenues hydro-agricoles du Nord de la Côte d'Ivoire

Tableau 8: Inventaire du peuplement piscicole des retenues hydro-agricoles du Nord de la Côte d'Ivoire

Tableau 9 : Inventaire du peuplement piscicole des retenues hydro-agricoles du Nord de la Côte d'Ivoire

Tableau 10: Inventaire du peuplement piscicole des retenues hydro-agricoles du Nord de la Côte d'Ivoire

Tableau 11: Inventaire du peuplement piscicole des retenus hydro-agricoles du Nord de la Côte d'Ivoire

Tableau 12: Inventaire du peuplement piscicole des retenues hydro-agricoles du Nord de la Côte d'Ivoire

Les bassins hydrographiques ivoiriens constituent un carrefour ichtyologique qui regroupe en son sein des formes à affinités soudaniennes, des formes à affinités zaïroises et probablement des formes plus spécifiquement guinéennes, peut être vicariantes des formes soudaniennes ou zaïroises (Teugels & al, 1988). Au total, il a été recensé dans les eaux douces ivoiriennes, 173 espèces de poissons reparues entre 65 genres et 27 familles.

Ces poissons peuvent être regroupés en trois catégories :

-   les espèces de grande taille qui, de par leur taille (plus de 200 grammes), constituent les espèces les plus recherchées par les pêcheurs et les consommateurs ;

-   les espèces de taille moyenne (taille inférieure à 150 mm et poids inférieur à 200 grammes). Ces poissons se retrouvent assez souvant dans les butins des pêcheurs qui utilisent des filets de petites mailles ;

-   les espèces naines dont la taille est inférieure à 50 mm et le poids moins de 20 grammes. Ce sont des espèces qui échappent généralement aux engins de pêche classique.

• Les espèces naines semblent être les plus nombreuses dans les eaux ivoiriennes dans la mesure où elles regroupent tous les :

-   Cyprinodontidae (avec près de vingt (20) espèces) ;
-   Amphiliidae (environ 10 espèces) ;
-   les petits Barbus (près de vingt (20) espèces) ;
-   quelques Characidae (les Micralestes et les Rhabdalestes) ;
-   quelques espèces de Distichodontidae (les Néolebias et les Nannocharax) ;
-   les Clupeidae (les Pellonula) ;
-   les Gobiidae ;
-   les Eleotridae.

• Les espèces de taille moyenne sont essentiellement les Characidae, les Petrocephalus, les Marcusenius, les Hemichromis.

• Les espèces de grande taille se repartissent en deux grandes catégories :

-   les espèces rares ou incertaines ;
-   les espèces abondantes.

Les espèces rares ou incertaines sont des espèces des spécimens font des apparitions sporadiques dans les captures des pêcheurs. Elles ne sont ni abondantes ni constantes dans les prises. Au nombre de ces espèces, on peut citer :

-   Mormyrus hasselquisti
-   Clarias gariepinus
-   Citharinus eburneensis
-   Barbus waldroni
-   Barbus wurtzi
-   Barbus parwaldroni
-   Labeo parvus
-   Polypterus palmas palmas
-   Protopterus annectens
-   Malapterurus elctricus
-   Auchenoglanis occidentalis
-   Chrysichthys tengelsi
-   Sarotherodon melanotheron
-   Tilapia dageti
-   Tilapia mariae
-   Sarotherodon tournieri
-   Tylochromis jentinki
-   Papyrocranus afer
-   Hepsetus odoe
-   Hydrocynus forskalii
-   Synodontis comoensis
-   Parachannaobscura
-   Mormyrops breviceps

Le deuxième groupe est constitué par les espèces qui de par leur abondance et leur constance dans les prises, participent de façon effective au processus de production halieutique. 11 s'agit essentiellement d'une vingtaine d'espèces soit environ 10 % de la richesse spécifique de la faune ichtyologique ivoirienne. Il s'agit de:

-   trois espèces de Cichlidae :

• Oreochromis niloticus
• Sarotherodon galilaeus
• Tilapia zillii

-   deux espèces de Bagridae :

• Chrysichthys maurus
• Chrysichthys nigrodigitatus

-   une espèce d'Osteoglossidae:

• Heterotis niloticus

-   trois espèces de Clariidae

• Clarias anguillaris
• Heterobranchus longifilis
• Heterobranchus isopterus

-   deux espèces de Mormyridae:

• Mormyrops anguilloides
• Mormyrops rume

-   une espèce de Centropomidae:

• Lates niloticus

-   deux espèces de Mockokidae:

• Synodontis schall
• Synodontis bastiani

-   une espèce de Distichodontidae

• Distichodus rostratus

-   une espèce de Schilbeidae

• Schilbe mandibularis

-   une espèce de Polypteridae

• Polypterus endlicheri

-   deux espèces de Cyprinidae

• Labeo coubie
• Labeo senegalensis