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Evaluation mondiale


Répercussions des six dernières années sur la foresterie mondiale
Les problèmes capitaux de la foresterie dans le monde d'aujourd'hui, tels que les voit la FAO

Répercussions des six dernières années sur la foresterie mondiale

Présidents:

LE PRÉSIDENT DU CONGRÈS
LIANG CHANG-WU
(Chine)
Y. BÉTOLAUD
(France)

Vice-présidents:

R.M. BELYEA
(Canada)
J. SCHLEIDER
(Rép. féd. d'Allemagne)

Pour fournir un cadre aux délibérations techniques qui allaient suivre, la première séance plénière du congrès a été consacrée à des exposés faisant le point de l'évolution de la situation mondiale depuis le sixième Congrès forestier mondial qui avait eu lieu à Madrid (Espagne) en 1966.

Le Sous-Directeur général responsable du Département des forêts de la FAO, M. B.K. Steenberg, a tout d'abord parlé des problèmes cruciaux de la foresterie du monde d'aujourd'hui, tels que les envisage la FAO. Plusieurs orateurs ont développé les thèmes qu'il avait évoqués. Ou trouvera ci-dessous le texte de son intervention.

Après lui, M. Ivar Samset, de Norvège, président de l'Union internationale des instituts de recherches forestières, créée il y a 80 ans, a pris la parole sur les progrès et les tendances des sciences forestières tels que les envisage l'IUFRO (Union internationale des instituts de recherches forestières). Il a particulièrement souligné le fait que les techniques modernes ont mis les forêts de tous les continents à la portée des citadins. Il faut se féliciter de l'intérêt qui se manifeste dans le monde entier pour les forêts du fait de cette évolution, cependant, des conflits d'intérêt joints à un amour désintéressé, mais souvent mal informé, pour l'environnement, ont masqué la véritable nature des problèmes et inspiré une réglementation trop restrictive des activités forestières qui demande à être corrigée.

Le discours de conclusion, prononcé par Paul-Marc Henry, présentait le point de vue d'un non-forestier. Avec l'expérience considérable des projets forestiers qu'il a acquise en sa qualité d'administrateur adjoint du Programme des Nations Unies pour le développement et, depuis, à la tête du Centre de développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, Paris), celui-ci mérite que les forestiers lui prêtent l'attention lorsqu'il parle de ce que pourront être «les limites de la croissance».

Compte tenu du rythme actuel d'exploitation forestière, qui s'ajoute aux autres facteurs de destruction des forêts et en particulier à l'agriculture itinérante et à l'expansion de l'agriculture, Paul-Marc Henry a rappelé que le monde risque d'atteindre un niveau de pénurie critique d'ici la fin du siècle. «Je vois dans cette assemblée, a-t-il dit, une occasion merveilleuse de nous organiser en créant un cadre institutionnel approprié pour répondre au gigantesque défi qui nous sera posé au cours des vingt prochaines années.»

Les problèmes capitaux de la foresterie dans le monde d'aujourd'hui, tels que les voit la FAO

B.K. STEENBERG *

* Sous-Directeur, Département des forêts, FAO.

Depuis le dernier congrès forestier mondial, les préoccupations de l'humanité ont radicalement changé d'objet. Pendant la dernière décennie, nous assistions avec optimisme à l'explosion mondiale des espérances et des exigences. Nous affrontons maintenant une ère d'hésitation, d'inquiétude, parfois presque d'angoisse. Nous sommes trop nombreux sur la terre: où trouver assez de place, assez d'énergie, assez de ressources en général pour tout ce monde? Où trouver de l'eau propre, de l'air, comment conserver les écosystèmes naturels et les ressources génétiques du monde? Combien de produits de l'ingéniosité humaine, jadis portés aux nues, ne sont-ils pas désormais condamnés comme étant des poisons dangereux et indestructibles, qui portent atteinte à l'écosystème mondial? Même sans suivre certains prophètes de malheur, il est certain que l'homme de la rue a pris conscience aujourd'hui seulement de certains dangers réels qui menacent notre environnement: aujourd'hui seulement, nous percevons l'exiguïté de notre planète, qui est tout notre bien.

Le dernier congrès forestier mondial était consacré au rôle de la foresterie dans une économie mondiale en voie d'évolution: le choix de ce thème proclamait l'apport que le secteur forestier peut fournir au développement économique. Le titre choisi pour le septième congrès est plus critique: «La forêt et le développement socio-économique». En effet, on reconnaît maintenant que le développement économique n'est pas une fin en soi.

Pendant longtemps, la fonction des forêts a été envisagée sous un éclairage polarisé qui faisait ressortir surtout l'aspect matériel de leur production et les facteurs économiques connexes. Tout naturellement, c'est dans cette direction que se sont orientés les efforts de développement. Mais aujourd'hui, le plan de polarisation a pivoté et l'on s'intéresse surtout à la fonction des forêts pour l'habitat humain et à leur rôle purement social. Ce sont pourtant les mêmes forêts - mais moins étendues - et les mêmes hommes - mais beaucoup plus nombreux.

Le thème du présent congrès, qui met l'accent à la fois sur le développement social et sur le développement économique, montre que nous avons su conserver une optique équilibrée. La conjoncture est exceptionnelle: jamais le développement forestier n'a eu autant de possibilités de servir l'humanité.

Le souci des aspects à long terme de la foresterie, qui s'exprime aujourd'hui par des mots à la mode, tels qu'écologie et qualité de l'environnement, est depuis toujours au premier plan pour ceux qui s'occupent des écosystèmes forestiers. Depuis des dizaines d'années, les forestiers mettent en garde contre le danger à long terme de la surexploitation des forêts: ruissellement et érosion, pollution des eaux et modification du climat, entre autres. Depuis toujours, les forestiers se placent dans une perspective plus vaste que celle des projets individuels, qui dépasse rarement l'année. Même pour les Etats, aujourd'hui, la période de planification ne va guère au-delà de cinq ans: c'est peu par rapport à la vie d'un arbre ou d'une famille. Pour l'individu, comme pour l'homme d'Etat, il s'agit surtout d'obtenir dans l'immédiat des bénéfices maximaux au prix de sacrifices minimaux.

Mais aujourd'hui, avec toutes les possibilités de communications et de voyages, avec une population de plus en plus nombreuse et concentrée dans les zones urbaines, les résultats de la surexploitation des forêts ou de leur mauvais aménagement se traduisent par des sacrifices dans l'immédiat.

La disparition progressive des forêts, avec leur flore et leur faune, la raréfaction de l'eau courante et pure, la difficulté croissante de se protéger des intrusions, du bruit, de la pollution et de l'énervement sont ressenties par le plus grand nombre.

L'exploitation des forêts s'est aussi accélérée et modifie le paysage en l'espace d'une génération. Cette exploitation, ne l'oublions pas, était, du moins en partie, indispensable pour répondre aux besoins d'une population croissante de plus en plus urbanisée, et elle n'a été possible que grâce à l'imagination de l'homme.

Une fois mis en évidence les sacrifices immédiats provoqués par l'exploitation accrue des forêts, on ne pourra plus douter des sacrifices futurs, prédits depuis longtemps par les forestiers de premier plan: c'est ainsi que la réalité d'aujourd'hui permet de jeter un pont vers l'avenir.

Quelles que puissent être les causes complexes de la situation actuelle, ce qui importe, c'est de bien comprendre l'occasion historique qui est offerte aujourd'hui à la foresterie: l'idéal d'une élite de spécialistes clairvoyants de l'aménagement des ressources renouvelables trouve enfin un écho dans le grand public.

Les forestiers peuvent aménager; ils ne peuvent pas, à eux seuls, formuler les politiques nationales. Mais aujourd'hui, l'opinion publique s'associe généralement au point de vue des forestiers et estime qu'il est temps de formuler et de codifier les politiques forestières pour préserver la qualité de la vie dans le contexte du développement socio-économique d'ensemble. La déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement est une manifestation de cet état d'esprit. Elle peut être considérée comme la base d'une politique forestière internationale.

Nous vivons donc une époque cruciale pour les forestiers. Ils doivent montrer la voie de l'avenir et amener les gouvernements à adopter une politique forestière.

Les objectifs d'une telle politique sont clairs: il faut trouver un compromis entre la recherche du rendement et de la satisfaction personnelle d'une part, la nécessité de protéger l'homme contre lui-même et contre ses propres actes de l'autre. L'équilibre ne saurait s'établir mécaniquement: c'est une question de jugement; il faut analyser un par un tous les facteurs connus, mais surtout leurs relations. Certains de ces facteurs peuvent s'exprimer quantitativement ou se définir en termes scientifiques, mais beaucoup sont qualitatifs et échappent à la science: ils sont donc politiques.

La nécessité de protéger l'homme contre lui-même tient à la nature biologique de l'écosystème forestier: même les essences à croissance rapide se développent très lentement si l'on considère la rapidité avec laquelle les forêts peuvent être détruites soit par l'homme, soit par d'autres agents: incendies, insectes, maladies. A certains égards, la tâche de sauvegarder l'avenir de l'écosystème transcende les frontières nationales: les forêts du monde ne sont-elles pas l'héritage de l'humanité tout entière? Mais la politique forestière ne doit pas ignorer que les forêts sont utiles, indispensables même à l'homme, tant à des fins utilitaires que pour son épanouissement. Le septième Congrès forestier mondial n'aurait pas été possible sans d'innombrables produits nécessaires au bien-être social et économique des hommes, dérivés d'une matière première forestière. Ce rôle utilitaire des forêts doit être maintenu mais il ne suffit pas pour cela de déclarer que les forêts sont une ressource naturelle renouvelable.

Mais cela ne veut pas dire que les forêts doivent toutes être soumises à des programmes de rendement soutenu. Le principe classique de la vocation unique de chaque forêt, qui a été supplanté par la notion d'utilisation polyvalente, s'articule aujourd'hui de façon beaucoup plus rationnelle et les aménagistes ont des idées beaucoup plus claires sur l'exploitation spécialisée, polyvalente ou dominante. C'est là une base utile pour l'action.

Aucun de nous n'ignore l'expansion rapide du secteur des produits forestiers. On peut se demander comment cette expansion a été possible en l'absence pratiquement totale de politiques forestières. Cela tient sans doute à ce que les opérations forestières ont été menées partout (et non pas seulement dans les zones tropicales) comme une gigantesque industrie d'extraction. On peut même dire que leur expansion est souvent due à l'absence d'une politique globale - et c'est d'ailleurs une des causes des problèmes actuels.

Une politique forestière se fonde sur l'évaluation du rôle des forêts et de leurs produits dans la poursuite des objectifs nationaux. Ainsi cette politique définira le volume annuel des abattages, l'aménagement nécessaire pour y parvenir, ce que cela suppose comme ressources humaines et financières, etc.

Dans certains pays, la politique forestière a souffert de l'incertitude concernant la croissance et l'importance des succédanés du bois. Selon certains, le développement des matières plastiques et des métaux rendra bientôt le bois inutile. Dans ces conditions, pourquoi une politique forestière de production? Or, en l'absence d'une politique explicite pour l'exploitation des ressources naturelles, on investira moins et on comptera moins sur le développement forestier: en définitive, la prophétie se réalisera.

On sait maintenant à quel point les ressources énergétiques du monde - y compris les hydrocarbures fossiles - sont limitées. Or, les industries de l'aluminium, des matières plastiques et des autres produits remplaçant le bois consomment énormément d'énergie: comment pourrait-on jamais se passer des matières premières forestières? De plus, les techniques modernes tendent à utiliser les matériaux en combinaison et non pas isolément, de sorte que l'expansion des matériaux autres que le bois ne pourra qu'accroître celle des produits dérivés du bois.

L'incertitude concernant le rôle de chaque pays dans l'économie forestière mondiale est en grande partie dissipée et, de plus en plus, on souhaite mettre au point une politique fondamentale. L'incertitude ne paralyse plus l'action.

L'importance d'une politique, aussi bien que les difficultés d'élaboration et d'application, dépendent du nombre de personnes qu'elle doit toucher. Or, de plus en plus de gens se considèrent comme directement intéressés par les questions forestières, car ils ont pris conscience des problèmes d'environnement; il ne reste pas moins vrai que le secteur forestier est soumis à moins de contraintes que bien d'autres. Les terres forestières sont beaucoup plus étendues que les terres arables et moins peuplées. Le fait qu'un public toujours plus nombreux s'intéresse aux forêts et ait son mot à dire peut sembler un obstacle - mais en réalité cela donne plus de poids à la volonté publique.

Bien évidemment, la formulation d'une politique n'est pas une fin en soi. L'étape suivante, cruciale, consiste à créer ou à moderniser des institutions viables, capables de traduire ces politiques en mesures pratiques et de les appliquer.

La principale communication de la FAO à ce congrès porte sur le renforcement des institutions forestières. Depuis la création de la FAO, c'est là une de ses principales préoccupations. Je ne vais pas ici anticiper sur le contenu de cette communication, mais j'insisterai sur le fait qu'il est temps d'innover en matière d'institutions forestières. La créativité ralliera plus de partisans que jamais s'il s'agit de donner à la foresterie sa place dans les nouveaux cadres du développement.

Je parlerai ici d'un seul groupe d'institutions forestières indispensable au maintien et à la permanence de toutes les réformes du secteur forestier, les institutions d'enseignement forestier. Ce sont leurs élèves qui devront appliquer les politiques forestières, et sans eux, les théories les plus brillantes resteraient sans valeur. Ce qui est plus important encore, ils devront créer et appliquer les politiques forestières de demain, dans un monde dont l'évolution, toujours plus rapide, aura de plus en plus d'importance pour les forêts.

La première Consultation mondiale sur l'enseignement forestier, organisée par la FAO en 1971, a nettement indiqué l'importance de cette question et posé d'utiles jalons pour l'avenir. On a clairement reconnu que les problèmes de l'éducation forestière ne relèvent pas des seuls forestiers et ne s'arrêtent pas aux frontières nationales. Le fait même qu'une telle consultation ait pu être organisée témoigne de la dimension sociale et économique toujours plus vaste de la foresterie.

Ceux qui œuvrent pour l'avenir - et les forestiers sont du nombre - doivent sentir la dynamique des connaissances humaines. Les grandes tendances de la recherche et de la technologie sont les hérauts du développement futur.

Je voudrais ici définir, en termes généraux, ces tendances, telles qu'elles apparaissent à la FAO, et leurs conséquences pour le travail de planification.

Parmi les découvertes les plus prometteuses de la recherche pure, plusieurs sont attribuables aux percées de la biochimie et de la biologie moléculaire. C'est ainsi que les connaissances récentes concernant les enzymes éclairent non seulement le processus de production de la matière biologique, mais aussi sa dégradation et, partant, les processus élémentaires du système écologique forestier. En biologie moléculaire, le déchiffrage du code génétique et toute une série de nouvelles méthodes permettant de manipuler le matériel génétique nous donneront peut-être, dans un avenir relativement proche, une sorte de génétique artificielle.

Grâce à la recherche spatiale, on a récemment pu déterminer que la géocouronne est constituée par de l'hydrogène atomique. La seule explication actuelle de cette observation est qu'il s'agit de vapeur d'eau scindée en atomes d'hydrogène et d'oxygène par le rayonnement solaire ultraviolet. Il se peut que ce soit là, et non pas dans la photobiosynthèse, que l'oxygène terrestre prenne naissance. Si cette hypothèse est confirmée, il faudra réviser les notions actuelles concernant le rôle central des forêts dans l'équilibre oxygène/oxyde de carbone.

Dans le secteur de la recherche appliquée, on tend de plus en plus à s'appuyer sur les sciences humaines. Des problèmes tels que la foresterie urbaine, l'aménagement des parcs nationaux, les cultures itinérantes, etc., ne peuvent être résolus que par un effort décidé en vue de perfectionner les moyens que nous offrent les sciences sociales, et de les employer de front avec ceux des sciences forestières classiques. On étudie de façon plus intensive la situation des forêts et des terres marginales par rapport aux diverses migrations de populations. Dans de nombreux pays, des recherches pour améliorer les conditions de travail des ouvriers forestiers sont en cours: l'ergonomie, l'hygiène et la prévention des accidents font l'objet d'une attention accrue.

Même dans le secteur des industries forestières, les objectifs de la recherche appliquée s'orientent de plus en plus vers les problèmes sociaux. La détermination de lutter contre la pollution dans les industries papetières prime aujourd'hui toute autre préoccupation dans la recherche. La méthode de blanchiment de la pâte à l'oxygène et sans chlore n'aurait pas franchi si rapidement le stade du laboratoire pour être appliquée dans l'industrie sans le souci de diminuer la consommation d'eau pure et de lutter contre la pollution.

D'autres tendances qui se dessinent clairement sont le développement des méthodes intensives de production de bois et l'utilisation progressive du matériel sur pied.

Dans le premier domaine, on peut citer l'intérêt des sélectionneurs pour les essences à croissance rapide ainsi que l'utilisation croissante des exotiques dans les peuplements artificiels. Une autre tendance, peut-être aussi importante, est la place de plus en plus importante accordée à la fertilisation des forêts. En U.R.S.S., on estime que la foresterie sera une des principales applications des engrais. La Banque mondiale a accordé un crédit à un pays pour financer la fertilisation des forêts.

Pour utiliser plus complètement le bois, on cherche à tirer parti des racines et des branches. Le succès de l'industrie dans ce domaine est démontré par l'accroissement statistiquement significatif de la production mondiale d'articles dérivés du bois, qui progresse plus vite que le volume des quantités enlevées de bois d'œuvre et d'industrie. Parmi les innovations qui ont permis une utilisation accrue du bois et des résidus, citons l'apparition du matériel de production de copeaux dans les scieries et la croissance explosive de l'industrie des panneaux de particules, autre domaine dans lequel l'avancée technologique s'est faite très rapidement. La fabrication de contreplaqué avec des rondins d'un diamètre ne dépassant pas 30 centimètres progresse aussi très vite, mais la foresterie tropicale ne tient pas encore compte de cette possibilité.

On note en outre une tendance à concentrer les efforts sur les problèmes liés aux bois de petite dimension. Le souci dominant de rationaliser l'exploitation forestière est ainsi axé sur les arbres de dimension petite et moyenne dans les forêts tempérées et aboutit à l'apparition de diverses abatteuses perfectionnées à fonctions multiples. L'utilisation de bois de petite dimension se développe, encouragée par la tendance à raccourcir la révolution.

L'IUFRO (Union internationale des instituts de recherches forestières) développera certainement le point de vue des chercheurs sur ces questions au cours du Congrès.

Je me contenterai donc d'illustrer par deux exemples, l'un d'intérêt mondial et l'autre touchant les forêts tropicales, l'importance de ces grandes tendances pour la planification.

Nous ne pouvons encore que conjecturer sur le genre de forêts dont les prochaines générations auront besoin. Les progrès de la génétique imposent de préserver les ressources génétiques du monde pour permettre des choix futurs. Pour prospecter et conserver une variabilité génétique maximale des ressources forestières, il faut planifier et agir sur une large échelle. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement a mis l'accent sur cette responsabilité mondiale et la FAO continuera à travailler dans ce domaine; elle appelle votre attention sur cette tâche.

Mon deuxième exemple concerne le risque de rester à l'écart des grands courants de développement. Dans les forêts tropicales, les problèmes d'utilisation se posent essentiellement pour des arbres de grande dimension. Si le mouvement général du progrès, par exemple en matière d'abattage et de débardage, converge vers les bois de petite dimension, il n'en est que plus urgent de s'occuper des gros diamètres. Le meilleur moyen d'y parvenir est de resserrer la collaboration entre les pays qui s'intéressent aux forêts tropicales.

Ces exemples suffiront sans doute à démontrer qu'il est possible d'identifier de nombreux problèmes cruciaux de la foresterie et d'élaborer une stratégie propre à les résoudre, à partir d'une analyse des tendances de la recherche et du développement.

Permettez-moi maintenant de signaler quelques problèmes que la FAO estime urgent de résoudre pour fournir les bases nécessaires aux plans futurs, car les perspectives et le contenu de la planification s'élargiront encore.

Nous n'avons pas encore de méthode précise pour classer les terres plus ou moins boisées ou déterminer la superficie effective des forêts. Par exemple, l'inventaire forestier mondial de la FAO en 1969 classait comme forêts près d'un milliard d'hectares de plus que les terres qui, aujourd'hui, seraient considérées comme telles. Mais, faute d'une méthode fiable de classement et de données suffisantes, nous ne pouvons pas interpréter de façon valable cet écart, et nous ignorons de combien les ressources forestières mondiales ont effectivement varié depuis cet inventaire. La lune est cartographiée avec une précision d'environ 1 mètre: c'était indispensable pour qu'un seul homme puisse y poser le pied et en revenir. Or, la lune ne change pas et une représentation statique suffit. Par contre, pour la planète Terre, une image à une date donnée, si précise qu'elle soit, est inutilisable à cause de l'évolution constante des éléments de la biosphère. Il faut des analyses répétées pour rendre compte de leur dynamique, comme l'a reconnu la Conférence des Nations Unies sur l'environnement. Peut-être les renseignements nécessaires pourront-ils être obtenus par les méthodes modernes de télédétection. En dehors des satellites artificiels, il existe maintenant des fusées de prospection et plusieurs types de lanceurs simples nécessitant seulement une équipe de deux hommes.

La FAO, dans sa tâche d'évaluer la situation mondiale de l'offre et de la demande de bois et de produits forestiers, travaille dans des conditions de plus en plus difficiles à cause de l'imprécision des définitions. J'ai dit qu'à l'échelle mondiale l'expansion des produits industriels du bois est beaucoup plus rapide que celle des quantités enlevées de bois d'œuvre et d'industrie. On en déduit que la classification actuelle des bois qui repose sur l'hypothèse d'une utilisation unique, a de moins en moins de raison d'être. Cela s'explique par la souplesse croissante des possibilités d'utilisation du bois et surtout par l'utilisation des résidus. Une autre cause de la faillite du système de classement est l'apparition de nombreux produits nouveaux qu'on ne peut insérer dans la classification traditionnelle des produits. Comme l'existence de séries chronologiques de données est très utile pour l'analyse des tendances, on oppose toujours une certaine résistance à toute modification des classifications. Cependant, si les séries chronologiques deviennent de moins en moins utilisables, comme cela semble être le cas aujourd'hui, il faut prendre des résolutions. C'est le rôle des organisations internationales, qui doivent être pleinement appuyées.

La Conférence des Nations Unies sur l'environnement a souligné l'importance d'agir dans le domaine de l'aménagement des forêts tropicales en se concentrant sur le problème des terres marginales et en accordant plus d'attention à la prévention, la détection et l'extinction des incendies de forêt. Il est recommandé que le fonds de l'environnement, quand l'Assemblée générale des Nations Unies l'aura officiellement créé, finance ces activités, par exemple par l'intermédiaire du programme «L'homme et la biosphère» de l'Unesco, en collaboration avec la FAO. Sans aucun doute, les forestiers feront connaître dans leurs pays respectifs cet important accord international et stimuleront la formulation et l'application de politiques et de plans nationaux d'action.

En fait, les activités extérieures du Département des forêts de la FAO reflètent une dynamique qui se fait déjà sentir. En effet, nos programmes extérieurs touchent actuellement 77 pays; presque tous les pays en développement qui possèdent un potentiel forestier sont donc atteints. La nature des projets que nous exécutons montre que les problèmes touchant à la foresterie d'environnement, y compris la faune, à la récréation en forêt et à l'aménagement des parcs nationaux a soudain pris une place de premier plan. Le budget de nos opérations de terrain dans les forêts tropicales a décuplé en trois ans. En dehors des projets consistant à créer ou renforcer des institutions forestières et des projets d'éducation, nous avons divers types d'études de préinvestissement; dans ce dernier domaine, notre collaboration avec les banques de développement s'intensifie rapidement.

L'ordre de grandeur total des grands projets qu'exécute la FAO dans le secteur forestier pour le compte du PNUD est indiqué par la contribution du Fonds spécial, qui s'élève à quelque 50 millions de dollars. Nos activités forestières au titre du Programme alimentaire mondial (PAM) se répartissent actuellement entre 27 projets opérationnels pour lesquels la contribution totale du PAM s'élève à 75 millions de dollars.

Cela démontre clairement que les forestiers du monde en développement sont capables de faire accepter leur avis par les responsables de la programmation par pays. Et les pays donateurs acceptent nos propositions parce qu'ils savent bien que le secteur forestier comporte plusieurs pôles d'expansion dynamique qui pourraient être explorés. On peut donc conclure sans risque de se tromper que le secteur forestier contient en puissance de nombreuses possibilités de progrès social et économique qui n'ont pas encore été identifiées.

J'ai dit au début que les forestiers ont eu du mal à informer et alerter le reste de la société sur les possibilités du secteur et sur les problèmes particuliers, ainsi qu'à se concilier un accord général sur les mesures à prendre. Mais les nombreuses tendances dont j'ai fait état indiquent clairement qu'ils ne se sont pas limités à discuter entre eux pour confirmer leurs opinions. Au contraire, ils ont souvent dialogué utilement avec des personnalités dont les opinions s'écartaient des leurs. Et l'écho que ces consciencieux spécialistes des ressources naturelles ont rencontré dans le grand public prépare les planificateurs de demain, proches des instances les plus hautes du pouvoir, à les écouter d'une oreille toujours plus favorable. Les forestiers sauront certes apprendre vite ce jargon. La planification deviendra plus complexe, mais elle atteindra une nouvelle dimension grâce à ses incidences toujours plus fortes dans la structure socio-économique élargie.

Dans cette tâche, les forestiers devront se faire de nouveaux alliés et attaquer sur un front toujours plus large. Pour cela, ils ne devront pas perdre le trésor que constitue la masse des connaissances acquises ni l'expérience de l'aménagement des ressources naturelles, sans laquelle l'humanité se retrouverait à son point de départ. Mais il ne semble pas que les forestiers soient prêts à renoncer à leur rôle de protecteurs de la plus grande ressource biologique du monde. Et c'est seulement s'ils préservent cet héritage que les forêts pourront demain être encore considérées comme la source non seulement d'innombrables produits utiles à l'homme mais aussi d'avantages intangibles, indispensables au bien-être social des hommes. L'avenir promet d'être intéressant.


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