Page précédente Table des matières Page suivante


Commission III. Conservationnistes et récréationnistes


Note du secrétariat
Documents présentés à la commission III
Rapport


Président:

A.M. OSENI (Nigeria)

Vice-présidents:

M. BOZA (Costa Rica)
M. KOLAR (Israël)
KIM SYUNG YUP (Rép. de Corée)

Note du secrétariat


1. Utilisation équilibrée des terres forestières en vue de leur conservation
2. Récréation forestière: problèmes et tendances
3. Aménagement la faune en tant que mode autonome ou complémentaire d'utilisation de la forêt
4. Rôle des parcs nationaux dans la conservation des ressources et le développement de la vie rurale
5. L'influence de la foresterie sur le milieu naturel


Modérateur:

F. O'GORMAN (Irlande)

Secrétaires techniques:

T.A. RINEY (FAO)
J.M. KOZARIK (Argentine)

Cette note ne prétend pas résumer toutes les communications soumises à la commission sur des problèmes généraux ou particuliers. On s'efforcera ici de dégager les principales idées exprimées dans ces communications et les problèmes qu'elles ont soulevés, et d'aborder certaines des questions qui ont été négligées ou évoquées brièvement, afin de rendre plus fructueux les débats de la commission.

L'ordre du jour englobait à peu près tous les aspects de l'influence de l'homme sur le milieu, ou tout au moins ceux qui intéressent les terres sauvages et les forêts, de caractère naturel ou artificiel, le milieu rural ou urbain. Malgré cette diversité, on relève dans toutes les communications un thème central ou, si l'on préfère, une tendance centrale. Toutes, en effet, soulignent le conflit que soulèvent toutes les formes d'utilisation d'une ressource quelconque, conflit qui est particulièrement spectaculaire et peut être plus âpre lorsqu'il s'agit de l'utilisation des forêts et des terres sauvages.

Cette lutte entre les utilisations rivales, déjà manifeste dans les pays développés et riches tels que les Etats-Unis et les nations d'Europe occidentale, ne cesse de s'élargir et prendra des proportions toujours plus grandes à mesure que les pays s'enrichiront et qu'ils modifieront leurs objectifs sociaux en fonction de leur développement économique. Le conflit entre la recherche à tout prix de la croissance économique et la nécessité de préserver la qualité de l'environnement a atteint son paroxysme depuis que certains préconisent un a degré 0» de croissance. Même lorsque l'on ne va pas jusque-là, les conflits implicites et réels entre les deux extrêmes doivent être résolus et ce problème doit jouer un grand rôle dans nos débats.

Comment pourrons-nous contribuer à harmoniser ces utilisations rivales, comment pouvons-nous élargir les conceptions, non seulement du grand public mais plus encore du praticien, qui souvent s'intéresse uniquement à son secteur, qui veut faire «correctement» son métier sans se préoccuper des effets sur l'environnement ou des autres utilisations possibles? Il peut se faire que ces utilisations soient plus valables sur le plan écologique et économique, sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif, que ses propres activités. Cette étroitesse du spécialiste n'est pas particulière aux forestiers et en fait ils sont peut-être les moins coupables à cet égard; il s'agit pourtant d'un état d'esprit bien réel dont il faut tenir compte, notamment dans les pays n'appartenant pas au groupe le plus prospère, et dans certaines zones de ce groupe, où l'on ne ressent pas encore l'intensité du conflit provoqué par les exigences des grandes agglomérations urbaines.

Si l'on comprend de mieux en mieux, comme on le fait aujourd'hui, que les besoins sociaux viennent avant les intérêts sectoriels, et si l'on reconnaît, comme le propose la Conférence des Nations Unies sur l'environnement, que le droit à un milieu satisfaisant est un droit fondamental de l'humanité, nous sommes amenés à donner au social la priorité sur l'économique et à considérer l'aménagement des terres sauvages et des forêts comme une contribution aux améliorations sociales plutôt qu'au simple bien-être matériel.

La responsabilité sociale de la foresterie, et les conflits qui en découlent dans le domaine de la politique et des pratiques forestières, revient comme un leitmotiv dans tous les documents de la commission, et plus spécialement dans la note de Richardson: Urban Forestry - Apartheid or Integration? Mais en outre, il faut noter que la commission VI (Economistes, administrateurs et planificateurs) a prévu à son ordre du jour un point consacré à l'environnement et aux valeurs sociales, où l'on mentionne plusieurs des questions soulevées par ces conflits d'objectifs.

Une des causes principales du conflit entre le point de vue environnement et le point de vue économique est que les deux parties intéressées ne parlent pas le même langage. Etant donné que le point de vue économique permet seul la planification nationale de toutes les ressources, il est essentiel que les spécialistes de l'environnement et de l'écologie formulent leurs propres plans dans le langage de l'économie et que l'on quantifie les bénéfices non tangibles de l'utilisation forestière de manière à fournir une base commune qui facilite les décisions rationnelles des planificateurs nationaux, généralement mal informés de l'utilisation des ressources naturelles. Si ces plans n'ont pas de sens dans le langage économique, ils ont peu de chances de pouvoir lutter contre ceux qui en ont un.

Dans la concurrence sans cesse grandissante entre les divers utilisateurs de la terre, les utilisateurs économiquement faibles se trouvent handicapés, dans les sociétés socialistes comme dans les sociétés capitalistes. Même dans des groupes sociaux prospères et soucieux de l'environnement comme c'est le cas à Stockholm, les partisans du milieu ont dû céder des positions à des concurrents économiquement mieux armés (Kardell). Le produit non monétaire de la forêt est rarement aussi immatériel qu'on le suppose, mais consiste plus vraisemblablement en biens et services qui ne donnent pas lieu à des ventes (Grayson, commission VI). Tous ces a bénéfices» doivent être évalués pour figurer comme autant d'éléments analysables dans le bilan économique de la forêt.

D'un autre côté, il est encore plus indispensable que les économistes et les planificateurs comprennent les incidences écologiques de leurs activités. Leurs modèles de production, souvent simplistes, peuvent rarement tenir compte des relations complexes qui existent dans l'écosystème des forêts et des terres sauvages et si ce point a peut-être peu d'importance dans la monoculture forestière, il peut être essentiel dans les forêts naturelles des tropiques et d'autres régions.

Soit dit entre parenthèses, il serait nécessaire de réorienter les conceptions et les pratiques de la foresterie tropicale qui, très souvent, semblent avoir été copiées sur les modes d'aménagement de la forêt tempérée, sans égard à la différence fondamentale de complexité des deux écosystèmes. Dans les régions tropicales, la méconnaissance des conditions écologiques doit engendrer tôt ou tard des problèmes beaucoup plus graves que ceux auxquels on peut s'attendre dans les régions tempérées où le milieu est moins complexe et plus facilement aménageable.

1. Utilisation équilibrée des terres forestières en vue de leur conservation

L'utilisation équilibrée des ressources forestières suppose le maintien d'un équilibre écologique, et pour arriver à ce résultat il faudra quelque chose de plus que le petit jeu de bascule de l'«utilisation multiple». Selon un professeur de sylviculture, M. Minckler, les forestiers devraient faire preuve d'une plus grande «imagination écologique», notamment dans le domaine sylvicole. Trop de forestiers se refusent à admettre qu'une sylviculture de compromis puisse satisfaire les exigences modernes. Nos problèmes et nos responsabilités ont grandi depuis que l'utilisation forestière s'oriente fortement vers les solutions intégrées liées à la récréation, à la faune sauvage, à l'aménagement des bassins, à l'esthétique du paysage aussi bien qu'à la production de bois (Towell, Kimball et Poole). Toutefois, Chodzicki a prouvé la possibilité d'appliquer des formules autres que les méthodes traditionnelles de la sylviculture. Selon lui, il n'est pas nécessaire de distinguer des forêts de production et des forêts de protection et il indique les moyens d'intégrer les zones productives en tenant compte de leur rôle dans le milieu.

Mais peut-être serait-il optimiste d'espérer dès maintenant que l'utilisation équilibrée se fondera sur l'équilibre écologique et non pas sur un jeu de bascule entre les prétentions rivales des différents utilisateurs, qui aboutiront à un découpage des ressources incapable de donner satisfaction à quiconque, sinon peut-être à certains bureaucrates ou à certains politiciens pour qui le compromis est une raison d'être.

Bien que l'utilisation polyvalente rallie maintenant les suffrages du public et de nombreux forestiers, tout au moins dans les nations prospères, il apparaît que ce concept n'est pas toujours applicable, étant donné qu'il peut engendrer parfois des pertes de production si regrettables du point de vue économique que cette formule, en pareil cas, ne devrait même pas être envisagée. La formule est devenue un slogan spécieux qui revient à dire que tout doit appartenir à tout le monde. En fait, elle n'est applicable que là où la foresterie est une activité extensive engageant peu de capitaux. Dans la foresterie, ou toute autre utilisation de la terre plus intensive, l'exploitation polyvalente peut être contre-indiquée, et plusieurs utilisations tendent à se concurrencer de plus en plus (Kardell, Wicht, Dixon). Les forêts de type industriel sont fermées au public. Et pourtant, même dans de pareilles zones, n'y aurait-il pas lieu de réserver les options?

Dans les pays où la foresterie est un élément important de l'économie nationale, il apparaît impossible d'associer l'exploitation économique avec d'autres usages, qu'il s'agisse de forêts publiques ou de forêts privées. Là où la foresterie doit envisager l'utilisation polyvalente extensive, les pertes d'opportunité, lorsque le taux de capitalisation est élevé, peuvent représenter 30 pour cent de la valeur de la forêt (Kardell). En pareil cas, l'unique solution consiste peut-être à séparer complètement les forêts économiques et les forêts polyvalentes. Néanmoins, il apparaît qu'aux Etats-Unis les industries forestières du secteur privé sont disposées à faire une large place à l'exploitation polyvalente. Traczewitz affirme que 95 pour cent de ces zones forestières sont ouvertes au public.

Cette diversité de points de vue et de méthodes nous promet des débats animés.

En dehors de ces zones, on peut envisager toutes les combinaisons, depuis l'utilisation intensive dans les zones urbaines, où les considérations sociales peuvent primer toutes les autres, jusqu'à la limitation de toutes les formes d'utilisation dans les zones que l'on veut conserver à l'état sauvage. Pour faire justice de toutes les demandes concurrentes, il faut procéder, entre autres, à un inventaire du genre de celui qui a été institué dans le cadre du programme d'aménagement territorial au Canada. A défaut d'éléments objectifs de ce genre, la décision rationnelle devient un jeu de hasard disputé entre la sagesse et l'opportunisme.

Il faut se souvenir que, dans les pays développés, l'abandon de la culture sur certaines superficies libère des terres marginales. Le plan Mansholt suggère des formules qui permettraient de rationaliser ce processus en Europe. Dans des pays comme la Hollande, malgré la forte densité de la population, les cultures reculent devant les utilisations sociales, et des zones conquises, grands frais sur la mer sont désormais destinées à la récréation plutôt qu'à l'exploitation agricole (Benthem) Cette tendance ouvrira inévitablement des opportunités nouvelles à la foresterie sociale et soulagera peut-être les forêts destinées à une exploitation exclusivement économique. Néanmoins, comme le font remarquer Towell, Kimball et Poole, il faudra, si l'on veut parvenir à une utilisation équilibrée, résoudre les conflits en faisant participer plus largement le grand public au, décisions relatives à l'emploi des ressources.

A mon avis, il en résulte que le public doit mieux comprendre les problèmes qui se posent et que, par voie de corollaire, les aménagistes doivent faire un beau coup plus grand effort pour mettre le public en état de juger les problèmes. C'est à cette condition seulement que l'on affaiblira l'élément passionnel qui se mêle aux nombreuses thèses en présence. Les services forestiers entre autres, me semblent avoir été beaucoup trop inactifs à cet égard, d'où la faiblesse des budgets que beaucoup d'entre eux consacrent aux relations publiques et à l'éducation. Il y a là un problème que nous aurions intérêt, me semble-t-il, à examiner en profondeur.

Chercher à mettre au point des pratiques d'aménagement forestier qui soient écologiquement valables et politiquement acceptables constitue une des principales tâches des administrateurs chargés de gérer les ressources. Il est indispensable de trouver des réponses valables sur le plan social aux interrogations qui mettent en cause l'intérêt de la croissance économique quand elle implique la dégradation de l'environnement (Dixon). Comme le fait remarquer Lewis, il faut trouver une juste mesure entre les besoins économiques de la nation et les avantages sociaux découlant de la foresterie.

L'équilibre dépendra des besoins des populations intéressées. Dans les pays développés, on se préoccupe de plus en plus des valeurs autres que les valeurs marchandes, alors que dans les pays en développement il s'agit de s'assurer un profit économique. Les gouvernements doivent veiller à ce que, en tirant de la foresterie un revenu économique, on ne détruise pas la capacité d'engendrer un bénéfice social de caractère non matériel et non monétaire. Il faut dès maintenant établir un équilibre si l'on veut laisser aux générations futures suffisamment de latitude pour choisir elles-mêmes leurs objectifs sociaux et économiques. Combien de fois les nations n'ont-elles pas été privées de cette faculté par les erreurs du passé?

2. Récréation forestière: problèmes et tendances

La récréation, et notamment la récréation en plein air, est l'élément le plus dynamique du a boom» touristique. C'est une conséquence du progrès de la richesse et des loisirs dans le monde développé. La prospérité économique, la réduction des heures de travail, l'évolution de l'éthique du travail, au moins dans les jeunes générations, ont engendré une progression exponentielle. Il est difficile, hors des Etats-Unis et de certains pays européens, de définir les tendances d'après des données statistiques. Cependant, les indications qu'on possède suffisent à prouver que dans toutes les économies, sauf les plus faibles, la tendance est ascendante.

Au Royaume-Uni, de 1951 à 1970, la durée moyenne du travail hebdomadaire est passée de 48 heures à 46 heures, alors que les revenus réels augmentaient de 100 pour cent par rapport à 1955 et que, dans la même période, le nombre des automobiles quadruplait, de sorte que l'on compte aujourd'hui une voiture pour deux ménages (Spencer et Sidaway).

Comparés à ceux des autres pays, les chiffres américains sont astronomiques. Aux Etats-Unis, plus de 2,5 milliards de dollars seraient dépensés chaque année pour la grande chasse. Celle-ci attire 8 millions d'amateurs. Dans certains types de chasses le nombre des participants a augmenté 30 fois et les dépenses 16 fois depuis 1955 (Halvorson, Linduska et Stebler). Cent quatre-vingt-dix millions d'hectares sont affectés à la récréation aux Etats-Unis. Dans ces zones, le nombre des journées de visite a été de 175 millions en 1970 contre 160 millions en 1965. Ce chiffre devrait passer à 210 millions en 1975 et à 250 millions en 1980 (Lloyd et Fischer). Les habitats forestiers étant soumis à cette pression intense, qui peut avoir sa réplique dans d'autres écosystèmes, on agite beaucoup la question de savoir si les activités récréatrices doivent être dispersées ou concentrées. Lloyd et Fisher font valoir avec force qu'il ne s'agit pas de choisir entre deux formules et que, pour résoudre le problème, il faut prévoir une gamme complète de formules allant de l'organisation la plus poussée et la plus concentrée aux aménagements les plus primitifs. Ces auteurs notent également que la majorité des gens penchera en faveur des formules moyennes.

La population de nombreux pays se trouve maintenant fortement urbanisée (à raison de 80 pour cent et plus dans certains cas), mais il est surprenant que l'on n'ait pour ainsi dire pas traité du problème de la capacité de charge des habitats fortement exploités. Alors qu'on se dispute avec ardeur sur le choix des lieux de récréation, il semble qu'on ait négligé d'étudier l'incidence écologique de l'utilisation anthropique, en particulier à long terme. On a consacré quelques études à des habitats vulnérables ou à ceux des climats extrêmes (terrains de ski, etc.). Mais il semble que les aménagistes prennent pour accordé que l'habitat tolérera d'être exploité autant qu'il conviendra à l'usager. Je crois qu'il s'agit là d'un domaine mal connu auquel on devrait accorder beaucoup plus d'attention. De même, il semble que la récréation soit organisée par la classe moyenne pour la classe moyenne et que l'on prenne pour postulat que nous désirons tous partir aussi loin que possible. Les planificateurs cherchent à augmenter l'accueil à des distances toujours plus grandes des centres de demande, c'est-à-dire des zones urbaines. Je me rencontre ici avec Richardson qui insiste pour qu'on donne les mêmes opportunités de récréation aux habitants des ghettos modernes «où l'environnement a été violé». Combien d'entre nous, même si nous n'appartenons pas à ces ghettos, ne préféreraient-ils pas que les bois se trouvent à notre portée, que les opportunités soient plus faciles et que nos distractions deviennent moins coûteuses? Il serait urgent d'évaluer en termes quantitatifs les possibilités de remplacement, les moyens de récréation en milieu urbain et suburbain plutôt que rural. A combien se chiffre pour la communauté le coût des déplacements de masse vers la campagne, qui mobilisent des biens et services dont beaucoup grèvent les recettes extérieures? Une analyse coût/bénéfice permettrait sans doute des constatations surprenantes, sans parler des considérations sociales qui pencheraient décidément en faveur des loisirs à la ville plutôt qu'à la campagne.

Dans tous ces raisonnements, il ne faut pas perdre de vue les ruraux, dont les droits et les besoins ont une égale importance. Ce n'est pas parce qu'un individu vit à la campagne qu'il a moins besoin de récréation: seul le citadin a cette illusion. Comme dans la plupart des problèmes qui intéressent toute la gamme sociale, une série complète de solutions est nécessaire. Néanmoins, si l'on essaie de procurer le maximum de satisfaction au plus grand nombre aux moindres frais, des priorités sont inévitables et indispensables. Reste à savoir ce que doivent être ces priorités.

3. Aménagement la faune en tant que mode autonome ou complémentaire d'utilisation de la forêt

La plupart des individus considèrent la faune sauvage comme une curiosité, comme l'objet d'un sport ou comme une nourriture possible. Son rôle essentiel dans l'écosystème est rarement compris et l'on se rend mal compte de l'influence modératrice qu'elle exerce dans un sens très général. Même les spécialistes de la faune mesurent assez mal le profit économique et les recettes qui peuvent découler de l'utilisation de la faune, bien que la vision, la chasse, la consommation du gibier soient des valeurs matérielles. Jusqu'à ces derniers temps on ne s'est guère efforcé de quantifier la valeur économique de la faune. Même aux Etats-Unis, où l'on accumule les données statistiques dans tous les domaines, Halvorson, Linduska et Stebler relèvent qu'on ne dispose pas de données à l'échelle nationale qui permettent de calculer les vraies dimensions de la chasse sportive à laquelle donne lieu la faune forestière. Néanmoins, certaines estimations permettent de calculer que le budget annuel de la chasse au gros gibier représente à lui seul 2,5 milliards de dollars. Le montant des licences délivrées par les Etats de l'Union atteignait 208,5 millions de dollars en 1971 et la viande de gros gibier, représentant une valeur de 155 millions de dollars, équivalait à la consommation totale de viande de 2,7 millions d'Américains (Halvorson, Linduska et Stebler).

Nusslein a également démontré en Europe occidentale que la faune sauvage est une ressource appréciable. Il estime que les abattages annuels donnent 0,3 kilogramme de viande par habitant et un produit de 0,3 dollar par hectare sur l'ensemble du territoire européen. Le complément ainsi apporté à l'économie des pays hautement développés est donc très appréciable.

Certes, peu de pays peuvent rivaliser avec les Etats-Unis pour ce qui est de l'exploitation monétaire de la faune, mais la plupart des pays possèdent souvent un potentiel non réalisé, qui pourrait apporter une contribution valable au revenu de certaines parties de la population et constituer une source facile de protéines animales. Dans bien des cas, le gibier peut être la seule source de protéines animales de certains groupes classés au bas de l'échelle économique. La viande de chasse peut éviter à un pays les sorties de devises fortes qu'implique l'importation des viandes et soulager ainsi la balance commerciale.

Si l'exploitation de la faune pour la récréation a sans doute peu d'intérêt dans les pays en développement, sauf ceux qui possèdent des concentrations animales capables d'attirer le tourisme, comme c'est le cas en Afrique orientale, il est évident que l'élimination du déficit protéique est un problème essentiel et qu'il ne faut négliger aucun moyen de le résoudre. On a pu prouver que, dans certaines régions du Ghana, 73 pour cent de la viande d'origine locale est fournie par la faune. Dans une période de 17 mois, échelonnée sur 1968-70, on a vendu sur les marchés d'Accra plus de 150000 kilogrammes de viande de chasse représentant 160000 dollars. La valeur totale des protéines de gibier produites chaque année dans le Nigeria du Sud a été estimée à 25 millions de dollars (de Vos et Kaittany).

Le taux de consommation n'est peut-être pas aussi élevé en Côte-d'Ivoire qu'aux Etats-Unis, mais un apport de 27 grammes par personne et par jour n'est pas sans intérêt du point de vue nutritionnel.

Entre 1965 et 1967, les régions désertiques du Kalahari, au Botswana, ont produit 20 kilogrammes par personne et par an. En Rhodésie, la faune fournit une production de viande équivalant à 5-10 pour cent de celle de l'élevage bovin (de Vos et Kaittany).

Outre cet apport intéressant de protéines, la faune attire un tourisme très rémunérateur, en particulier dans l'Afrique de l'Est. Au Kenya, c'est la faune qui est la principale base du tourisme et pour ce pays le tourisme est la plus importante source de devises. En 1970, le montant brut des recettes de devises a atteint 51 millions de dollars et le tourisme a fourni 20000 emplois. Les recettes touristiques sont particulièrement importantes pour l'économie parce qu'elles ont un effet multiplicateur, plus de personnes participant à la formation du profit dans ce secteur que dans toute autre activité.

Si la situation est moins nette dans d'autres parties du tiers monde, Dourojeanni a démontré néanmoins qu'un potentiel analogue existe dans les régions tropicales du Pérou, et cette affirmation est corroborée par les chiffres du Brésil et de la Colombie. On doit noter que dans ce dernier pays les exportations de produits de la faune dépassent celles des produits forestiers (Département des chasses de la Colombie, 1970). Certes l'activité forestière est encore peu développée en Colombie, mais la comparaison est valable et n'est pas assez souvent soulignée. S'agissant de développer les forêts, il faut bien mettre en lumière des faits de ce genre. Bien que les données soient insuffisantes dans beaucoup de régions, il est évident qu'il faut tenir compte de la faune dans les plans d'aménagement des forêts ou des terres sauvages. Dans bien des cas, la faune peut jouer un rôle important, sinon essentiel, dans le développement socio-économique. Certes, les faits de ce genre sont pris en considération dans de nombreux pays en développement (Caldevilla), mais certains milieux devraient y prêter une plus grande attention, en particulier les responsables de la planification nationale.

Teer fait remarquer que le potentiel de la faune peut être sauvegardé dans un environnement forestier aménagé si l'on prend soin de maintenir une diversité écologique suffisante pour que la ressource faunistique reste vivable.

4. Rôle des parcs nationaux dans la conservation des ressources et le développement de la vie rurale

Dans son introduction à une étude sur le rôle des parcs nationaux dans l'économie locale, Davis affirme que les parcs nationaux et les réserves sont souvent créés sur des terres revendiquées aussi pour d'autres usages. Fatalement, ces décisions issues d'un conflit continueront longtemps à être contestées. Dans bien des cas, on a appliqué aux parcs nationaux des séries de critères destinés à assurer leur inviolabilité. Ces critères ont généralement été acceptés pour base des systèmes de parcs nationaux reconnus sur le plan international (Constantino). Les Nations Unies ont sanctionné ces critères. Néanmoins, si l'idéal est respecté en théorie, en fait peu de zones sont restées entièrement à l'abri. Beaucoup de prétendus parcs nationaux ont été violés ou défigurés. L'introduction d'animaux exotiques peut perturber l'écologie aussi bien que l'installation d'une mine à ciel ouvert et tout le problème de l'inviolabilité doit être étudié d'une façon pragmatique. Est-il raisonnable ou non d'espérer que l'on parviendra à éliminer, par exemple, les usages pastoraux? Est-il logique de chercher à éliminer entièrement la chasse, qui pourrait fournir des recettes très nécessaires et directement profitables aux populations locales, alors que certaines espèces sauvages risquent de proliférer de façon dommageable pour l'habitat? Comme le fait remarquer Davis, le braconnage et l'empiétement des chasseurs ou des pasteurs indigènes, chassés de leurs terrains par la création de parcs, sont bien la preuve qu'il existe une concurrence pour les ressources. Ces problèmes ne se posent pas seulement dans les pays en développement car des conflits du même genre surgissent autour des parcs nationaux de nombreux pays développés, bien que les empiétements à craindre sont plutôt, en ce cas, ceux de l'industrie hôtelière ou de l'industrie minière plutôt que ceux des pasteurs et des chasseurs.

Toutefois, comme le fait observer Buchinger, les pays en développement sont généralement mieux placés pour créer des parcs nationaux viables que les pays développés. Mais comme les pays en développement ont tendance à imiter les pays développés, il faut éviter de tomber dans les mêmes erreurs. Les pays développés, par exemple, se montrent incapables d'endiguer l'afflux dévastateur des usagers dans leurs parcs nationaux.

Pour soulager les parcs, le mieux est de créer des zones tampons qu'on pourra livrer à une utilisation plus intensive. Davis pense que l'utilisation des parcs à double fin peut être la seule solution qui permettrait à l'économie locale d'en tirer un profit. Qu'on crée ou non des zones tampons autour des parcs nationaux, les pays continueront à baptiser ainsi des domaines qui ne sont pas aménagés selon les critères internationaux, en partie parce que l'appellation sonne bien et séduit les touristes. En pareil cas, peut-être faut-il ne pas chercher à lutter contre le courant et accepter des parcs nationaux de classe différente comme il y a des hôtels de classe différente. Cela peut paraître une hérésie aux puristes mais les faits donnent à penser que plus la population augmente et plus les loisirs se généralisent, plus la viabilité des parcs deviendra illusoire. En analysant avec lucidité et précision la contribution des parcs nationaux à l'économie locale, Davis met en évidence certains faits assez insoupçonnés. Il démontre que moins l'économie locale est développée, moins elle peut fournir les biens et services exigés par les touristes et plus elle devra exporter ses recettes. Ce genre de pertes représente 25 pour cent de la recette des campements du Kenya, par exemple. C'est là, il va sans dire, un élément important du calcul des profits et dépenses dans les pays en développement. Il faut aussi remarquer que l'économie locale de ces zones ne diffère pas beaucoup de celle des zones analogues des pays développés. D'un autre côté, s'il est vrai que l'économie locale ne bénéficie pas beaucoup des dépenses faites dans les parcs nationaux, l'impact peut cependant être appréciable sur le plan national dans un pays économiquement faible.

Si on accepte la création de zones diverses dans les parcs et si on admet des utilisations complémentaires, l'aménagement devient une solution intéressante à la fois sur le plan culturel et sur le plan économique et l'on peut arriver à concilier les avantages à long terme de la conservation avec les avantages économiques à court terme.

5. L'influence de la foresterie sur le milieu naturel

Les documents présentés sous ce point reconnaissent que la foresterie est intégrée au devenir physique, social et économique de la nation et ne peut plus être traitée comme un mode d'utilisation des terres indifférent à l'influence des activités productrices autres que l'exploitation du bois. Wicht a souligné qu'il importe d'orienter la recherche sur les bassins montagneux en partant de l'idée que les régions forestières sont des systèmes de ressources intégrés. Cette notion introduit un lien parmi les différents documents traitant de sujets fort divers qui ont été présentés sous ce dernier point de l'ordre du jour.

Avec son sérieux et sa précision habituels, Takehara a très bien résumé le rôle de la forêt en matière de conservation, notamment le rôle qu'elle joue dans le cycle de matières premières, ses effets sur le climat, son influence sur la conservation de l'eau et du sol, l'habitat qu'elle fournit à la faune sauvage, les zones de récréation qu'elle peut abriter et la contribution qu'elle apporte à la défense du milieu. L'auteur étudie les effets de divers aménagements forestiers sur le milieu et estime que l'influence des pratiques forestières sur le milieu forestier se renforcera à mesure qu'on comprendra mieux les inconvénients qu'engendre l'absence de planification. Il estime que dans son propre pays l'action chimique artificielle sur la végétation constituera le principal sujet de recherche et que l'on s'intéressera particulièrement aux produits chimiques ayant des effets sur une gamme étroite d'espèces végétales.

Szwecki rappelle que l'écosystème forestier n'englobe pas uniquement le dôme arboré ou la surface du sol. De même que certains pays prévoient dans leurs aménagements une production animale maximale, de même on cherchera peut-être à l'avenir à modifier l'aménagement de manière à minimiser la perturbation des sols et à maintenir ainsi au plus haut niveau la capacité de régénération, dans l'intérêt de la production ligneuse future. Est-ce là un domaine où la recherche devrait être plus poussée?

Manka présente une communication qui fera réfléchir ceux qui étudient les transformations aboutissant à la dégradation du milieu forestier ou au contraire à son amélioration. Selon lui, depuis que l'homme détient un potentiel illimité et sans cesse grandissant d'intervention sur la nature, on se demande avec inquiétude si son influence destructrice ne risque pas de transgresser les limites admissibles. Pour que cette inquiétude aboutisse à des mesures utiles, il faut qu'on soit capable de suivre l'évolution du milieu forestier. Il est donc urgent de mettre au point des méthodes efficaces d'étude du milieu. C'est ce qu'il a fait lui-même en prenant les communautés de cryptogames comme indicateur du stade d'évolution du milieu forestier.

Comme il arrive souvent lorsqu'on met au point des méthodes et des techniques nouvelles, une fois les principes compris et acceptés on peut élaborer des solutions simplifiées. La commission voudra peut-être étudier la portée et les limites des indicateurs de l'évolution du milieu forestier.

La note de Swanson sur l'hydrologie forestière soulève une question importante. Partant du fait que le débit d'eau augmente généralement à la suite des opérations d'abattage, notamment des coupes à blanc (voir aussi Wicht), Swanson demande si cette augmentation est désirable ou non. Au Canada, selon lui, elle est souvent plus désavantageuse qu'utile. Il est évident que dans les zones fortement arrosées, où les rivières sont sujettes à des crues, on peut redouter le ruissellement accéléré des eaux de pluie ou des eaux de fonte après les opérations de coupe. D'un autre côté, on voit facilement ce qu'un plus fort débit d'eau peut apporter aux savanes semi-arides auxquelles fait allusion Wicht. Qu'on veuille ou non un débit hydraulique plus considérable, il est intéressant d'examiner si nous pouvons aménager nos forêts pour la production commerciale sans modifier ce débit.

Nikolaenko rappelle l'importance de la qualité des eaux pour la population humaine et l'influence que les forêts exercent à cet égard en filtrant les bactéries et en améliorant la couleur et la composition chimique des eaux. Il note également que la qualité de l'eau dépend du bon aménagement des forêts au pourtour des réservoirs. Knabe s'inquiète des effets de la pollution atmosphérique et des déchets solides sur le domaine forestier. Il note, après beaucoup d'autres auteurs, que la pollution risque, entre autres, d'altérer le milieu forestier à de grandes distances de la source de pollution. On comprend la préoccupation des forestiers quand on voit que la pollution réduit la croissance, provoque la sénescence prématurée, entrave la régénération et renforce l'incidence de certains ennemis de la forêt.

On cherche de plus en plus à créer des forêts à l'intérieur et au voisinage des zones industrielles et on se rend mieux compte des effets filtrants et isolants de la forêt. Outre la valeur esthétique, que les citadins apprécient depuis longtemps, on aperçoit de plus en plus l'intérêt écologique de la forêt, antagoniste nécessaire de la pollution qui est elle-même un sous-produit inévitable de l'expansion.

Il est tout naturel que les conséquences secondaires de l'utilisation prolongée des insecticides soient mises en question par un Canadien, puisque ce pays a si largement expérimenté l'application des insecticides en forêt. Selon Varty, les avantages des pulvérisations l'emportent de beaucoup sur les atteintes au milieu qui en résultent. L'auteur rappelle aussi que l'Etat se préoccupe de l'évolution de ces effets secondaires; il souligne l'importance des activités de contrôle et insiste sur la nécessité d'intensifier les recherches, en particulier celles qui comportent un fort élément interdisciplinaire.

Enfin, Mlinsek considère la sylviculture comme un test de l'aptitude humaine à manipuler l'écosystème et reconnaît qu'il importe d'étendre le principe du rendement soutenu, élément fondamental de toute sylviculture rationnelle, à d'autres activités et produits de la forêt. Selon lui, la sylviculture, avec l'agriculture et l'exploitation pastorale, est un instrument essentiel de manipulation du milieu dans l'intérêt final de l'humanité.

Cette vérité est incontestable et elle prendra sans doute de plus en plus d'importance pour les forestiers. Ne faut-il pas conclure que les forestiers, ayant d'immenses moyens d'action sur le milieu humain, doivent se préoccuper en outre de savoir dans quelle direction ils se dirigent et à quelles fins?

Documents présentés à la commission III

MÉMOIRES GÉNÉRAUX

Benthem, R.J. Forestry, man and landscape

Buchinger, Maria Regional problems in national parks development

Burschel, P. Problems and trends in supplying world needs for forest recreation

Caldevilla, G.M. Other forest products, a source for foreign exchange

Davis, R.K. National parks as the basis for generating rural economic activity

Dixon, R.M. Conflicts in forest management

Dourojeanni, M. Economic values of wildlife production in forestry areas of Latin America

Garnica, M.N. Urban pressure on the forest; the example of Madrid

Goddard, M. Recreational opportunities in an intensively managed forest

Gregor, E.W. Integration of grazing in tropical forestry

Halvorson, C., Linduska, J. & Stebler, A. Economic values of wildlife production in forestry areas in North America

Hiroshi, I. Forest conservation and management in Japan

Kardell, L. Assessment of forest suitable for recreational use

Kozarik, J.C.M. Watershed management and wildland management - spheres of action and relationship between them

Lloyd, R.D. & Fisher, V.L. Dispersed versus concentrated recreation of forest policy

Melo, H. de A. & Lima, W. de P. Urban pressure upon the forest: The example of São Paulo

Mlinsek, D. Progrès de la recherche sur les effets des traitements sylviculturaux de l'environnement

Mutch, W.E.S. Wildlife as an alternative or complementary use for forest lands

Nikolaenko, B.T. The role of forest stands in water quality improvement

Nusslein, F. The economic value of wildlife production in forests and woodlands of Europe

Plucknett, D.L. & Nicholls, D.F. Integration of grazing and forestry

Richardson, S.D. Urban forestry - apartheid or integration?

Spencer, J.A. & Sidaway, R.M. The special contribution of forests and woodlands to recreation in an industrial society

Steinlin, H. Progress of research on the effects of harvesting and transport methods on the environment

Takehara. H. Problems in the forestry research related to environmental conservation

Teer, J. Manipulation of forestry or wildlife habitat to regulate wildlife resources

Toth, S. Problems and techniques for managing forest lands for the production of recreation services

Towell, W.E., Kimball, T.L. & Poole, D.A. Achieving balanced use in forest conservation

Traczewitz, O. Recreational opportunities in an intensively managed forest

Valentini, J.E. Relación bosque-agricultura-ganadería en el manejo de los suelos del parque chaqueño húmedo

Varty, T.W. Environmental side effects of large scale chemical control operations in forests

Wicht, C.L. Timber and water, dual objectives in mountain catchments

MÉMOIRES SPÉCIAUX

Buch, M. von Forest formations and use of the soil in the Pucon and Coñaripe communes of the Chilean-Argentine frontier

Chakrabarti, K. & Chaudhuri, A.B. Honey production and behaviour pattern of the honey bee

Chaudhry, I. Problems of wildlife conservation in the developing countries with special reference to Pakistan

Chaudhuri, A.B. & Chakrabarti, K. Observations on tigers

Chodzicki, E. The problem of cooperation of silviculture with the needs for shaping of the biological environment in Poland

Costantino, I.M. Desarrollo internacional de los parques nacionales

Dean, P.B. & Romaine, M.J. Application of the Canada Land Inventory in land use planning in Canada

Fanshawe, D.B. Conservation of vegetation in Zambia

García, S.E. Las repoblaciones y el equilibrio silvo-cinegético

Harmon, D. & Freed, M. The forester's role in wilderness land preservation and management

Knabe, W. Effects of pollutants on forest stands and forestry

Lewis, G. Social influences on forest exploitation

Manka, K. A new microbiological method of studying forest environment

Marrago Solana, S. La protección de la naturaleza y el carácter social del bosque

Mendes, L. Parque Nacional da Peneda-Geres

Pereda, J. Nuevo equilibrio biológico al sud de Neuquén

Samek, V. Política forestal con respecto a las funciones sociales de los bosques en Checoslovaquia

Swanson, R.H. Forest hydrology in Canada: more water probably not wanted

Szwecki, A. Impact of clearcutting on the soil entomofauna

Vos, A. de & Kaittany, K. Economic values of wildlife in Africa

Wiecko, P. The Bialowieza forest - a nature protection centre of world significance

Rapport

Utilisation équilibrée des terres forestières en vue de leur conservation

1. Mettre au point un équilibre approprié de l'usage de la forêt doit être le but général des gouvernements et des exploitants de la forêt, qui rechercheront une juste combinaison des avantages sociaux, économiques et mésologiques dans l'intérêt général de l'humanité.

2. Les points suivants ressortent des débats de la commission:

a) La sauvegarde de l'environnement est fondamentale dans la planification future de la forêt. Les forêts doivent être utilisées sans altérer les ressources de base dont la foresterie dépend.

b) Pour une intégration appropriée des usages de la forêt, il faut apprendre à combiner toutes les utilisations bénéfiques dans toute la mesure où elles sont compatibles; il faut apprendre aussi l'art de la tolérance et du compromis.

c) Dans l'avenir, l'usage de la forêt donnera une plus grande place à la production non commerciale. Les fonctions annexes recevront une attention croissante et seront traitées sur le même plan que les produits de la forêt. Le public soucieux de l'environnement sera exigeant à cet égard.

d) Il est grandement nécessaire de quantifier la valeur des fonctions et des produits de la forêt et, si possible, de le faire sur des bases comparables.

e) Les gouvernements joueront un rôle accru dans la détermination des usages futurs de la forêt. L'utilisation de la forêt pour les besoins récréatifs de la population, particulièrement près des zones urbaines, recevra de la part des gouvernements une attention accrue.

f) L'exploitation forestière devra tenir compte de ses incidences et ses responsabilités globales: les ressources forestières renouvelables doivent contribuer à la prospérité économique, mais sans recourir à des procédés irréfléchis qui peuvent compromettre l'environnement. Le principal objectif de l'aménagement devrait être le a maximum d'utilité publique» plutôt que le «maximum de rendement».

g) Pour bien équilibrer les utilisations, il faudra parvenir à de nombreux compromis. De nombreux conflits surgiront mais ils pourront être résolus si la raison prévaut. Une grande souplesse, aussi bien dans la planification que dans l'exécution des plans d'aménagement, est nécessaire.

3. Le public doit mieux comprendre les problèmes. Il a besoin d'être informé et éduqué de telle sorte que la connaissance et la raison puissent remplacer la passion et la méfiance. Les forestiers, pour la plupart, sont conscients de leur responsabilité en ce qui concerne la conservation, mais le public ne l'a pas toujours pensé ainsi. La confiance viendra seulement de la compréhension et cela exige un grand effort et un gros budget de relations publiques.

4. La commission demande que toutes les écoles et facultés forestières incluent les aspects environnementaux de l'aménagement forestier dans tous les programmes d'enseignement. La faune, la récréation, les terres marginales, les bassins hydrographiques et les parcs nationaux devraient être traités comme des éléments fondamentaux de la planification et de l'aménagement forestiers.

5. La commission demande aussi que des études de base sur l'écologie et l'utilisation des terres soient entreprises en vue de l'utilisation équilibrée des terres boisées des régions de type soudanien ou sahélien. Dans ces cas, et dans d'autres, des inventaires devraient permettre la planification de toutes les ressources naturelles.

Récréation forestière: Problèmes et tendances

6. Les activités de récréation engendrent désormais de forts revenus monétaires. Elles contribuent parfois appréciablement aux recettes en devises étrangères. Au Kenya par exemple, le tourisme a rapporté 51 millions de dollars en 1971, soit plus de devises que tout autre poste.

7. Des conflits résultent de la multiplicité des demandes liées aux loisirs. Le citadin motorisé va toujours plus loin, de telle façon que la demande de lieux de plaisance doit être satisfaite à la fois loin et près des villes. On a proposé d'aller au devant des besoins en créant des parcs ou des aires champêtres près des concentrations urbaines. Plus les lieux de plaisance se rapprochent du citadin, mieux cela vaudra.

8. Il faut créer pour la récréation une gamme de solutions allant de la conservation intégrale de l'état naturel à l'utilisation concentrée, et mettre au point des méthodologies pour déterminer les besoins et les priorités.

9. La récréation forestière, en plus de sa valeur intrinsèque, possède une haute valeur éducative car elle constitue une façon objective d'amener les gens à découvrir la valeur sociale et esthétique des ressources naturelles.

Aménagement de la faune en tant que mode autonome ou complémentaire d'utilisation de la forêt

10. L'aménagement de la faune doit être considéré comme un mode d'utilisation des terres valable en soi. Sur les sites où il est pratiqué - terres sauvages, estuaires, «ranches» ou forêts - il ne doit pas toujours être considéré comme subsidiaire aux programmes axés sur d'autres utilisations.

11. Là où la faune est de valeur commerciale plus grande que les arbres, elle ne peut pas continuer à constituer un élément accessoire ou accidentel du plan d'aménagement forestier. Les comparaisons entre les recettes de la faune (chasse sportive et abattage) et celles de l'aménagement forestier à long terme montrent qu'on peut associer la production végétale et la production animale.

12. La production de bois et la faune devront peut-être l'une et l'autre être un peu restreintes dans un véritable programme d'utilisation multiple, mais le résultat global peut être supérieur et plus satisfaisant pour l'homme que la sauvegarde d'un seul intérêt.

13. Il faudrait étudier la valeur économique de la faune, mais beaucoup d'aspects se prêtent difficilement aux évaluations quantitatives et la a demande» du public ne doit pas être confondue avec le «besoin».

14. L'aménagement de la forêt en fonction de la faune et des autres ressources doit être basé sur des principes écologiques, sans cela l'aménagement sera à courte vue ou désastreux. Une évaluation soigneuse de l'écosystème est nécessaire avant de commencer à exploiter ou à changer les éléments qui le composent. A cet égard, la commission note l'utilité des travaux du groupe d'étude l'IUFRO sur les relations entre la faune et l'habitat forestier.

15. En tentant d'intégrer l'aménagement de la faune à l'aménagement forestier, on considère souvent exclusivement le point de vue économique ou au contraire le point de vue écologique. La vérité est dans les deux.

16. On doit noter que des animaux considérés comme nuisibles dans certains pays peuvent parfois - selon l'aménagement - fournir des protéines indispensables et même des devises étrangères.

17. Quand le pays d'origine a interdit l'exportation d'animaux sauvages et produits dérivés, les autres pays devraient interdire l'importation, s'ils ne l'ont pas déjà fait.

18. La commission note que l'opinion publique est de plus en plus favorable à la préservation et à la perpétuation des espèces de toutes sortes. Les forêts du monde fournissent la plus grande partie de l'habitat naturel fréquenté par différentes espèces d'animaux, petits ou grands. Les forestiers des services publics et privés sont responsables des décisions concernant les différentes utilisations dont sont l'objet la plupart des forêts et les ressources qui y sont associées. La planification des terres tient déjà souvent compte des besoins de la faune (nourriture, abri). Dans bien des parties du monde, il serait possible d'accorder une considération encore plus grande à la faune des zones forestières. Par conséquent, la commission demande aux responsables de l'éducation et de l'aménagement forestiers d'aider à faire en sorte que la faune et son habitat entrent en ligne de compte, comme le bois, l'eau, les sols et autres ressources forestières, dans la planification et la programmation des activités forestières.

19. La plupart des organisations traitant de l'aménagement de la faune et de la conservation abordent le sujet d'un point de vue particulier. Une conférence mondiale de la faune, synthétisant tous les points de vue, est nécessaire.

Rôle des parcs nationaux dans la conservation des ressources et le développement de la vie rurale

20. La commission a reçu un bref rapport de la deuxième Conférence mondiale sur les parcs nationaux, organisée en septembre 1972 aux Etats-Unis, à l'occasion du 100e anniversaire de la création du parc national de Yellowstone.

21. La conférence souligne que la concurrence grandit entre les diverses utilisations de la terre; il y a une vraie a chasse»aux terrains, aux cadres, aux crédits publics. Les programmes des parcs nationaux devront s'allier de plus en plus à la planification régionale et s'intégrer soigneusement aux programmes de transport, d'aménagement territorial, de foresterie, d'agriculture, d'électrification et autres aspects du développement. Au-delà du niveau régional, il y a la sphère internationale où l'on rencontre d'autres types de problèmes. On note un intérêt croissant pour l'aménagement coopératif de parcs frontaliers ou internationaux.

22. Il est intéressant de remarquer qu'il y a seulement dix ans, selon les annales de la première Conférence mondiale sur les parcs nationaux, la plupart des participants voulaient «laisser les parcs non aménagés et non planifiés». A la réunion de Yellowstone et à cette réunion de la commission, il semble que les attitudes aient changé. La planification a été jugée nécessaire, et les objectifs pour lesquels les parcs ont été créés doivent être atteints.

23. La planification de l'aménagement et du développement des parcs nécessite une soigneuse considération des aspects sociologiques, écologiques, économiques et finalement politiques. La commission note un changement d'attitude qui peut de prime abord paraître un changement de terminologie. Cependant, il est important d'apprécier à leur juste valeur les implications du vocabulaire traditionnel; autrefois, on parlait de forêts, de production et de protection, d'activités économiques et non économiques, de valeurs tangibles et non tangibles. Il n'est plus possible aujourd'hui de demander à un ministère des crédits et du personnel pour un projet «improductif, non économique et concernant dés valeurs non tangibles».

24. L'aménagement des parcs nationaux est maintenant reconnu comme une activité productive sujette à une analyse économique reposant sur des éléments tangibles. Il requiert la consommation de certaines ressources afin d'en protéger d'autres. Il implique l'affectation de personnel et de terres. Si l'on songe aux services rendus dans plus de 2000 parcs nationaux ou réserves ressortissant de 130 pays environ, on se rend compte que l'aménagement des parcs tend à valoriser quelques-unes des plus grandes richesses du monde.

25. La commission a observé que les efforts les plus efficaces protéger les parcs nationaux sont souvent liés à l'aménagement des zones forestières bordant ou entourant les parcs nationaux. En ce sens, elle note l'importance spéciale de la coopération internationale dans le cas des parcs dont les limites coïncident avec les frontières nationales.

26. Les programmes de parcs nationaux du monde entier doivent affronter les facteurs complexes qui compromettent leur intégrité et leur utilité. Les meilleures solutions consistent à intégrer les parcs nationaux dans la planification et l'aménagement d'ensemble du territoire au niveau régional, national et, dans certains cas, international. En même temps, il faut veiller à la préparation du personnel, à l'établissement des budgets appropriés, et à la coordination des activités des parcs avec celles d'autres secteurs afin d'assurer le développement harmonieux et à long terme des ressources naturelles en fonction des principes écologiques.

27. Il est donc indispensable que tous les programmes de parcs nationaux comportent une planification dynamique et périodique de l'aménagement et du développement de chaque zone de parc et une formation continue du personnel des parcs à tous les niveaux. Ceci nécessite une analyse des facteurs sociaux, économiques et écologiques, qui mettra en évidence l'utilité et la pertinence du programme pour la société humaine.

Influence de la foresterie sur le milieu naturel

28. La commission a discuté les effets des différents types d'aménagement sur le milieu forestier global, y compris la faune, la qualité et la quantité des eaux et la microbiologie du sol.

29. Une attention spéciale a été accordée aux relations entre l'eau et la végétation. La commission a reconnu que, pour faire le meilleur usage de sa connaissance technique des relations eau-végétation le forestier doit comprendre clairement la politique forestière et adapter à celle-ci ses pratiques et l'emploi de ses ressources. Par exemple, il doit se préoccuper particulièrement du bon aménagement des bassins montagneux, qui peut améliorer les ressources hydrologiques nationales.

30. Les représentants de différents pays en développement appartenant à la zone semi-aride ont noté que les forestiers opérant sur des terres dévastées doivent chercher d'abord à arrêter la destruction et ensuite seulement réaffecter la terre à des fins utiles. Différents types de problèmes rencontrés dans les terres marginales ont été mentionnés: problèmes des zones semi-arides et, d'autre part, problèmes de l'érosion dans les bassins montagneux très arrosés où la dégradation des forêts et des sols est extrême.

31. Il existe différents autres problèmes pour lesquels des recherches plus poussées ou plus définitives sont nécessaires - le pacage des terres forestières par exemple, en particulier dans les tropiques. Il s'agit d'étudier l'établissement de plantations fourragères sur les terres forestières, de comparer la régénération naturelle et la régénération artificielle sur coupe rase, d'analyser la régénération et la production de bois dans les zones pâturées et non pâturées, d'améliorer l'aménagement d'espèces fourragères tolérant l'ombrage et d'étudier, sur le plan technique et économique, l'intégration des pratiques pastorales a la foresterie ou à la culture en plantation.

32. Finalement, la commission a appuyé une proposition tendant à ce que le président du septième Congrès forestier mondial demande aux Nations Unies et à tous les Etats Membres que 1974 soit «l'année de l'arbre» et que chaque pays entreprenne de lancer ou d'intensifier des programmes de plantation afin de rétablir la couverture forestière nécessaire, particulièrement dans les zones déjà caractérisées par un début d'érosion ou une érosion excessive.


Page précédente Début de page Page suivante