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Commission VII. Industriels


Note du secrétariat
Documents présentés à la commission VII
Rapport


Président:

A.P. THOMSON (Nouvelle-Zélande)

Vice-présidents:

A. PIHA (Finlande)
A.R. JOSEPHSON (Etats-Unis!
S. KLABIN (Brésil)

Note du secrétariat


1. Tendances et perspectives de l'utilisation industrielle du bois
2. Aspects économiques et sociaux des industries forestières
3. Les industries forestières et l'environnement


Modérateur:

M. GONZALEZ MUZQUIZ.
(Mexique)

Secrétaires techniques:

J. SWIDERSKI (FAO)
E. FIAÑO (Argentine)

Plus de cinquante documents, traitant de points particuliers ou de généralités, ont été rédigés pour la commission VII. Toute la série des industries du bois est passée en revue, ainsi qu'un large éventail de problèmes. Il serait impossible de les voir en une seule journée. Nous sommes donc obligés de faire un choix et de nous arrêter aux points les plus importants pour le congrès. Quels sont ces points? Il est bien évident qu'un congrès mondial de forestiers est particulièrement intéressé par l'évolution des besoins en bois des industries forestières et par l'utilisation de certaines ressources forestières - problème qui n'est pas encore résolu. Les aspects socio-économiques et mésologiques des industries forestières sont très proches du thème essentiel du congrès: «La forêt et le développement socio-économique». On pourrait donc centrer les débats sur les trois grands points suivants:

1. Tendances et perspectives de l'utilisation industrielle du bois.
2. Aspects économiques et sociaux des industries forestières.
3. Les industries forestières et l'environnement.

Il sera sans doute difficile de contenir la discussion dans les limites strictes de ces sujets. Aucun d'entre eux ne peut être traité tout à fait séparément - ils sont tous solidaires, l'un influence l'autre, l'un dépend de l'autre. Cependant, pour plus de commodité, on doit procéder point par point pour éviter de sortir continuellement du sujet et de se disperser sans parvenir à un échange de vues et d'idées fructueux. C'est d'autant plus important que beaucoup de documents s'écartent des principaux points; si nous les discutons auteur par auteur et non point par point, il sera beaucoup plus difficile de comparer clairement les vues qu'ils expriment. La liste de tous les documents soumis à la commission VII figure à la fin du présent article. Ils sont répertoriés d'après leur thème principal, mais en fait nombre d'entre eux peuvent s'appliquer à d'autres sujets.

Il faut souligner que, si l'on accorde moins d'attention à certains documents dans le rapport qui suit, on ne préjuge pas pour autant de leur importance; simplement, ils n'entrent pas dans les trois points auxquels on a suggéré de donner la priorité étant donné les temps limités dont nous disposons. Il est certain néanmoins que lorsque ces documents auront été distribués dans le monde entier, ils toucheront les gens et les organisations intéressés et produiront l'effet attendu.

1. Tendances et perspectives de l'utilisation industrielle du bois

L'évolution des approvisionnements en matière première des industries forestières est l'un des traits les plus importants du développement des techniques de transformation du bois d'une part et de l'aménagement de la forêt de l'autre. Bien sûr, la technique est conditionnée par la situation économique, mais l'expérience montre que les innovations techniques viables gagnent assez rapidement les pays où les conditions socio-économiques sont analogues à celles de leur pays d'origine. Il est par conséquent très important d'échanger des vues et des données d'expérience sur des espèces particulières dans des zones spécifiques: ce qui a réussi aujourd'hui quelque part sera peut-être possible - voire nécessaire - ailleurs demain.

Trente documents présentés à la commission VII traitent essentiellement des aspects spécifiques du bois en tant que matière première des industries forestières; dix autres (énumérés aux points 2 et 3) abordent ce sujet sous divers biais. Par commodité, divisons la discussion en quatre sujets principaux:

Utilisations nouvelles des essences traditionnelles
Essences secondaires
Les plantations
Recherche sur les produits du bois

UTILISATIONS NOUVELLES DES ESSENCES TRADITIONNELLES

Koch a fait le compte rendu du traitement adopté pour les pins à bois dur originaires du sud des Etats-Unis. Ainsi, la plupart des pineraies sont plantées ou semées à raison de 1250 arbres à l'hectare; elles sont éclaircies de temps à autre et finalement coupées à blanc au terme de la révolution la plus rapide compatible avec le marché auquel le bois est destiné. Le petit diamètre de la grume moyenne ainsi obtenue est probablement le facteur qui a conditionné le plus les innovations récentes de cette industrie. La transformation mécanique de ces grumes a exigé de nouvelles techniques. Les scies équipées pour déchiqueter les dosses sont communes à beaucoup d'entre elles. Cette machine transforme les grumes en bois d'Œuvre (avivés ou quartelles) en enlevant la couche extérieure, qu'elle transforme en copeaux à pâte ou en particules pour les panneaux. Il n'y a ni sciure ni dosses. Avec son complément, la déligneuse sans déchets, cette machine est probablement l'innovation la plus importante du vingtième siècle dans ce domaine. Elle permet de transformer avantageusement en bois d'œuvre des grumes de 15 à 30 centimètres de diamètre.

Giordano considère aussi la scie à déchiqueter comme une véritable nouveauté, qui permet d'utiliser intégralement le bois.

Le choix des grumes de sciage et de placage est d'une grande importance économique. Koch déclare que les grumes acquièrent généralement une plus grande valeur si on peut les transformer en placage et en contreplaqué au lieu d'en faire du bois d'œuvre. Toutefois, la fabrication du placage n'est rentable que si les grumes ont un diamètre d'au moins 30 centimètres. Cela, ajouté aux capacités particulières de la scie à déchiqueter, a donné naissance à de nouveaux centres de transformation pour fûts entiers. La partie inférieure du fût y est transformée en bois de placage; la partie supérieure - 15 centimètres de diamètre et au-dessous - est entièrement transformée en copeaux et la partie intermédiaire, dont le diamètre varie entre 15 et 30 centimètres, est transformée en bois d'œuvre grâce aux scies à déchiqueter. Ainsi, on tire le maximum de profit de chaque élément.

Une autre amélioration technique permet de scier avec le plus grand profit non seulement les grumes de petites dimensions, mais aussi celles qui sont mal faites, par exemple les grumes de feuillus tordues. Pour cela, on utilise des rouleaux d'entraînement surélevés qui maintiennent par leurs extrémités les grumes débitées entre des bras porteurs. Cette amélioration est décrite par Moul.

Les diamètres minimaux pour les pins du Sud mentionnés dans l'étude de Koch - 15 centimètres pour le sciage et 30 centimètres pour le déroutage - assouplissent sensiblement les normes d'utilisation de la matière première dans ces deux branches importantes de l'industrie forestière.

Cullity en donne confirmation à propos de la production de contreplaqué. Il affirme que la transformation des grumes de 30 centimètres en bois de placage bon marché est devenue rentable du fait que le marché principal du contreplaqué n'est plus l'industrie du meuble mais celle de la construction (par conséquent, la qualité exigée de la matière première n'est plus la même), grâce à un outillage efficace pour la transformation des grumes de petit diamètre provenant de forêts artificielles. Cullity souligne encore que cette innovation est un emprunt à l'industrie finlandaise adapté aux besoins d'une forêt artificielle de résineux du sud-est des Etats-Unis.

Pour ce qui est de la production de bois de placage mince, Cullity souligne, sans la préciser autrement, l'incidence qu'auront les systèmes de finissage des surfaces et d'ajustement automatique des bois de placage sur les besoins en matière première de l'industrie du contreplaqué. Les débats permettraient peut-être d'approfondir la question.

Giordano est un peu plus prolixe sur ce sujet; il fait ressortir en particulier le rôle des nouvelles méthodes de teinture des placages de certaines essences dans l'industrie du meuble où l'on a besoin de surfaces uniformes. Mais le sujet est très vaste: il y a beaucoup de matériaux et de méthodes pour le finissage des surfaces, beaucoup de techniques d'application, etc. Ce problème complexe influe directement sur le marché du placage et même sur le marché des panneaux en général; il mérite de retenir l'attention au cours de la discussion.

Puisqu'on parle de la dimension du bois utilisé par les industries forestières mécaniques, notons les études détaillées sur les scieries mentionnées par van der Walt, Laurens et van Vuuren. On y lit que les grumes de moins de 21 centimètres devraient être vendues comme bois à pâte, les «croûtes» et les déchets des usines par la méthode sèche étant conservés pour alimenter les chaudières. Il s'agit ici de plantations de pins en République d'Afrique du Sud, et il serait utile que les débats apportent des informations du même ordre sur d'autres espèces ou d'autres régions du monde.

Pour ce qui est de la production de panneaux de particules, Maloney et Marra exposent l'évolution des besoins en matière première. L'industrie des panneaux de particules aux Etats-Unis, qui utilisait initialement des résidus solides et des bois ronds comme matière première, préfère le plus souvent les rabotures, pour lesquelles une technique appropriée a été mise au point. Les auteurs indiquent que les rabotures permettent d'économiser environ 19 dollars par tonne produite; elles sont donc manifestement préférables à toutes les autres matières premières pour les panneaux de particules. Ils soulignent cependant qu'en Amérique du Nord il est probable que le volume des rabotures et des rognures de contreplaqué diminuera parce que les industries du bois d'œuvre et du contreplaqué améliorent elles aussi leur technique. L'amélioration des techniques de sciage et le rabotage à l'aide d'abrasifs réduisent maintenant les opérations de rabotage et diminuent d'autant la qualité des copeaux et de la sciure utilisables. De plus, les techniques de la pâte et du papier s'améliorant, cette industrie utilise davantage la sciure et les copeaux. L'industrie des panneaux de particules doit donc affronter une concurrence accrue pour une matière jusque-là abondante. Cette concurrence paraît sans danger pour l'industrie des panneaux parce que les panneaux de particules sont très favorisés par le fait qu'on peut les fabriquer avec toutes sortes de matériaux. A l'avenir, on comptera parmi eux l'écorce, les résidus, les déchets industriels, les ordures municipales et les résidus agricoles: tous ont été expérimentés pour la fabrication de panneaux de particules.

Trutter, qui suit les tendances de l'industrie européenne des panneaux de particules, décrit comment cette industrie débuta, après la seconde guerre mondiale, en utilisant - sans grand succès - des résidus du bois pour atteindre ensuite un stade satisfaisant avec le bois rond; puis, grâce à des machines et à des techniques spéciales, on est revenu presque entièrement aux déchets de bois. Maintenant, on réutilise même la poussière d'abrasion provenant de la fabrication des panneaux de particules; jusqu'ici, elle ne servait à rien; on en fait maintenant des surfaces extra-fines; la sciure, autrefois méprisée, entre maintenant dans la fabrication de surfaces d'excellente qualité.

L'industrie des panneaux de fibres utilise, ainsi qu'il est dit dans l'étude d'Asplund, toutes sortes de matières premières. Cependant, ce document porte essentiellement sur les problèmes les plus aigus de la technique de production par la méthode humide et n'entre pas dans le détail des besoins en matière première. Peut-être pourrions-nous traiter ce sujet; il serait aussi utile de s'étendre sur la flexibilité relative de la matière première dans la méthode humide et dans la méthode sèche.

Nous sommes maintenant dans une phase de développement particulièrement intéressante: la fabrication courante des panneaux de fibres par la méthode sèche et, comme l'ont souligné Maloney et Marra, l'emploi accru des fibres dans la fabrication des panneaux de particules, semblent tendre à éliminer la différence entre panneau dur et panneau de particules. Il semble que cela doive faciliter la création d'un marché particulièrement prometteur pour les bois de qualité inférieure dans ce secteur en plein essor des industries forestières. On espère que les débats permettront d'approfondir ce sujet.

Giordano étudie l'évolution des techniques du bois et des produits du bois depuis 20 ou 30 ans. A propos de la situation actuelle, il pose l'alternative suivante: bois et matières plastiques - concurrence ou symbiose? Uyemura soulève la même question: il s'intéresse aux concurrents du bois au sens large, surtout dans le contexte japonais. Il indique par exemple qu'au Japon la production de châssis d'aluminium a augmenté. Alors que la production des garnitures de bois augmentait de 1,3 entre 1965 et 1970, celle des garnitures d'aluminium septuplait et 45 pour cent de la demande de garnitures portaient sur l'aluminium. De même, la poutre de bois est remplacée par des profilés d'acier légers et certaines pièces de mobilier par de la mousse de plastique.

Uyemura voit cependant comment le bois pourrait se défendre: le développement du châssis d'aluminium pourrait être concurrencé par un châssis de bois de meilleure qualité et les progrès de la poutre en profilé d'acier s'expliquent par la pénurie de bois d'œuvre de grande dimension, mais la poutre de bois laminé ou la poutre-caisson, pouvant être produites de manière rationnelle, peuvent soutenir la concurrence. Bien que le plastique expansé soit fortement encouragé pour la production de meubles et de garnitures, il coûte très cher et doit être réservé aux objets d'art industriels qui exigent beaucoup de temps; il est peu probable que le bois soit remplacé par le plastique expansé dans tous les domaines.

Uyemura semble optimiste à propos de la «symbiose»entre le bois et les autres matériaux: par exemple, en combinant une substance inorganique avec le contreplaqué, on obtient un matériau de construction idéal, d'une très grande solidité et résistant mieux au feu. Si on injecte de la matière plastique dans le bois, on obtient un matériau d'une grande stabilité de volume et d'une grande rigidité. On devrait promouvoir la combinaison du bois et d'autres matériaux et améliorer en même temps sa qualité pour le faire mieux apprécier. Ainsi évitera-t-on la substitution d'un autre matériau au bois.

Dans le secteur de la pâte et du papier, un des changements majeurs est l'utilisation croissante du bois à fibres courtes dans les cas où l'on employait jusqu'ici surtout la fibre longue, par exemple pour le papier journal. Picornell cite en exemple la première usine de papier journal des Philippines, qui utilise essentiellement des déchets de diptérocarpes provenant d'opérations intégrées; à l'avenir, on prévoit l'utilisation supplémentaire d'essences à croissance rapide telles que l'eucalyptus ou le Gmelina. Cet exemple est encourageant pour de nombreux pays en développement qui importent le papier journal et où les ressources en fibres longues sont insuffisantes pour lancer la production intérieure. Les débats révéleront certainement d'autres exemples de production de papier journal à partir de fibres non classiques.

Quelques chiffres tirés de sources différentes concernant 16 pays d'Asie du Sud et du Sud-Est et pour l'Amérique latine illustrent l'ampleur du problème des fibres pour le papier journal. Pour satisfaire la demande accrue de papier journal en 1985 dans chacune de ces régions, il faudrait produire deux millions de tonnes supplémentaires, ce qui représenterait une dépense d'investissement approchant un milliard de dollars.

Les problèmes essentiels de la matière première dans l'industrie de la pâte et du papier concernent l'utilisation des essences secondaires, en particulier de celles qui font partie des peuplements mixtes dans les pays tropicaux. Les documents traitant de ce problème seront étudiés dans le chapitre suivant.

ESSENCES SECONDAIRES

Comme on le sait, ce sont les forêts tropicales qui posent le plus de problèmes pour l'utilisation des essences secondaires. Preston indique dans son étude que près de la moitié des surfaces boisées du globe sont couvertes par des forêts de ce type, mais qu'elles fournissent moins de 20 pour cent du bois industriel employé dans le monde et que, par conséquent, elles contribuent beaucoup moins qu'elles ne le pourraient au développement économique des pays qui les possèdent - essentiellement des pays en développement. Les statistiques de la FAO, ajoute Preston, indiquent que les pays riches consomment environ 85 pour cent de tout le bois industriel et que, sur ce chiffre, 3 pour cent seulement sont constitués par un nombre très limité d'espèces de feuillus tropicaux. Cependant, l'attention a été attirée sur les ressources de la forêt tropicale par la demande accrue des produits du bois dans les pays développés, alors que les disponibilités en essences primaires s'amenuisent; par la pression de plus en plus forte visant à une autre utilisation des terres boisées, et par la législation rigoureuse sur l'environnement dans les pays riches du Nord.

Les statistiques indiquent que les importations de feuillus tropicaux ont presque quadruplé dans les pays développés au cours des vingt dernières années: c'est bien le signe de l'intérêt croissant que l'on porte aux forêts tropicales.

On a longuement exposé les raisons pour lesquelles on utilise peu les forêts tropicales mixtes: leur grande hétérogénéité, un bois dont les propriétés physiques, mécaniques et techniques laissaient souvent à désirer, les difficultés du transport.

L'étude de Gonzales Flores fournit un bon exemple des problèmes complexes que pose l'utilisation des forêts tropicales hétérogènes; elle décrit le cas du Pérou, qui compte 65,5 millions d'hectares de forêts naturelles de feuillus, où l'on trouve souvent plus de 100 espèces à l'hectare. Ce potentiel extraordinaire n'a fourni en 1969 que 3,2 millions de mètres cubes de bois.

Preston souligne dans son étude qu'il devient de plus en plus important que ces ressources soient utilisées de façon efficace et non destructrice. Ce qui revient à dire qu'un pourcentage plus élevé d'espèces poussant dans les forêts tropicales hétérogènes doivent trouver leur utilisation. Parmi les moyens permettant d'arriver à ce résultat, Preston propose un centre d'information sur les feuillus tropicaux et leur commercialisation. Trois cents unités de recherche environ, réparties dans 50 pays, s'occupent actuellement des bois d'œuvre tropicaux et publient un grand nombre de documents. Cependant, cette somme de connaissances doit être classée en un système normalisé utilisant les moyens modernes d'information et les ordinateurs. Sans aucun doute, ce sujet mérite de retenir notre attention au cours des débats.

Parmi les documents soumis à la commission VII, deux traitent uniquement de l'utilisation des feuillus tropicaux mixtes pour la production de la pâte et du papier. Le document de Higgins traite de la fabrication de pâte en laboratoire au Papoua (Nouvelle-Guinée), celui de Cardenas décrit l'expérience acquise dans la fabrication commerciale de la pâte et du papier depuis 1963 par Pulpapel SA à Cali (Colombie), à l'aide des feuillus locaux mixtes. Il semble que les forêts de Colombie soient plus homogènes: 20 espèces sur 100 constituent les trois quarts du volume total, contre 30 espèces sur 100 au Papoua. Dans les deux cas, on a produit de la pâte pour papier kraft. Les deux documents s'accordent à dire qu'on peut tirer des feuillus tropicaux mixtes des éléments permettant de fabriquer une grande variété de papiers et de cartons, depuis les cannelures jusqu'aux papiers culturels de luxe. Cette conclusion est très encourageante; cependant, un certain nombre de questions restent en suspens pour d'autres zones forestières tropicales dans le monde:

Où et comment séparer les espèces de bois indésirables et récalcitrantes (c'est-à-dire ayant une très forte densité ou contenant soit du latex soit de la silice. Higgins, par exemple, propose de laisser les arbres indésirables dans la forêt; mais doit-on exclure les autres solutions comportant - par exemple - un dé-buscage)?

Quelles sont les tendances de la commercialisation pour la pâte tirée des espèces tropicales mixtes? La pénurie des bois à fibres courtes de qualité traditionnelle facilitera-t-elle dans un avenir prévisible la commercialisation de la pâte tirée des feuillus tropicaux mixtes?

Les usines à pâle alimentées par des feuillus tropicaux mixtes devraient-elles ne les utiliser qu'une fois, pour les remplacer ensuite par des plantations homogènes? Et même, ne serait-il pas préférable d'employer le délai qui sépare la conception et la mise en route d'un projet industriel pour déboiser la forêt tropicale naturelle et créer des ressources en fibres homogènes artificielles qui alimenteraient une nouvelle usine à pâte?

On espère que les débats pourront aborder au moins quelques-uns de ces importants problèmes. En dépit des nombreuses questions qui restent en suspens, chaque étude apporte des réponses précises à quelques points. Le forestier notera avec intérêt que, selon Higgins, il est possible d'entreposer a l'extérieur les copeaux des feuillus tropicaux mixtes; les pertes de substance ligneuse ne modifient guère le volume de pâte produit: la biodégradation attaque les hydrates de carbone qui, de toute façon, disparaissent généralement au cours de la fabrication. Cette découverte peut être importante aussi pour les autres industries, en particulier pour l'industrie des panneaux de fibres et de particules, qui peuvent utiliser les copeaux comme matière première de base.

Le secteur des panneaux dérivés du bois, consommateur possible d'essences secondaires, est étudié par Pleydell, qui voit clairement la tendance de l'investisseur à chercher des gros volumes d'une espèce unique ayant les meilleures caractéristiques possibles pour la fabrication de contreplaqué, de panneaux de lattes et de panneaux de particules, mais il reconnaît que les panneaux (contreplaqué et panneaux de particules) permettent d'utiliser les bonnes espèces secondaires; d'abord, ils font oublier l'essence utilisée et offrent au consommateur une autre sorte de produit, répondant à une certaine exigence. L'information et la concurrence favorisent les panneaux spécialisés revêtus ou traités d'une autre manière; on peut ainsi utiliser les essences secondaires.

Booth présente trois exemples concrets d'essences jusque-là inutilisées de feuillus tropicaux, transformées en bois de construction, en contreplaqué, en placages décoratifs et en éléments de construction laminés, et commercialisées avec succès. Un des exemples a trait au Central Timber Manufacturing Plant (CTMP) du ministère des forêts de la Guyane. Son but est de trouver des marchés pour le bois d'œuvre autre que le greenheart traditionnel. En mettant l'accent sur la qualité, le CTMP s'est imposé comme le premier producteur national de parqueterie, parements et moulures. Ainsi, avec l'aide de la FAO, le département des forêts a multiplié les essences utilisées en conservant par diffusion les sciages verts d'espèces périssables; il a aussi développé le secteur des sciages en utilisant une scierie mobile dans une forêt de bonne qualité qui avait d'abord été exploitée uniquement pour le greenheart. Beaucoup d'entrepreneurs privés, qui hésitaient à prendre ce risque, ne coupent désormais que des essences secondaires commercialisées grâce aux efforts du CTMP. De plus, certaines de ces essences secondaires sont maintenant exportées en grandes quantités. Booth évoque aussi le cas du bouleau blanc australien (Schizomeria ovata) dont l'aubier volumineux est facilement réduit en poussière par un xylophage (Lyctus). Grâce aux recherches parrainées par le gouvernement (CSIRO), on a utilisé des composés de bore pour préserver l'aubier, ce qui a permis de produire du bois de sciage pour la menuiserie et l'ébénisterie, et du bois de contreplaqué ordinaire. Des recherches plus récentes ont permis de remplacer le bore par le fluorure de sodium; cela a permis d'utiliser la colle phénolique pour le contreplaqué de qualité imperméable à l'eau. Ensuite, d'autres traitements à base de pentachlorophénol de cuivre ont permis de fabriquer un contreplaqué marine imputrescible de très bonne qualité et des placages décoratifs: une véritable consécration pour des espèces autrefois dédaignées. Ces deux exemples concernent des espèces prises individuellement. Le troisième exemple porte sur les feuillus des forêts de pluie australiennes hétérogènes, sur la base de prélèvements aléatoires; ces essences ont été transformées avec succès en lamellé destiné à la construction de maisons urbaines.

Il faut noter que dans tous ces cas l'organisation et les fonds gouvernementaux ont joué un rôle décisif. Il est à souhaiter qu'au cours des débats on cherchera à savoir dans quelle mesure les différents secteurs de l'économie nationale (secteur privé - secteur public - coopératives) contribuent à apporter une solution à l'un des plus difficiles problèmes de la foresterie et des industries forestières dans beaucoup de pays tropicaux: rechercher de nouvelles utilisations et de nouveaux marchés pour les espèces non employées jusqu'ici. A ce sujet, il est bon d'avoir présentes à l'esprit les remarques de Booth sur le développement des espèces secondaires: le problème de la recherche et du développement est fondamentalement le même que le développement de la production dans les grandes entreprises et il est gouverné par les mêmes lois. Les facteurs qui rendent le succès possible sont le volume disponible, les propriétés des espèces et la stratégie commerciale.

On ne peut ignorer que dans tous les exemples de réussite décrits par Booth, le traitement pour la conservation du bois a été déterminant. A cet égard, il faut apporter une grande attention à l'étude de Price, la seule présentée à la commission VII qui traite uniquement des problèmes de la conservation du bois. Il affirme que la conservation du bois permet et encourage l'utilisation d'essences secondaires naturellement moins durables en améliorant leur qualité pour qu'elles deviennent «aussi bonnes» ou a meilleures»que les essences primaires durables. Price cite un certain nombre d'exemples d'essences tropicales secondaires rendues utilisables grâce à un traitement, et plus économiques que les essences primaires. Par exemple, les maisons bon marché de Malaisie construites avec des essences secondaires traitées sous pression coûtent de 15 à 20 pour cent de moins que les maisons construites avec des essences primaires durables; de plus, on peut utiliser ces dernières pour l'exportation. C'est pourquoi Price suggère que l'on considère la conservation du bois comme une véritable économie et non comme une dépense.

Outre les branches principales des industries forestières (pâte et papier, sciages, panneaux dérivés du bois), les essences secondaires devraient trouver des débouchés dans d'autres domaines comme le charbon de bois, le chauffage et la production d'énergie. Le charbon de bois - indique Booth peut être produit à partir de n'importe quelle espèce, mais en pratique, comme le charbon de bois doit avoir une résistance minimale à l'écrasement, on préfère les feuillus de densité moyenne ou forte. On a toujours quelque peu douté des possibilités d'avenir du charbon de bois, mais de nos jours, alors qu'on entrevoit l'épuisement des combustibles fossiles, que leur prix ne cesse d'augmenter, et que les carbones activés sont de plus en plus demandés pour lutter contre la pollution, le charbon de bois n'est pas forcément condamné. De fait, alors que dans de nombreuses parties du monde on utilise de moins en moins le charbon de bois comme combustible ménager, dans d'autres, la métallurgie et la chimie l'utilisent de plus en plus.

Oiwa et Kishimoto s'occupent uniquement de la production de charbon de bois. Ils expliquent que le bois d'hévéa des plantations de Malaisie, qu'on laissait perdre ou qu'on brûlait, a été transformé pour la première fois en charbon de bois industriel contenant plus de 82 pour cent de «carbone fixé», afin de répondre aux exigences du haut fourneau de fonte brute pour le projet sidérurgique de Malaywata. Quatre cent mille tonnes d'hévéa doivent être transformées en charbon de bois, ce qui montre l'importance économique de l'opération.

Comme le charbon de bois, le bois est de moins en moins utilisé pour le chauffage et la production d'énergie. Cependant, comme le signale Booth, avec les méthodes modernes de ramassage et de combustion du bois, il semble qu'il soit possible de l'utiliser économiquement pour produire de l'électricité dans certains endroits; de plus, c'est une ressource renouvelable. Vraisemblablement, nous assisterons dans les prochaines années à une évolution dans ce domaine, qui permettra de résoudre les très difficiles problèmes d'utilisation que posent les forêts tropicales à haute densité dans certaines régions. Comme l'a fait remarquer Morgan, il est intéressant de noter dans ce contexte que plus de 60 pour cent de l'énergie consommée pour la fabrication des produits du bois en Amérique du Nord sont fournis par la combustion des résidus du bois, ressource renouvelable.

Les perspectives de l'utilisation des essences secondaires pour la production de charbon de bois et d'énergie électrique sont très incertaines; il faudrait réunir beaucoup d'autres renseignements économiques pour se faire une opinion. Mais les débats pourraient indiquer au moins quelles études on doit nécessairement entreprendre.

Quand on parle des problèmes évidents que pose l'utilisation des feuillus tropicaux mixtes, on devrait se rappeler, comme l'a indiqué Preston, que les peuplements de feuillus hétérogènes ne se trouvent pas uniquement sous les tropiques. Par exemple, la moitié environ de la superficie forestière des Etats-Unis se compose de feuillus mixtes. Dans ces forêts, 114 espèces appartenant à 36 genres ont atteint un volume commercial et forment à peu près 45 groupes commerciaux. Sur cet ensemble, huit espèces et groupes commerciaux seulement, constituant 35 pour cent du peuplement sur pied, ont une valeur marchande soutenue. Les milliers de dollars qui ont été alloués à la recherche pour essayer d'améliorer la vente des 65 pour cent restants n'ont apporté aucun changement spectaculaire. Lorsqu'un bois d'œuvre ne fait pas prime, c'est tout simplement qu'il lui manque une ou plusieurs qualités marchandes.

Décrivant les problèmes d'utilisation des feuillus poussant dans les stations de résineux, Koch estime qu'à chaque tonne de pins sur pied correspond probablement un volume équivalent de feuillus inutilisés. Les chercheurs doivent donc s'intéresser à la commercialisation des produits qu'on peut tirer des feuillus aussi bien qu'à la technique de leur fabrication.

Comme le signale Vorobiov, l'utilisation des feuillus pose également des problèmes en U.R.S.S. En Russie d'Europe, le volume de coupe autorisé est actuellement sous-utilisé pour les feuillus (essentiellement tremble et bouleau). L'utilisation de ces ressources exigera certainement la mise au point progressive du traitement industriel des feuillus et des grumes de petite taille en particulier. Pour remédier à la situation, on pourra améliorer la composition des espèces forestières, opération liée au programme d'augmentation de la productivité. L'auteur cite l'exemple de la région de Moscou. Dans les stations où existent des peuplements de trembles et de bouleaux dont l'accroissement annuel est de 2 à 3 mètres cubes à l'hectare, il est tout à fait possible de cultiver le pin et l'épicéa avec un accroissement annuel de 5 à 10 mètres cubes à l'hectare.

L'utilisation des essences secondaires de feuillus est un problème mondial, comme en témoignent les articles rédigés par des spécialistes de diverses nationalités. En revanche, il n'existe pas de solution universelle, et par conséquent l'échange de vues et de données d'expérience dans ce domaine peut être extrêmement utile à tous les participants.

LES PLANTATIONS

Plusieurs documents présentés à la commission VII reflètent l'importance croissante des forêts artificielles comme fournisseurs de l'industrie. Zañartu, Ortiz et Yudelevich en parlent à propos du Chili: créer une source importante de matière première avec les plantations de pins de Monterey (Pinus radiata), établir une industrie forestière prospère sur cette base, faire en sorte que cette réalisation intervienne au moment où les ressources de a forêt naturelle diminuent et deviennent de plus en plus inaccessibles, voilà la réussite du Chili, exemple de synchronisation réfléchie entre l'action de l'entreprise privée, les encouragements du gouvernement et le savoir-faire des forestiers. Actuellement, il y a un peu plus de 300000 hectares de plantations industrielles de pins de Monterey au Chili avec un volume sur pied de 64,5 millions de mètres cubes environ. Entre 1966 et 1970, on a produit en moyenne chaque année 300000 tonnes de pâte, 242000 tonnes de papier et de carton, 30000 tonnes de panneaux de fibres et de particules avec le bois de ces plantations. La valeur de cette production se monte à environ 90 pour cent de la valeur totale des produits de la forêt chilienne.

Van der Walt, Laurens et van Vuuren citent un autre exemple frappant du rôle industriel des forêts de plantation: ils montrent qu'en République d'Afrique du Sud, l'industrie du sciage de résineux s'approvisionne exclusivement dans les plantations de pins, qui couvrent actuellement 500000 hectares. La production des sciages de résineux était insignifiante; elle est passée à plus de 600000 mètres cubes en 1971; 89 pour cent du bois de construction importé jusque-là ont été remplacés par des sciages de résineux produits sur place. Voilà un exemple qui montre bien comment un pays qui importait jusque-là la totalité des résineux dont il avait besoin se suffit à lui-même grâce à des plantations de conifères.

La discussion apportera sûrement d'autres exemples d'industries basées sur des plantations. L'exemple de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie est bien connu; la Tanzanie, le Kenya et d'autres pays d'Afrique orientale sont en train de développer leurs plantations. D'autres pays entreprendront certainement de vastes programmes de plantation. Comme Meyer le souligne, plusieurs pays africains se prêtent à l'établissement de forêts artificielles capables de produire du bois très rapidement, souvent 5 à 10 fois plus vite que les pays exportant traditionnellement des produits du bois, par exemple les pays scandinaves et l'Amérique du Nord, situés dans des zones climatiques plus tempérées. Comme exemple intéressant de développement futur, Meyer cite Madagascar, qui est en passe de devenir le second pays d'Afrique orientale à vendre sur le marché mondial de la pâte chimique de résineux blanchie (papier kraft) en grandes quantités (environ 250000 tonnes par an vers 1985); 100000 hectares plantés en pins et en eucalyptus dans la région de Mangoro alimenteront cette industrie. On estime à 140 millions de dollars U.S. le coût total du projet. Le problème qui mérite de retenir l'attention au sujet des plantations à l'usage de l'industrie de la pâte est le suivant: doit-on planter des feuillus ou des résineux? La réponse n'est pas simple; elle doit tenir compte de l'avis des généticiens ainsi que de plusieurs facteurs: aspects techniques et économiques de l'industrie qui tirera sa matière première de ces plantations, perspectives lointaines des marchés et des prix pour la pâte de fibres longues par rapport à ceux de la pâte de fibres courtes (dépendant à leur tour des perspectives à long terme de la composition du papier), rendement du bois à l'hectare et rendement de la pâte obtenue à partir du bois, etc. Il n'existe pas d'étude sur ce sujet et peut-être les débats pourront-ils combler en partie cette lacune.

Très souvent, on compare les accroissements des forêts naturelles et ceux des plantations. On sait que dans la plupart des cas il est trompeur de comparer les volumes et que, du moins pour le bois à pâte, on ne peut rationnellement comparer que les tonnages. Il faut aussi être prudent pour ce qui est des sciages, car il existe des différences de qualité. Borgin indique que la raison principale ne tient pas à la différence de densité moyenne de la masse du bois, mais au gradient de densité beaucoup plus élevé du bois à croissance rapide des climats chauds. Ce ne sont donc pas les différences de densité, mais de structure microscopique et de distribution de la densité entre pins à croissance plus ou moins rapide qui expliquent la supériorité des pins des climats froids. Ce n'est évidemment pas un effet inévitable, ou inhérent à la croissance rapide du bois dans les climats chauds, puisqu'on y trouve des espèces qui sont à la fois stables et durables. Ce serait plutôt l'effet conjugué du climat chaud et des autres conditions de croissance sur les pins transplantés hors de leur habitat naturel.

Un autre document, celui de Ferreira, est consacré aux résultats de la recherche sur le bois de plantation.

Nous connaissons les travaux des spécialistes de la sélection et de la génétique sur l'amélioration des arbres: mais les industriels que nous sommes entretiennent-ils avec eux des rapports assez étroits pour leur faire connaître nos besoins? Et comment concilier la perspective lointaine qu'ils adoptent à l'égard des plantations avec les fluctuations des marchés de produits forestiers? Il n'est pas facile de répondre à ces questions, mais on ne doit pas pour autant les éviter.

Les industries forestières doivent voir très loin au moment où elles choisissent le type de plantations qui fournira leur matière première. Garnum souligne qu'on devrait renforcer le lien entre les forêts et l'industrie de façon à intégrer la planification nationale et régionale. La planification doit être adaptée à la technologie de demain et tirer le maximum d'avantages des techniques et des machines nouvelles. Sans intégration, on risque d'extraire des forêts artificielles une matière première dont on ne veut ou ne peut rien faire, et de créer des industries grosses consommatrices de bois, alors que l'approvisionnement est insuffisant.

Les matériaux trop petits, les résidus, etc., posent les mêmes problèmes aux forêts artificielles qu'aux forêts naturelles. On pourrait les utiliser pour produire des panneaux de fibres ou de particules; mais dans les pays en développement les marchés sont souvent insuffisants et les investissements trop élevés. Les recherches entreprises par le Tropical Products Research Institute (Royaume-Uni) montrent qu'on peut utiliser cette matière première de qualité inférieure pour produire des matériaux de construction en ciment-bois. Chittenden traite des blocs de ciment-bois et des plaques de laine-bois. Dans le premier cas, la laine est employée comme un agrégat dans le ciment, dans l'autre comme de longs torons et le ciment est le liant. On nous rappelle que tous les matériaux cellulosiques empêchent le ciment de prendre («empoisonnement du ciment») à cause des sucres du bois et des hémicelluloses qu'ils contiennent; comme palliatif, on utilise des «accélérateurs» (chlorure de calcium et chlorure de magnésium) qui forment autour du bois une couche de ciment empêchant la pénétration des poisons. Les feuillus tropicaux ont généralement plus de produits d'extraction que les bois des zones tempérées et leurs «poisons» ne sont pas complètement neutralisés par les accélérateurs. On ne peut alors utiliser les bois mixtes pour fabriquer des blocs ou plaques de ciment-bois. Cependant, selon Chittenden, ces matériaux offrent un débouché utile pour le bois de qualité inférieure provenant des plantations tropicales toujours plus nombreuses et contribuent ainsi utilement à intégrer l'économie forestière. Hallak souligne le rôle que les produits ciment-bois pourraient jouer dans la construction de maisons rurales bon marché.

RECHERCHE SUR LES PRODUITS DU BOIS

Plusieurs documents traitent des différentes recherches sur le bois, des résultats obtenus et de leur application en vue d'une utilisation plus complète et plus rationnelle des ressources forestières.

Certains ont été étudiés lorsque leur sujet coïncidait avec les thèmes principaux des débats (Ferreira, Higgins, Chittenden. Pierovich et Smith, Borgin). D'autres traitent de questions qui, d'une façon ou d'une autre, intéressent l'utilisation des ressources forestières. Ostalski et Grochowski présentent les résultats de la recherche passée et un vaste programme pour les futurs travaux sur l'utilisation de l'écorce. Lizarrago et Hilal parlent du faux cœur du quebracho blanco et concluent qu'on peut l'utiliser pour la décoration sans que ses propriétés chimiques en soient affectées. Campá, Gabarain, Tramontini, Melia donnent les résultats des recherches sur les améliorations des propriétés du bois par l'irradiation. Karstedt et Mesa donnent le résultat des recherches sur le xylème de quatre espèces de pins originaires de Cuba. Oktem examine trois normes nationales (américaine, britannique et turque), pour l'évaluation de la qualité du contreplaqué collé. Tagudar cite un cas particulièrement encourageant aux Philippines: plusieurs industries forestières ont décidé de coopérer et de mettre des crédits et des installations au service de la recherche sur les produits de la forêt, ce qui les favorise directement. Bosman prouve combien la recherche systématique aide un secteur important des industries forestières nationales. Monsalud fait l'inventaire de toutes les recherches sur les produits de la forêt aux Philippines.

Il est impossible d'entrer dans les détails de toutes ces études, mais on insistera sur le rôle de la recherche dans l'évolution des matières premières.

2. Aspects économiques et sociaux des industries forestières

Dans ce débat, nous commencerons par isoler des questions générales comme nous l'avons fait au point 1; nous aurons ainsi une idée nette des différents facteurs clés. Nous ferons ensuite la synthèse en étudiant la stratégie du développement de l'industrie forestière.

On peut distinguer cinq problèmes principaux dans les excellents documents que vous avez sous les yeux:

Contribution brute des différentes industries forestières à l'économie (valeur ajoutée).

Sources de la croissance économique dans le secteur forestier, c'est-à-dire rôle respectif du capital, de la main-d'oeuvre, des ressources forestières et de la technique dans les différentes industries forestières; différentes combinaisons possibles de ces facteurs.

Incidence des économies d'échelle et de l'intégration.

Financement du développement de la foresterie et de l'industrie forestière, rôle du capital étranger dans ce domaine.

Aspects sociaux.

Il y a évidemment des liens étroits entre toutes ces questions; essayons cependant de résumer clairement chacune d'elles avant d'en faire la synthèse.

CONTRIBUTION BRUTE DES DIFFÉRENTES INDUSTRIES FORESTIÈRES A L'ÉCONOMIE

La valeur ajoutée est, comme chacun sait, celle qu'ajoute à la valeur marchande chaque processus successif de production. Quand on en fait la somme pour toute une branche d'activités et pour l'ensemble de l'économie dans les statistiques annuelles nationales, on obtient le produit national brut (PNB).

La valeur ajoutée peut être déduite d'une étude de cas, comme l'a fait Eklund. Cet «instantané» permet de comparer les différentes valeurs en évitant les problèmes inhérents aux statistiques nationales et sectorielles.

Nous devons donc garder présentes à l'esprit les conditions spécifiées par Eklund et nous souvenir qu'il ne prétend pas donner une valeur générale à ses conclusions. Il analyse la situation dans les pays scandinaves aux prix de 1970, et déclare que seule la valeur ajoutée dans la transformation industrielle a été analysée en détail. On doit se souvenir que le coût du bois en tant que matière première fait essentiellement partie de la valeur ajoutée totale de l'économie. On peut l'exclure quand on compare les différentes industries forestières, mais si l'on doit choisir entre celles-ci et d'autres, on doit tenir compte de la valeur ajoutée issue de la production du bois.

Malgré ces réserves nécessaires, Eklund fournit des renseignements intéressants sur la nature et l'ampleur des différences entre les industries forestières en ce qui concerne la valeur ajoutée. Il souligne avec juste raison qu'il est utile de rapporter celle-ci aux biens de production: valeur ajoutée par unité de bois, par homme, etc.

Choisissons quelques exemples parmi beaucoup. Si l'on envisage la valeur ajoutée par mètre cube de bois, on doit d'abord considérer le cas de la menuiserie, où elle est presque trois fois plus élevée que dans les autres secteurs. Elle est élevée également par rapport aux investissements en capital, mais la valeur ajoutée par employé est faible puisque cette industrie utilise une main-d'œuvre importante. C'est un secteur utile pour le développement dans la mesure où le marché est favorable. La comparant avec d'autres industries forestières, Eklund souligne que la valeur des autres matières premières (colle, peinture, métal) est plus élevée que celle du bois. Cherchant à donner un rôle plus actif aux industries forestières dans le développement économique de l'Europe centrale, Mottet souligne le rôle des industries secondaires utilisant le bois d'œuvre, le contreplaqué et les panneaux: il semble que la valeur ajoutée provienne en majeure partie des industries de transformation dont l'industrie du meuble est un des meilleurs exemples.

TABLEAU 1. - INDICES DE LA VALEUR AJOUTÉE 1


(VA) 2/m3(R)

VA/capital

VA/employé

Capital/employé

Recettes nettes de devises/capital 3

Scierie I (70000 m3/par an)

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

Scierie II (365000 m3/par an)






y compris résidus...

0,92

0,97

1,69

1,79

1,04

non compris résidus..

0,25

0,49

0,82

...

...

Usine de contreplaqué construction (40000 m3/par an)






y compris résidus...

1,60

0,62

0,91

1,50

0,60

Usine de panneaux de particules (50000 m3/par an)

0,59

0,38

1,39

3,71

0,54

Usine de pâte de bois chimique au sulfate blanchie (216000 tonnes/par an)............

0,59

0,48

5,86

12,38

0,53

Usine de pâte mécanique et de papier journal (300000 tonnes/par an).

0,73

0,49

4,97

10,20

0,65

1 D'après les données d'Eklund.

2 VA/m3 ®: valeur ajoutée par mètre cube de bois rond utilisé.

3 Dans l'hypothèse où tout l'équipement doit être importé, mais non le combustible et les produits chimiques,

Pour comparer les grandes industries forestières, nous pouvons choisir un secteur important (par exemple la scierie qui débite 70000 mètres cubes, y compris la vente des résidus) et l'utiliser pour en indexer d'autres (tableau 1). Dans cet exemple, si nous prenons pour unité la valeur ajoutée au mètre cube, l'indice est de 1,6 pour la fabrique de contreplaqué avec résidus. Pour la fabrique de panneaux de particules, l'indice n'est que de 0,59. Il est intéressant de noter que la grande usine de pâte à papier kraft blanchie (216000 tonnes par an) a le même indice que l'usine de panneaux de particules. L'indice est de 0,73 pour l'usine de pâte mécanique et de papier journal (300000 tonnes par an).

La scierie l'emporte également pour la valeur ajoutée par investissement en capital. Si on la prend encore une fois pour unité, le contreplaqué a un indice de 0,62, la pâte de bois chimique au sulfate blanchie et le papier journal un indice d'environ 0,5. On doit se souvenir dans ces comparaisons qu'on attribue au vendeur (scierie et fabrique de contreplaqué) la valeur des résidus du bois (copeaux, sciure). Cette opération nécessite naturellement un acheteur et on ne doit pas oublier que les deux types de production (produits du bois et produits de fibres) dépendent étroitement l'un de l'autre. La grande scierie crée une valeur ajoutée de 0,36 seulement, qu'elle ne vende pas les résidus ou qu'elle vende la sciure et les copeaux.

Quand on compare la valeur ajoutée par employé, la balance penche en faveur des industries utilisant davantage de capitaux. Si la petite scierie qui vend des résidus est une nouvelle fois prise pour unité, l'indice de la valeur ajoutée par employé est légèrement inférieur (0,91) pour le contreplaqué avec vente de résidus. Cependant, dans la grande usine de pâte au sulfate blanchie, la valeur ajoutée par employé est 5,9 fois plus élevée que pour la scierie de base, et celle de la grande usine intégrée de papier journal avec fabrication de pâte mécanique est 5,6 fois plus importante. On trouvera aussi dans le tableau le supplément de capital par homme nécessaire pour obtenir cette productivité.

Ces exemples montrent que la valeur ajoutée peut changer de sens lorsqu'elle se rapporte à des biens de production différents. Seule une analyse attentive de tous les indices, tenant compte des facteurs critiques, peut aboutir aux meilleures décisions.

La valeur ajoutée est influencée par les prix; cet aspect mérite donc d'être considéré au moins brièvement. La stabilité des prix varie dans de fortes proportions d'un produit forestier à l'autre.

Selon Smith, l'industrie du bois est soumise à de fortes fluctuations des prix et, comme elle est très atomisée, les entreprises sont obligées de les accepter. Par contre, l'industrie de la pâte et du papier a toujours connu des prix relativement stables.

Nylinder analyse l'évolution des vingt dernières années en Suède et conclut que les prix des sciages, en particulier ceux des épicéas de qualité moyenne, ont varié davantage que les prix de la pâte.

A côté des fluctuations à court terme, les tendances des prix à long terme sont très importantes. Comment un secteur particulier se comporte-t-il à cet égard par rapport à l'ensemble de l'économie et aux matériaux concurrents? Les hausses de prix réduiront-elles beaucoup la consommation, et pour quels produits?

Smith estime que des problèmes à long terme semblent se poser pour le bois d'œuvre: dans le monde entier, cette industrie enregistre une hausse constante du prix de ses produits alors que la demande par habitant décroît. Aux Etats-Unis, par exemple, le prix du bois par rapport au prix des autres produits augmente d'environ 2 pour cent par an depuis plusieurs dizaines d'années.

Nylinder constate qu'en Suède le prix des produits de la pâte a augmenté moins vite que le coût de la vie, et leur prix relatif a même baissé depuis vingt ans. Le prix des sciages a aussi tendance à baisser lentement quand on le mesure en monnaie constante, mais cette baisse n'a pas été aussi nette que pour la pâte.

Que nous révèlent ces tendances sur la situation concurrentielle des produits de la forêt? Que le bois d'œuvre est un mauvais pari à long terme? Ou que la recherche et le développement ont été insuffisants dans l'industrie du bois et qu'il est possible de faire mieux? La stabilité des prix de la pâte présage-t-elle réellement ce qui se passera? Quels sont les effets de ces tendances de prix sur la valeur ajoutée et sur la force des industries forestières dans leur lutte pour obtenir la priorité dans les plans de développement nationaux?

Outre la question de la stabilité et des tendances des prix, nous devons considérer la valeur de la matière première, puisqu'elle peut aussi avoir un effet sensible sur la valeur ajoutée dans les diverses industries forestières et dans les autres types d'industries. Eklund indique qu'on devrait toujours tenir compte de la valeur ajoutée de la coupe et de l'abattage quand on oppose les industries forestières aux autres secteurs, mais il n'en tient pas compte quand il compare les industries forestières entre elles.

Nylinder se penche sur le problème de la valeur du bois non transformé et sur l'attribution de matière première aux différentes usines et aux différents complexes afin d'assurer le maximum de recettes à la foresterie.

Il calcule, pour la Suède, dans quelle mesure l'industrie de la pâte et les scieries sont capables de payer leur bois brut.

Il affirme que connaître cette capacité de paiement est de la plus haute importance pour préparer les instructions permettant de choisir les assortiments, pour calculer la valeur du bois de coupe dans la forêt et donc pour planifier et diriger la production du secteur forestier.

Il définit ainsi la capacité de paiement: le prix que l'industrie forestière peut payer en échange de sa matière première correspond à la différence entre les recettes et les coûts totaux (le coût du bois excepté), compte tenu d'un profit raisonnable.

Nylinder souligne les problèmes techniques inhérents à de tels calculs et clarifie quelques relations importantes; par exemple, l'effet de la taille d'une grume sur sa valeur pour différentes usines et la différence de ces valeurs entre usines intégrées et usines non intégrées.

Mais de nombreuses questions intéressantes restent posées, en particulier pour les pays en développement, où le bois n'est pas aussi rare qu'en Suède, par rapport à la capacité industrielle existante. Pour l'attribution de la marge définie par Nylinder, quels sont le pouvoir de marchandage et la force marchande dont disposent respectivement le propriétaire de la forêt, le propriétaire de l'usine, le banquier et le travailleur? Qu'est-ce qu'un profit raisonnable? Quelle est l'importance relative du paiement du bois par rapport à l'ensemble des effets économiques de cette activité? Dans les pays en développement, un paiement négatif ou nul ne se justifierait-il pas dans certains cas pour des raisons socio-économiques?

OPÉRATIONS A FORT COEFFICIENT DE CAPITAL OU A FORT COEFFICIENT DE MAIN-D'OEUVRE?

Si un pays en développement a un excédent de main-d'oeuvre, l'emploi sera naturellement une préoccupation importante. Mais doit-il être la préoccupation dominante si l'objectif principal est l'accroissement du produit national brut par habitant? Quelles incidences la croissance économique a-t-elle sur les besoins en main-d'oeuvre et en capital des différentes industries forestières?

Nous savons que la gamme de ces besoins est étendue pour les industries forestières. Les chiffres cités par Eklund nous en montrent une partie, mais on pourrait les multiplier beaucoup du côté de la main-d'oeuvre, par exemple en prenant les petites scieries des pays en développement.

Eklund note qu'on peut varier dans de grandes proportions les rapports du capital et de la main-d'œuvre dans l'industrie des sciages et du contreplaqué. Par contre, il est très difficile de substituer la main-d'œuvre au capital pour la pâte et le papier. La nature des opérations, le contrôle de la qualité, sans parler des économies d'échelle que permet la technique actuelle, tout concourt à l'emploi de machines chères et complexes.

Cela signifie-t-il que les industries des sciages et du contreplaqué doivent toujours être favorisées dans les pays en développement qui ont un excédent de main-d'oeuvre? Smith définit deux stratégies possibles: a) la stratégie à fort coefficient de main-d'œuvre, qui cherche à porter au maximum la production par rapport au capital, ou l'emploi par rapport au capital, ou l'un et l'autre; b) la «stratégie du déséquilibre», qui consiste à utiliser des industries à fort coefficient de capital dans une économie où la main-d'œuvre est en excédent pour créer délibérément une série de déséquilibres favorisant par le jeu de l'ajustement un changement dynamique et une croissance plus rapide.

Tout en déclarant qu'une stratégie détaillée doit refléter certains aspects propres à la situation locale, Smith se prononce en faveur de la seconde parce que ceux qui prétendent que l'absorption immédiate du plus de main-d'œuvre possible est l'objectif essentiel manquent peut-être d'imagination. Un programme cherchant à investir le plus possible parviendra peut-être mieux, d'ici une dizaine d'années, à donner un emploi aux chômeurs que ne peuvent le faire dans un proche avenir les investissements absorbant de la main-d'oeuvre et épargnant le capital.

Smith déclare que la distribution du revenu qui résultera d'une stratégie à fort coefficient de main-d'oeuvre ralentira l'épargne et par conséquent le rythme de la formation du capital dans tout le pays (les catégories à faible revenu épargnent en général proportionnellement moins que les entreprises ou les détenteurs de gros revenus). Si le taux d'investissement est plus faible, l'expansion de la production - et en particulier la production individuelle - sera plus lente. Il est convaincu que les industries qui conviendraient le mieux aux pays en développement seraient des industries de transformation mécanisées, à grande échelle, que l'on maintiendrait dans un excellent état de marche et où l'on observerait des normes de qualité élevées. Dans la mesure où l'on recherche le développement économique à long terme et où les ressources forestières peuvent jouer un rôle primordial, nous devons apprendre à concentrer nos efforts sur les industries forestières ayant le plus fort coefficient de capital, les industries modernes avancées, caractérisées par de nombreuses économies externes, des produits viables adaptés au marché international, des techniques dynamiques augmentant la productivité et par conséquent la valeur de l'effort humain.

Même si nous ne sommes pas d'accord avec cette thèse, il faut reconnaître que Smith a soulevé un grand nombre de questions intéressantes pour notre discussion. Que dire des autres barrières qui s'opposent à l'établissement d'une industrie de la pâte et du papier dans les pays en développement (savoir-faire, marchés, capitaux!? Quel est le rôle du capital dans le développement par rapport au rôle de l'éducation (quand la main-d'oeuvre est de qualité, la production individuelle augmente) et par rapport aux autres facteurs de croissance? Est-il avantageux de stimuler la demande intérieure en augmentant les salaires locaux grâce à l'importation de capitaux, compte tenu des intérêts à payer sur ces capitaux?

Contrairement à Smith, plusieurs auteurs (Page, Eklund, Garnum) considèrent que les scieries et les autres industries mécaniques simples de transformation du bois conviennent tout particulièrement aux premières étapes du développement pour plusieurs raisons: interchangeabilité du capital et de la main-d'oeuvre, marchés tout trouvés, besoins modérés pour ce qui est de la qualité de la main-d'oeuvre, etc.

Page indique que, généralement, l'effet de l'échelle des opérations décroît en même temps que le coût de la main-d'oeuvre. Les faits montrent aussi que les pays en développement peuvent faire fonctionner de petites fabriques qui demandent moins de capital, emploient davantage de main-d'oeuvre et restent compétitives. Par exemple, dans un pays où la main-d'oeuvre d'une scierie coûte deux dollars par équipe, on peut faire fonctionner une usine de 500000 dollars avec installation de séchage et de dressage d'une capacité d'absorption de 60 mètres cubes de grumes par équipe au même prix de base qu'une usine plus grande, absorbant 190 mètres cubes par équipe, coûtant 1200000 dollars, dans un pays où la main-d'oeuvre revient à 10 dollars par équipe. De plus, la petite usine emploie des équipes supplémentaires de 23 hommes par tranches de 100 mètres cubes.

Stacey souligne pour sa part que l'investissement élevé en capital requis pour des fabriques de pâte et de papier d'une taille économique implique que le pays doit avoir une économie robuste pour fournir sa part de capital de participation. Il a aussi besoin d'installations et de services sûrs, car les usines doivent fonctionner sans arrêt environ 340 jours par an.

Le choix entre industries forestières à fort coefficient de capital ou de main-d'oeuvre est un problème très réel et mérite qu'on y accorde une attention particulière au cours des débats.

ECONOMIES D'ÉCHELLE: INTÉGRATION

Le coût unitaire de production décroît rapidement avec l'augmentation de l'échelle des opérations dans plusieurs industries forestières. On le voit clairement dans les usines de pâte et dans certaines usines de papier. Les coûts s'élèvent si rapidement quand on descend au-dessous d'une certaine taille qu'une telle usine ne peut rester compétitive que sur les marchés les plus protégés. Nylinder et Eklund confirment cet important fait économique dans les documents que vous avez sous les yeux. Les coûts d'investissement étant les plus touchés, Nylinder isole cet élément pour plusieurs usines de pâte dans sa figure 6. Par exemple, pour la pâte de bois de pin au sulfate blanchie, le coût d'investissement décroît très rapidement (de 205 à 100 couronnes suédoises la tonne) lorsque la capacité passe de 100 à 300 tonnes par jour; il baisse encore ensuite, mais moins rapidement (70 couronnes la tonne à 700 tonnes par jour); puis il se stabilise peu à peu quand les usines deviennent encore plus grandes. Eklund montre le même effet sur les coûts de production du papier à sac dans son appendice 5-1. Dans les usines produisant 100 tonnes par jour, ces coûts sont de moitié plus élevés que dans les usines en produisant 300; dans les usines encore plus grandes, on économise beaucoup moins pour une production de 500 tonnes par jour, les coûts sont inférieurs de 6 pour cent environ à ceux d'une production de 300 tonnes par jour.

Les incidences de ces économies d'échelle sont importantes pour les pays en développement. Eklund déclare que dans la plupart des branches de ces industries, l'augmentation de la taille des usines fait absorber relativement plus de capital alors même que les coûts en capital par unité de matière première et de produit sont plus faibles. De grandes usines à fort coefficient de capital peuvent poser de sérieux problèmes de financement pour les pays en développement (cette question sera étudiée à part). Autre problème fréquent: les marchés intérieurs ne peuvent absorber la production d'une grande usine économique de pâte. Ce sont des points intéressants à débattre. Où se trouve le véritable équilibre entre les coûts et les bénéfices sociaux lorsqu'on protège (par des tarifs, etc.) une usine locale de pâte ou de papier d'un prix de revient élevé? A quelles conditions les pays en développement dont les marchés sont peu développés (mais les forêts suffisantes) peuvent-ils entreprendre de nouveaux projets concernant la pâte et le papier entrant en concurrence avec des régions productrices qui ont une tradition et une technique plus avancée? Jusqu'où peut-on rationaliser véritablement la production de la pâte et du papier dans une région ou une sous-région en développement, au sein d'un marché commun ou d'un autre groupement?

A l'inverse de ce qui se passe pour l'industrie de la pâte et du papier, les scieries ne réduisent pas sensiblement le coût unitaire quand la taille de l'usine augmente. Smith déclare que dans la plupart des pays en développement, l'industrie du bois d'œuvre fait peu d'économies d'échelle. Pour ce qui est des coûts, les grosses entreprises ne sont guère mieux loties que les petites. Les chiffres de Nylinder et d'Eklund concernent une série d'usines qui seraient toutes considérées comme «grandes» dans la plupart des pays en développement; les coûts d'investissement unitaires ne diminuent pas beaucoup pour elles non plus lorsque leur taille augmente.

Page présente des graphiques concernant des scieries de feuillus de petite taille; ils démontrent qu'un équipement moderne épargnant la main-d'oeuvre commence à réduire sérieusement les coûts d'installation et le coefficient de main-d'oeuvre lorsque chaque équipe peut traiter environ 40 mètres cubes de grumes. Lorsque cette capacité dépasse 50 mètres cubes, la productivité de la main-d'oeuvre augmente à peu près proportionnellement au volume du bois utilisé. On réalise des économies importantes sur les dépenses en capital par unité de volume de bois utilisé jusqu'à une centaine de mètres cubes par équipe. Au-delà, on avantage surtout la productivité de la main-d'oeuvre.

Van der Walt, Laurens et van Vuuren ont analysé la situation des scieries en Afrique du Sud et ont conclu que l'effet des économies d'échelle est beaucoup plus net sur le coût direct de la main-d'oeuvre que sur le coût total de la production, le facteur f 1 pour le coût total de la main-d'oeuvre de l'usine étant seulement 0,555 contre 0,820 pour le coût total de production. Pour un coût de fabrication fixe (amortissement ou intérêt sur le coût des machines et des bâtiments), le facteur f a été supérieur à l'unité dans tous les centres de production, à l'exception de l'usine utilisant le procédé humide, et également pour l'ensemble de l'usine. Ceci prouve que les économies d'échelle n'apportent aucun bénéfice pour un coût fixe de fabrication dans l'industrie des sciages de résineux en Afrique du Sud, mais que le coût unitaire croît avec la taille des usines - sauf pour celles qui utilisent le procédé humide.

1 f = coefficient exponentiel déterminé empiriquement et qui peut varier entre 1 et 0 selon la formule:
y1/y0 = (x1/x0) f

y0 = input du facteur de production au niveau de production x0
y1 = input du facteur de production au niveau de production x1

Faut-il conclure que cette industrie ne fait pas d'économies d'échelle importantes? Celles-ci intéressent-elles uniquement les coûts? Quelle est l'incidence de la taille des scieries sur la qualité du produit? Quelle est l'incidence sur la recherche, le développement et l'innovation?

Eklund et Nylinder montrent clairement l'interaction étroite entre les économies d'échelle à processus unique et l'intégration (horizontale et verticale) de ces processus. Par exemple, Eklund montre qu'une usine économise 10 pour cent du coût unitaire de sa production de papier à sac lorsqu'elle est intégrée à une usine de pâte. On a toujours reconnu les avantages de l'intégration des industries chimiques et mécaniques du bois. C'est vrai aussi des scieries ou des usines de contreplaqué et des usines de panneaux de particules ou de fibres qui peuvent utiliser leurs résidus.

Selon Eklund, les ventes de résidus du bois sont devenues si importantes pour les scieries et les usines de contreplaqué scandinaves que l'utilisation des résidus est une condition économique préalable de leurs investissements.

Outre l'intégration des industries forestières, pour Nylinder une bonne intégration verticale de l'abattage et de la transformation industrielle permet de faire de gros bénéfices en valeur totale et de réduire le coût total. Comparant une foresterie et un abattage intégrés avec une production indépendante, il constate qu'en Suède la valeur de la coupe dans un système intégré augmente relativement plus rapidement avec l'accroissement du diamètre que dans un système non intégré. A ce propos, signalons que quelques pays essaient de développer des modèles de forêts et d'industries forestières entièrement intégrées; par exemple, Partyka présente une formulation mathématique de la foresterie et des industries forestières en Pologne; on essaie de faire rendre le meilleur à ce système intégré dans une perspective à long terme. Dans ce modèle, on mesure quantitativement les effets des différentes stratégies de l'industrie forestière sur les recettes nettes d'exportation, sur les dépenses d'investissement, sur le bénéfice total des ventes et sur l'état du matériel sur pied. Les calculs montrent que le raisonnement mathématique et la mise sur ordinateur permettent d'établir le meilleur plan de système intégré et de déterminer les effets monétaires par rapport aux objectifs de l'économie nationale.

Etant entendu qu'on doit intégrer verticalement et horizontalement la fabrication de beaucoup de produits forestiers, il reste à répondre à de nombreuses questions sur la stratégie du développement: quelle part de l'intégration doit revenir à une seule entreprise, à un seul organisme ou à une seule station? Comment un secteur sous-développé de l'industrie forestière peut-il adopter dans les meilleures conditions une structure plus souhaitable?

Nous n'abandonnerons pas la question des économies d'échelle et de l'intégration sans évoquer au moins brièvement le revers de la médaille: y a-t-il de sérieuses déséconomies d'échelle ou d'intégration? La flexibilité économique ou sociale est-elle gênée par les très gros investissements globaux? Les grandes organisations étouffent-elles la créativité et l'initiative individuelles?

FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE FORESTIÈRE: LE RÔLE DU CAPITAL ÉTRANGER

Les deux auteurs spécialistes de ce sujet, Dow et Yoho, s'accordent à reconnaître que les capitaux étrangers sont nécessaires pour développer le secteur forestier dans le tiers monde. Yoho pose en principe qu'un tel investissement est un moyen efficace pour le pays hôte ou en développement de réaliser le potentiel de développement économique souhaité.

Dow va plus loin en affirmant que les capitaux et les experts étrangers sont absolument indispensables pour créer tous les types d'industrie dans les pays en développement.

Cependant, les auteurs divergent quant au «besoin»qu'éprouvent les pays développés d'exporter du capital. Dow pense que la surabondance de plus en plus prononcée des compétences financières, technologiques, industrielles et commerciales des pays développés... devront être investies outre-mer, en particulier dans les pays en développement.

Yoho est plus prudent: puisque les disponibilités en capital sont limitées dans tous les pays, les sommes disponibles pour les investissements sont en relation directe avec le prix qu'on peut proposer en échange.

Cette question est importante pour les pays en développement, car elle influe beaucoup sur leur pouvoir de marchandage lorsqu'ils recherchent les capitaux étrangers. En effet, un compromis doit être trouvé entre les intérêts divergents du pays investisseur et du pays bénéficiaire si l'on veut s'assurer cet apport de capital. Pour Yoho, le but essentiel de l'investissement de capital privé est le bénéfice - mais pas seulement dans le pays hôte. La rémunération du capital social total l'emporte généralement sur l'investissement local. En pratique, cela signifie quelquefois la recherche particulière de sources de matières premières et d'endroits favorables aux industries de transformation primaire dans les pays en développement. Un élément important du bénéfice attendu est le risque que prévoit l'entreprise dans tel pays. Les risques et les incertitudes peuvent être «techniques» (par exemple, l'utilisation nouvelles espèces) ou «politiques». Yoho souligne que, dans les calculs d'une entreprise, ces derniers peuvent être très réels, qu'ils soient garantis ou non, puisque les sources commerciales du capital ne laissent en général d'autre choix au pays investisseur que d'accepter l'opinion courante.

Dow élargit la notion de capital étranger et en distingue quatre formes: a) aide en capital d'origine internationale; b) capital provenant de l'aide bilatérale; c) capital des entreprises privées; d) capital régional d'auto-assistance.

Dow énumère les avantages des capitaux provenant des entreprises privées: économies d'échelle, mobilisation facile des capitaux, de la technique et de la gestion, commercialisation de premier ordre, bonnes recettes d'exportation, rôle primordial dans l'intégration et la diversification des industries forestières, etc. Cependant, il recommande de ne pas accepter de capital privé étranger sur la base des prix de gros sans mentionner la possibilité d'inconvénients locaux, par exemple, la destruction d'entreprises locales, l'élimination de certaines possibilités d'investissement dans le pays hôte, la prédilection pour l'exportation de matières premières et de dividendes à des compagnies associées, et l'investissement outre-mer de l'épargne. Dow conclut qu'à l'avenir le capital étranger devra respecter les priorités du développement national et s'intégrer à ses plans.

Yoho reconnaît lui aussi la nécessité pour les compagnies étrangères de s'adapter autant que possible aux grands objectifs du pays hôte: augmenter le produit national brut par habitant, y compris le revenu secondaire, grâce aux effets connexes. Il faut aussi assurer la stabilité. Selon Yoho, les pays désirent aussi: a) donner un emploi à leurs citoyens; b) édifier le capital-actions et l'infrastructure du pays; c) former leurs exécutants et leurs cadres aux méthodes modernes; d) améliorer la balance des paiements.

Les deux auteurs reconnaissent que les problèmes cruciaux se posent au cours des manoeuvres délicates pour équilibrer les objectifs du pays investisseur et du pays hôte. Yoho propose à chaque participant un code qui devrait permettre d'éviter des frictions préjudiciables. La souplesse du contrat et une communication constante sont deux éléments importants. Yoho suggère que des étapes soient définies dans chaque projet d'investissement pour réviser les contrats et les structures de la propriété.

Les deux auteurs s'accordent à reconnaître que la plupart des pays désirent augmenter à terme la participation locale dans toutes leurs industries. Mais comment y parvenir? C'est évidemment une question difficile. Au début de son document, Yoho élimine le procédé qui consisterait à accumuler du capital local grâce aux sacrifices à long terme de la part de la main-d'oeuvre et des consommateurs. Il pense que c'est trop lent et trop pénible. Certains pays seront naturellement en désaccord avec lui, mais les problèmes de «degré» sont vite à l'ordre du jour dans ce débat. Dow pense que les sources de capital locales sont souvent mal mobilisées actuellement pour une participation au capital social et que, dans de nombreux cas, le capital local est utilisé pour financer des opérations (dirigées par des étrangers).

Yoho pense que des pratiques commerciales loyales devraient gouverner toute participation locale ou le a rachat» du capital de participation: dans tous les cas, la participation du pays hôte devrait se faire seulement par l'achat loyal d'actions au prix du marché dans les différentes compagnies organisées pour prendre en charge aux différentes étapes le projet dans son ensemble.

En pratique, il semble qu'une telle solution risque de poser de nombreux problèmes; ce sont des questions intéressantes pour nous. Dans de nombreux pays en développement, l'absence totale de marchés d'actions et la structure compliquée de certaines compagnies internationales peuvent illustrer ce genre de problèmes du point de vue du pays hôte.

Cependant, comme le font remarquer Yoho et Dow, si l'investisseur étranger a le sentiment que son capital peut être exproprié injustement, il exigera de fortes primes de risque. D'où l'exportation massive de dividendes, le mécontentement du pays d'accueil, etc., donc un cycle infernal de méfiance, d'augmentation des coûts et de baisse des bénéfices mutuels. Dow pense que l'aide bilatérale pourrait jouer un rôle de plus en plus important en a assurant» le capital privé contre les risques et les incertitudes supplémentaires liés à l'investissement dans les pays en développement. C'est un problème très important qui mérite d'être discuté. Nous savons qu'actuellement on agit dans ce sens - les Etats-Unis, le Japon, le Canada, et les nations d'Europe occidentale envisagent une approche multinationale. La Banque mondiale a étudié pendant plusieurs années un projet tendant à établir une compagnie d'assurance pour les investissements internationaux (IIIA).

Les Etats-Unis ont l'Overseas Private Investment Company; la République fédérale d'Allemagne, le Royaume-Uni et quelques autres pays industrialisés ont aussi leurs propres compagnies officielles ou quasi officielles pour assurer les investissements commerciaux à l'étranger. L'emploi accru de ces moyens pourrait-il faciliter l'apport de capital d'investissement de l'industrie forestière à un taux qui convienne mieux aux pays en développement?

Dans leurs propos, Yoho et Dow ne cachent pas l'existence de sérieux problèmes: ils admettent que beaucoup continueront à se poser. Cependant, tous deux pensent que des arrangements au bénéfice des deux parties peuvent encore être négociés pour bon nombre de futurs développements de l'industrie forestière.

Dow examine ensuite les avantages et les inconvénients du capital fourni respectivement par l'aide bilatérale, par l'aide internationale et sous contrôle régional, celui des banques régionales de développement, par exemple. Il pense que l'aide bilatérale a souvent bien mérité sa mauvaise réputation. De nombreux pays en développement assimilent l'aide au pillage; on ne se souvient que trop des études de viabilité coûteuses et inutiles, du financement faussement bon marché pour des projets mal conçus, du prix élevé des marchandises achetées avec l'aide liée, ainsi que des difficultés de remboursement qui vont de pair et risquent de s'aggraver à l'avenir.

Il y a, bien sûr, quelques belles réussites à porter au crédit de l'aide bilatérale, mais on a besoin de termes de référence et d'objectifs plus clairs, acceptables pour tous les intéressés (comme dans le cas du capital privé).

L'aide internationale (PNUD, BIRD, etc.) a surtout l'inconvénient, selon Dow, d'être manifestement inadaptée au développement en général, à cause du budget actuel de ces organisations. Pour commencer, il faudrait assurer une meilleure intégration des investissements du PNUD en matière d'infrastructure et de formation avec l'aide industrielle complémentaire de l'Association internationale de développement et de la Banque mondiale.

Dow met tous ses espoirs dans le capital régional, ou du moins sous contrôle régional. Le nombre croissant de banques régionales de développement prouve qu'il faut assurer des contacts entre, d'une part, les gouvernements régionaux et les sources de capital international auquel ils peuvent faire appel et d'autre part, le secteur privé et le secteur public dans les différents pays.

Outre l'identification et l'adjonction de fonds locaux aux capitaux étrangers, de telles institutions peuvent présenter des vues réalistes sur les politiques régionales dans d'importants secteurs économiques, dont la foresterie. Perspectives de localisation et d'intégration des industries forestières, itinéraires et installations d'expéditions, financement de l'exportation, formation spécialisée, intégration commerciale, etc., dans tous ces domaines, de telles institutions peuvent être bénéfiques. De plus, les relations politiques et la surface financière apportent une assurance aux investisseurs étrangers, si ces instances régionales sont bien organisées et aidées par les membres de la région.

Outre la question directe des apports de capitaux du monde développé aux pays en développement, plusieurs questions subsidiaires d'importance sont mentionnées, brièvement toutefois. Par exemple, le rôle du capital étranger dans le transfert des techniques utilisées par les secteurs forestiers de pointe à travers le monde. Yoho soutient que dans les secteurs qui absorbent le plus de capital et où la technique est la plus avancée (par exemple, la pâte et le papier), on trouve l'exemple d'une participation étrangère au capital social plus poussée que dans les autres (abattage et sciage). Dow est convaincu que tous les secteurs devraient être en définitive contrôlés à l'échelle locale. On s'est déjà interrogé sur le meilleur coefficient de capital à adopter en fonction du développement du pays hôte, mais la question peut être grandement influencée par l'identité de ceux qui dirigent l'opération et les conditions auxquelles le capital étranger est accepté.

Autre effet secondaire qui peut influencer toute la situation: la nature des liens commerciaux que le capital étranger introduit. Certains marchés du papier dans les pays développés sont presque entièrement approvisionnés en matière première par une production intégrée verticalement. Entrer au stade final du marché est souvent beaucoup plus facile pour un pays en développement si un partenaire du pays acquéreur participe au développement de sa production. Problème voisin: celui des taux de fret internationaux. Certains pays en développement ont été dans l'obligation de développer leurs moyens d'expédition pour bénéficier de taux économiques et participer à cet important secteur du développement qu'est le transport.

En conclusion, les auteurs pensent qu'il faut encourager et intensifier l'apport de capital et de savoir-faire extérieurs dans le secteur forestier des pays en développement, mais que de nombreuses questions absolument essentielles se posent: en particulier, dans quelles conditions l'opération doit-elle se faire du point de vue des deux parties? On étudiera certainement cette question fondamentale au cours des débats.

Les principaux problèmes soulevés dans ce chapitre touchaient le rôle des capitaux privés étrangers dans le développement de la foresterie et des industries forestières, un des points chauds discutés au cours des différentes réunions, colloques, etc. On ne devrait pas oublier toutefois que certaines conditions élémentaires doivent être remplies, que les capitaux soient nationaux ou étrangers. Roxas en parle; il indique que la première condition est la taille suffisante de la concession, et la seconde la sécurité de la terre. Si le titulaire ne peut pas revenir avant 35 ans récolter les réserves dans une superficie de forêt exploitée, la jouissance doit lui être garantie pour l'inciter à aménager et à préserver les réserves pendant leur période de croissance. C'est un engagement de ressources sur 35 ans pour chaque parcelle et pour chaque cycle. Aucune entreprise n'assumera la responsabilité et les dépenses liées à la surveillance, à la préservation et à l'aménagement des zones de forêt résiduelle si elle n'a pas l'assurance de pouvoir disposer du bois. Forestiers et industriels sont présents ici, espérons que le dialogue s'engagera sur ce problème.

ASPECTS SOCIAUX DES INDUSTRIES FORESTIÈRES

L'influence sociale que l'on s'accorde le plus à reconnaître aux industries forestières est celle qu'elles exercent sur l'emploi et le bien-être. On en trouve un excellent exemple chez Klabin qui décrit sept usines intégrées de pâte et papier du Brésil du Sud; en 1971, elles ont fourni 70 pour cent de la production brésilienne de pâte et 41 pour cent de celle de papier et de carton. Ces entreprises employaient directement plus de 11000 personnes; indirectement, elles en employaient davantage 14000 environ - grâce à la foresterie (abattage, plantations, transport). Grâce aux emplois directs et indirects créés par les entreprises de pâte et de papier, des pôles d'activité se sont maintenus, qui ont une importance considérable pour le développement de l'arrière-pays brésilien.

Quand on évalue l'influence des industries forestières sur l'emploi, on doit tenir compte des liens créés dans les deux sens. Dans les conditions des pays scandinaves telles qu'Eklund les décrit, la production, la récolte et le transport du bois ainsi que la distribution des produits créent au moins autant d'emplois que la transformation industrielle. Ces phases peuvent être accomplies avec un emploi intensif de la main-d'oeuvre ou avec des méthodes à fort coefficient de capital et hautement mécanisées, selon les conditions locales. On trouve chez Eklund l'exemple d'une entreprise de papier journal produisant 300000 tonnes par an; elle créera 600 emplois: 310 pour la fabrication, 110 pour les travaux forestiers et 180 pour la distribution du produit. Il existe une différence frappante entre les effets sur l'emploi en amont au Brésil et dans les pays scandinaves; dans ces derniers, un emploi dans une usine de papier créera 0,35 emploi dans le secteur forestier; au Brésil, le chiffre correspondant est de 1,3 selon Klabin; la mécanisation plus ou moins poussée des opérations forestières dans ces deux régions explique le phénomène. Ces différences se reflètent encore dans d'autres indices que vous trouverez dans les documents à votre disposition: pour créer un emploi dans l'industrie de la pâte et du papier au Brésil, il faut investir en moyenne 25000 dollars U.S., contre 7 à 12 fois plus dans les pays scandinaves.

Les documents présentés à la commission VII ne donnent pas les chiffres concernant l'influence sur l'emploi des transformations ultérieures de produits forestiers élémentaires tels que les sciages, les panneaux dérivés du bois, le papier, etc. N'y figurent pas non plus les chiffres concernant l'emploi chez les fournisseurs des industries forestières. Nous avons quelques indications sur l'étendue de ce dernier problème: Nelson dit que pendant l'année 1970 l'industrie du papier et des produits similaires aux Etats-Unis a expédié pour 24600 millions de dollars de marchandises et déboursé 5300 millions au titre de la rémunération du personnel. On a estimé qu'aux Etats-Unis cette industrie achète pour plus de 1000 milliards de dollars par an de produits chimiques. Les coûts de fret se montent aussi à environ la même somme. Les dépenses consacrées aux nouvelles usines et au renouvellement de l'équipement sont du même ordre. Il est évident que ces milliards de dollars impliquent la création d'un grand nombre d'emplois.

L'influence des industries forestières sur l'emploi grâce à la transformation complémentaire et à l'approvisionnement des industries et des services est donc considérable et on regrette de ne pas pouvoir la mesurer quantitativement. La discussion enrichira peut-être nos connaissances, ou du moins suggérera aux organisations compétentes d'entreprendre les études appropriées. Elles pourraient favoriser l'expansion des industries forestières.

Quelques secteurs se prêtent particulièrement à l'accélération du développement économique et social dans les pays en développement grâce à leur souplesse pour le choix du coefficient de main-d'oeuvre. Page voit dans la conversion primaire (en l'occurrence, le sciage de feuillus tropicaux) une possibilité de décollage pour les pays en développement parce que le niveau du coefficient de main-d'oeuvre peut être choisi et réglé selon les besoins économiques et sociaux de chaque région. Il souligne qu'on ne doit pas oublier le besoin vital des créations d'emplois dans les pays en développement; il indique que le coût de la main-d'oeuvre des industries forestières dans les pays développés est dix fois plus élevé que dans les pays en développement et qu'on doit en tirer parti. Smith a une opinion opposée: les industries forestières à fort coefficient de main-d'oeuvre sont traditionnelles dans les pays en développement, mais ce n'est pas toujours un choix heureux, surtout si l'on cherche à obtenir le plus grand développement économique. Elles offrent des possibilités d'emploi contre un investissement réduit en capital, mais elles parviennent rarement à réinvestir le capital comme l'exige la poursuite de la croissance économique. Les industries à fort coefficient de capital comme celle de la pâte et du papier obtiennent une haute productivité de la main-d'oeuvre et réalisent une longue suite d'économies externes qui stimulent l'expansion. Nous nous trouvons donc en face de deux vues opposées sur la façon dont les pays en développement devraient orienter au départ leur industrie forestière: fort coefficient de capital ou fort coefficient de main-d'oeuvre? C'est à nous d'apporter une réponse à cette question fondamentale. En attendant, citons Nelson, qui place le problème dans la perspective des Etats-Unis: la consommation individuelle des produits du bois rond et des sciages a diminué, mais elle a augmenté pour ceux du placage et surtout de la pâte. Bref, en Amérique du Nord, le bois s'est généralement maintenu en termes de volume total commercialisé, mais il a perdu du terrain par rapport aux tendances de la population et aux autres produits commercialisés. Le groupe des produits du bois qui a le plus souffert de cette évolution est celui que l'on consommait presque à l'état naturel, alors que les produits auxquels elle a le mieux réussi sont ceux que la fabrication éloigne le plus de leur état naturel. En d'autres termes, le changement s'est fait de la production à fort coefficient de main-d'oeuvre vers la production à coefficient de capital.

Nelson affirme plus loin que l'accumulation de capital qui accompagne la conversion de peuplements de bois d'œuvre de la vieille forêt naturelle en produits du bois fait apparaître la possibilité de faire progresser l'entreprise absorbant beaucoup de main-d'oeuvre vers un type à fort coefficient de capital. Une autre question se pose donc: A combien se monte, pour les industries forestières à fort coefficient de capital dans les pays en développement, l'accumulation du capital provenant de la conversion des peuplements de la vieille forêt naturelle en produits simples du bois?

Klabin souligne que les opérations forestières des grandes entreprises de pâte et de papier non seulement absorbent l'excédent local d'ouvriers agricoles, mais créent également des pôles d'activité dans un arrière pays encore à l'écart du développement. Les entreprises suscitent des activités intéressant le bien-être social, dont des écoles et des hôpitaux. Elles attachent une grande importance à leurs responsabilités sociales: elles font donner des cours et même des bourses d'études à l'étranger sur des questions techniques, mais aussi sur des sujets tels que la sécurité du travail et l'hygiène, les relations humaines, etc.

La croissance rapide des communautés autour des entreprises industrielles pose souvent de sérieux problèmes économiques et sociaux. Cela est bien décrit par Lansigan: quand l'entreprise s'établissait et que le campement se transformait en une ville ou un village permanent, le directeur trouvait souvent autour du site de son usine une communauté surpeuplée et vivant dans des taudis. Il était si absorbé par son travail qu'avant même de le savoir, il se trouvait face à des problèmes sociaux. Avec le temps, le caractère ordonné du siège de l'entreprise et le confort des habitations du personnel formaient un contraste tellement criant avec la surpopulation et la misère derrière les grilles que cela devenait un foyer constant de mécontentement. On peut remédier à ces situations si, comme le souligne Lansigan, l'entreprise adopte une politique sociale prévoyante. Lansigan donne comme exemple de cette politique l'ancien village de Mangagoy aux Philippines. Mangagoy avait une population de 150 habitants quand la Bislig Bay Lumber Company y commença, en 1952, ses opérations d'abattage et de sciage. L'entreprise fabriqua ensuite du contreplaqué et enfin du papier journal et du papier kraft. La population passa à 40000 habitants. Une croissance aussi rapide dépassa les capacités de la gestion municipale et l'entreprise se mit en devoir d'assurer elle-même une grande part des services sociaux et des installations: réinstallation des occupants illégaux de la forêt, construction et mise en service d'un hôpital, d'écoles, et même assistance et conseils aux petites exploitations agricoles locales. Tout cela fut accompli par les Bislig Community Development Projects à orientation sociale.

Le rôle que la Bislig Bay Lumber Company a joué dans la création d'une cité n'illustre pas seulement l'influence sociale importante des industries forestières, mais aussi la responsabilité immense que prennent les industries forestières ce faisant.

Cet exemple semble apporter une preuve aux affirmations de Nelson: lorsque les systèmes politique, économique et technique fonctionnent dans l'harmonie, ils doivent engendrer le progrès social et l'amélioration du bien-être général. Nelson souligne aussi le rôle que beaucoup de produits de la forêt jouent dans l'évolution des mœurs de notre société: dans les cinquante dernières années une révolution a eu lieu dans la distribution des produits commerciaux aux Etats-Unis. Le développement et la croissance de l'économie, auxquels s'ajoute la dispersion de la population dans les banlieues, ont créé d'énormes marchés pour les produits emballés dans du papier et du carton. Le carton d'emballage ondulé sert à expédier la plupart de nos aliments, de nos vêtements et de nos appareils ménagers de l'usine au foyer du consommateur. Sans notre carton d'emballage, un supermarché moderne ne pourrait pas fonctionner - et il est le rouage essentiel de notre système de distribution de produits domestiques. Voilà une société en mutation qui crée des marchés pour de nouveaux produits forestiers - et ceux-ci à leur tour accélèrent les mutations de la société. Reste à savoir si cette harmonie entre les mutations sociales et le développement des forêts industrielles se maintiendra.

Roxas pose une autre question: comment concilier la concentration nécessaire des ressources et une large distribution des bénéfices? Selon Roxas, il faudrait s'assurer que la propriété d'une compagnie exploitant des ressources naturelles soit répartie aussi largement que possible. En d'autres termes, la gestion des ressources doit être confiée à des sociétés publiques disposant des capitaux, des cadres et des compétences techniques qui leur permettent de conserver et d'exploiter les ressources dans les meilleures conditions. Mais la propriété de ces entreprises doit être répartie aussi largement que possible. La Paper Industries Corporation (PICOP) est un complexe unique dans l'industrie des ressources forestières aux Philippines: c'est la seule société qui ait distribué ses actions ouvertement et largement. De toutes les entreprises ayant une concession sur le bois d'oeuvre, c'est elle qui a le plus grand nombre d'actions individuelles (11000). Lorsqu'on traite les aspects économiques et sociaux de l'utilisation des ressources forestières, il ne faut pas négliger un secteur qui apporte de très grandes possibilités d'emplois - créés d'ailleurs pour un coût en capital pratiquement négligeable. Il s'agit des produits forestiers mineurs, qui comprennent les gommes naturelles, les résines, les semences, les produits de tannage, le liège, le rotin, le charbon de bois, etc. Outre les emplois, ils apportent aussi souvent des recettes considérables en devises étrangères. Prenons par exemple la valeur des graines oléagineuses, des noix et des amandes exportées en 1966 par l'Ethiopie (250 millions de dollars) et par le Nigeria (200 millions de dollars). Le Soudan a exporté pour 20 millions de dollars de gomme arabique en 1965 et l'Argentine 107000 tonnes d'extrait de tanin du quebracho en 1968.

Le document de Rique met en lumière l'importance des produits forestiers mineurs pour le développement socio-économique. D'autres documents traitent de produits spécifiques: Szczerbakow traite du développement des nouvelles méthodes pour stimuler la coulée de la résine, qui sont essentiellement de son invention; Blanchi fait un exposé sur la composition chimique de la gomme bréa; Gurgel et Vencovsky font un rapport sur la recherche de l'extraction de la gomme bréa au Brésil; Oiwa et Kishimoto, comme on l'a dit au point 1, décrivent l'utilisation des déchets d'hévéa pour la production de charbon de bois; de Oliveira décrit l'utilisation possible des déchets de liège pour l'amélioration du sol. La plupart de ces documents concernent essentiellement les aspects techniques des produits forestiers mineurs. On espère donc que l'expérience des participants apportera quelques précisions sur les aspects sociaux possibles et montrera en particulier quelle influence ces industries peuvent avoir sur l'emploi dans les pays en développement.

Le potentiel social de ce secteur assez méconnu des produits forestiers mineurs semble confirmer l'idée dominante du discours de Steenberg au congrès: d'autres possibilités de progrès économique et social dans le secteur forestier attendent d'être découvertes. Les débats pourront peut-être s'engager dans cette voie.

3. Les industries forestières et l'environnement

Deux documents seulement sont consacrés exclusivement à ce sujet, mais plusieurs autres abordent les problèmes de l'environnement d'une façon ou d'une autre. Rien de surprenant à cela puisque nous nous soucions désormais de préserver l'environnement et que toute entreprise industrielle doit en tenir compte. On distingue trois thèmes dans les documents qui traitent directement ou non de la préservation de l'environnement et des ressources naturelles: conservation des ressources non renouvelables grâce à l'utilisation de plus en plus fréquente du bois; problèmes des résidus forestiers; diminution de la pollution dans les industries forestières.

Morgan aborde le problème de la conservation des ressources naturelles de très loin. Il souligne que la croissance démographique l'amélioration du niveau de vie mondial pourraient être entravées à l'avenir par les quantités limitées des ressources non renouvelables. Substituer des ressources renouvelables à des ressources non renouvelables lorsque c'est possible pourrait prolonger de beaucoup la durée des réserves de ces dernières. Le bois est tout à fait indiqué pour ce genre d'opération parce qu'il permet de conserver les combustibles fossiles non renouvelables et les minéraux de première importance; il contribue à maintenir la température, l'humidité et la composition de notre atmosphère; il augmente l'utilisation par l'homme de l'énergie solaire. Le bois, étant biodégradable, ne pose pas de problèmes de déchets et il est lui-même une source d'énergie.

Le raisonnement de Morgan est influencé par l'étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) due à l'initiative du Club de Rome et publiée dans Limits to growth... 2 Cette étude souligne que la population, le revenu individuel et les besoins augmentent de façon exponentielle sur une planète possédant des ressources naturelles non renouvelables finies et une capacité finie de maintenir l'équilibre de la vie; elle essaie ensuite de répondre à la question: quel sera le premier facteur à limiter la croissance: la terre, le capital, les ressources non renouvelables, la pollution ou la technologie? Elle estime que s'il n'y a pas de changement majeur dans les valeurs humaines ou dans le système mondial d'interactions de la population, du capital, etc., l'épuisement des ressources non renouvelables sera la première cause de l'effondrement. L'utilisation du bois permettrait de conserver des ressources naturelles non renouvelables

2 Limits to growth... par D.H. Meadows et al., New York. Universe Books, 1972, aussi importantes que le fer, l'aluminium, le pétrole, l'étain et le gaz naturel.

Bien que les conclusions du MIT inspirant le raisonnement de Morgan ne soient pas indiscutables (peut-être quelques participants auront-ils même envie de donner leur opinion à ce sujet), elles influencent souvent la pensée des responsables des politiques. Mais quant à la portée réelle de la philosophie de Limits to growth... sur la demande de bois - il ne semble pas que l'unanimité soit faite entre les forestiers, même lorsqu'ils se réfèrent exactement aux mêmes conditions et viennent du même pays. Je pense aux théories de Pierovich et Smith: l'intérêt du public à l'égard de la pollution ou de l'épuisement des ressources dû à la transformation des ressources non renouvelables qu'on substitue au bois peut à la longue augmenter considérablement la demande de bois, mais ce n'est pas certain. Ils estiment cependant que celle-ci augmentera sous l'effet de pressions économiques et mésologiques: le public s'inquiète de plus en plus du coût de la pollution et de l'épuisement des ressources en matériaux rivaux du bois. Limiter le traitement des substances pétrochimiques et des métaux augmenterait les coûts et les prix et créerait une forte demande de bois. Une autre possibilité serait de substituer les résidus forestiers aux combustibles fossiles et aux centrales d'énergie hydro-électriques. Ces divergences alimenteront certainement le débat. Quoi qu'il en soit, on s'accorde, semble-t-il, à reconnaître la tendance à l'utilisation accrue du bois qui, selon Morgan, doit aller de pair avec un effort d'ensemble pour accroître les disponibilités, par exemple en augmentant les rendements, les quantités enlevées et le coefficient d'utilisation de celles-ci.

L'utilisation plus intensive du bois coupé dépend - entre autres choses - de la mise au point de techniques concernant les produits des résidus. En dépit d'un progrès considérable pour l'utilisation des résidus industriels (voir point 1), les résidus forestiers continuent à poser un grave problème tant pour l'économie que pour l'environnement. Pierovich et Smith en donnent la raison: la recherche industrielle et les organismes de développement continueront probablement à s'occuper surtout des résidus d'usine, négligeant les résidus forestiers. Pour les entreprises de transformation du bois, c'est logique; la livraison de la matière première à l'usine et les premières transformations ont déjà occasionné des coûts. Ils indiquent que les résidus forestiers, outre qu'ils représentent un danger d'incendié et polluent les cours d'eau, sont peu esthétiques et empêchent les plantations ou d'autres formes de régénération. Ils démontrent l'ampleur du problème en donnant pour exemple les forêts de Douglas verts coupées à blanc sur la côte ouest de l'Amérique du Nord; les résidus forestiers atteignent 450 tonnes à l'hectare. Les résidus des coupes à blanc sont utilisables à concurrence de 50 à 70 pour cent, mais il n'est pas facile de décider quelle peut être leur meilleure utilisation; les auteurs offrent aux forestiers quelques idées claires pouvant les guider.

Plusieurs documents présentés à la commission VII traitent de ce qu'on appelle communément «l'utilisation complète de l'arbre». On espère qu'avec le temps l'utilisation complète de l'arbre fera diminuer les pressions de l'économie et de l'environnement sur les forêts. Koch estime par exemple que le tonnage des produits commercialisables fabriqués à partir d'un peuplement moyen de pins du Sud pourrait doubler entre 1960 et 1980. On méditera certainement cette affirmation audacieuse (qui tient compte non seulement du bois, mais aussi des aiguilles et de l'écorce). Morgan cite des résultats réellement obtenus: on enlève environ 56 pour cent d'un arbre des terres de la Weyerhaeuser Company contre 39 pour cent en 1950. Morgan considère cependant que l'on peut encore améliorer ce pourcentage et que, sous peu, on utilisera 96 pour cent de la matière première au-dessus du sol dans les peuplements de pins du Sud, 83 pour cent pour les feuillus du Sud et 90 pour cent pour les Douglas verts. Si l'on y parvient vraiment, ce sera non seulement un apport économique considérable, mais aussi une extraordinaire amélioration pour l'environnement.

Pourtant, ce ne sont pas les résidus forestiers qui représentent le plus grand danger pour l'environnement, mais les industries forestières, en particulier celles de la pâte et du papier. Freyschuss affirme que l'émission des déchets de cette industrie a toujours nui à l'environnement: poussières, anhydride sulfureux, gaz malodorants des usines de pâte polluent l'air. Des déchets solides, organiques ou non, se dissolvent lentement dans les eaux où ils se déversent, modifiant l'équilibre en oxygène du système et portant atteinte à ses organismes vivants. Les déchets organiques dissous causent les principaux dégâts; leur biodégradation transforme profondément l'équilibre en oxygène et peut être toxique pour les organismes aquatiques.

Il existe une technique pour réduire fortement ces déchets et on peut espérer qu'elle se développera d'ici dix ans. Steenberg a indiqué que parmi les nouveaux efforts de recherche de l'industrie de la pâte et du papier, les plus importants actuellement sont ceux qui s'attaquent aux problèmes de la pollution. Les atteintes qu'ont déjà subies bon nombre de rivières, lacs et littoraux peuvent être réparées dans la plupart des cas à condition qu'on déverse beaucoup moins de déchets. Des améliorations considérables ont été réalisées au cours des dernières années. Pour que de plus grands progrès soient possibles, il faut financer la lutte contre la pollution. Freyschuss indique que la réorganisation des industries forestières qui permettrait de résoudre le problème de la pollution demande d'énormes investissements et grèvera le budget d'exploitation. Cette lutte entraînera la fermeture d'ici dix ans des usines petites et anciennes, qui n'ont aucune chance de résoudre les problèmes de pollution à un coût raisonnable. La solution de ces problèmes - s'ajoutant à d'autres facteurs - modifiera donc la structure technique et économique des industries forestières.

Les débats ne pourront entrer dans les détails hautement techniques se rapportant à la diminution de la pollution dans l'industrie de la pâte et du papier. De nombreuses rencontres nationales et internationales ont lieu régulièrement dans toutes les parties du monde. Mais nous ne pouvons certainement pas rester indifférents à certaines questions essentielles: quelle est la place de l'industrie de la pâte et du papier parmi les autres industries polluantes? Quel est le coût de la diminution de la pollution? Ce coût doit-il être supporté par l'industrie seule? Et quelle en sera l'influence sur les prix? (Nous le savons pour d'autres industries; par exemple, enlever 85 pour cent de BOD5 [demande biologique en oxygène] des effluents d'une usine d'Amérique du Nord produisant 750 tonnes par jour de pâte au sulfate blanchie augmente d'à peu près 4 pour cent les coûts totaux de fabrication d'une tonne de pâte.) Pour 98 pour cent, le coût est augmenté d'environ 12 pour cent, et pour une pollution nulle, on peut penser que ce chiffre serait de 40 pour cent. Une autre question revêt une importance particulière pour tout le secteur forestier: quelle sera l'influence de l'augmentation du coût de production de la pâte et du papier sur les plans d'expansion de cette industrie et par conséquent sur la demande de bois?

Les problèmes de pollution n'épargnent pas les autres industries forestières. Celle des panneaux de fibres - la plus voisine de l'industrie du papier utilisant le procédé humide - a réussi à diminuer la pollution. Asplund souligne que l'on a apporté beaucoup de soin à la régénération des eaux usées par la méthode humide. La consommation d'eau douce a été réduite à environ 3 mètres cubes par tonne de panneaux produits - et parfois moins. Aucune eau usée ne sort de l'usine. Cela a permis d'installer des usines de panneaux de fibres dans des sites où l'eau est rare. Or, on le sait, ce sont justement les difficultés pour trouver des endroits favorables aux usines de panneaux de fibres utilisant la méthode humide (difficultés provoquées par la pollution des eaux) qui ont favorisé le développement de cette production par la méthode sèche. Asplund nous apprend que, grâce à la nouvelle technique qu'il décrit dans son document, la méthode humide est désormais affranchie des contraintes du site. Cela exige, semble-t-il, une réévaluation complète des nouveaux investissements dans le secteur des panneaux de fibres. Le document d'Asplund semble ranimer une querelle vieille de plus de dix ans entre partisans de la méthode sèche et de la méthode humide. Les participants étudieront certainement ce problème et essaieront de répondre à des questions plus précises: l'énorme réduction de la consommation d'eau dont parle Asplund ne menace-t-elle pas la qualité du produit? Les usines utilisant la méthode sèche ont-elles vraiment résolu tous les problèmes de pollution (pollution de l'air par les poussières des panneaux, danger d'incendie, etc.)?

Les déchets solides des industries forestières autres que celle de la pâte et du papier et celle des panneaux de fibres posent des problèmes de pollution beaucoup moins importants. L'utilisation de la sciure pour la production de pâte, de panneaux de fibres et de panneaux de particules est devenue tout à fait courante. Même les poussières provenant du ponçage des panneaux de particules sont souvent réutilisées (voir point 1).

Nous considérons ici l'utilisation des résidus du bois dans le contexte de l'environnement. Il va de soi qu'ils posent aussi un grave problème économique. En U.R.S.S., par exemple, selon Vorobiov, tout le secteur des forêts et des industries forestières au cours de cette décennie est axé sur l'utilisation complète des déchets de bois accumulés au cours de toutes les étapes ou phases de la transformation depuis l'abattage, en passant par les scieries, les combinats de pâte et de papier, jusqu'à la commercialisation finale.

Seuls les déchets d'écorce, dont la quantité est énorme, posent encore, selon Freyschuss, un problème important en beaucoup d'endroits et il n'existe actuellement aucune technique permettant de réutiliser économiquement la plus grande partie de l'écorce. La destruction par le feu et l'utilisation pour les remblais sont encore les seules méthodes dont on dispose pour s'en débarrasser - seules des quantités infimes sont utilisées autrement. Pour donner une idée de l'ampleur du problème, Maloney et Marra rapportent qu'aux Etats-Unis les industries de transformation primaires produisent 14 millions de tonnes d'écorce. Les chercheurs s'intéressent de plus en plus à ce problème, et peut-être le prochain congrès laissera-t-il entrevoir une solution.

Au début de ce chapitre, nous avons décrit le rôle des industries forestières dans la conservation des ressources non renouvelables. Il ne faut cependant pas oublier que ces industries peuvent aussi jouer un rôle de première importance en protégeant les ressources renouvelables, c'est-à-dire la forêt. Le document de Roxas est là pour nous en convaincre. Après avoir décrit la destruction irréversible des forêts tropicales dans beaucoup de pays en développement, il montre comment la Paper Industries Corporation of the Philippines (PICOP) concilie exploitation et conservation. La PICOP a utilisé entièrement les ressources de la forêt, dépassant le stade de l'abattage et du contreplaqué et utilisant tous les déchets forestiers et les déchets d'usine pour la pâte et le papier. Puisque l'utilisation complète des produits forestiers est rentable, et puisque le demi-milliard de pesos investi dans une usine permanente et dans l'amélioration des terres doit être récupéré sur une longue période, il devient essentiel pour l'entreprise d'assurer un approvisionnement ininterrompu de matières premières forestières. Un complexe industriel de ce genre considère qu'il appartient à l'industrie de maintenir la pérennité de la forêt et de l'exploiter selon un cycle de régénération et de croissance qui l'entretienne perpétuellement.

Cet intérêt économique des industries forestières pour l'entretien perpétuel des forêts se trouve mentionné dans différents contextes par plusieurs autres documents. Au cours des débats, on analysera sans aucun doute avec attention les relations essentielles entre forêts et industries forestières, on étudiera les distorsions et les abus qui se sont souvent produits par le passé dans ce domaine et on fera des propositions pour renforcer les liens entre ces deux secteurs inséparables de l'économie.

Documents présentés à la commission VII

1. TENDANCES ET PERSPECTIVES DE L'UTILISATION INDUSTRIELLE DU BOIS

Mémoires généraux

Cardenas, P.R. Practical experiences in pulping mixed tropical hardwoods

Chittenden, A.E. Wood and cement - past and future

Giordano, G. Tendances et perspectives dans l'utilisation industrielle du bois

Gonzales Flores, R., Barrios, E.D. & Panduro, F.M. Utilización de los productos forestales tropicales - sus tendencias y perspectivas

Higgins, H.G. et al. Pulping of tropical hardwoods

Koch, P. Changing raw material supplies and their effect upon wood processing technology

Pierovich, J.M. & Smith, R.C. Choosing forest residues management alternatives

Pleydell, G.J. Increasing the utilization of secondary species through the manufacture of wood-based panels

Price, E.A.S. Economic approaches to wood preservation

Vorobiov, C.I. Main trends in forest utilization and forest management in the U.S.S.R.

Mémoires spéciaux

Bianchi, E.M. Composición química de la goma de «Brea»

Booth, H.E. Secondary species development

Borgin, K. The stability and durability of wood from pines grown in cold and warm climates

Bosman, O.L. Research for the sawmilling industry in South Africa

Cámara Argentina de la Industria de Maderas Terciadas Las reforestaciones jóvenes y la provisión de materias primas para la industria de maderas compensadas

Campa, J.P. et al. Obtención de materiales madera-polimero

de Oliveira, A.L.F. La caractérisation physico-chimique des résidus de la préparation des planches de liège (poudre de liège, liège pulvérisé)

Ferreira, M. Wood specific gravity variations on Eucalyptus grandis Hill ex Maiden at 11, 12, 13, 14 and 16 years

do Amaral Gurgel Filho, O. & Vencovsky, R. Research and experimentation on gum extraction

Hallak, E. Aglutinantes minerales para aprovechamiento de serrin de madera

Karstedt, P. & Mesa, M. Descripción anatomica del xilema de los cuatro pinos endemicos de Cuba

Keer, G.A. Timber drying - its economic justification

Lizarrago, A.J.B. & Hilal, S.J. Efectos del «Corazón rojo» o «Mancha roja» del quebracho blanco en los caracteres del leño

Lombardi, C.R. Ensayo de una máquina peladora de rollizos de quebracho colorado

Monsalud, M.R. Forest products research in the Philippines

Moul, A.A. High recovery bandsawing techniques for sawmills

Oiwa, Y. & Kishimoto, S. Development of charcoal-making process using rubber wood as raw materials in Malaysia

Oktem, E. Comparison of the bond degrade - accelerating systems of national ply-wood standards

Ostalski, P. & Grochowski, W. Utilization of wood barking discards in Poland

Preston, S.B. Information requirements for expanding markets for tropical woods

Renero, G. La escasez de madera y el uso de sustitutos durante períodos prolongados distorsiona los esquemas de consumo en perjuicio de la población

Szczerbakow, K. New methods of stimulating resin flow

Tagudar, E.T. Forest research in the wood industry in the Philippines

2. ASPECTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DES INDUSTRIES FORESTIÈRES

Mémoires généraux

Dow, E. The role of foreign capital in forest industries development in developing countries from a developing country's point of view

Eklund, R. A comparison of value added and some other features of different forest industries

Mottet, A. Considérations théoriques sur une participation plus active de la forêt au développement économique régional

Nelson, A.W. Social effects of changing pattern of forest industries development

Page, M. Hardwood sawmilling: an economic means of assisting social development in tropical regions

Rique, T. Los industriales y la busqueda de nuevos productos extrativos forestales para lograr un aporte positivo al desarrollo económico y social del hombre

Uyemura, T. How to develop the forest products industry

van der Walt, Laurens, H.C. & van Vuuren, M. Planning and management of saw-mills for the conversion of softwood sawlogs from man-made forests

Yoho, I. The role and responsibilities of foreign capital for developing forest industries in developing countries

Zañartu, E., Ortiz, M. & Yudelevich, M. La contribución de las plantaciones de pino en el desarrollo de las industrias forestales de Chile

Mémoires spéciaux

Asplund, A. Trends and development in the manufacture of fibreboard

Cullity, D. Trends and developments in the manufacture of veneer and plywood

Garnum, E. Development of forest industries in Latin America and their contribution to economic growth

Klabin, S. Industry, forestry and the human factor - the case of the Brazilian pulp and paper industry

Lansigan, N.P. Wood industry and social amelioration

Maloney, T.M. & Marra, G. Trends and developments in the manufacture of particle boards (North American situation)

Meyer, K.R. Development of forest industries in Africa

Nylinder, P. The payment ability of softwood for pulping and sawmilling

Partyka, T. Optimization calculus in a long-term plan for the forest wood-working industry system

Picornell, P.M. The first newsprint mill in S.E. Asia

Roxas, K.S. Paper Industries Corporation of Philippines - a module for the management of the forest of a developing country

Smith, K.B. Choosing forestry investments for developing nations

Stacey, D. Development of forest industries in Asia and the Far East and their contribution to the economic growth

Trutter, G. Trends of development of the particle board industry in Europe

3. LES INDUSTRIES FORESTIÈRES ET L'ENVIRONNEMENT

Freyschuss, S. Adapting forest industries to changing environment

Morgan, H.E. An industrialist looks at multiple forest uses

Rapport

Tendances et perspectives de l'utilisation industrielle du bois

UTILISATIONS NOUVELLES DES ESSENCES TRADITIONNELLES

1. L'expansion du marché mondial des produits forestiers et l'épuisement de ressources traditionnelles ont conduit à des changements marqués dans la technologie et à l'utilisation de nouvelles ressources toujours plus intensément aménagées.

2. De la forêt au marché, la tendance s'oriente vers l'extraction et l'utilisation intégrales. Les stations de classement mécanisé permettent une sélection optimale des grumes en fonction de la valeur de récupération. Les poteaux, pilotis et grumes de placage ont en général la valeur la plus grande; les grumes de sciage ont une valeur moyenne et le bois à pâte est celui qui vaut le moins.

3. On utilise de plus en plus les bois de petite dimension. Grâce aux techniques nouvelles, on obtient des contreplaqués à partir de grumes de 25 centimètres de diamètre et des sciages à partir de grumes de 15 centimètres. On a réussi à réduire notablement les pertes de sciage et de délignage en utilisant des scies à lame fine et des machines à copeaux. On a perfectionné le sciage des petites grumes de feuillus mal conformées. On améliore et on utilise de plus en plus l'équipement et les méthodes qui permettent de transformer avec beaucoup moins de pertes les grosses billes de sciage de feuillus des forêts primaires.

4. Les nouvelles technologies permettent de tirer parti des copeaux de rabotage, de la sciure et même de la poussière produite par les polisseuses. Ces processus ont à leur tour pour résultat une plus grande disponibilité de copeaux et de fibres pour la pâte et pour une gamme toujours plus variée de panneaux. En fait, dans un nombre croissant de pays, les scieries et les fabriques de contreplaqué moyennes et importantes doivent, si elles veulent subsister, trouver des débouchés pour leurs résidus. Néanmoins, il convient d'observer que la tendance à une plus forte disponibilité de résidus commercialisables ne doit pas porter préjudice au débit et à la qualité des produits de base tels que les sciages et les placages.

5. On a réussi maintenant à élargir le champ des applications et à améliorer la qualité du bois et des produits du bois grâce à l'emploi croissant des techniques qui permettent la fabrication de lamellés-collés, d'éléments structurels, d'éléments à joints digitiformes, de panneaux collés sur chant et des techniques perfectionnées de classement selon le degré de résistance, toutes choses qui augmentent le rendement et les possibilités de commercialisation.

6. Les différences entre les panneaux de fibres et les panneaux de particules sont moins marquées depuis qu'on fabrique par voie sèche et par voie humide davantage de panneaux de fibres épais de densité moyenne, et qu'on fabrique des panneaux de particules à fibres et copeaux mélangés dans de plus larges gammes d'épaisseurs, de textures superficielles et de densités. Ces progrès ont augmenté considérablement la base des matières premières utilisées dans l'industrie des panneaux de bois reconstitué.

7. L'industrie de la pâte et du papier étend également sans cesse sa gamme de produits sous l'influence des progrès technologiques, des variations de l'approvisionnement en matière première et des exigences du marché. L'utilisation croissante des fibres courtes pour des produits - par exemple le papier journal - qui se fabriquaient traditionnellement avec des fibres longues, est particulièrement intéressante.

8. Ces tendances se répercutent déjà sur l'aménagement forestier car l'industrie a pris des mesures pour s'assurer d'une façon mieux appropriée la fourniture des matières premières dont elle aura besoin à l'avenir. Elles créent des problèmes et ouvrent aussi des possibilités nouvelles dans l'aménagement des ressources. Le degré d'élagage, les procédés mécaniques d'éclaircissage et la longueur de coupe des arbres sont maintenant entièrement conditionnés par les besoins futurs de l'industrie.

ESSENCES SECONDAIRES

9. Le problème de l'utilisation efficiente de ce qu'on appelle les essences a secondaires» des forêts mixtes est plus aigu dans les régions forestières tropicales, mais il ne concerne pas exclusivement ce milieu.

10. Si l'on considère les possibilités de réalisation, l'étendue des ressources et la pauvreté des résultats obtenus jusqu'ici, l'utilisation industrielle des essences secondaires exige un effort mondial de planification, coordonné à différents niveaux d'intégration. On ne trouvera probablement pas de solutions générales qui pourraient avoir une application universelle. A leur place, on devrait rechercher et appliquer des solutions régionales et locales qui s'adaptent aux différentes conditions.

11. La plus grande chance de succès semble résider dans la possibilité d'intégration des différentes utilisations pour tirer parti de la totalité des produits du bois, des débouchés commerciaux, des infrastructures et des sources de financement.

12. Le but principal devra être la mise au point de procédés éclectiques dans lesquels l'individualité des essences disparaît pour une large part, par exemple, la production de la pâte ou celle de produits composites.

13. Un assemblage approprié des espèces pour la fabrication de matériaux de construction répondant aux spécifications d'utilisation contribuera à faire mieux accepter les bois secondaires sur le marché de la construction, qui est le plus grand débouché des industries mécaniques du bois.

14. En ce qui concerne la pâte et le papier, on connaît la réussite de vastes opérations commerciales basées sur l'utilisation de feuillus tropicaux mélangés. Il faut cependant se rappeler qu'il n'y a pas de solution générale et que tout mélange d'essences doit être soigneusement étudié du point de vue technique et du point de vue économique. Les chances de succès sont plus grandes si la pâte est destinée au marché intérieur. Lorsque les marchés internationaux sont concernés, priorité doit être donnée aux projets «en circuit fermé».

15. Pour faciliter et accélérer la création de marchés pour les pâtes de feuillus tropicaux mélangés, il faut encourager l'étude de leurs propriétés et de leurs possibilités d'utilisation dans diverses formules de pâte. Il faudrait coordonner l'effort pour assurer la comparabilité des résultats obtenus avec différentes essences provenant de régions diverses, y compris les essences exotiques de plantation et les feuillus de la zone tempérée.

16. Les essences tropicales mélangées ont été utilisées aussi avec succès dans des produits de l'industrie mécanique du bois tels que les contreplaqués structurels, les sciages de construction convenablement conditionnés et calibrés, les laminés-collés, etc. Ces utilisations sont quelquefois combinées avec la production du charbon de bois utilisé en métallurgie comme combustible ou dans l'industrie chimique.

17. Une solution pratique, dans certaines zones, est le remplacement des forêts naturelles mixtes par des plantations de monoculture après la réalisation optimale des boisements existants. Il doit être cependant bien entendu que ces forêts tropicales complexes constituent un des écosystèmes les plus fragiles. Par conséquent, leur conversion en plantations n'est pas toujours la meilleure solution à long terme. La complexité du problème réclame une planification prudente au niveau national et au niveau international afin d'éviter l'adoption de solutions de détail à courte vue qui ont déjà produit une dégradation des forêts et rendu leur exploitation anti-économique.

LES PLANTATIONS

18. Dans les plantations de résineux, on vise à la production intégrale de pâte, de bois de sciage et de panneaux afin d'obtenir de plus hauts revenus par hectare. Les plantations de feuillus n'ont, en général, pas atteint ce niveau d'utilisation intégrée. Elles essaient fréquemment d'obtenir des revenus élevés grâce à une grande production de bois à pâte par hectare. Ainsi se pose le problème de la sélection des espèces pour l'établissement de la future plantation. Les résineux semblent offrir de plus larges options puisqu'ils peuvent fournir du bois de sciage, du contreplaqué de construction et des panneaux de particules aussi bien que de la pâte. Quand il existe un marché sûr pour la pâte et pour certains types de panneaux, les feuillus peuvent être préférés en raison de leur haut rendement en bois par hectare, bien que la technologie de leur transformation soit en général plus complexe.

19. La nécessité de valoriser, pour certaines utilisations, les contreplaqués, panneaux de particules et autres produits des forêts de plantation, est en train d'unir la foresterie naturelle et la foresterie artificielle; le bois tout-venant d'essences feuillues des forêts naturelles est utilisé comme placage intérieur de contreplaqués avec parements en bois de résineux de plantation, et comme couche centrale dans des panneaux de particules à parements en pin de plantation. Le bois de placage d'essences feuillues de la forêt tropicale mixte est utilisé pour revêtir les panneaux de particules.

20. L'utilisation croissante du bois de plantation fait apparaître une complète interdépendance entre la technologie, l'économie et la gestion des plantations et celles des industries forestières utilisatrices. Il existe de grandes possibilités d'accroître les revenus des investissements par la coordination des programmes d'aménagement des plantations avec les technologies industrielles, la production intégrée et le développement des marchés. Une coopération étroite entre les industriels, les sélectionneurs et les directeurs de plantations est particulièrement nécessaire afin de sélectionner et améliorer les essences et de déterminer les stations optimales.

RECHERCHE SUR LES PRODUITS DU BOIS

21. La recherche sur les produits forestiers devrait, en développant les ressources forestières nationales, profiter à l'ensemble de la population. Elle devrait contribuer à l'utilisation intégrale des ressources forestières et à leur conservation en étudiant des solutions pratiques, axées sur le marché et tendant à améliorer le traitement, la récupération et l'utilisation des produits forestiers de manière à réaliser des progrès utiles à l'économie nationale en développement. Les grandes entreprises industrielles forestières possèdent souvent leurs propres services de recherche. Les petites entreprises peuvent également parrainer les recherches en s'associant ou en se groupant. On peut citer déjà de bons exemples d'une pareille coopération. Les gouvernements peuvent encourager ces initiatives par des dégrèvements fiscaux. L'aide et le parrainage de l'Etat sont particulièrement nécessaires quand la recherche intéresse surtout des entreprises petites et dispersées, par exemple les industries mécaniques de la forêt. Les institutions valent ce que vaut leur personnel et il faut s'efforcer d'améliorer la condition matérielle et intellectuelle du chercheur et du technicien pour retenir le personnel de valeur dans le pays intéressé.

22. Les besoins d'enseignement et de formation continuent de s'accroître dans les industries forestières à mesure que les processus de fabrication deviennent plus complexes. Il est indispensable de mettre à jour les connaissances des cadres moyens de l'industrie. La pénurie de manuels d'enseignement et de formation modernes et adaptés aux besoins des pays en développement constitue un sérieux problème. Dans les entreprises moyennes, il faut aussi élargir la compétence des cadres supérieurs dans de nombreux domaines: budget et planification financière, emploi des ordinateurs pour le contrôle des fabrications et la planification, technique et économie de la lutte contre la pollution et de l'aménagement des ressources dans le cadre de la conservation de l'environnement.

Aspects économiques et sociaux des industries forestières

23. En vue de l'établissement d'une politique nationale de développement des industries forestières, les planificateurs et les autorités doivent prendre en considération non seulement la viabilité financière des projets qui, pour une entreprise privée, est le critère décisif, mais aussi d'autres critères nécessaires pour évaluer pleinement les aspects sociaux et économiques du développement industriel, par exemple l'impact des industries sur la croissance économique, l'emploi, la balance des paiements, les ressources critiques (moyens de financement, cadres, forêts, eaux, etc.), l'environnement et le besoin de coopération internationale. L'ouverture de régions nouvelles, le renforcement des régions sous-développées et l'investissement public dans les infrastructures sont particulièrement importants dans le cas des industries forestières. Les industries forestières sont souvent les premières à provoquer la transformation sociale des régions sous-développées en fournissant de l'emploi, des infrastructures et des services (écoles, hôpitaux et autres institutions).

24. Dans le développement des industries forestières, qui est basé sur une grande diversité de matières premières ligneuses, les buts, les contraintes et les priorités varient considérablement d'un pays à l'autre. Comme les méthodes d'évaluation des projets individuels et des différentes branches de l'industrie présentent un intérêt mondial, l'analyse des critères économiques et sociaux et l'échange international d'informations devront être plus poussés afin d'aider les planificateurs et les responsables à promouvoir un développement solide. Il faut veiller aussi aux interrelations avec les autres industries et infrastructures: transports maritimes, industries chimiques, industries mécaniques.

25. Les industries forestières comprennent une grande variété de secteurs ayant chacun leurs caractéristiques économiques et sociales. Certaines, comme les scieries et les entreprises de transformation secondaire, sont moins sensibles aux économies d'échelle, cependant que d'autres, comme les fabriques de pâte chimique, de papiers bouffants et de cartons, ont une économie d'échelle très prononcée et un taux de capitalisation élevé. Le premier type d'industries est bien adapté aux premiers stades du développement économique, cependant que l'autre crée des problèmes structuraux parce qu'il a besoin de marchés, d'approvisionnements et de ressources financières considérables, de cadres et de main-d'oeuvre expérimentés, ainsi que d'un système approprié de distribution et d'infrastructure.

26. L'intégration des industries forestières est nécessaire pour une utilisation optimale des différentes essences, dimensions et qualités, pour la récupération des déchets et pour économiser le capital et la main-d'oeuvre. Les lourds investissements d'infrastructure dans les zones nouvelles exigent fréquemment une utilisation intégrée des ressources, mais en raison des exigences globales élevées en ressources financières et humaines, un développement graduel par étapes devra être envisagé.

27. La transformation primaire augmente de deux à trois fois la valeur du bois rond récolté, les transformations primaires et secondaires prises ensemble l'augmentent de cinq à dix fois. Par conséquent, le but de chaque nation doit être d'arriver à une transformation aussi poussée que la viabilité financière des industries le permet.

28. Comme les frets maritimes représentent souvent de 30 à 60 pour cent des prix caf des produits du bois exportés par les pays en développement, tous les efforts devront être faits pour améliorer les méthodes, installations et organisations portuaires et maritimes. Une analyse de la structure des coûts de transformation et d'expédition du bois produit dans les pays en développement est nécessaire pour évaluer les perspectives d'une transformation plus poussée au voisinage des sources de production. Le transport maritime spécialisé et la révision des frets doivent être mis à l'étude de toute urgence.

29. La répartition équilibrée des recettes entre la production, la récolte, le traitement et la distribution nécessite un juste établissement des prix. Afin de promouvoir une production rentable, l'établissement du prix du bois rond devrait tenir compte de la valeur industrielle du bois selon les espèces, les tailles et les qualités. En raison des nombreux bénéfices économiques et sociaux qui découlent de la foresterie, des industries forestières et des activités économiques associées, les encouragements fiscaux et autres sont utilisés avec succès pour promouvoir les investissements forestiers.

30. Les produits forestiers mineurs (résine, gomme, solvants, etc.) devraient recevoir une attention soutenue dans les plans nationaux, compte tenu du rôle socio-économique considérable qu'ils jouent dans plusieurs pays en raison de la main-d'oeuvre abondante et des capitaux réduits qu'ils nécessitent.

31. Les perspectives indiquent que les exportations de produits forestiers manufacturés vers les pays industrialisés devraient s'accroître constamment. Les industries des pays en développement pourraient avoir intérêt à s'associer aux industries déjà bien établies des pays développés pour obtenir non seulement une aide financière et administrative mais aussi une consultation technique, des débouchés assurés, une organisation de vente puissante. Les pays en développement et les pays développés devraient promouvoir leur commerce des produits forestiers sur la base de l'égalité et de l'intérêt mutuel. Les investisseurs étrangers doivent respecter strictement la souveraineté et l'égalité de droits des pays en développement et les investissements doivent s'effectuer uniquement à des conditions satisfaisantes pour les deux parties.

32. Comme les ressources financières disponibles représentent souvent une contrainte critique dans le développement des industries forestières, des efforts devraient être entrepris pour planifier et aménager ces industries afin d'économiser des capitaux par la solution rationnelle des problèmes suivants: conception de l'entreprise, développement et choix de l'équipement, construction et mise en service des usines, travail par équipes, taux d'exploitation, intégration, utilisation multiple des infrastructures, etc.

33. Pour faire progresser les industries forestières des pays en développement, il faut un transfert massif des connaissances et des capitaux accumulés dans les pays industrialisés. Pour le transfert des ressources financières, on peut adopter diverses formules adaptées aux besoins particuliers des pays: prêts internationaux, prêts bilatéraux, assistance, etc. Les pays en développement devraient, lorsqu'ils obtiennent des prêts, fournir de leur côté un effort maximal et apporter une aide au développement de leurs propres industries forestières. Il faut promouvoir la formation aux différents niveaux, en s'intéressant de façon particulière aux cadres techniques moyens. Les études d'investissement et les conseils pour l'orientation de la gestion sont également indispensables pour que le développement soit viable et efficace. Les spécifications des produits, les caractéristiques de l'équipement, le degré de mécanisation et d'instrumentation devront être adaptés aux besoins particuliers des pays en développement.

Les industries forestières et l'environnement

34. L'influence des industries forestières sur l'environnement est à la fois directe et indirecte. Cette influence s'étend bien au-delà des traitements industriels eux-mêmes. Les besoins en bois d'industrie influencent la ressource elle-même. Les activités industrielles influencent le niveau de vie de la communauté. Beaucoup des produits terminaux affectent la qualité de la vie et constituent une partie de l'environnement immédiat de l'être humain, c'est-à-dire son habitat. D'autre part, les produits forestiers influencent le niveau d'utilisation des produits concurrents basés sur des ressources non renouvelables.

35. Deux considérations sont capitales en ce qui concerne l'interaction présente et future des industries forestières et de l'environnement: leur influence sur leurs propres ressources renouvelables (les forêts), et leur aptitude à sauvegarder des ressources importantes non renouvelables grâce à la substitution des produits.

36. Les grandes industries forestières travaillent à long terme et tendent à s'assurer leur approvisionnement en matière première pour de longues périodes, ce qui est conforme aux intérêts de la conservation forestière. Cependant, les petites entreprises, souvent mobiles, peuvent employer des pratiques qui aboutissent à la dégradation et finalement à la destruction des forêts si les règlements forestiers ne sont pas strictement appliqués et si l'aménagement forestier n'est pas surveillé par les autorités compétentes.

37. Les produits forestiers peuvent contribuer à préserver diverses ressources limitées et non renouvelables. L'épuisement possible de quelques ressources non renouvelables aura sur la vie humaine des effets que l'on commence seulement à entrevoir et dont on se rend de mieux en mieux compte, et cette conscience nouvelle va sans doute devenir un facteur important dans les décisions concernant le développement des ressources naturelles. Le grand défi pour les industries forestières est d'accroître et d'améliorer les produits pouvant être interchangés avec les plastiques, l'acier, l'aluminium et les carburants fossiles, et de les fournir à des prix compétitifs, contribuant par cela à la préservation de ressources naturelles indispensables à la survie de l'homme.

38. La facilité relative avec laquelle les produits forestiers peuvent être éliminés ou recyclés contribuera peut-être aussi considérablement à accélérer la demande dont ils sont l'objet à une époque où l'on se préoccupe de plus en plus de l'environnement. Les produits forestiers sont biodégradables, ce qui facilite énormément la destruction des déchets. Le recyclage, notamment celui du papier, se pratique depuis de nombreuses années, mais il a pris une importance nouvelle depuis quelque temps et, en conséquence, le taux de récupération a augmenté dans plusieurs pays. Des recherches intensives, comportant des essais à l'échelle pilote, permettent de prévoir que l'on pourra récupérer plus complètement les fibres ligneuses abandonnées à la voirie, et qu'une partie pourra servir à fabriquer des produits nouveaux qui pourraient trouver des débouchés considérables. L'attitude des consommateurs et l'intervention de l'Etat peuvent avoir une influence importante sur les initiatives ultérieures qui seront prises dans ce domaine, et l'on devrait encourager le consommateur à utiliser les produits ligneux, qui ne laissent pas subsister de déchets indestructibles.

39. En ce qui concerne la pollution aquatique et atmosphérique causée par les industries forestières, en particulier les industries de la pâte et du papier, la technologie moderne permet la réduction radicale de ces déchets, et on peut espérer que cette technologie sera encore développée dans le courant de la décennie en cours. Les niveaux de décharge acceptables varient dans de très larges limites, selon l'emplacement de l'usine, et le coût de réduction des effets néfastes varie aussi considérablement d'usine à usine, selon le procédé, la taille et l'aménagement de l'usine elle-même. Les techniques correctives, auxquelles on a consacré de gros investissements, se traduisent par un abaissement de la quantité de déchets émis par ces usines dans beaucoup de pays, et l'expérience montre que les eaux réceptrices sont moins polluées. On atténue aussi la pollution atmosphérique.

40. En général, les industries ont pu absorber l'augmentation des investissements et des coûts d'opération, mais certaines usines, spécialement les anciennes et les petites, éprouvent de grandes difficultés, et beaucoup d'entre elles devront peut-être cesser de fonctionner dans le courant de cette décennie. Le problème de la pollution a, par conséquent, d'importantes incidences sur la structure de l'industrie, et la flexibilité est nécessaire dans l'application des nouvelles réglementations si l'on veut éviter des inconvénients sociaux. En ce qui concerne les grandes opérations et les nouvelles usines, on est convaincu que les entreprises forestières parviendront à construire une industrie en équilibre avec l'environnement.

41. La tendance universelle vers une utilisation plus complète des matières premières permet de conserver les ressources et aussi d'améliorer l'environnement en réduisant la quantité de déchets. L'évolution des processus de fabrication a permis une meilleure utilisation du bois de petite dimension et des résidus: au lieu d'être brûlés, avec comme corollaire la pollution de l'air, ils sont maintenant convertis en produits industriels. L'écorce présente un problème particulier. De nombreuses technologies ont été développées pour utiliser l'écorce comme combustible, mulch, élément des panneaux de particules et de fibres, etc. Cependant, l'utilisation massive de l'écorce n'est possible actuellement que comme combustible. On espère que cette décennie verra une solution à ce problème, qui contribuera à améliorer l'économie des entreprises forestières et à protéger l'environnement.


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