Page précédente Table des matières Page suivante


RAPPORT D'UNE EXPEDITION AU MEXIQUE ET EN AMERIQUE CENTRALE CHARGEE D'OBTENIR DES GRAINES DE PINS TROPICAUX

East African Agriculture and Forestry Research Organisation, 1969

par E. Mortenson

INTRODUCTION

Des plantations de plusieurs essences de conifères exotiques et d'eucalyptus ont été créées au début du siècle en Afrique orientale. Les quatre essences principales de résineux introduites dans la zone humide montagneuse sont Cupressus lusitanica, Cupressus macrocarpa, Pinus patula et Pinus radiata. Mais de graves maladies ont affecté ces essences, soulevant une certaine inquiétude qui s'est accrue à la suite des résultats peu satisfaisants d'études sur la qualité du bois des pins. En outre, de nouvelles zones ont été prospectées sur le littoral est-africain et autour des lacs en Ouganda, que l'on envisage de développer au prix de gros investissements. On connaît encore mal ces essences et les techniques de plantation à observer dans ces régions: les projets de développement risqueraient d'échouer si l'on ne poursuivait pas des recherches sur ces problèmes. Il est certain que la majorité des provenances existant dans l'Est-africain est d'origine fortuite: en fait, elles ont presque toutes été introduites, non directement, mais par importation d'Afrique du Sud, d'Australie et de Nouvelle-Zélande.

Ces problèmes ont été portés à l'attention des autorités forestières d'Afrique orientale, en même temps qu'on leur proposait des plans de recherche pour éviter les risques d'échec. A la suite d'une réponse affirmative faite par l'Agence norvégienne de développement international (NORAD) à une demande d'assistance financière, des fonds sont devenus disponibles permettant d'organiser une expédition de collecte de semences au Mexique et en Amérique centrale, dans laquelle M. E. Mortenson a été chargé de la recherche. L'expédition a duré du 14 juin 1968 au 19 août 1969. La FAO y a participé en payant les frais de voyage de M. Patrick Tesha, fonctionnaire du Département forestier tanzanien, lequel a secondé M. Mortenson au Mexique et en Amérique centrale, d'août à décembre 1968.

OBJECTIFS

Collecte de graines d'essences de remplacement pouvant convenir aux plantations d'Afrique orientale, plus résistantes aux parasites et produisant un meilleur bois, de plus grande valeur économique que les espèces utilisées jusqu'à présent.

TRAVAIL REALISE

CUBA
La collecte de graines de Pinus caribaea var. caribaea et de Pinus tropicalis est faite par les agents du Gouvernement. On a inauguré des essais de provenance de P. caribaea et des vergers à graines ont été créés pour pouvoir répondre aux besoins actuels, soit de 80 à 90 millions de plants par an. Il est probable que, d'ici 4 ou 5 ans, une fois son programme ambitieux de plantation satisfait, Cuba pourra fournir des quantités importantes de P. caribaea.

GUATEMALA
C'est dans les zones montagneuses humides, entre la frontière mexicaine et Guatemala City, que l'on trouve dans ce pays la plupart des espèces de pins. Les graines de Pinus oocarpa ont été recueillies dans la région centrale, où prédomine un climat assez continental à températures élevées. Des cônes ont été collectés à Baja Verapaz et à Zacapa. Dans la sierra de las Minas, à Zacapa, les forêts de P. oocarpa ne descendent pas au-dessous d'une centaine de mètres d'altitude. A Jalapa, secteur intéressant du point de vue climatique (saison sèche et chaude prolongée), on ne trouve que des peuplements médiocres et aucune collecte n'y a été faite.

Pinus caribaea var. hondurensis a été recueilli à Potpùn et à Dolores (départment de Petén), dans une savane herbeuse plantée de pins, située à environ 450 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le climat y est chaud et humide, la saison sèche dure de décembre à avril-mai. Les précipitations annuelles oscillent entre 2 000 et 2 500 mm. Les sols sont argileux et profonds de 0m50 à lm, recouvrant un soubassement de roches calcaires. La FAO et le FYDEP (Fomento y Desarollo del Petén) ont coopéré à la sélection et au défrichement d'un périmètre de production de semences d'une dizaine d'hectares.

Le Guatemala sera probablement, dans les années à venir, la meilleure source de graines pour l'Afrique orientale. Le climat y est assez chaud et sec, Pinus oocarpa et P. caribaea y poussent à des altitudes relativement peu élevées, la forme du fût est bonne. Les collectes de graines pourront probablement être organisées par l'intermédiaire des propriétaires de scieries et de la population locale.

HONDURAS
La mission a visité l'intérieur du pays (région du Quimistan) mais sans recueillir de semences de Pinus caribaea, en raison de la médiocrité des phénotypes. Dans la région de Guaimaca, au nord de Tegucigalpa, (département de San Francisco Morazán, en lisière de celui d'Olancho), l'exploitation forestière est importante et un grand nombre de graines ont pu être recueillies sur les arbres abattus. L'espèce est probablement Pinus oocarpa var. ochoterenai, la qualité des arbres est excellente, quoique avec des différences considérables entre les peuplements et même, dans ceux-ci, d'un arbre à l'autre. Les peuplements de P. oocarpa d'Orica ont été également prospectés, où l'on a observé la même qualité qu'au Guaimaca. Bien qu'il y ait une scierie à Orica, mais parce que ses propriétaires ne pouvaient s'occuper que de leur entreprise, nous avons décidé de n'acheter de semences qu'aux techniciens chargés du secteur de Guaimaca. La mission a encore visité d'autres forêts de P. oocarpa le long de la route, entre San Pedro Sula et Tegucigalpa. La qualité des peuplements y semble bonne, quoique pas aussi élevée que dans ceux prospectés précédemment. Au sud de Tegucigalpa, il semble y avoir des variations morphologiques énormes dans les peuplements.

C'est dans les départements de San Francisco Morazán et d'Olancho que les collectes de Pinus oocarpa seront probablement les plus importantes à l'avenir. Il est possible qu'une grande fabrique intégrée de papier fonctionne à Olancho à partir de 1972. Quand le réseau routier aura été amélioré, la région acquerra un gros potentiel de production de semences. Les peuplements sont de si bonne qualité que l'on peut en toute sécurité prélever les semences en vrac sur les arbres abattus.

NICARAGUA
Le Nicaragua est un pays tropical d'altitude médiocre, qui constitue la limite méridionale extrême de l'aire d'habitat des pins dans l'hémisphère occidental (Pinus caribaea var. hondurensis 12° Nord, Pinus oocarpa 13° Nord). On y trouve également Pinus pseudostrobus. Les forêts de Pinus caribaea, qui s'étendent sur 700 000 ha depuis le nord de Bluefields jusqu'au Rio Coco sur la frontière du Honduras, appartiennent à la provenance de pin la plus tropicale d'Amérique centrale. Les arbres poussent sur des sols très infertiles, les précipitations annuelles atteignent environ 3 600 mm et la température varie entre 20 et 30°C.

Dans la plaine côtière, la majeure partie des pins exploitables ont été abattus, d'où la nécessité de limiter sévèrement le sciage. Des mesures de protection contre le feu ont également été imposées, effectives sur 50 000 ha environ au total. L'aire principale de distribution de Pinus oocarpa s'étend de la région de Matagalpa vers le nord. La mission a visité quelques peuplement situés à environ 900 mètres d'altitude, mais les arbres laissés debout après une exploitation intense étaient de qualité très médiocre.

L'organisation des collectes de semences au Nicaragua est difficile, car les peuplements d'arbres adultes conservés en défends sont d'accès extrêmement compliqué, les fortes pluies rendant en outre problématique l'extraction des semences. La déhiscence des cônes, très irrégulière dans le temps, pose aussi des problèmes: la collecte normale de graines dans les secteurs de Puerto Cabezas et Waspán se situe entre avril et juin. Toutefois, en 1968, les cônes se sont ouverts deux mois plus tôt.

COSTA RICA
La mission s'est arrêtée à Turrialba, à l'Instituto interamericano de ciencias agricolas, où elle a discuté des problèmes intéressant les propriétés des bois. Au Costa Rica, la recherche a porté essentiellement sur les feuillus. Ceux-ci n'ont probablement qu'un intérêt mineur pour l'Afrique orientale, car ils se sont adaptés en Amérique centrale à un climat plus humide. Quant aux pins que l'on trouve en altitude, ils ont été décevants. Pinus caribaea, P. taiwanensis et P. patula ne nous ont guère fait bonne impression, tandis qu'Araucaria cunninghamii et A. hunsteinii semblaient plus dignes d'intérêt. Comme essences les plus prometteuses dans cette région, mentionnons Cupressus lusitanica et Alnus jorullensis, bien qu'il y ait en Afrique orientale des peuplements autrement meilleurs de Cupressus lusitanica. Des essais ont été effectués sur la côte pacifique, comparativement aride, avec certaines essences, surtout des Eucalyptus.

MEXIQUE
Sur la centaine d'espèces de pins qu'on rencontre dans le monde entier, un tiers est originaire du Mexique.

La floraison et la fructification sont irrégulières et nécessiteront encore un gros travail de recherche fondamentale. Il faudra probablement cinq ans environ pour constituer des collections valables de toutes les espèces de pins intéressantes pour le Mexique. Les collectes sont rendues d'autant plus difficiles par la complexité des régimes fonciers et par la forte exploitation des zones accessibles.

Avant de commencer sa collecte, la mission a dû obtenir du Ministère de l'agriculture et de l'élevage un permis, aux termes duquel la moitié des semences récoltées a été donnée aux autorités forestières mexicaines.

En raison de l'étendue du pays, les collectes ont été limitées aux régions centrale et méridionale. Ce que l'on connaît des conditions climatiques laisse présumer que les graines en provenance de ces zones devraient convenir à l'Afrique orientale. Nous avons visité plusieurs états de manière à repérer les peuplements les meilleurs.

L'état de Jalisco est réputé pour la qualité de ses peuplements de Pinus douglasiana. Malheureusement, la fructification avait été très mauvaise cette année-là et aucune graine ne put être recueillie. Toutefois, il sera possible à l'avenir d'obtenir des semences de P. douglasiana par l'intermédiaire de la société papetière Atenquiqe. Dans l'état de Michoacan, l'un des principaux états forestiers du Mexique, en dépit de la récolte médiocre, nous avons pu recueillir des semences de Pinus oocarpa, P. leiophylla, P. michoacana, P. pseudostrobus, P. tenuifolia et Abies religiosa.

Dans l'état de Mexico, nous avons recueilli de grosses quantités de semences, de qualité supérieure, de Pinus montezumae et P. leiophylla. Des graines de Pinus tenuifolia ont été recueillies dans le secteur de Valle de Bravo, où les arbres atteignent une hauteur de 50 m, ainsi que de Pinus lawsoni, P. pringlei et P. teocote. A Agua Bendita, une collecte a été faite d'Abies religiosa.

Dans l'état d'Oaxaca, une grande variété d'essences de pins y poussent naturellement. En montagne, P. patula est mélangé dans les peuplements à P. ayacahuite; à basse altitude avec P. tenuifolia et P. strobus var. oaxacana. Cette dernière espèce est l'une des plus représentées dans les forêts d'Oaxaca, où les semences recueillies ont été prélevées sur des arbres de qualité supérieure. En raison de la maigre récolte de Pinus patula, nous n'en avons obtenu aucun exemplaire, mais il sera probablement possible d'en recevoir par l'intermédiaire de la fabrique de papier Tuxtepect. Une collection de P. leiophylla a été effectuée à Ixtlan de Juarez.

Dans l'état de Chiapas, le plus méridional du Mexique, nous avons recueilli des semences de Pinus strobus var. chiapensis, P. oocarpa var. ochoterenai et P. oocarpa. Une collection de types de montagne de Pinus oocarpa var. ochoterenai et P. pseudostrobus var. oaxacana a été récoltée à San Cristobal de las Casas. P. oocarpa a été obtenu à Comitàn. Nous avons parcouru un très long périple au nord-est de Comitàn, où les forêts d'altitude sont composées d'un mélange de P. tenuifolia et de P. ayacahuite. Comme 1968 était une mauvaise année de fructification, aucune collecte de graines n'a été faite, mais nous espérons pouvoir en obtenir grâce à Maderas de Comitàn.

QUANTITES COLLECTEES

L'expédition de collecte de semences au Mexique et en Amérique centrale a ramené au total 323 kg de graines, dont 84 provenances de pins, 4 d'Abies religiosa et une de Cupressus lusitanica. Le prix de revient est d'environ 61 $EU par kilo de semence. En outre, 62 kg de graines de P. oocarpa var. ochoterenai ont été achetés au Guatemala. Les essences les plus utiles pour l'Afrique orientale seront probablement Pinus oocarpa var. ochoterenai, qui devrait couvrir tout l'éventail écologique de P. patula à P. caribaea.


Page précédente Début de page Page suivante