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3.2.6 Côte d’Ivoire

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

Rapport national de Côte d’Ivoire

Ecrit par
Antoine Tchidjé Augou
Sous-directeur du reboisement
Direction du reboisement et du cadastre forestier
Ministère des eaux et forêts
20 B.P. : 650 Abidjan 20
Abidjan, Côte d’Ivoire
Tél.: 20 21 86 34/ O7 05 79 69
Mél.: [email protected]

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

En collaboration avec l’UICN, ICRAF et CIFOR

Douala, Cameroun, 17 – 21 novembre 2003

RESUME

Le présent document traite des forêts secondaires en Côte d’Ivoire. Il fait partie des rapports nationaux écrits dans la perspective de l’atelier sur la gestion des forêts secondaires tropicales en Afrique subsaharienne francophone (Douala, Cameroun, 17-21 novembre 2003).

Après une introduction exposant ses objectifs, le document présente particulièrement les contextes socioéconomique et forestier, une analyse des caractéristiques des forêts secondaires et des questions liées à leur gestion. Quelques faits émergent de ce rapport. Entre 1955 et 1990, la superficie totale des forêts situées à l’extérieur des terres agricoles a régressé de 4,8 millions d’ha, passant de 8,3 millions d’ha (60% du territoire) à 3,5 millions d'ha soit 22% environ du territoire. Cette baisse de la superficie forestière s’est faite aux dépens principalement du domaine rural qui n’a conservé que cent mille ha sur cinq millions d’ha, mais aussi des forêts situées à l’extérieur des parcs et des réserves du domaine permanent de l’Etat ; ces forêts occupaient 2,6 millions d’ha et n’en comptent que 800.000 ha.

En 1990, tous les départements, y compris ceux de l’ouest dotés d’importantes surfaces forestières, étaient touchés par les défrichements anarchiques. Les causes en étaient l’agriculture et l’exploitation forestière de type minier pratiquée jusqu’en 1995. Cette situation a transformé le paysage forestier ivoirien en une mosaïque de zones de cultures et de forêts secondaires qui soutiennent l’agriculture, l’exploitation forestière et approvisionnent les populations tant rurales qu’urbaines en produits forestiers non ligneux.

Face à cette situation, le gouvernement ivoirien a pris un certain nombre de mesures dont les plus significatives sont :

1. la cession en 1992, pour gestion, de toutes les forêts classées à la Société de développement des forêts (SODEFOR) et,

2. la reforme en 1994 de l’exploitation forestière notamment en:

Si les forêts secondaires des zones classées confiées à la SODEFOR sont aujourd’hui bien gérées, celles du domaine rural ne le sont pas. Elles continuent de se dégrader. L’administration forestière a fixé le volume de bois que chaque concessionnaire doit exploiter annuellement et a encouragé les reboisements à des fins de production de bois d’ouvre et de bois énergie. Mais ces mesures sont insuffisantes.

La gestion des forêts secondaires du domaine rural pourra être améliorée grâce à la création d’une structure para-étatique. Cette structure devrait impliquer toutes les structures de développement et de recherches agricoles et forestières dans la gestion de ces forêts, et s’appuyer sur un fonds forestier national, les bailleurs de fonds ne venant qu’en appoint.

INTRODUCTION

Ecrit sur l’initiative de la FAO, ce rapport répond aux questions ci-après : Quels sont les différents types de forêts secondaires en Côte d’Ivoire ? Où se trouvent-ils ? Quelle est leur importance écologique et socio-économique ? Comment sont-ils gérés ? Et comment améliorer la gestion des forêts secondaires?

Afin de collecter les informations, deux techniques ont été privilégiées : la revue de la littérature et l’entretien avec les ruraux et les gestionnaires de forêts.

Ce rapport est structuré en six chapitres. On présentera d’abord la situation socioéconomique générale de la foresterie et de l’utilisation des terres. On tentera ensuite de présenter les caractéristiques des forêts secondaires et les questions liées à leur gestion au cours de cinq chapitres. On terminera ce rapport en tirant les principales leçons de la gestion de ces forêts et en suggérant des recommandations pour assurer leur conservation et leur exploitation durable.

I. SITUATION SOCIOECONOMIQUE DE LA FORESTERIE ET DE L’UTILISATION DES TERRES

1. 1 Situation socioéconomique

Les informations ci-après donnent une idée du contexte socioéconomique de la foresterie en Côte d’Ivoire:

- superficie du pays : 322 463 km;

- population : 15,4 millions d’habitants ;

- densité de population : 48 habitants / km;

- taux de croissance de la population : 3,59% par an ;

- stock de la dette en 2000 : 6.326 milliards de FCFA ;

- service de la dette : 678 milliards de FCFA ;

- PIB (x 1.000.000) : 7869,5 FCFA en 2001 dont 116,8 du secteur forestier ;

- superficie forestière : 3,5 millions d’hectares (environ 22% du territoire).

- taux de déforestation : 300.000 ha/an.

La forêt de production représente aujourd’hui 3,5 millions d’ha et alimente une filière bois comprenant:

- une industrie vieillissante qui possède 124 entreprises44 avec un rendement moyen de 50% ;

- une prédominance d’ateliers (70%) de première transformation (les ateliers de première et deuxième transformations et ceux de première, deuxième et troisième transformations représentent respectivement 9% et 21%) ;

- 320 périmètres d’exploitation forestière (ils couvrent environ 12 millions d’hectares. attribués à 155 opérateurs et sis dans le domaine rural au sud du 8ème parallèle. Ces opérateurs récoltent annuellement 2,5 millions de m3 de bois.

En outre, la filière bois fournit plus de 30.000 emplois permanents, ce qui correspond à une masse salariale de 119 milliards de FCFA ; de 1980 à 1993, elle a fourni à l’Etat 562 milliards de FCFA.

1. 2 Utilisation des terres

1.2.1 Historique

On peut distinguer deux périodes dans l’histoire de l’utilisation des terres en Côte d’Ivoire. La première est marquée par la promulgation entre 1904 et 1906 d’une loi domaniale consistant à immatriculer les terres afin de sécuriser les droits fonciers, en particulier ceux qui venaient d’être acquis, et par la mise en place en 1925 d’un système de « livret foncier ». L’immatriculation des terres s’est avérée lourde, coûteuse et plus adaptée aux terrains urbains qu’aux terrains ruraux (seulement 1% des terres furent immatriculées). Quant au livret, on ne s’y référait qu’en cas de litiges : en fait, constitué sur requête des détenteurs de droits coutumiers, il ne conférait à leurs détenteurs aucun droit réel sur la terre.

La deuxième période correspond à la « postcolonie ». Immédiatement après l’indépendance, l’Etat a été considéré comme le seul propriétaire des terres ; il tolérait cependant l’exercice du droit coutumier sur ces dernières. Plus tard, la diversification et le développement des cultures de rente, couplée à une forte immigration, ont accru la demande sociale en terres. Celle-ci a continué cependant d’être satisfaite en référence à la fois aux dispositions du droit ivoirien et à celles des coutumes s’avérant inadaptées au contexte. Afin de résoudre ce problème, un décret a été promulgué, mais son application est difficile puisqu’il est, depuis quelques années, l’objet de vives controverses. La figure 1 donne une idée des modes d’acquisition des terres en Côte d’Ivoire et on peut constater que 33% des terres sont acquises par donation.

1.2.2 Cas d’utilisation des terres en zone forestière (Département d’Abengourou- Est de la Côte d’Ivoire)

Les figures 2 et 3 ci-après, extraites du Plan foncier rural (PFR), fournissent des données respectivement sur l’occupation des terres et la répartition de la végétation et on note que les cultures occupent 63% des terres et les forêts naturelles, 3% de la végétation.

2. CARACTERISTIQUES ET ETENDUE DES FORETS SECONDAIRES

Les principaux types de forêts tropicales secondaires reconnus et trouvés dans d’autres parties du monde peuvent être identifiés en Côte d’Ivoire : les forêts secondaires après exploitation, les forêts secondaires dans des jachères laissées par l’agriculture itinérante, les forêts secondaires remises en état, les forêts secondaires après incendie et les forêts secondaires après l’abandon d'autres utilisations des terres (notamment la culture de café et de cacao). D’une manière générale, les principales espèces pionnières sont Terminalia superba, Terminalia ivorensis, Triplochiton scleroxylon, Pycnanthus angolensis, Albizia zygia, Ceiba pentandra, Ricinodendron africanum et les espèces à cycle long (Mansonia altissima, Celtis zenkeri, Celtis mildbraedii, Eribrema oblonga, Milicia excelsa, Entandrophragma angolense, Entandrophragma utile, Afzelia africana, etc).

Ces forêts sont divisées en forêts classées et en forêts du domaine rural. La gestion des forêts classées a été confiée à la Société de développement des forêts (SODEFOR). Elles couvrent 3.900.000 ha. Toutes les forêts qui ne sont pas classées font partie du domaine rural. Parmi celles-ci, il y a 11 forêts, d’une superficie de 17.900 ha, qui sont inscrites sur la liste des forêts proposées au classement ; 37 forêts d’une superficie de 680.297 ha qui ont été abandonnées au domaine rural par arrêté ou décret de déclassement, et 52 (816.656 ha) qui sont abandonnées au domaine rural sans arrêté ni décret de déclassement.

Il existe, en outre, 6.705 forêts et bois sacrés, couvrant 36.435 ha, ainsi que plusieurs autres forêts dont les superficies ne sont pas encore déterminées.

2.1 Les forêts secondaires après exploitation

Appelées selon leur état par « forêts moyennement dégradées ou forêt très dégradées », celles-ci se caractérisent pa:

- un sous-bois riche en lianes et en plantes herbacées (Griffonia spp., Streptogyna crinita, Leptapis zeilanca) qui rendent difficile, voire impossible, la circulation en dehors des layons ;

- une strate arborescente inférieure composée d’arbres de diamètres inférieurs à 20 cm et de hauteurs dépassant rarement 15 à 20 m ; parmi ces arbres, on peut citer le piakambo (Diospiros soubreana), le wounian (Myrianthus arboreus), le lié (Phyllantus discoïdeus), Blighia welwitshii, le bon (Cordia platythyrsa), le banayé (Trichilia heudeloti), le parasolier (Musanga cecropioïdes) et

- une strate arborescente supérieure qui se compose de gros arbres généralement dispersés mais, parfois, réunis en bouquets de quelques pieds.

Les forêts secondaires après exploitation gérées par la SODEFOR occupent 1.800.000 ha. La durée de leur régénération, dans les meilleures parcelles, varie entre 10 et 15 ans et, dans les parcelles très dégradées, entre 25 et 40 ans (SODEFOR/GTZ).

2. 2 Les forêts secondaires dans des jachères laissées par l’agriculture itinérante

Elles se caractérisent par l’abondance de brousses et de fourrés sans couvert arbustif ou avec un couvert arbustif clair. Elles sont floristiquement riches en lianes (Acacia penata et Adenia lobata), en plantes herbacées (Chromolaena odorata, Solanum torvum, Solanum verbacifolium et Panicum maximum) et en arbres et arbustes : akoré (Discoglypremna caloraneura), pri (Funtumia elastica), ouara (Cola gigantea glabrens), balié (Newbouldia laevis), dédé (Ficus exasperata) et kaka (Blighia welwitschii). La superficie des forêts secondaires dans des jachères laissées par les cultures itinérantes qui sont gérées par la SODEFOR est de 60.000 ha et leur régénération dure plus de 40 ans (FORAFRI, 1998).

2.3 Les forêts secondaires remises en état et après incendie

Les forêts secondaires remises en état (6.000 à 10.000 ha) ne se rencontrent que dans les forêts classées qui sont gérées par la SODEFOR. Elles représentent un tiers des forêts de reconversion et se composent d’espèces locales. Elles sont généralement situées le long des axes routiers. Dans ces forêts, la régénération forestière est généralement longue, entre 40 et 50 ans (estimation faite sur la base des inventaires du périmètre de Téné réalisés par la SODEFOR).

En ce qui concerne les forêts secondaires après incendie (6.400 ha), les plus significatives (les forêts classées du Haut Sassandra et de la Téné) se rencontrent en forêts denses semi-décidues, gérées elles aussi par la SODEFOR. Selon l’intensité du feu, elles se caractérisent soit par un bouquet d’arbres dominants avec de la broussaille en sous étage, soit par des recrûs de Chromolaena odorata associés à Mansonia altissima, Triplochiton scleroxylon, Terminalia superba, Terminalia ivorensis, Ceiba pentandra…et quelques grands arbres épars. Dans les zones de recrûs des Maranthacées, notamment sous Thaumatococus danielii, la régénération forestière est presque nulle.

2.4 Les forêts secondaires après l’abandon d’autres utilisations des terres

Ces forêts secondaires possèdent deux étages:

- un étage dominant composé de gros arbres disséminés, qui sont généralement des espèces conservées par les agriculteurs pour leurs vertus soit médicinales (Khaya ivorensis, Bombax buonopozense, Fagara macrophylla et Alstonia boonei), soit alimentaires (Ceiba pentandra, Ricinodedron heudelotii, Triplochyton scleroxylon et Dumoria heckelii), soit encore pour leur usage dans l’habitat rural (Mansonia altissima et Triplochiton scleroxylon), et

- un étage arbustif et herbacé clair.

A noter que la régénération forestière dans ce type de forêts dure plus de 50 (Augou, 2000).

3. IMPORTANCE SOCIOECONOMIQUE ET ECOLOGIQUE DES DIFFERENTS TYPES DE FORETS SECONDAIRES

Les forêts secondaires du domaine rural et des zones classées fournissent des produits extrêmement variés et utiles à l’économie et aux populations ivoiriennes : des terres agricoles, du miel, du gibier, des plantes médicinales, du vin de palme et des plantes alimentaires (les bourgeons de Ceiba pentandra et Myrianthus libericus sont très prisés). Elles procurent également des quantités considérables de bois énergie, de bois d’œuvre et de bois de service. En ce qui concerne le bois énergie, toutes les espèces sont exploitées, sauf celles qui ont un faible pouvoir calorifique (Ceiba pentandra et Musanga cecropioides). Les espèces prisées sont : lié (Phyllanthus discoideus), poé (Strombosia pustulata) et aramon (Parinari glabra).

Au plan national, les ressources ligneuses couvrent près de 70% des besoins des ménages en énergie domestique. La consommation nationale en bois connaît une augmentation proportionnelle à la croissance démographique. Elle est évaluée à 13 millions de m3 de bois rond et à 330 000 tonnes de charbon en 2000 contre 11 millions de m3 de bois rond et 256 000 tonnes de charbon en 1990. La production de bois de service (poteaux, perches, piquets, etc.) augmente également.

De nombreux Ivoiriens scient notamment des iroko (Melicia excelsa), bété (Mansonia altissima) et badi (Nauclea diderichii) soit à usage personnel, soit pour alimenter les menuiseries locales. La production moyenne annuelle de bois d’œuvre oscille depuis dix ans autour de 2,5 millions de m3. Avant la réforme de 1994/1995, l’exploitation forestière représentait environ 6% des recettes fiscales, 2% du produit intérieur brut (PIB) et générait 40.000 emplois. De 1995 à 2001, elle a fourni en moyenne 4% des recettes fiscales, 1% du PIB et plus de 38.000 emplois. La plus grande partie du bois est exportée : en 2000, les exportations de produits ligneux étaient évaluées à 148 milliards de FCFA soit 5% des recettes d’exportation.

Par ailleurs, les bété ( Mansonia altissima) de 30 ou 40 cm de diamètre sont abattus, fendus à la main et utilisés dans la construction des cases ; les feuilles de raphia, dans la construction des toits des cases ; le badi, dans la fabrication des mortiers ainsi que d’autres ustensiles. Et on utilise des espèces, telles emien (Alstonia boonei) et kotibé (Nesogordonia papaverifera) dans l’artisanat, ouindo (Lasiodiscus mildbraedii) et kropio (Dialium aubrevillei) comme perches et fourches.

En outre, l’agriculture et l’exploitation forestière emploient environ 70% de la population. En ce qui concerne la faune, les statistiques ne sont pas régulières. Toutefois, la chasse, même si elle est interdite, elle fournit néanmoins près de 150.000 tonnes de gibier par an aux marchés urbains (environ 78 milliards de F CFA soit 1,4% du PIB et 50% des protéines animales consommées) et emploie 1,4 millions de chasseurs et des milliers d’intermédiaires (Ministère en charge de l’Agriculture, 1996).

Pour toutes les communautés ivoiriennes, la forêt est aussi le lieu des cérémonies d’initiation.

Au plan environnemental, elles interviennent dans le stockage du carbone et dans la production de l’oxygène. Elles contribuent également au maintien de la nappe phréatique, à la protection des sols contre l’érosion, à la régulation des régimes des cours d’eau et du climat de même qu’au maintien de la biodiversité.

4. CONNAISSANCE ET EXPERIENCES EFFECTIVES EN MATIERE DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Désireuse d’assurer une bonne gestion des forêts classées, la SODEFOR a créé des commissions paysans-forêts, des coopératives des travailleurs forestiers, des groupements informels de sous-traitants et des comités de «surveillance incendie ». Les commissions paysans-forêts regroupent les représentants des populations riveraines de ces forêts et ceux de la SODEFOR ; elles développent les stratégies de communication et de formation des agents, recherchent les domaines de coopération avec les communautés villageoises riveraines, réalisent les travaux forestiers (production de plants, entretien des parcelles reboisées, etc.) à travers des contrats de sous-traitance avec les forestiers, forment les paysans aux techniques d’agroforesterie, telles que le maintien de l’arbre dans le paysage agricole, l’utilisation de l’arbre pour le cloisonnement des différentes cultures, la délimitation des propriétés et la restauration des sols ; elles participent également aux opérations de lutte contre les feux, négocient et se concertent avec les forestiers sur l’abandon des plantations à l’intérieur des forêts classées ainsi que sur le reboisement des jachères.

Les coopératives des travailleurs forestiers sont constituées en majorité de jeunes originaires des villages riverains des forêts ou des jeunes intervenant dans ces écosystèmes. Ces personnes sont formées aux techniques des travaux forestiers : reboisement, exploitation forestière et exploitation cynégétique. Les groupements informels de sous-traitants interviennent notamment dans la réalisation de travaux forestiers. Quant aux comités de «surveillance incendie », ils luttent, comme leur nom l’indique, contre les feux de brousse.

D’autre part, en 1994, l’administration forestière a mis en place, dans chaque département, un comité de gestion des périmètres forestiers présidé par le Préfet du département dans lequel siègent tous les partenaires de la filière bois. Elle a également institué une taxe de contribution au développement local45, au profit des villages dont le terroir est exploité, et une contribution à la restauration de la couverture forestière qui consiste en la réalisation des reboisements sur des terres cédées par les propriétaires terriens. Ces reboisements sont exécutés par les concessionnaires de périmètres d’exploitation forestière au profit des donateurs de terres. Les quotas de reboisement sont calculés sur la base du volume de bois à exploiter et de la zone phytogéographique du périmètre forestier.

Cependant l’effet de ces mesures est très controversé. L’information sur la réforme de l’exploitation qui aurait dû être fournie par les Préfets, les Sous-Préfets (les Présidents des comités locaux de gestion des périmètres forestiers) n’est pas disponible. Une partie de la population concernée est favorable à l’acquittement de la taxe de contribution au développement local en activités à caractère social, tandis que l’autre s’y oppose arguant le faible développement du pays. Toutefois, toutes les populations perçoivent les bienfaits de la forêt et certains propriétaires de terres sont favorables à la mise en défens d’îlots forestiers dans leurs domaines.

5. PRATIQUES COURANTES DE GESTION DES FORETS SECONDAIRES

Les principaux gestionnaires des forêts secondaires sont la SODEFOR, les industriels du bois et les propriétaires terriens.

La SODEFOR gère 218 forêts classées de superficies très variables (entre 314.000 ha et 28 ha) couvrant 4 millions d’ha au total. Jusqu’en 1999, elle a doté 82 forêts46 (2.246.020 ha soit 56% de la superficie totale des forêts classées) de plans d’aménagement et de gestion. Elle a mené des activités d’enrichissement des forêts dégradées, d’amélioration des peuplements par des éclaircies de conservation et des activités d’exploitation forestière. Celles-ci reposaient sur des inventaires forestiers et des données d’évaluation des massifs. En plus, la SODEFOR a réalisé des infrastructures et des équipements afin de favoriser une surveillance de proximité des ressources forestières. Les limites conventionnelles des forêts (plus de 3000 km) ont été ainsi matérialisées par des plants, environ 1000 km de pistes forestières créées ou réhabilitées et des bases vies pour les agents forestiers construites à proximité des forêts.

Dans le cadre du partenariat entre la SODEFOR et les industriels du bois, ceux-ci participent au renouvellement de la ressource forestière et bénéficient de l’expérience de la SODEFOR dans la création et la gestion des plantations dans les forêts dégradées ; ils bénéficient également des méthodes d’inventaires d’aménagement et des techniques de culture dans les forêts relativement bien conservées de leurs périmètres d’exploitation de même que de l’attribution des parcelles de coupe après martelage.

Rappelons que la SODEFOR associe les commissions paysans-forêts, les coopératives des travailleurs forestiers, les groupements informels de sous-traitants et les Comités de «surveillance incendie » à la gestion des forêts classées. Quant aux forêts du domaine rural, depuis 1995, celles situées au-dessous du 8ème parallèle sont divisées en périmètres d’exploitation forestière et sont gérés par des concessionnaires.

6. POLITIQUE ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES RELATIVES A LA GESTION DES FORETS SECONDAIRES

6.1 Les régimes de propriété en vigueur

Il existe deux grands types de propriétés:

- «la propriété exclusive de l’Etat» qui s’exerce sur les forêts classées, les parcs nationaux et les réserves. L’Etat est le seul propriétaire de ces espaces, mais il reconnaît à leurs riverains des droits d’usage qui se limitent à la cueillette, à l’écobuage et au ramassage de divers produits;

- la propriété partielle qui s’applique au domaine foncier rural. L’Etat est le propriétaire des richesses du sol (mines) et des richesses portées par le sol (forêts), mais il n’interdit pas le défrichement, par les «propriétaires coutumiers », de la végétation pour des spéculations agricoles.

Depuis 1998, la loi n° 98 du 23 décembre 1998 précise les règles d’accès à la propriété foncière. Elle stipule que « le domaine foncier constitue un patrimoine national auquel toute personne physique ou morale peut accéder. Toutefois, seuls l’Etat, les collectivités publiques et les personnes physiques ivoiriennes sont admis à en être propriétaires ». Le titre de propriété est établi par l’acquisition d’un certificat foncier suivi de l’immatriculation.

6.2 Cadres juridique et institutionnel

La réglementation forestière en Côte d’Ivoire trouve son origine dans le décret du 4 juillet 1935 qui définit le domaine forestier national et les modalités de sa gestion, notamment:

- les procédures de classement des forêts ;

- les droits d’usage et les espèces à protéger et

- l’exploitation forestière.

Le code, la réglementation, plusieurs décrets et arrêtés relatifs à la gestion forestière découlent de ce décret. En ce qui concerne les décrets d’application, on peut citer ceux qui suivent:

- le décret n° 66-50 du 8 mars 1966 réglementant la profession d’exploitant forestier.

- le décret n° 66-421 du 15 septembre 1966 réglementant l’exploitation forestière, avec répartition de la zone forestière en permis temporaires de 2500 ha

- le décret n° 94-368 du 1er juillet 1994 portant modification du décret n°66-421du 15 septembre 1966.

Ces décrets fixent les conditions d’exploitation des bois d’œuvre, d’ébénisterie, de service, de feu et de charbon. Le décret n° 94-368 du 1er juillet 1994 introduit la réforme de l’exploitation forestière dans le domaine rural. Cette reforme se traduit par la suppression des permis temporaires d’exploitation (PTE) de 2500 ha et leur remplacement par des périmètres d’exploitation forestière d’au moins 25000 ha ; ceux-ci sont attribués soit à des industriels du bois, soit à des exploitants forestiers. La gestion de ces périmètres se fait en approches participatives dans le triple but d’assurer la pérennité de la ressource forestière, de garantir l’approvisionnement des scieries en matière première et de satisfaire les besoins des communautés riveraines. Ainsi, elle fait obligation aux concessionnaires, en plus des diverses taxes, de contribuer au développement local à concurrence de 1.000 FCFA par m3 de bois exploité et de procéder à des reboisements suivant les prescriptions ci-après:

- reboiser un hectare de forêt contre 150 m3 de bois exploités dans la zone pré – forestière ;

- reboiser un hectare de forêt contre 250 m 3 de bois exploités en zone de forêt dense humide ;

- entretenir ces reboisements pendant trois ans – tâche dévolue aux industriels du bois- et les remettre au paysan donateur des terres, qui en devient propriétaire en attendant la définition des modalités de leur gestion par l’administration forestière.

Cette reforme a également entraîné la prise du décret n° 95-682 du 6 septembre 1995, entré en vigueur en janvier 1997, qui interdit l’exportation des grumes.

Au plan institutionnel, le patrimoine forestier est placé sous la tutelle de deux Ministères:

- le Ministère des eaux et forêts qui assure la tutelle sur les services de chasse, des forêts classées et des forêts du domaine rural et

- le Ministère de l’environnement qui assure la tutelle sur les services en charge des parcs nationaux et réserves.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Les forêts secondaires après exploitation, les forêts secondaires dans des jachères laissées par l’agriculture itinérante, les forêts secondaires remises en état, les forêts secondaires après incendie et les forêts secondaires après l’abandon d'autres utilisations des terres (notamment la culture de café et de cacao) sont présentes en Côte d’Ivoire. Elles fournissent des produits extrêmement variés et utiles à l’économie et aux populations ivoiriennes. Si les forêts secondaires confiées à la SODEFOR sont bien gérées, celles du domaine rural ne le sont pas. Afin d’améliorer la gestion de celles-ci, les recommandations qui suivent peuvent être faites:

- mettre en place une structure para-étatique de gestion des forêts du domaine rural ; cette structure sera chargée d’une part de gérer les reboisements mis en place à la faveur de la réforme de l’exploitation forestière et d’autre part de sensibiliser les propriétaires de terres à l’intérêt de convertir leurs forêts en forêts de production dont les retombées économiques leur reviendraient;

- définir un cadre juridique de gestion des forêts secondaires;

- redynamiser la recherche forestière (l’amélioration de la gestion des forêts secondaires doit s’appuyer sur des structures de recherches);

- mettre en place un fonds forestier national. Ce fonds soutiendra aussi bien les actions de développement que de recherches sur les forêts secondaires.

Références bibliographiques

1. Anonyme, Plan directeur forestier (1988- 2015), Ministère des eaux et forêts, CI, 1988.

2. Augou A., La foresterie dans le domaine rural ivoirien. Propositions pour mieux gérer nos forêts résiduelles, nos arbres isolés et bâtir une foresterie privée compétitive, Mem. de Mastère spécialisé en sciences forestières, 2001.

3. Augou A., Inventaire de régénération dans les vieilles cultures pérennes, Abidjan, 2000.

4. Bertrand A., Gestion étatique ou gouvernementale, In : Lavigne Delville (Dir), 1988, 40-45 pp.

5. Chaveau J.-P., Bosc P-M. et Pesquay M., Plan foncier rural en Côte d’Ivoire, 1996.

6. DCGTX, Bilan forestier, 1993.

7. FORAFRI, Croissance et productivité en forêts dense humide, Bilan des expérimentations du dispositif d’Irobo, 1998.

8. Kan F., La reconstitution de la forêt tropicale après une culture traditionnelle (sud-ouest de la Côte d’Ivoire), Mem. ORSTOM, Paris, n°97, 1982, 125p.

9. SODEFOR, Présentation des activités, 2002.

10. SODEFOR, Rapport d’inventaire de la forêt de la Bossématié, 2000.


44 70% des entreprises appartiennent à des investisseurs étrangers (Italiens, Allemands, Français et Libanais).

45 Cette taxe est de 1000 FCFA/ m3 de bois extrait ; elle est payée presque exclusivement sous forme d’actions socioéconomiques.

46 93% des forêts denses humides étaient dotées de plans d’aménagement et de gestion en raison de la priorité donnée à ces forêts.

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