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La production Japonaise de pâte est subordonnée à l'approvisionnement en copeaux de bois

Eio Shimokawa

EIO SHIMOKAWA est directeur de la division de la planification de l'agence forestière du Japon.

L'industrie japonaise de la pâte et du papier a fait des progrès remarquables depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

En 1953, la production japonaise de papier a dépassé 1,5 million de tonnes - chiffre record atteint pendant la période d'avant-guerre. En maintenant le taux de croissance annuel de la production entre 10 et 11 pour cent depuis 1960, le Japon a produit 15,6 millions de tonnes en 1974, se plaçant ainsi au deuxième rang après les Etats-Unis. Bien que le pays ait tiré de ses propres ressources 10 millions de tonnes de pâte, soit la plus grande part des quantités nécessaires à son industrie du papier, cela n'a pas suffit à couvrir les besoins nationaux et le reste a été fabriqué à partir de matière première importée. A l'heure actuelle, les principaux pays producteurs de pâte dans le monde sont les Etats-Unis, le Canada, le Japon, la Suède et l'U.R.S.S., mais seul le Japon, faute de ressources forestières suffisantes, doit importer de grandes quantités de matière première. Cet approvisionnement en matière première est capital pour l'expansion de l'industrie japonaise de la pâte et du papier.

Cette industrie est restée tributaire des ressources intérieures de bois résineux jusqu'au début des années soixante, époque à laquelle, grâce à l'introduction et à la mise au point de nouvelles techniques, elle a pu commencer à utiliser des grumes de feuillus de petite dimension et des résidus d'usine. En 1955, l'approvisionnement total en bois de pâte se composait à 89 pour cent de résineux et à 11 pour cent de bois feuillus, presque tous (99,8 pour cent) achetés sous forme de grumes. Mais, au bout de 15 ans, la situation avait radicalement changé et, dès 1970, les feuillus représentaient 60 pour cent de l'approvisionnement - total, les trois quarts environ étant livrés sous forme de copeaux (tableau 1). Pour satisfaire aux besoins croissants de matière première, le secteur industriel a pris une autre initiative heureuse en introduisant des navires spécialement conçus pour le transport des copeaux, qui peuvent ainsi être importés à moindres frais (tableau 2).

Tableau 1. - Changements dans les essences et les formes de bois à pâte utilisés au Japon



1955

1960

1965

1970

%

Essences

 

Résineux

89,0

63,7

47,2

42,5

Feuillus

11,0

36,3

52,8

57,5

Formes

 

Grumes

99,8

77,0

48,8

25,7

Copeaux

0,2

23,0

51,2

74,3

SOURCE. Ministère du commerce international et de l'industrie. Japon.

L'industrie japonaise de la pâte a été la première au monde à se servir de feuillus de qualité inférieure, habituellement utilisés comme combustible, pour remédier à la pénurie de résineux. Elle a également mis au point un système efficace et économique de collecte de matière première sous forme de copeaux, qui lui permet d'exploiter les grumes de feuillus de petite dimension et les résidus d'usine.

Aujourd'hui, il existe plus de 7 000 usines de copeaux au Japon, largement disséminées sur tout le territoire et, pour la plupart, de petite taille. Près de 90 pour cent d'entre elles constituent un à -côté pour les propriétaires de scieries, et, sur cette proportion, 84 pour cent n'emploient guère que quatre ouvriers ou moins.

En 1975, le volume total de production de copeaux était d'environ 17 millions de mètres cubes, dont 53 pour cent tirés de grumes, 44 pour cent de résidus d'usine et 3 pour cent de résidus d'exploitations forestières Ces dernières années, et jusqu'en 1974, l'importation de copeaux s'est beaucoup intensifiée en raison de la stagnation de l'offre intérieure. Ces importations se faisant toutefois aux termes de contrats à long terme assurant un approvisionnement annuel presque constant, elles mettent sérieusement en danger l'industrie nationale en temps de récession, car la demande baisse alors sensiblement.

Pour accroître l'offre intérieure de copeaux, il est indispensable de tirer pleinement parti des minces ressources ligneuses, et même des peuplements éclaircis, jusqu'à présent sous-exploités. On recherche actuellement le moyen efficace de les utiliser. Par ailleurs, le Japon renforçant sa lutte contre les nuisances publiques, et notamment contre le bruit des papeteries, il faut aussi aider l'industrie du bois à se conformer à ces règlements.

Il est un autre problème, posé celui-là par la diversité des méthodes suivies pour mesurer le volume de copeaux lors des transactions entre producteurs de copeaux et usines de pâte et papier. Ces méthodes doivent être uniformisées au plus tôt.

Le Japon a commencé à importer dès copeaux de bois à titre expérimental en 1963, et sur une base commerciale en 1965, lors de la mise en service sur la ligne Japon-Amérique du Nord de navires spécialement conçus pour transporter cette matière. Alors que les copeaux importés représentaient 2,8 pour cent ou 460 000 mètres cubes sur le marché japonais en 1965, leur part est passée à 39 pour cent ou 11 millions de mètres cubes en 1975 (voir tableau 3 pour plus de renseignements sur le volume des importations par pays exportateur et par essence). En 1975, 70 pour cent de la totalité des importations étaient composés de copeaux de résineux, essentiellement en provenance des Etats-Unis. Ces copeaux provenaient de résidus de scieries et d'usines de contreplaqués des Etats de Washington et de l'Oregon. Ces importations, effectuées dans le cadre de contrats à long terme (de 5 à 10 ans) entre les importateurs japonais et leurs homologues américains, alimentent chaque année le marché japonais en quantités constantes.

Tableau 2. - Tendances et prévisions concernant l'offre de bois à pâte au Japon



1970

1975

1980

1985

1000 m3

Offre intérieure

22 605

16 996

20 000

20 000

Importations

5 285

11 791

18 600

22 000

Total

27 910

28 787

38 600

42 000

SOURCE: Ministère du commerce international et de l'industrie. Japon.

Les copeaux de feuillus consistent essentiellement en eucalyptus d'Australie et en hévéas et mangroves de Malaisie. On ne peut guère s'attendre à ce que l'offre de ces copeaux de feuillus homogènes augmente beaucoup, vu la rareté relative de ces ressources ligneuses. L'utilisation de feuillus tropicaux mélangés, ou «bois de jungle»comme on l'appelle, pour la fabrication de pâte au Japon, a commencé en 1974 et les copeaux ont été importés de Papouasie Nouvelle-Guinée. Il serait souhaitable d'utiliser plus encore ce type de copeaux car on s'assurerait ainsi un approvisionnement régulier en matière première.

A l'heure actuelle, 70 navires, spécialement conçus et construits pour le transport de copeaux, sont affrétés par les fabricants japonais de pâte et de papier, le tonnage réel de ces navires varie entre 20 000 et 50 000 tonnes.

L'évolution des importations de copeaux se présentera sans doute ainsi: En premier lieu, et comme on l'a déjà mentionné, le Japon se procure des copeaux presque exclusivement aux Etats-Unis. Mais, étant donné la situation de l'offre et de la demande de bois de pâte dans ce pays, il faudra diversifier les sources et s'adresser au monde entier, particulièrement à l'U.R.S.S., à l'Amérique centrale et à l'Amérique du Nord, à l'Asie du Sud-Est et à l'Océanie. En deuxième lieu, la demande japonaise de copeaux devra être satisfaite de plus en plus dans le cadre desdits programmes de «développement et d'importation», en vertu desquels le Japon aide les pays en développement nantis de ressources en investissant chez eux des capitaux et en leur dispensant une assistance technique. Pour ce faire, il faudra aussi investir dans l'infrastructure et le reboisement. En troisième lieu, il faudra mettre au point de nouvelles techniques de fabrication de la pâte à partir d'essences moins connues. Un premier pas a déjà été fait dans ce sens en produisant de la pâte à l'échelle commerciale à partir de feuillus tropicaux mélangés en provenance de Papouasie Nouvelle-Guinée. Si de nouvelles techniques permettant de faire de la pâte avec n'importe quel mélange de feuillus tropicaux continueront à être mises au point, la situation serrée de l'offre et de la demande de bois à pâte au Japon devrait se détendre sensiblement.

Dans l'immédiat, les programmes de développement et d'importation des entreprises japonaises s'étendront à la production de pâte et de papier dans les pays en développement. La première activité de ce genre a déjà pour théâtre le Brésil, où une entre prise commune Japon/Brésil, lancée en 1973, se chargera de toutes les opérations, depuis le boisement jusqu'à la production de pâte et de papier.

Tableau 3. - Importations japonaises de copeaux de bois, par pays et par essence


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