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La commercialisation des produits forestiers

L. Lintu

L. Lintu est spécialiste de la planification industrielle à la Sous-Division de la pâte et du papier, Division des industries forestières, FAO, Rome.

· Le «marketing», est une science jeune, et son application, notamment au secteur forestier, est d'origine relativement récente.

D'une manière générale, ce secteur est fortement orienté vers la production; il s'efforce d'accroître et de rationaliser cette dernière en améliorant les techniques de transformation, et il se concentre sur les produits jugés technologiquement les plus intéressants. L'identification et la satisfaction des besoins et de la demande réels des marchés ne paraissent que bien rarement motiver ses actions.

Il y a évidemment à cette attitude des raisons particulières:

· La sylviculture et l'industrie forestière ayant d'ordinaire une forte composante technique, ce sont souvent les considérations techniques qui priment dans l'esprit des responsables.

· Les produits forestiers sont généralement des matières premières ou des produits semi-finis, dans lesquels les caractéristiques techniques sont importantes.

· Certains produits forestiers sont des produits de base, aux caractéristiques normalisées, qui sont vendus en grosses quantités avec peu d'intervention de marketing.

La concurrence des autres secteurs de l'économie a toutefois fait prendre conscience au secteur forestier que, dans bien des cas, il ne devait pas se contenter de continuer à produire ce qui est techniquement le plus réalisable, mais tenir compte de plus en plus des besoins et des desiderata de ses clients.

A mesure qu'il s'orientait davantage vers la commercialisation, le secteur forestier s'est aperçu par ailleurs que la structure de ses ressources était rigide et difficile à modifier à bref délai pour répondre à des changements soudains du marché. Les entreprises de pointe du secteur ont donc adopté une approche stratégique. Elles suivent en permanence l'évolution du marché et s'attachent à en satisfaire les besoins et la demande dans les domaines où elles peuvent au mieux exploiter leurs points forts et où leurs faiblesses posent le moins de problèmes. Cette approche, qui consiste à vendre des produits dont le consommateur a besoin et pour lesquels le producteur est particulièrement bien placé, apparaît comme la formule idéale pour le secteur forestier.

La commercialisation dans le secteur forestier

Pour définir le rôle de la fonction de commercialisation dans le secteur forestier, il convient d'analyser la structure du flux total de biens et services depuis la forêt jusqu'à l'utilisateur final. Il importe aussi d'identifier les produits et services à commercialiser. En outre, comme l'activité de commercialisation met également en jeu divers protagonistes, il faut connaître le rôle de ceux-ci et leur aptitude à répondre aux exigences de cette fonction.

Niveaux de transformation et de commercialisation. Toute activité productive comporte une série d'opérations consécutives, qui commencent par la transformation industrielle de matières premières en produits. La commercialisation amène ces produits sur le marché pour y satisfaire les besoins et desiderata particuliers des consommateurs. Dans le secteur forestier, cette série se répète plusieurs fois avant que le produit n'arrive au consommateur final - individu, famille ou ménage -, comme l'illustre la figure ci-contre.

Le premier maillon de cette chaîne est l'écosystème forestier, qui peut consister en forêts naturelles ou en plantations industrielles, dont les arbres trouvent un débouché dans l'exploitation forestière. Au second maillon, cette dernière convertit les arbres en grumes et en résidus, qui sont vendus aux différentes industries du bois telles que scieries, fabriques de panneaux dérivés du bois, usines de pâte et papier. Au troisième maillon, ces industries convertissent les grumes et résidus en sciages, panneaux, pâte et papier, qu'elles vendent aux industries du bâtiment, du meuble, de l'emballage, de l'impression et autres.

Le secteur forestier, affirme L. Lintu dans le présent article, commence à peine à prendre conscience de l'importance de la commercialisation. Lors de chacune des trois étapes de la production forestière - l'écosystème forestier lui-même, l'exploitation et la transformation -, la commercialisation joue un rôle capital. Les forestiers doivent aussi en reconnaître l'importance pour les produits forestiers non ligneux et les services. Le secteur forestier des pays en développement présente des conditions particulières, dont découlent des problèmes - et des possibilités - également particuliers pour la commercialisation. Celle-ci, soutient Lintu, est un trait d'union fondamental entre les différentes étapes de la production dans la chaîne qui va de la forêt à l'utilisateur final.

La commercialisation dans le secteur forestier

Il est communément admis que, jusqu'à ce point, les actions de transformation et de commercialisation incombent au secteur forestier, les étapes suivantes relevant d'autres secteurs de l'économie, qui reprennent la série d'opérations de transformation et de commercialisation jusqu'au niveau de l'utilisateur final. Ainsi, les sciages, les panneaux dérivés du bois et les papiers et cartons sont convertis à l'étape suivante en bâtiments, ponts, meubles, caisses, journaux, livres, etc., qui sont vendus à des particuliers, à des ménages, ou à des institutions et industries, qui les transforment encore avant de les vendre aux utilisateurs finals.

Les opérations de transformation et commercialisation sont plus ou moins poussées et plus ou moins longues, selon les produits forestiers. Certains produits parviennent à l'utilisateur final plus ou moins directement. Le bois de feu en est le principal exemple. Dans la plupart des cas, le bois de feu est coupé ou ramassé par les utilisateurs eux-mêmes. La seule exception est la production industrielle d'énergie à partir du bois, où les grumes et résidus sont tout d'abord vendus à une centrale industrielle, qui convertit le bois en électricité et vend cette dernière aux ménages ou à d'autres industries.

Produits forestiers non ligneux. Le bois n'est pas le seul produit fourni par la forêt. Il y en a bien d'autres, communément désignés sous le nom de «menus produits forestiers». Dans certaines régions, ceux-ci sont parfois plus importants que le bois lui-même; aussi ce terme, outre qu'il peut induire en erreur, ne rend pas justice à ces produits. Quelques-uns, tels les divers produits alimentaires cueillis en vue de l'autoconsommation ou de la vente sur les marchés locaux, atteignent l'utilisateur directement. De nombreux autres, par exemple les résines, les gommes et les huiles essentielles, sont récoltés en forêt ou dans des plantations industrielles, et passent par plusieurs cycles de transformation et commercialisation avant de parvenir à l'utilisateur final.

Services. Les forêts fournissent, outre des produits ligneux et non ligneux, des services qui peuvent être vendus directement aux utilisateurs, ou doivent être préalablement aménagés. Par exemple, la forêt renferme des sites remarquables ou des zones particulièrement riches en faune sauvage, qui peuvent être cédés à l'industrie du tourisme afin qu'elle les aménage en y construisant des routes, des hôtels et autres installations pour vendre ensuite ces services aux touristes. Autre exemple de services fournis par la forêt: la protection des terres agricoles par le biais des bassins versants. Un organisme public peut assurer ce genre de service par un aménagement forestier approprié, et ensuite le «vendre» aux collectivités rurales environnantes.

De tout le secteur forestier, le domaine le moins développé sur le plan de la commercialisation est celui des services, et ce en partie parce que bien souvent on ne se rend même pas compte que ces derniers ont une valeur marchande.

Domaine d'action de la commercialisation

La commercialisation est le trait d'union entre les différents niveaux d'activités forestières. Elle identifie les marchés, ainsi que les besoins et demandes à satisfaire, et contribue au développement des produits et services requis à cette fin. Elle informe les consommateurs des disponibilités, de la qualité et des prix, et distribue les biens et services. Non seulement elle achemine la production vers l'utilisateur, mais elle sert aussi de relais entre l'utilisateur et l'industrie ou institution en amont, pour transmettre à celle-ci les besoins du marché et autres informations utiles.

En bref, la commercialisation recouvre toutes les «techniques» permettant d'identifier et de satisfaire les besoins et demandes du marché, tandis que la transformation englobe l'ensemble des techniques utilisées pour convertir les matières premières en produits ouvrés.

Commercialisation industrielle. Elle a pour objet de commercialiser des biens et services auprès d'utilisateurs industriels ou autres établissements, qui les transforment ou les aménagent aux fins d'exploitation, de réparation ou entretien, ou encore de fourniture de services.

L'interdépendance entre vendeur et acheteur vient du fait que ce dernier a besoin d'une source sûre d'approvisionnement en biens et services pour faire marcher sa propre unité de transformation. Pour un fournisseur, il est très important d'avoir une réputation de fiabilité. Il faut généralement longtemps pour établir une telle image de marque; la conserver ensuite est tout aussi capital. En raison du grand nombre de facteurs en jeu, le processus d'achat dans la commercialisation industrielle est complexe. Il fait bien souvent intervenir non seulement le service d'achat, mais également les chercheurs et les techniciens. Par ailleurs, les relations entre vendeur et acheteur doivent être très étroites, et une fois établies elles durent en général longtemps. Il faut pour cela des filières de communication directes, concrètes et brèves.

En raison des caractéristiques particulières de cette commercialisation, toutes les unités fonctionnelles de l'entreprise doivent opérer en parfaite harmonie, en suivant et en évaluant constamment les besoins des utilisateurs en regard non seulement des points forts de l'entreprise, mais aussi de ceux des concurrents. Il faut donc que l'entreprise accorde à la fonction de commercialisation tout autant d'importance qu'à la recherche appliquée, à la production, à l'approvisionnement en matières premières, aux finances, à la promotion des ressources humaines, etc.

Dans le secteur forestier, il est particulièrement important de faire participer toutes les grandes fonctions de l'entreprise aux activités de commercialisation, car il est très difficile d'introduire des changements radicaux pour répondre à l'évolution des conditions du marché. Presque toutes les usines ont été conçues en fonction de la situation locale. Leur technologie, une fois mise au point, ne peut plus être changée qu'au prix de grandes difficultés et de grosses dépenses. Autre facteur limitant les possibilités de modifications majeures: le fonds de matière première. Les ressources forestières dont dispose une usine donnée possèdent certaines caractéristiques fixes qui ne peuvent être aisément modifiées à court terme. Or ces caractéristiques influent sur la gamme de produits qu'il est possible d'obtenir. Il importe par conséquent que le service commercial suive en permanence l'évolution des marchés et en informe les autres services de l'entreprise pour leur laisser le temps de s'adapter. Avec un service commercial actif et bien organisé, l'entreprise peut surmonter certains des problèmes dus à la rigidité du fonds de ressources et de la technologie utilisée. Il faut par conséquent une approche globale qui tienne pleinement compte de l'interaction vitale entre la ressource forestière, son aménagement, l'industrie et les marchés.

DÉCOUPAGE D'ÉCHANTILLONS DANS UNE GRUME - les exigences du marché influent sur le développement des produits

Parties en cause. La nature et le nombre des agents qui participent à la fonction de commercialisation varient également selon le stade des opérations, le type de produit ou de service, la méthode commerciale adoptée et l'emplacement des marchés.

Au départ, c'est la possession de la ressource forestière qui détermine la participation. Le propriétaire de la forêt peut être l'Etat, la collectivité locale, une industrie ou un particulier. Il peut aussi y avoir une population locale titulaire de droits d'usage sur certaines parties de la ressource forestière dont elle n'est pas propriétaire. Tous les propriétaires et usagers peuvent agir comme vendeurs des produits et services de la forêt, soit individuellement, soit en association avec les autres. La filière commerciale choisie détermine s'il y a des intermédiaires entre le vendeur et l'acheteur. Les acheteurs de bois de feu et de certains «menus produits forestiers» sont parfois aussi les utilisateurs finals, mais dans la plupart des cas il y a entre le vendeur et le consommateur des intermédiaires, grossistes et détaillants, qui, entre autres, tiennent des stocks de toute une gamme de produits et consentent des crédits, si nécessaire. L'acheteur de matières premières industrielles, comme le bois en grumes, est représenté par un organisme qui peut être une industrie de transformation ou une société d'exportation.

MAGASIN DE MEUBLES AU BANGLADESH - même la petite entreprise a besoin de services de commercialisation

FABRICATION DE MEUBLES - où seront-ils vendus?

LIVRAISON DE MEUBLES - commercialisation et transport sont liés

Les représentants des acheteurs s'appuient sur les autres services de leur organisation pour établir et évaluer les critères techniques et économiques, ainsi que ceux de rendement et de qualité de la matière première à acheter. Ils ont par conséquent l'avantage d'être en mesure de déterminer la valeur réelle de la matière première pour l'opération qu'ils représentent. Les vendeurs, qui n'ont pas de contact étroit avec l'industrie de transformation, restent dans une large mesure à la merci des acheteurs. Ils peuvent parer à cet inconvénient en constituant des coopératives de vendeurs capables d'acquérir l'information nécessaire et de négocier collectivement avec les acheteurs.

La structure et la taille de l'industrie de transformation influent aussi sur le nombre et la nature des agents intervenant dans la commercialisation. Il peut y avoir un grand nombre de petites usines qui n'ont pas les moyens d'avoir des services d'achat et de vente complexes, ou bien un petit nombre de grandes usines ayant des services commerciaux vastes et bien organisés.

L'importance des connaissances techniques et économiques du personnel des services commerciaux s'accroît avec le niveau de transformation. Ce n'est pas seulement un produit - sciages, panneaux ou papier - que l'on vend, mais aussi ses propriétés d'emploi avec les procédés de transformation exploités par l'utilisateur et sa disponibilité continue et garantie. C'est pourquoi ce personnel doit être familiarisé avec toute une gamme de produits et de procédés de fabrication. Il doit aussi avoir l'appui entier du personnel de recherche et de fabrication, afin que les modifications nécessaires soient faites conformément aux desiderata des clients.

Les agents qui interviennent directement dans la commercialisation ne peuvent s'acquitter convenablement de leur tâche que s'ils sont épaulés par de nombreux dispositifs institutionnels et une infra structure suffisante. De bons réseaux de transport et de communication, des systèmes de banque et de crédit satisfaisants, des organismes de recherche, d'essais et de normalisation, ainsi que des instituts de formation à tous les niveaux constituent l'armature nécessaire pour faciliter et appuyer les opérations commerciales des sylviculteurs, des exploitants forestiers, des industries de transformation et des entreprises de services, jusqu'à l'utilisateur final. Il faut des organisations spéciales pour effectuer des études de marchés et des recherches de marketing, appuyées par de bons moyens de collecte et de diffusion des données.

Les gouvernements sont en mesure de faciliter l'amélioration du fonctionnement des marchés, mais ils n'ont à exercer leur pouvoir de contrôle que dans des cas exceptionnels. En adoptant des politiques commerciales clairement définies et en mettant en place des infrastructures appropriées, les gouvernements peuvent contribuer au succès des efforts de commercialisation aux différents niveaux d'activité du secteur forestier.

Les conditions particulières des pays en développement

De nombreux facteurs concourent aux conditions particulières que connaît, dans les pays en développement, la commercialisation des produits et services tirés de la forêt. La taille et la structure des marchés intérieurs, celles des industries nationales, la dépendance vis-à-vis des importations, l'état des ressources forestières, leur régime foncier et les infrastructures sont autant de paramètres qui influent sur les méthodes commerciales.

Disponibilité de l'information. La première difficulté que l'on rencontre dans l'évaluation des potentialités du marché et le choix des variables de stratégie commerciale, dans les pays en développement, résulte très souvent du manque d'information détaillée et de l'insuffisance de données et de statistiques. Les statistiques dont on dispose couramment ne fournissent d'information que sur les produits ligneux. Pour les produits forestiers non ligneux, on trouve une information limitée dans les études spéciales menées par certains pays. Etant donné que les divers services fournis par les forêts sont d'ordinaire très difficiles à chiffrer de manière cohérente, l'information qui les concerne est en général obligatoirement plus qualitative que quantitative. La rareté des informations disponibles impose des exigences particulières quant aux méthodes d'étude des marchés et de recherche en marketing.

Taille et structure des marches. L'ensemble du marché des produits ligneux dans les pays du tiers monde représentait en 1983 quelque 70 milliards de dollars U.S., soit un quart environ du total mondial. Le bois de feu constitue plus du tiers du total des pays en développement. Les importations de produits ligneux de toute nature représentent moins de 15 pour cent du marché de ces pays; plus de la moitié de ces importations est constituée par les pâtes et papiers.

La valeur des exportations de produits ligneux des pays en développement s'élevait en 1983 à environ 7,5 milliards de dollars U.S., soit seulement 16 pour cent du total des échanges mondiaux pour ces produits. Les bois ronds d'œuvre et d'industrie représentent la plus grande part (plus de 35 pour cent) de ces exportations. Les sciages et les panneaux dérivés du bois, avec des parts à peu près égales, représentent ensemble prés de la moitié du total des exportations des pays en développement.

Ces chiffres d'ensemble indiquent que les pays en développement en tant que groupe sont largement autosuffisants pour la plupart des produits ligneux. Leur marché intérieur est près de 10 fois plus grand que leur actuel marché à l'exportation. Ce n'est que dans le cas de la pâte et du papier que l'on constate une dépendance importante vis-à-vis des importations, et encore y a-t-il même là une nette tendance à une autosuffisance accrue. L'importance du marché intérieur est encore mise en évidence par son expansion rapide. De fait, les marchés des produits ligneux grossissent beaucoup plus vite dans les pays en développement que dans les pays développés où vont leurs exportations. Les diverses projections sur les perspectives des marchés indiquent que cette croissance supérieure à la moyenne mondiale se poursuivra dans les pays du tiers monde. Par conséquent, les potentialités existent.

L'expression «menus produits forestiers», outre qu'elle peut induire en erreur, ne rend pas justice à ces produits.

De tout le secteur forestier, le domaine le moins développé sur le plan de la commercialisation est celui des services.

Il faut par conséquent une approche globale qui tienne pleinement compte de l'interaction vitale entre la ressource forestière, son aménagement, l'industrie et les marchés.

Toutefois, cette croissance rapide continuera d'attirer aussi vers les marchés des pays en développement des fournisseurs étrangers, souvent avec des techniques commerciales de pointe. Il importe que les industries des pays en développement soient en mesure de faire face à la concurrence sur leurs propres marchés et de mettre à profit la croissance rapide des marchés d'exportation dans d'autres pays du tiers monde. Ils peuvent y parvenir en accordant à la commercialisation la place qui lui revient et en rehaussant leur capacité dans ce domaine.

Une étude plus détaillée des données disponibles révèle que le degré d'autosuffisance en matière de produits ligneux varie beaucoup d'un pays du tiers monde à l'autre. Les approvisionnements sont en rapport étroit avec la disponibilité de ressources forestières et la taille du marché intérieur. Ainsi, les pays du Proche-Orient sont plus tributaires des importations que ceux d'autres régions parce qu'ils ont peu de ressources forestières, et les pays d'Afrique, par suite de l'exiguïté de nombreux marchés intérieurs, doivent importer plus de la moitié de leurs besoins de papiers et cartons et prés de la moitié de ceux de pâte, malgré leurs immenses ressources forestières.

Selon leur degré d'autosuffisance en matière de produits ligneux, on peut diviser les pays en trois grandes catégories, puis subdiviser encore celles-ci en fonction des ressources disponibles et de la taille du marché intérieur. Le tableau montre les différentes conditions commerciales que l'on peut rencontrer dans le monde en développement, suivant les critères ci-dessus. Il importe de bien reconnaître ces différences si l'on veut exploiter le potentiel de commercialisation.

Par exemple, en 1983, quelque 70 pays en développement dépendaient entièrement des importations pour satisfaire leur demande de papiers et cartons, surtout parce que l'exiguïté de leur marché intérieur ne permettait pas d'y implanter des usines de taille économique. Par ailleurs, une cinquantaine de pays doivent importer tous les panneaux dérivés du bois dont ils ont besoin, en partie par manque de matières premières appropriées mais surtout parce que leur marché intérieur est trop restreint. Dans ces pays, il faut s'attacher à améliorer l'efficacité des opérations d'achat et à donner aux marchés les moyens de faire face à une demande accrue, de manière qu'ils puissent à la longue commencer à utiliser leurs propres ressources pour satisfaire leurs besoins.

En ce qui concerne les sciages, les pays en développement dotés de ressources forestières appropriées sont pour la plupart autosuffisants, selon les chiffres de 1983, et beaucoup ont des excédents exportables. En revanche, les pays du Proche-Orient et d'Afrique du Nord, pauvres en forêts, doivent recourir aux importations. Dans les pays autosuffisants, les activités de commercialisation doivent se concentrer sur l'amélioration des rendements, de façon à écarter autant que possible la menace de fournisseurs potentiels de l'extérieur.

La croissance relativement rapide des marchés des produits ligneux dans de nombreux pays en développement continuera à attirer des fournisseurs de pays développés, d'où la nécessité toujours plus impérieuse de renforcer les capacités commerciales des fournisseurs locaux, qui devront soutenir la concurrence avec la qualité des produits, des services et de la performance de sociétés étrangères souvent très expérimentées. La protection des marchés par diverses restrictions d'importation ne doit jamais être considérée que comme une mesure temporaire.

Les capacités commerciales acquises sur les marchés intérieurs peuvent tout aussi bien servir à la commercialisation des exportations. L'éloignement des marchés, notamment ceux des pays développés, impose des contraintes particulières à la commercialisation industrielle, pour laquelle il est nécessaire que les relations entre producteur et client soient étroites. Les petits producteurs des pays en développement doivent très souvent s'en remettre à des mandataires pour écouler leurs produits, car il ne serait pas rentable pour eux d'avoir leurs propres circuits commerciaux. Aussi faut-il que ces agents soient bien choisis et que les producteurs soient prêts à leur apporter tout l'appui nécessaire dans leur travail. Une bonne infrastructure de transport et de communication facilitera grandement les choses. Dans certains cas, les producteurs auront aussi avantage à coopérer eux.

Stratification des pays en développement en fonction des conditions de marché

Tributaires des importations

1. Des ressources, des marchés suffisants
2. Des ressources, pas de marchés suffisants
3. Pas de ressources, des marchés suffisants

Autosuffisants

1. Des ressources stables suffisantes, des marchés suffisants
2. Des ressources en diminution, des marchés suffisants
3. Des ressources abondantes, des marchés suffisants

Autosuffisants et exportateurs

1. Des ressources abondantes et stables, des marchés suffisants
2. Des ressources en diminution, des marchés suffisants

Taille et structure des industries nationales. La structure de l'activité industrielle varie selon le stade de transformation et de commercialisation, tout comme à l'intérieur d'un même stade. C'est pourquoi on ne peut que faire ressortir certains grands traits communs qui ont une incidence sur la commercialisation.

Au premier stade, c'est-à-dire la vente des arbres aux entreprises d'exploitation forestière, la commercialisation relève le plus souvent du service forestier d'Etat, lequel, dans les pays en développement, possède la plupart des forêts. Même s'il y a d'autres formes de propriété, les ventes tendent à se concentrer sur un petit nombre de sociétés. Les arbres sont généralement vendus sous forme de concessions d'exploitation des forêts. Les acheteurs sont soit des entreprises qui font uniquement de l'exploitation, soit des industries du bois locales qui effectuent elles-mêmes les coupes. Le nombre d'acheteurs est donc assez limité, et il est aisé de les recenser, ce qui facilite beaucoup l'organisation de la commercialisation.

Le deuxième stade est celui de la vente des bois en grumes à l'industrie de transformation, soit dans le pays même, soit à l'étranger. Cette activité est menée par les sociétés d'exploitation forestière. Les acheteurs peuvent être nombreux, du fait de la petite taille des usines de transformation dans beaucoup de pays en développement, bien qu'il y ait habituellement une certaine concentration géographique. Les exploitants forestiers comme les industries de transformation tireront avantage d'une meilleure information sur les marchés ainsi que d'une meilleure coopération.

Cependant, il y a d'autres fournisseurs de bois en grumes que les grandes sociétés forestières. Dans de nombreux pays en développement, les petits agriculteurs ont souvent un lopin de forêt ou quelques arbres poussant en brise-vent sur leur terre. Ils coupent et vendent ces arbres comme bois en grumes, perches de construction et bois de feu pour se procurer un revenu en espèces. Les activités de ces petits producteurs, bien que rarement consignées dans les statistiques officielles, sont pourtant dans certaines régions très importantes. Les activités commerciales de ces petits agriculteurs sont naturellement très sporadiques, et les transactions se concluent d'ordinaire dans des conditions fixées en grande partie par les acheteurs, qui agissent en tant qu'intermédiaires. La production et la commercialisation de bois par ces «producteurs non officiels» pourraient être au moins en partie améliorées, si l'on inculquait aux services mis à la disposition du secteur agricole de bonnes notions de sylviculture et si ces petits producteurs de bois s'associaient en solides coopératives de vente.

Bien que la récolte de bois de feu ne soit pas en soi une activité industrielle, elle fournit des produits - bois de feu et charbon de bois - qui peuvent être commercialisés et qui constituent dans les pays en développement un marché important. Dans de nombreux pays du tiers monde, les paysans satisfont leurs propres besoins de bois de feu en le récoltant dans les zones forestières sur lesquelles ils ont des droits d'usage. Le bois de feu, cependant, est également vendu sur les marchés villageois; dans ce cas, les producteurs ruraux le commercialisent directement ou par l'intermédiaire de détaillants locaux.

Sur les marchés urbains, le bois de feu et le charbon de bois sont d'importantes sources d'énergie. Dans les grandes villes, le commerce est entre les mains d'intermédiaires ou, dans certains pays, de marchands ou de syndicats urbains puissants. Le bois de feu est récolté par les ruraux, puis enlevé par des intermédiaires qui le transportent vers leurs dépôts. Il peut aussi y avoir des dépôts de gros, où les détaillants viennent s'approvisionner. L'ensemble du processus de récolte et de commercialisation du bois de feu met en jeu un grand nombre d'agents. La structure de cette activité est souvent très compliquée, et il faut donc être très prudent dans toute tentative pour accroître l'efficacité de la commercialisation, car en avantageant un groupe de population on risque de compromettre le bien-être de l'ensemble de la société. Il semble toutefois que le rôle joué et les avantages obtenus par les paysans pourraient être accrus par une amélioration du système de commercialisation et de coopération rurale.

MANCHES EN BOIS DE HACHE ET DE MARTEAU - que voudront les consommateurs de demain?

De même, il serait possible d'accroître les gains des ruraux qui récoltent et vendent des produits forestiers non ligneux. A l'heure actuelle, leur rôle se limite à la récolte, tandis que la commercialisation est entre les mains de divers intermédiaires urbains. Dans le secteur du bois de feu comme dans celui des produits non ligneux, les marchandises acquièrent une valeur ajoutée à l'extérieur des collectivités rurales, et les bénéfices réels ne vont jamais à celles-ci, d'où une érosion constante de la base de ce secteur particulier de l'économie.

Bien souvent, il existe déjà dans les collectivités rurales des coopératives de vente et des institutions de crédit pour les produits agricoles. On pourrait chercher à améliorer la commercialisation des produits forestiers en étendant et renforçant les activités de ces institutions. Dans le cas des produits non ligneux utilisés par des industries extérieures au secteur forestier, telles qu'industries chimiques, pharmaceutiques ou alimentaires, une étroite coopération avec celles-ci est nécessaire.

La structure de l'industrie au troisième stade - transformation des bois en grumes et des résidus - a des conséquences qui diffèrent selon la nature de l'industrie et les produits qu'elle fabrique. Cependant, toutes ces industries sont fortement axées sur la transformation. Les problèmes techniques de production, notamment dans les pays en développement, occupent souvent presque toute l'attention de leurs responsables. La commercialisation est rarement reconnue comme un service opérationnel; de nombreux industriels, en fait, ne la considèrent que comme un simple service de vente.

Les industries du sciage et des panneaux dérivés du bois se composent souvent d'un grand nombre de petites unités. Isolément, elles n'ont que des possibilités très limitées d'organiser une action de commercialisation un tant soit peu sophistiquée. C'est pourquoi elles auraient intérêt à se grouper en coopératives. Ainsi, une action générale de promotion de l'emploi du bois dans l'industrie du bâtiment pourrait être entreprise conjointement par toutes les usines concernées. Tous les fournisseurs ont besoin de certains types d'informations sur les marchés; si celles-ci étaient rassemblées et analysées par un centre d'information, elles seraient disponibles plus rapidement et à moindre coût. Etant donné que les clients des scieries et fabriques de panneaux des divers secteurs du marché utilisent parfois des substituts aux produits ligneux, les industries forestières devraient étudier les capacités concurrentielles de ces entreprises.

Dans toutes les industries de transformation du bois, mais plus spécialement dans l'industrie papetière, on note, dans les pays en développement, une nette division entre grandes et petites usines. En Inde, par exemple, il y avait, en 1984, 38 grandes papeteries représentant 60 pour cent de la capacité totale de production du pays, tandis que 211 petites usines se partageaient les 40 pour cent restants. Les premières ont les moyens de soutenir un bon système de commercialisation, mais les secondes disposent à cet égard de possibilités plus limitées. Des services communs de commercialisation ont leur intérêt, surtout dans le cas où les productions des usines participantes ne se concurrencent pas mais au contraire se complètent. La survie et la croissance des petites usines dépendent dans une large mesure de leur capacité de trouver des créneaux commerciaux et de s'adapter avec souplesse aux besoins de leurs clients. Un contact permanent avec le marché et une bonne information commerciale sont essentiels pour adapter constamment la gamme de produits aux besoins changeants des utilisateurs.

La clientèle des industries de transformation du bois est en général très sophistiquée. Dans la plupart des pays en développement, les industries de conversion existaient bien avant l'établissement des industries du bois. On en trouve le meilleur exemple dans le secteur de l'industrie papetière. Tous les pays, même ceux qui n'ont pas leur propre production papetière, ont généralement une industrie de l'imprimerie et des usines qui convertissent les papiers et cartons en matériaux d'emballage. Ces industries sont habituées à utiliser des papiers et cartons importés, qui sont de grande qualité et bénéficient de livraisons et de services associés rapides et efficaces. Leurs équipements ont en conséquence été choisis et réglés en fonction de matériaux de haute qualité. Ainsi, dans tous les pays d'Amérique centrale, pratiquement tous les journaux locaux sont imprimés sur des presses offset en quadrichromie. Autre exemple dans cette même région: l'industrie du carton ondulé qui fabrique des caisses pour l'emballage des bananes. Il est très important qu'il n'y ait pas de problème ou d'interruption dans la fourniture de ces caisses aux usines qui conditionnent les bananes. Les industries de transformation du bois des pays en développement doivent donc être à même non seulement de fabriquer des produits de haute qualité technique, mais aussi d'en assurer la livraison aux industries de conversion avec la même efficacité que les fournisseurs étrangers.

Infrastructures. La faiblesse des infrastructures dans les pays en développement se fait sentir à tous les stades de la transformation et de la commercialisation, mais surtout au premier - celui de la ressource forestière elle-même. Les populations rurales, en particulier, ont besoin d'un appui sous la forme d'institutions nouvelles ou renforcées, de communications améliorées et de formation, pour tirer profit d'une commercialisation plus efficace des produits de la forêt. Au niveau des industries primaires, les associations industrielles solides capables de jouer le rôle de porte-parole et d'organiser la collecte d'informations et de données font souvent défaut. Il existe bien dans certains pays des institutions pour la mise au point des produits, des normes de qualité et des méthodes d'essai, mais elles ont souvent besoin d'être renforcées. Il convient d'informer les institutions de banque et de crédit des possibilités offertes par le secteur forestier, afin qu'elles acceptent de fournir un appui financier accru. La commercialisation dépend aussi beaucoup des moyens de communication et de transport, qui, dans le tiers monde, peuvent être efficaces en zones urbaines, mais n'offrent pas des services comparables en zones rurales. Les universités et autres établissements d'enseignement inscrivent parfois la commercialisation dans leurs programmes, mais cette matière n'est pas expressément proposée aux étudiants qui se destinent aux métiers du secteur forestier.

Lorsqu'ils essaient de résoudre les problèmes d'infrastructure, les gouvernements devraient avant tout tenir dûment compte des possibilités qu'offre une bonne commercialisation des produits forestiers pour accélérer le développement, surtout en milieu rural. Leur premier rôle en la matière doit être de créer des conditions favorables et des infrastructures appropriées. En formulant des politiques commerciales claires et en passant les accords qui conviennent, ils peuvent jeter les bases sur lesquelles les entreprises pourront s'appuyer pour rehausser la qualité de leurs activités de commercialisation.

La commercialisation est l'une des fonctions fondamentales du secteur forestier, qui fait le trait d'union entre les différentes étapes de la production dans la chaîne qui va de la forêt à l'utilisateur final. C'est en quelque sorte la «technique» qui permet d'identifier et de satisfaire les besoins et les desiderata des utilisateurs. A ce titre, elle est l'une des clefs du futur développement du secteur forestier.

L'ÉTAPE FINALE DE LA COMMERCIALISATION - de la forêt à la maison


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