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Bois d'Europe: Perspectives pour l'an 2000 et au-delà

K Prins

Kit Prins est chargé des affaires économiques à la Division mixte FAO/CEE de l'agriculture et du bois à Geneve (Suisse), qui a dirigé la préparation et la coordination de l'étude sur les tendances et perspectives des bois européens.

Quel est l'avenir des forêts, des industries forestières et du commerce des produits forestiers en Europe à l'horizon 2000 et au-delà? C'est à cette question que tente de répondre le présent article, fondé sur une importante étude récente relative aux tendances et perspectives des bois européens, qui vient d'être publiée par la Commission européenne des forêts de la FAO et le Comité du bois de la Commission économique pour l'Europe (CEE).

· Avec la croissance du commerce mondial et l'internationalisation des industries, les forêts et leurs produits sont de plus en plus soumis à l'influence des événements mondiaux. Ainsi, les décisions prises au niveau de l'entreprise, de la région et de la nation doivent tenir compte du contexte international, car faute d'une telle perspective les conséquences et les coûts ne pourront en être judicieusement évalués.

C'est dans cet esprit qu'une étude vient d'être publiée en anglais sous les auspices de la Commission européenne des forêts de la FAO et du Comité du bois de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies, sous le titre European Timber Trends and Prospects to the Year 2000 and Beyond (ETTS IV). Les deux volumes de ce rapport contiennent une grande masse d'informations, notamment des projections par pays de la demande de produits forestiers et des prévisions par pays concernant les superficies, le matériel sur pied et les volumes extraits dans les forêts européennes. Grâce à l'explication détaillée des méthodes de projection employées, l'utilisateur peut juger les prévisions en elles-mêmes et, dans certains cas, modifier des éléments pour les adapter à ses besoins particuliers.

Le contexte économique et social. L'étude traite d'abord de l'évolution économique et sociale qui influera sur l'avenir des forêts et de leurs produits. Cette évolution s'appuie sur les hypothèses fondamentales suivantes:

· La population continuera de s'accroître lentement pour l'ensemble de l'Europe, au taux de 0,5 pour cent par an en moyenne. Dans la plupart des régions, elle restera stable ou même diminuera après l'an 2000, alors que la population de l'Europe méridionale s'accroîtra de plus de 1,0 pour cent par an. C'est la Turquie qui aura alors de loin la plus forte population de tous les pays d'Europe.

· La croissance économique se situera entre la rapide expansion des années 60 et des premières années 70 et la stagnation ou la croissance lente de la fin des années 70 et du début des années 80, et son taux sera compris entre 2,6 et 3,3 pour cent par an.

· Les activités du bâtiment (principal facteur déterminant la consommation de sciages et de panneaux) se sont ralenties depuis quelques années. On envisage deux scénarios: i) stabilité au niveau de 19791981; ii) croissance à un taux représentant la moitié de celui du produit intérieur brut, bien qu'un certain nombre de facteurs contradictoires rendent les prédictions extrêmement incertaines.

· La productivité de l'agriculture continuera d'augmenter. La plupart des pays européens étant en gros autosuffisants du point de vue alimentaire, il y aura donc soit production d'une même quantité de denrées sur une surface réduite, soit production d'excédents agricoles coûteux. Dans un cas comme dans l'autre, il y aura pression pour convertir les terres agricoles à d'autres utilisations, notamment forestières.

Perspectives des forêts européennes. Le tableau 1 résume la situation actuelle des forêts européennes. Les pays nordiques représentent environ 30 pour cent du total, mais ils ont un taux bien plus élevé de forêts par rapport à la population (3,4 ha/habitant contre une moyenne européenne de 0,4 ha/habitant) et au territoire (taux de boisement 53 pour cent, contre une moyenne de 23 pour cent pour les pays de la CEE - à l'exception de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal - et de 35 pour cent pour l'ensemble de l'Europe).

On prévoit un accroissement des superficies boisées et une augmentation du matériel sur pied, de l'accroissement et des volumes extraits en Europe au moins jusqu'à l'an 2020.

Dans l'élaboration des prévisions, on a tenu compte des situations et des politiques de chaque pays, de même que des facteurs influant sur l'intensité de l'exploitation tels que concurrence entre différentes utilisations de la forêt (production ligneuse, loisirs, etc.); structures foncières pouvant faire obstacle à une mobilisation maximale des ressources ligneuses (par exemple prépondérance des petits propriétaires pour qui la production de bois n'est pas toujours prioritaire); régime fiscal pouvant avoir une incidence sur la gestion des forêts; et difficultés rencontrées par la plupart des pays pour trouver des débouchés aux petits bois provenant d'éclaircies, ce qui peut freiner les interventions sylvicoles.

Les correspondants nationaux prévoient un accroissement des volumes extraits allant de 11 à 25 pour cent entre 1980 et 2000, ainsi qu'une augmentation notable de l'accroissement net (accroissement brut moins mortalité naturelle) durant cette même période. Le matériel sur pied lui-même devrait s'accroître d'ici à l'an 2000, de 12 pour cent dans le scénario bas d'intensité d'extraction et de 10 pour cent dans le scénario haut.

Les tendances suivantes sont particulièrement intéressantes:

· Les pays de l'ouest de l'Europe, en particulier Irlande, Grande-Bretagne, France, Portugal et Espagne, prévoient un accroissement de leurs ressources forestières très supérieur à la moyenne, car de vastes plantations nouvelles, surtout d'essences résineuses, arriveront à maturité.

· En revanche, dans un certain nombre de pays d'Europe centrale, on prévoit une stagnation ou même une diminution de ces ressources (par exemple, en Tchécoslovaquie et en République fédérale d'Allemagne).

· Les volumes de bois feuillus extraits ont commencé à diminuer dés les années 50, mais la tendance s'est inversée depuis quelques années, en partie à cause de l'utilisation du bois comme combustible.

Tableau 1. Situation actuelle des forêt d'Europe

Région

Forêts et autres terres boisée superficie totale

Forêt et autres terres boisées par habitant

Pourcentage superficie
boisée du territoire

Forêt denses exploitables

Volumes totaux extraits1

Superficie

Volumes

Accroissement annuel net

(millions d'ha)

(ha)

(millions d'ha)

(millions de m3 sur écorce

(millions de m3 sur écorce)

Pays nordiques

599

3,4

53,3

43,3

4407

146

103

CEE2

34,5

0,1

22,9

27,6

3565

128

82

Europe centrale

4,9

0,4

40,2

4,0

1109

25

19

Europe méridionale3

66,6

0,5

37,0

27,1

2582

93

60

Europe orientale

28,0

0,3

28,9

25,8

4278

113

78

Europe

193,9

0,4

35,1

133,0

15941

505

342

1Volumes extraits enregistres de toutes origines (non limités aux forêts denses exploitables)
2A l'exclusion de la Grèce, de l l'Espagne et d" Portugal
3Albania comprise

Tableau 2. Autosuffisance en produits forestiers en Europe, 1979-1981


Sciages

Panneaux dérives du bois

Pâte du bois

Papiers et cartons

Pays nordiques

212

161

141

405

CEE2

51

76

39

75

Europe centrale

164

154

90

130

Europe méridionale

97

114

100

92

Europe orientale

101

98

80

93

Europe

91

94

88

103

1Production en pourcentage de la consommation apparente.
2A l'exclusion de la Grèce de l'Espagne et du Portugal.

Dommages aux forêts. Les graves dommages subis par les forêts, du fait notamment des incendies et de la pollution atmosphérique, ont suscité de vives préoccupations. Il y a chaque année en Europe plus de 30 000 incendies de forêt, qui touchent en général une superficie de l'ordre de 500 000 ha. D'autre part, selon les informations disponibles en 1985, les arbres, sur près de 7 millions d'ha, présentaient des dommages visibles, attribués à la pollution atmosphérique. Il s'agissait dans la majorité des cas de «dommages légers», traduisant un danger pour la forêt, mais sur 0,2 million d'ha les arbres étaient classés comme dépérissants ou morts.

Certes, tout changement inattendu de l'ampleur des dommages modifierait les prévisions concernant les ressources forestières. Ce sont les dommages attribués à la pollution atmosphérique qui ont suscité le plus d'inquiétude, mais jusqu'à présent on ne dispose pas de statistiques ni d'autres données permettant d'élaborer des prévisions dans ce domaine. C'est pourquoi on propose ici un certain nombre de scénarios non chiffrés concernant les interactions entre les dommages, les abattages, l'accroissement, le matériel sur pied et les décisions de gestion. Jusqu'au milieu des années 80, il était possible de compenser toutes les coupes sanitaires par des réductions dans les coupes régulières, mais si les dommages dans les forêts, et par conséquent les coupes sanitaires, devaient s'accroître dans des proportions importantes, il pourrait y avoir un excédent de bois ronds dans les zones touchées, d'où des conséquences pour les prix, les circuits commerciaux et la structure de l'industrie.

Produits non ligneux et services. La forêt fournit de nombreux produits autres que le bois ainsi que des services. On se heurte malheureusement à de grandes difficultés méthodologiques lorsqu'il s'agit de chiffrer certains d'entre eux, ce qui rend l'étude des perspectives quelque peu hasardeuse. Néanmoins, il est évident que si, dans l'ensemble, le bois est le produit le plus important des forêts (selon l'enquête de 1985 sur les ressources forestières, plus de 70 pour cent des forêts européennes sont aménagées essentiellement pour la production ligneuse), pour certaines forêts les autres biens et services ont une importance égale, sinon plus grande. C'est le cas en particulier des fonctions de protection et de loisirs (y compris la chasse). En outre, tout indique qu'en raison de l'évolution socio-économique (revenus disponibles supérieurs, davantage de temps libre, etc.) la demande de certains de ces services pourrait s'accroître plus vite que celle de bois. Les forestiers seront alors confrontés à des problèmes d'aménagement plus complexes et devront travailler en coopération étroite avec d'autres organismes pour fournir ces biens et services.

La demande de produits forestiers. Parmi les produits forestiers, c'est la consommation de panneaux dérivés du bois, notamment les panneaux de particules, qui enregistre la croissance la plus rapide (8,7 pour cent par an entre 1950 et 1980), suivie par les papiers et cartons (5,3 pour cent) et les sciages (1,7 pour cent). Pendant les années 70, tous les produits ont connu des fluctuations cycliques brutales et un ralentissement des taux de croissance moyenne.

Dans divers domaines, il semble y avoir des possibilités appréciables de relever le niveau de consommation de sciages et de panneaux

DÉBARDAGE PAR CÂBLE DANS UNE FORÊT EUROPÉENNE de plus en plus de terres agricoles retourneront à la forêt / FAO

Les tendances récentes de la consommation des divers produits forestiers font apparaître de grandes différences dans la consommation par habitant selon les régions. L'Europe méridionale enregistre les chiffres de consommation les plus bas ou presque pour les sciages, les panneaux dérivés du bois et le papier. Les chiffres de consommation par habitant les plus élevés - ceux des pays nordiques - sont généralement de cinq à sept fois plus élevés que les chiffres les plus bas. Le taux de croissance de la consommation par habitant en Europe méridionale est supérieur à celui de toutes les autres régions, bien que cette région ait le taux de croissance démographique le plus fort.

En ce qui concerne la consommation de bois de feu, la tendance à la baisse constatée à partir des années 50 s'est inversée vers la fin des années 70. Toutefois, toutes les statistiques concernant le bois de feu sont très incertaines, et il est probable que la consommation réelle est supérieure aux chiffres officiels.

L'étude examine la répartition de la consommation de sciages et de panneaux dérivés du bois par secteurs d'utilisation. La principale constatation est que l'emploi de bois par unité de production dans de secteur le plus important, la construction, varie très largement d'un pays à l'autre. Cette situation fait apparaître à la fois des possibilités et des menaces. Le marché est sensible à des facteurs tels que coûts, commodité d'emploi, durabilité, disponibilité et, ce qui n'est pas à négliger, variations de la mode.

Europe Scénarios, de demande de l'étude / ETTS IV

La situation dans les différents secteurs d'utilisation - notamment les volumes consommés et les facteurs influant sur la concurrence entre produits - est mal connue et devrait l'être mieux. Dans divers domaines, il semble y avoir des possibilités appréciables de relever le niveau de consommation de sciages et de panneaux.

L'étude passe également en revue les utilisations finales des différentes catégories de papiers et cartons, et les principaux facteurs susceptibles d'influer sur les perspectives. L'incidence du développement des techniques de communications électroniques sur la consommation de papiers d'impression et d'écriture reste incertaine. Les experts s'accordent à estimer qu'elle ne se fera pas sentir de façon marquée avant le milieu des années 90 mais qu'au-delà les perspectives sont incertaines.

Les principaux changements dans la consommation de matière première ligneuse en Europe entre les périodes 1969-1971 et 19791981 sont les suivants: la consommation de grumes a augmenté plus lentement (10,6 pour cent) que celle de bois à pâte (20,7 pour cent), et parmi les catégories de bois à pâte la consommation de rondins de conifères a plafonné (avec une baisse dans les pays nordiques), tandis que celle de rondins de feuillus, et surtout de résidus et de copeaux, a fortement augmenté. La consommation totale de fibres de papeterie a augmenté de manière notable au cours de cette décennie (30,4 pour cent); la croissance a été bien plus rapide pour les vieux papiers (58,7 pour cent) que pour la pâte (20,3 pour cent).

Projections de la consommation. Les modèles de demande jouent un rôle essentiel dans l'étude. Les projections sont fondées sur l'hypothèse que le modèle traduit fidèlement les corrélations entre la consommation de produits forestiers et les variables déterminantes, que les scénarios utilisés pour établir ces variables sont plausibles, et enfin que les corrélations entre la consommation et les variables déterminantes resteront inchangées. Les projections de l'étude supposent aussi des rapports de prix constants, en accord avec les tendances passées des prix qui enregistrent des fluctuations mais pas de forts mouvements en hausse ou en baisse.

En se basant sur les modèles, sur les données fournies par chaque pays pour le bois de feu et sur des estimations pour les produits moins importants, on a élaboré deux scénarios concernant la demande, avec des données par pays pour 1990 et 2000. (Voir figure ci-contre.) Les taux de croissance prévus sont pour la plupart inférieurs à ceux des études antérieures, sauf pour le bois de feu pour lequel on prévoit un accroissement, alors que les études antérieures prévoyaient une baisse persistante.

On suppose que l'offre de résidus de bois et de vieux papiers continuera de s'accroître plus vite que celle d'autres matières premières, de sorte qu'ils couvriront une part croissante de la consommation de matières premières. Ces matières sont généralement moins chères que leurs concurrentes directes, et les progrès techniques ont élargi leur gamme d'emplois. Cette tendance confirme que les industries forestières sont de plus en plus utilisatrices de «technologies douces» non productrices de déchets.

L'étude examine d'autre part les perspectives de la demande pendant le premier quart du 21e siècle, tout en soulignant naturellement l'incertitude qui entoure toute estimation quantitative à 40 ans de distance, ainsi que la possibilité de changements importants de tendances. On propose des scénarios «de base» avec maintien des niveaux de consommation par habitant de l'an 2000, et des scénarios «extrêmes» qui supposent soit une hausse continue après l'an 2000 jusqu'à de nouveaux records en 2025, soit au contraire une baisse qui ramènerait ces niveaux à ceux de 1980 ou même plus bas.

Les principaux facteurs propres à influer sur la consommation de produits forestiers, avant et après l'an 2000, sont la croissance démographique, la croissance macro-économique et le niveau d'activité de la construction de logements. Sont également importants des facteurs comme la compétitivité technique et économique des sciages et des panneaux dérivés du bois dans le secteur du bâtiment; les innovations en matière d'informatique et de transmissions électroniques, et leur acceptation par la société; la compétitivité du papier et du carton dans le secteur de l'emballage; la situation de l'énergie, en particulier les prix relatifs et les disponibilités des différents combustibles; et les changements des habitudes des consommateurs. S'il est vrai qu'un certain nombre de ces facteurs ne sauraient être influencés par le secteur de la forêt et des produits forestiers, il faut souligner que ce secteur a une forte influence sur la compétitivité technique et économique de ses produits.

Champ de l'étude

Champ géographique: Europe moins URSS (le potentiel d'exportation des autres réglons est également examiné).

Produits: bois bruts, sciages, panneaux dérivés du bois, pâte de bols, papiers et cartons, bois pour l'énergie.

Secteurs: forêt, industries forestières, commerce international, consommation et prix des produits forestiers.

Périodes couvertes: données statistiques de 1913 au début des années 80; prévisions chiffrées détaillées jusqu'à l'an 2000; (ensuite, prévisions détaillées pour la production forestière jusqu'à 2020, et estimations approximatives de la consommation de produits forestiers).

 

Europe occidentale2

Amérique du Nord

1970

1980

1970

1980

Valeur ajoutée Milliards de dollars U.S. 1970

17,1

17,7

23,4

31,4

Pourcentage de toute l'industrie de transformation

6,7

6,3

7,3

7,5

Emplois3 Millions de personnes

3,1

3,0

1,7

1,9

Pourcentage de toute l'industrie de transformation

7,4

7,3

8,8

9,0

1Classification internationale type, par industrie, de toutes les branches d'activité économique.
2A l'exception du Luxembourg et de la Suisse, pour lesquels on ne disposait pas de données.
3Comprend des données pour IA Tchécoslovaquie, IA Hongrie et IA Pologne.

Vers \ De

Monde

Europe

URSS

Canada

Etats-Unis

Autres

(millions de m3 équivalent bois rond)

Monde

474

167

36

119

63

90

Europe

225

141

24

21

18

20

Etats-Unis

84

1

-

79

-

4

Japon

71

1

7

9

24

30

Autres

94

24

5

10

21

36

Un accroissement notable des exportations de l'Union est peu probable dans un avenir prévisible.

Les industries forestières européennes. L'étude examine le rôle des industries forestières dans la société européenne, leur structure, leur capacité et leur consommation de matière première, et attire l'attention sur l'importance de leur santé économique. Si celle-ci peut être maintenue et améliorée, ces industries contribueront à la mise en valeur optimale des forêts européennes; dans le cas contraire, le potentiel matériel de ces forêts ne sera sans doute pas exploité. D'après une analyse préliminaire, ces industries n'ont pas perdu de terrain par rapport aux autres secteurs. La productivité de la main d'œuvre dans les industries forestières s'est régulièrement améliorée à mesure que les investissements en capital ont, jusqu'à un certain point, remplacé la main d'œuvre (tableau 3). L'étude indique d'autre part qu'il existe de larges différences entre les pays et entre les produits en ce qui concerne l'autosuffisance et la capacité de production (tableau 4).

Echanges commerciaux et importations d'autres régions. Après avoir rappelé la place de l'Europe dans le commerce mondial des produits forestiers (tableau 4) et les tendances au cours des années 70, l'étude examine les possibilités d'approvisionnement par les grands fournisseurs traditionnels de l'Europe et par de nouveaux fournisseurs potentiels.

C'est l'Union soviétique qui possède les plus vastes ressources forestières du monde, dont des millions d'hectares de forêts encore intactes. Toutefois, les volumes extraits ont baissé depuis le milieu des années 70 à mesure que les activités forestières se déplaçaient vers l'est et le nord en Sibérie, d'où accroissement des coûts et autres difficultés telles que climat, relief et pénurie de main-d'œuvre. En outre, le secteur forestier se trouve en concurrence avec d'autres secteurs pour obtenir sa part d'investissements limités. Il faut aussi tenir compte du fort accroissement potentiel de la consommation intérieure, en particulier pour les panneaux et le papier. C'est pourquoi, malgré l'écart important entre possibilités et volumes effectifs exploités, et les efforts faits pour utiliser les ressources disponibles de manière plus intensive, un accroissement notable des exportations de l'Union soviétique est peu probable dans un avenir prévisible, à moins que des événements imprévus n'imposent un changement profond de la politique de ce pays.

PAPETERIE EN ITALIE la consommation de papier s'accroît de plus de 5 pour cent par an / F. PIERBATTISTA

Le Canada possède lui aussi de très vastes forêts, en majorité de conifères, mais les volumes extraits sont près d'atteindre le volume annuel possible. Les forêts de conifères de certaines régions du pays - en particulier les peuplements naturels parvenus à maturité - sont déjà exploitées intensivement et ne pourraient vraisemblablement pas supporter indéfiniment le rythme actuel d'abattage. Les mesures proposées pour accroître la production à long terme sont: une meilleure protection contre les insectes et les incendies; une régénération améliorée; une utilisation accrue des feuillus à présent considérés comme économiquement non exploitables ainsi que des matières premières de qualité inférieure; et une amélioration des rendements de matière première. Il est sans aucun doute possible d'accroître encore les exportations, mais de nombreux problèmes se posent. Un grand débat se poursuit au Canada sur l'avenir de la forêt, ce qui rend toute prévision difficile. Toutefois, il est certain que sans une expansion des ressources ligneuses actuelles le Canada pourrait difficilement porter ses exportations de produits forestiers bien au-delà des niveaux actuels, du moins de façon durable.

Bien que les échanges internationaux soient relativement moins importants pour les Etats-Unis, leur marché intérieur, de loin le plus grand du monde, est si vaste que toute évolution de ce marché aura des répercussions sur le marché mondial des produits forestiers. Une étude officielle publiée en 1982 prévoyait une augmentation de la demande de produits forestiers, de l'offre intérieure et des importations nettes (en dépit d'exportations accrues). Les prévisions concernant la demande et les ressources potentielles, notamment dans les Etats du sud, ont depuis lors suscité des doutes. En même temps, le gouvernement et les industriels s'intéressent davantage à la promotion des exportations. Des études sont actuellement menées sur un certain nombre de ces questions, mais les perspectives restent incertaines tant pour les importations que pour les exportations, d'autant plus qu'elles seront fortement influencées par le taux de change du dollar U.S., actuellement fluctuant.

Groupements de pays

Pays nordiques: Islande, Norvège et Suède.

CEE (Europe des Neuf: République fédérale d'Allemagne Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni.

Europe centrale: Autriche et Suisse.

Europe méridionale: Chypre, Espagne, Grèce, Israël, Malte. Portugal, Turquie et Yougoslavie.

Europe de l'Est République démocratique allemande, Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie et Tchécoslovaquie

Afin de faciliter la comparaison avec l'étude précédente ETTS III on a retenu pour la CEE les neuf pays déjà considérés dans cette étude (Europe des Neuf) plutôt que l'Europe des Douze, qui n'a pris naissance qu'au 1er janvier 1986 (entrée de la Grèce de l'Espagne et du Portugal). On a toutefois calculé les données relatives à l'Europe des Douze, qui sont reproduites dans les annexes.

Les données sont également présentées par pays, afin de permettre aux analystes d'établir leurs propres groupements de pays a leur convenance.

Les forêts tropicales naturelles. Environ 12 millions de m3 (équivalent bois rond) d'importations européennes (2,5 pour cent des approvisionnements totaux) proviennent des forêts feuillues tropicales, qui, en 1980, couvraient 1,16 milliard d'ha (forêts denses seulement), dont 860 millions d'ha de forêts productives. Sur ce total, 38 millions d'ha sont aménages, 154 millions d'ha exploités et 668 millions d'ha encore intacts. La proportion de forêts exploitées est plus forte dans les pays traditionnellement exportateurs de bois tropicaux, dont certains ne peuvent plus exporter par suite de l'épuisement de leurs ressources. Le rythme du déboisement dans les forêts denses feuillues est estimé à 6,9 millions d'ha (soit 0,6 pour cent) par an. Vers la fin des années 70, il y avait 11,5 millions d'ha de reboisements tropicaux, dont 7,1 millions d'ha de plantations industrielles; de nouvelles plantations ont été faites depuis cette date. Selon la FAO et le PNUE, les tendances des dernières années devraient persister à court ou à moyen terme en ce qui concerne le déboisement et les plantations. Si elles persistaient plus longtemps, c'est-à-dire à moyen ou à long terme, la superficie totale de forêts denses productives tomberait à 540 millions d'ha en l'an 2000. On prévoit toutefois un accroissement du rythme de plantation par rapport au passé récent, avec la réalisation de programmes de reboisement et d'aménagement en vue d'une production soutenue. Cette évolution devrait aboutir au remplacement partiel de la forêt naturelle par la sylviculture artificielle, sur une plus petite surface mais avec des rendements très supérieurs, avec, dans la plupart des cas, production de types de bois totalement différents. Cependant, le potentiel de production des forêts tropicales naturelles devrait durer bien au-delà de l'an 2000, mais avec un risque d'épuisement ultérieur des ressources. Le facteur déterminant sera semble-t-il la politique forestière que les pays producteurs adopteront. L'imposition de restrictions d'abattage et d'exportation plus sévères que par le passé pourrait entraîner pour les pays européens un grave déséquilibre entre l'offre et la demande de bois feuillus tropicaux. (Voir l'article sur l'Organisation internationale des bois tropicaux - N.D.L.R.)

Il existe aussi de nouvelles sources possibles d'approvisionnement. La plus importante potentiellement, mais en même temps la plus incertaine, est constituée par les plantations forestières tropicales et subtropicales, généralement d'essences à croissance rapide, dont certaines sont orientées vers les marchés d'exportation (par exemple bois ronds, pâte et sciages de résineux). De très forts taux d'accroissement peuvent être obtenus, mais de sérieux problèmes sylvicoles, sociaux et économiques se posent. Certains succès récents montrent cependant que ces problèmes ne sont pas insurmontables. S'il y a une forte demande de produits forestiers sur les marchés internationaux, les chances de résoudre ces problèmes augmenteront.

Deux pays, le Chili et la Nouvelle-Zélande, ont créé des ressources forestières fondées en grande partie sur des plantations de Pinus radiata, et se sont fixé des objectifs ambitieux, mais apparemment réalistes, d'exportation de grumes, de sciages et de pâte sur le marché mondial. Le Chili espère produire de 25 à 40 millions de m3 en l'an 2000, et la Nouvelle-Zélande environ 20 millions de mètres cubes.

Les autorités japonaises prévoient un léger accroissement des importations d'ici à 1995 environ. Cependant, l'accroissement pour rait être plus fort que prévu, étant donné que les objectifs précédents d'augmentation de la production intérieure de bois n'ont pas été atteints.

Les estimations de l'étude ne confirment pas l'opinion selon laquelle une pénurie mondiale de produits forestiers serait imminente, étant donné que les exportateurs - traditionnels et nouveaux - semblent avoir le potentiel voulu pour satisfaire une demande d'importations même élevée. Toutefois, une tension entre l'offre et la demande pourrait apparaître au niveau mondial si une forte demande d'importations se concrétisait dans les pays en développement.

En bref, le marché mondial des produits forestiers semble avoir à moyen et à long terme un potentiel d'adaptation suffisant pour faire face à des changements même importants. Que ce potentiel se réalise ou non dépendra de nombreux facteurs économiques et institutionnels, entre autres la promptitude avec laquelle les signes avant-coureurs de changement seront perçus et la rapidité de la réaction appropriée.

FORÊT D'ÉPICÉA EN BAVIÈRE (RÉP. FÉD. D'ALLEMAGNE) la pollution atmosphérique reste inquiétante dans de nombreuses régions / R. PARDO

Bois et énergie. Deux chapitres de l'étude sont consacrés aux perspectives du bois et de l'énergie, en raison des changements fondamentaux intervenus dans ce secteur depuis le milieu des années 70. Vers 1978, sous l'effet de la hausse des prix de l'énergie et du regain d'intérêt pour les sources d'énergie renouvelables, la consommation de bois de feu, qui avait décliné à partir des années 50, a connu un renversement de tendance et a recommencé à augmenter. Toutefois, les extractions de bois de feu enregistrées ne sont qu'un aspect de la situation d'en semble. Ainsi, vers 1980, les volumes de bois utilisés pour la production d'énergie en Europe étaient les suivants:


millions de m3

Bois de feu

72

Résidus de bois et d'écorce des industries forestières

40

Produits forestiers après leur utilisation initiale

11

Equivalent estimatif en bois des liqueurs résiduelles brûlées dans la fabrication de pâte chimique

44

Total

167

Il ressort de ces chiffres qu'en Europe plus de 40 pour cent en volume du bois et de l'écorce extraits servent à produire de l'énergie et que la fourniture d'énergie reste en volume la principale utilisation du bois. Le bois est brûlé surtout par les ménages (environ 60 pour cent du total) et les industries forestières (moins de 30 pour cent). Il représente environ 2 pour cent de la consommation européenne d'énergie, mais sa part est nettement plus élevée dans quelques pays (Turquie, Finlande, Yougoslavie, Suède et Portugal).

Les niveaux futurs de consommation de bois pour obtenir de l'énergie seront déterminés par toute une gamme de facteurs, entre autres: équilibre global de l'offre et de la demande d'énergie; organisation des marchés du bois de feu; mise au point d'équipements simples et sûrs pour la combustion du bois; coûts de récolte; résultats des recherches entreprises sur de nouvelles formes de combustibles dérivés du bois (par exemple combustibles synthétiques liquides ou gazeux) et sur les plantations pour la production d'énergie. On estime généralement que la consommation de bois pour l'énergie s'accroîtra de 2,0 à 2,5 pour cent par an, presque exclusivement dans les emplois classiques (habitations, industries forestières et consommateurs de taille moyenne tels qu'unités de chauffage urbain). On prévoit peu d'accroissement du fait des formes nouvelles de combustibles dérivés du bois. On ne pense pas que la demande de bois pour l'énergie doive avoir des effets défavorables importants sur les disponibilités de matière première ligneuse pour les industries forestières, bien qu'elle puisse avoir des répercussions sur les prix des bois à pâte de basse qualité.

Méthodologie

1. Demande de produits forestiers. On a utilisé deux modèles économétriques, comportant tous deux une analyse de coupe en travers dans des séries chronologiques. Les variables indépendantes étaient un indicateur d'activité, les prix relatifs des produits forestiers et une variable de temps. Dans l'un des modèles, l'Indicateur d'activité est le PIB, dans l'autre (utilisé seulement pour les sciages et les panneaux), un indice compose d'activité dans les principaux secteurs utilisateurs.

2. Prévisions concernant les ressources forestières. Les prévisions de superficies forestières, matériel sur pied, accroissement, abattages et volumes extraits pour les différent types de forêts en 1990, 2000, 2010 et 2020 ont été fournies par les correspondants nationaux, qui ont tenu compte des caractéristiques des politiques forestières et des marchés nationaux. Toutes les prévisions ont fait l'objet d'une vérification de cohérence Intrene.

3. Analyse de cohérence. Dans la section finale les projections de la demande pour chaque pays sont comparées aux prévisions de volumes à extraire, compte tenu des échanges commerciaux, des rendements de matière première et du recyclage. A partir de cette comparaison, des conclusion au plan national et régional ont été formulées

Analyse de cohérence. Dans l'étude, un modèle a été établi pour vérifier la cohérence des prévisions au niveau de chaque pays. Le principe de base de ce modèle est de calculer à partir des prévisions de consommation les «volumes extraits résultants» c'est-à-dire les volumes nécessaires pour faire face à la consommation projetée après prise en considération des échanges commerciaux, des rendements, du transfert de résidus et du recyclage des vieux papiers. Les volumes extraits résultants sont ensuite comparés aux prévisions nationales d'abattages, qui sont élaborées séparément. Cette méthode permet d'analyser les relations mutuelles des prévisions obtenues dans d'autres volets de l'étude.

La différence entre les deux chiffres de volumes extraits, pour l'ensemble de l'Europe, est peu importante pour 1990 (environ 6 millions de m3). Il semble donc que, pour cette période, l'offre et la demande s'équilibrent à peu près, sans importations accrues d'autres régions. Toutefois, si les fournisseurs extra-européens étaient en mesure d'accroître leurs exportations vers l'Europe grâce à leur dynamisme commercial ou à leurs prix compétitifs, il pourrait même y avoir excédent d'offre. Dans tous les cas, on peut s'attendre à une assez vive concurrence sur le marché.

Aux alentours de l'an 2000, l'analyse de cohérence fait apparaître une situation assez différente. On prévoit une demande supérieure de 39 à 60 millions de m3 à l'offre (prévisions d'abattages). Il ne faut cependant pas voir là une prévision de «pénurie», de bois sur les marchés internationaux, parce qu'un certain nombre de pays d'Europe orientale et méridionale n'accroîtront sans doute guère leurs importations, en raison notamment du manque de devises. Les ajustements dans ces pays, qui représentent de 9 à 16 millions de m3 de la différence négative, n'influeront vraisemblablement pas sur l'équilibre international offre/demande. Il sera, d'autre part, sans doute possible d'améliorer les rendements de matière première, en particulier grâce à une proportion accrue de pâtes «à haut rendement» pour la fabrication du papier. Cela permettrait de diminuer l'écart entre offre et demande d'environ 10 millions de m3, avec une amélioration moyenne des rendements de 5 pour cent.

Tous ces facteurs réunis pourraient réduire de 20 à 25 millions de m3 le déficit à l'échelle européenne. Il ne semble pas réaliste de proposer un taux plus élevé de transfert de résidus ou de recyclage de vieux papiers, les hypothèses hautes faites à leur propos représentant, semble-t-il, des maxima. L'écart subsistant, de 20 à 35 millions de m3, pourra être corrigé par un ou plusieurs des moyens suivants: importations plus élevées de l'extérieur de l'Europe, consommation moins élevée de produits forestiers (y compris bois de feu) ou abattages plus intensifs dans les forêts européennes.

Si l'on adopte les scénarios de consommation de produits forestiers et de volumes extraits des forêts européennes présentés précédemment dans l'étude, on peut prévoir que les importations européennes en provenance d'autres régions s'accroîtront de 20 à 35 millions de m3 par rapport à leur niveau de 1979-1981, ou que les exportations européennes vers d'autres régions diminueront dans la même proportion, ou encore que ces deux tendances se combineront. Il semblerait donc que les exportateurs potentiels vers l'Europe pourraient augmenter leurs exportations de 20 à 25 millions de m3. L'analyse ci-dessus tend à montrer que les ressources ligneuses permettant de faire face à un tel accroissement des exportations vers l'Europe existent bien.

Ces conclusions sont assez différentes de celles des études précédentes sur les tendances en matière de bois, qui soulignaient la nécessité de développer les ressources forestières européennes afin d'éviter des difficultés d'approvisionnement dans l'avenir. Ce changement de perspectives tient au moins en partie au fait que les responsables du secteur forestier, ayant accepté les résultats de ces études antérieures, ont intensifié l'aménagement des forêts et la création de nouveaux boisements.

Conclusions

L'étude conclut en signalant un certain nombre de domaines dans lesquels des données plus précises et une analyse plus complète sont nécessaires, et en identifiant certaines grandes questions de politique forestière ressortant de ses conclusions. Par exemple, les prévisions seraient nettement plus fiables si l'on avait davantage d'information sur le comportement et les objectifs des petits propriétaires forestiers, les dommages subis par les forêts et leur évolution, la structure et la capacité des scieries et autres industries du bois, les facteurs influant sur les utilisations des sciages et des panneaux, et la situation économique des industries forestières prises dans leur ensemble. Il faudrait également mieux connaître les tendances de secteurs tels que la construction et les nouveaux moyens de communication électroniques qui ont une incidence majeure sur la demande de nombreux produits forestiers. Enfin, il est indispensable d'avoir davantage de données sur les perspectives concernant les régions exportatrices et importatrices hors d'Europe, ainsi que sur les tendances mondiales en matière d'énergie et leurs conséquences pour l'énergie tirée du bois. Il sera nécessaire, d'autre part, de suivre toutes ces tendances de manière continue et de les comparer avec les prévisions de l'étude ETTS IV.

Les auteurs de l'étude, tout en soulignant l'incertitude des projections pour le 21e siècle et la nécessité inéluctable de prendre des décisions en matière forestière sur la base d'informations incomplètes, identifient clairement plusieurs questions importantes qui appellent des décisions d'orientation générale, telles que la demande croissante de produits non ligneux et de services des forêts; les changements prévus dans l'équilibre de l'offre et de la demande; les problèmes liés au morcellement de la propriété et de la gestion forestières et de certaines industries forestières (notamment scieries); et l'évolution du secteur agricole. Il faudra également décider s'il est nécessaire de ranimer certaines industries forestières; améliorer la compétitivité des produits forestiers et diversifier leurs débouchés; réviser les politiques concernant l'énergie tirée du bois; et améliorer l'organisation de la filière bois de l'arbre au produit final. Les décisions bien fondées et réfléchies qui seront prises dans tous ces domaines détermineront dans une large mesure l'avenir des ressources forestières européennes et de l'ensemble du secteur de la forêt et des industries forestières.

Pour se procurer cette étude, s'adresser à la Division mixte FAO/CEE de l'agriculture et du bois, Palais des Nations, CH-1211 Genève 10 (Suisse). L'étude comporte deux volumes vendus 120 dollars U.S. (numéro de vente: E.86.11.E.19).


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