G. Impact de la désertification et du développement des zones arides sur l'environnement et les conditions socio-économiques


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3.35 Malgré les dimensions énormes de la désertification et une abondante littérature spécialisée des dernières années, l'impact socio-économique de la désertification reste très mal connu. Jusqu'en 1989, les informations sur ce sujet sont très rares et dispersées dans les articles traitant d'autres problèmes, surtout biologiques. Une difficulté supplémentaire provient de ce que, jusqu'en 1991, dans les conditions de l'économie centralement planifiée, tous les essais d'estimation des pertes étaient entachées d'erreurs résultant d'une fixation arbitraire des prix. En revanche, à partir de 1991, on a affaire aux processus d'hyperinflation qui rendent difficile une comparaison des données d'une année sur l'autre. L'exemple des trois calculs, cité par Ph.R. Pryde (cf. fiche bibl. 51), atteste les différences entre les évaluations:

3.36 Par contre, selon les évaluations citées par V.A. Doukhovnyï et autres (cf. fiche bibl. 28), les pertes économiques occasionnées uniquement par la diminution de récoltes dans les années 1974, 1975, 1977 et 1978 (années particulièrement sèches) ont atteint 1,7 milliards de roubles par an.

3.37 C'est pour cette raison que l'évaluation de l'impact des processus de désertification se limite aux informations basées sur les données physiques qui sont d'ailleurs elles aussi très fragmentaires et qui ont tout au plus une valeur d'exemples.

3.38 Les auteurs mettent l'accent sur l'impact de la désertification sur:

  1. l'agriculture: B.Komarov (cf. fiche bibl. 43) indique qu'à la fin des années 70, la superficie des terres rendues incultes par la salinisation et l'érosion anthropique recouvrait 630 000 ha dans tout le pays. Au Kazakhstan, les pertes sur les sols châtains, résultant de la déflation atteignent 40 - 70%;
  2. l'élevage: une baisse des ressources en fourrage provoque une diminution du cheptel et de la productivité des animaux, principalement une diminution de la lactation des vaches. Par exemple, dans l'oblast Kyzyl-Orda au Kazakhstan, déjà en 1980, la lactation a diminué de moitié, jusqu'à 998 kg/an dans les kolkhozes (fermes coopératives) et jusqu'à 724 kg/andans les sovkhozes (fermes d' Etat);
  3. les autres pertes: les plus importantes sont (i) la diminution de la pêche dans la mer d'Aral (de 50 000 t en 1960 à 12000 t en 1970 - fiche bibl. 62); (ii) la suspension de la navigation sur la mer d'Aral; (iii) l'augmentation des frais d'alimentation en eau des campagnes; (iv) la limitation et les interruptions dans la communication routière sous l'effet de l'ensablement des routes; (v) l'augmentation du danger d'avalanches boueusespierreuses (résultat de la destruction des forêts sur les pentes des montagnes), et (vi) les pertes subies par la chasse.

3.39 C'est à peine depuis quelques années qu'on publie des informations sur les dangers directs pour la santé humaine. L'état de santé des habitants dans le voisinage de la mer d'Aral est désastreux: l'empoussiérage et la salinisation de l'air, l'eau potable salée (même au dessus de 10‰), ou polluée par des engrais minéraux et des herbicides. Les résutats en sont: un nombre élevé de maladies contagieuses (notamment le typhus et les maladies gastro-intestinales), plusieurs maladies de la vue (la plupart des enfants portent des lunettes), un taux de mortalité infantile très élevé (environ 100‰, c'est-à-dire qualitativement plus que la moyenne en ex-URSS et dans les pays de l'Asie ( cf. fiches bibl. 44, 121).

3.40 Il n'a pas été possible de trouver des publications concernant la migration de la population qui serait due à la désertification. Cependant, de l'avis des personnes consultées, de telles migrations existent, par exemple les régions situées à proximité de l'ancien bord de la mer d'Aral se dépeuplent. A titre d'exemple, on peut prendre le cas du village de Bougoun au Kazakhstan, au nord de l' "embouchures" du Syr-Daria, qui est progressivement ensablé par des dunes vives (jusqu'au niveau du premier étage des habitations).


H. Lutte contre la désertification et développement des zones arides


3.41 La lutte contre la désertification dans les pays de la CEI a une longue tradition. En 1912 déjà avait été fondée à Repetek, une station de recherche qui avait pour but de protéger les voies ferrées contre les dunes vives. Ce thème a, depuis, occupé une place très importante dans les travaux des centres de recherche. Les résultats des expérimentations ont été mis en pratique à une grande échelle. Plusieurs méthodes de fixation des sables ont été utilisées, telles que les haies en bois et en métal, la pulvérisation de sables avec le pétrole ou ses dérivés (dans plusieurs endroits du désert Moujoun-Koum, près du chemin de fer, on voit les restes d'écrans bitumineux, plus ou moins abîmés et en désagrégation), la plantation d'arbres et d'arbustes, surtout de la pulsatille (Maloxylon sp.). Généralement, sur un terrain donné, une ou deux méthodes se combinent, ce qui augmente l'efficacité de la fixation des dunes (cf. fiche bibl. 8).

3.42 Dans lés années 40 et 50 en Ukraine, des bandes forestières ont été plantées de façon plus ou moins rationnelle. Aujourd'hui, plusieurs centres de recherche dispersés dans divers pays de la CEI, aident à choisir les dispositifs optimaux de plantations forestières (Achkhabad, Alma Ata, Bakou, Koursk - Institut scientifique panrusse d'études sur la culture des sols et de la protection des sols contre l'érosion Vsïerossiïskiï naoutchno-isslïedovatïel'nyï institout zïemlïedïeliïa i zachtchity potchv ot erozii). Les brise-vent ralentissent considérablement la vitesse du vent, mais les résultats dépendent de la largeur et de la hauteur de ces bandes, des distances entre elles et des espèces d'arbres utilisés. Par exemple, au Daghestan une bande de forêt longue de 160 m, large de 7 m et haute de 3 à 4,5 m, composée surtout d'acacias, provoque une diminution de la vitesse du vent de 9 m/s à 1,4 m/s (mesure relevée 10 cm au-dessus du niveau du sol), mais 100 m derrière la bande la vitesse du vent augmente de nouveau jusqu'à 4,9 m/s ( cf. fiche bibl. 1). En dessous des bandes de forêt on observe une augmentation de l'humidité et une amélioration de la structure du sol ce qui permet une culture simultanée d'arbres et d'autres plantes (par exemple au nord de la mer Caspienne, entre les rangées d'ormes et de tamaris on sème du blé).

3.43 La végétalisation joue un rôle très important dans l'aménagement des terres salées (cf. fiches bibl. 5, 13, 22, 102, 126). Plusieurs travaux d'expérimentation ont été menés par les centres à Alma Ata, à Achkhabad et à Tachkent. La végétalisation des terres salées demande une préparation préliminaire du sol, une amélioration des conditions hydriques et une sélection soignée des plantes. Bien que les méthodes appliquées soient très variées, il est presque toujours nécessaire de construire un système de drainage (canaux, canalicules, sillons). Au nord de la mer Caspienne la culture du sorgho est recommandée. Des tiges laissées pour l'hiver conservent plus longtemps la neige. Les précipitations sont peu abondantes, et comme la neige n'est pas arrêtée par des obstacles du relief, elle est enlevée par le vent. C'est pour cette raison que ces terrains sont appelés "terres noires". La neige arrêtée et conservée par le sorgho, fond et contribue à la formation d'une fine couche d'eaux souterraines douces qui se déposent au-dessus des eaux salées. Des essais qui consistaient à planter des brises-vent et à semer entre elles du sorgho, du maïs, de l' "herbe du Soudan" et même du blé tout en introduisant progressivement de nouvelles espèces, ont aussi été expérimentés.

3.44 Dans l'aménagement des petites régions à sols salés et peu perméables de bons résultats ont été obtenus en apportant du sable (140 -160 t/ha) et en le mélangeant avec le sol par labourage. De telles expérimentations ont été effectuées avec succès sur les promontoires de l'Altaï où se trouvent de petites dépressions salées (cf. fiche bibl. 131).

3.45 Dans le cas de l'aménagement de la mer d'Aral il est nécessaire d'utiliser toute une série de méthodes qui limiteraient la déflation du sel. Les travaux doivent être intensifs, effectués au cours des 4 à 7 premières années à partir de l'émersion du sol quand l'eau souterraine se trouve encore à faible profondeur même si elle est salée. L'Institut de botanique de l'Académie des sciences du Kazakhstan recommande plusieurs plantes pour la végétalisation (notamment les saxaouls et divers psammophytes: Haloxylon aphyllum, H. persicum, diverses espèces du genre Calligonum, - notamment C. caput-mendousae -, Tamarix hispida et autres), et différentes techniques de préparation de sol (labourage profond des solontchaks, sillons, installation d'écrans bitumineux sur les sables mouvants, etc.). Ce n'est que dans certains cas qu'il est possible de semer des herbes et des saxaouls sur les barkhanes sans aucune préparation de sol, le mieux par avion.

3.46 Les pays de la CEI ont une importante expérience de la végétalisation et de l'amélioration des sols salés, pouvant être exploitée dans d'autres régions du monde. Malheureusement, la diffusion de ces expériences n'est pas systématique et il arrive que même les pays de la CEI ne profitent pas de ces expériences. Au cours d'un entretien, les chercheurs de l'Institut de Botanique de l'Académie des Sciences du Kazakhstan se plaignaient que le fond asséché de la mer d'Aral fut ensemencé par avion avec des herbes et arbustes sans prendre en compte les caractéristiques du sol et sans préparation préalable, ce qui a donné des résultats nuls.

3.47 Les méthodes de végétalisation sont utilisées également dans l'aménagement des zones désertiques. Les espèces à système racinaire très développé sont préférées, les meilleurs étant celles qui rampent (un bon exemple est Glycyrrhiza glabra L.). Presque dans chaque numéro de la revue "Problïemy osvoïeniïa poustyn' " on peut trouver quelques informations sur les qualités des espèces particulières et des recommandations concernant leur culture. Des espèces préférées sont les sexaouls (surtout Haloxylon aphyllum et H. persicum), Kochia prostrata, et Glycyrrhiza glabre L.. Cette dernière peut servir non seulement à fixer les sables mais aussi elle fournit des matières premières à l'industrie pharmaceutique et alimentaire. Ses racines peuvent constituer un fourrage pour les animaux (au bout de deux années, avec irrigation, 16 à 18 tonnes de matière sèche de racines ont été obtenues: cf. fiche bibl. 57).

3.48 Dans la fixation des sables, la végétalisation est souvent accompagnée d'autres méthodes: construction de palissades, création d'écrans qui empêchent l'eau de pénétrer en profondeur. Le choix de la hauteur (en général de 20 à 70 cm ) et de distances entre les palissades est fait en fonction de la direction et de la force du vent. Comme les palissades sont construites principalement de branches et de broussailles, des cas de destruction des végétaux pour faire des palissades ont été enregistrés. Au Turkménistan des méthodes chimiques de fixation des dunes ont été utilisées au début des années 80 au voisinage des routes et des établissement industriels; parmi toutes les méthodes connues, l'utilisation du pétrole et des bitumes est apparue la moins coûteuse. Il est à noter que l'utilisation du pétrole garantissait la fixation des dunes pour deux ans, celles des polymères pour 2 à 3 ans, et celle de certaines huiles pour 5 ans (cf. fiches bibl. 8, 12, 13, 69 et autres).

3.49 Un groupe tout à fait différent de méthodes de lutte contre la désertification comprend les méthodes de gestion qui ne perturbent pas (ou à un degré minimal) l'équilibre de l'environnement naturel. Ce sont parfois des méthodes très simples: A. Arnagïel'dyïev (cf. fiche bibl. 64) recommande de prendre en compte la direction des vents dominants, dans la localisation des campagnes, des routes et des usines. Il souligne que dans l'aménagement des takyrs, il faut planifier les parcours des troupeaux du côté sous le vent du takyr, autrement, le sable remué par des sabots sera emporté par le vent vers les champs. L'aménagement même des takyrs requiert une amélioration des conditions hydriques c'est-à-dire la construction du réseau de canaux et de sillons peu profonds (cf. fiche bibl. 46).

3.50 La végétalisation joue un rôle considérable dans l'exploitation rationnelle des pâturages. L'expérience des scientifiques des périodes soviétique et post-soviétique dans ce domaine n'est pas négligeable. Il existe des normes optimales de pâturage admissible qui prennent en considération la composition floristique et l'état de la végétation. Il y a également des descriptions des stades de la dégradation et des méthodes de végétalisation, des procédés supplémentaires comme, par exemple, le labourage (cf. fiches bibl. 81, 116, 117 et autres). La plupart des travaux concernant les pâturages ne prenaient pas en compte les considérations économiques. Ce n'est qu'au cours des dernières années que la situation a changé. Il importe de citer ici l'étude de B.V. Vinogradov et al. (cf. fiche bibl. 58) qui présente un modèle pour les pâturages situés au nord de la mer Caspienne. Ce modèle admet qu'il est possible d'atteindre des bénéfices financiers élevés de l'élevage, mais durant les premières années de cette période, la végétalisation doit recouvrir 20 à 25% des pâturages par an, ensuite 10 à 15% par an, pour atteindre un niveau supérieur à 80% de terres améliorées une charge de 0,6 ovins/ha. Ce système apparaît capable de donner d'excellents résultats dans la dépression aralocaspienne.

 


I. Résultats des grands travaux de lutte contre la désertification et de développement des zones arides


3.51 Il est difficile de déterminer avec précision les effets de l'aménagement des déserts et de la lutte contre la désertification. C'est dans la presse moscovite que nous pouvons trouver des évaluations très concrètes, mais il faut les interpréter avec prudence.

3.52 Bien que les données statistiques risquent d'être inexactes et que les années 60, 70 et 80 soient marquées par la "propagande du succès", il est certains que la création de grands systèmes d'irrigation a permis une importante extension de la superficie des terres cultivables et une augmentation des récoltes. En 1971, au Tadjikistan, la longueur de tous les canaux d'irrigation et de drainage atteignait 142 600 km; aujourd'hui il y en a sans doute environ 200 000 km. Dans d'autres pays de la CEI, la longueur des canaux est plus faible; ainsi, au Turkménistan, la longueur totale des canaux était en 1971 de 20 000 km et, en 1982, il existait 25 046 km de canaux d'irrigation et 20 237 km de canaux de drainage (cf. fiches bibl. 12, 22). Si l'on tient compte que la surface des oasis est passée de 1 à 7% de la superficie totale du Turkménistan entre les années 50 et la fin des années 80 (cf. fiche bibl. 75), on voit bien qu'un grand changement quantitatif signicatif est intervenu (même en admettant le caractère approximatif).

3.53 Les programmes de développement des terres arides et semi-arides et de contrôle de la désertification ont atteint leur apogée dans les années 70 et au début des années 80.

3.54 L'extension considérable des superficies irriguées (cf. chap. 4.D) s'est accompagnée d'un développement rapide des travaux de fixation des dunes vives et de création des bandes de forêt. Les plus grands succès en matière de fixation des dunes ont été enregistrés au Turkménistan. 140 000 ha ont été fixés entre 1951 et 1968, 300 000 ha entre 1971 et 1975, et 330 000 ha entre 1976 et 1980, atteignant 80 000 ha la dernière année. Des projets ultérieurs, très ambitieux, prévoyaient pour l'an 2000 une fixation de toutes les dunes au Turkménistan et une fixation presque complète dans d'autres Républiques (les évaluations de la superficie des dunes vives au Turkménistan divergent considérablement, bien que l'on cite le plus souvent le chiffre de 1,3 millions d'ha en 1980) (cf. fiches bibl. 8, 12, 22, 47, 139).

3.55 En ce qui concerne les bandes de forêt, les superficies diminuent régulièrement, de 44 000 hectares en 1980 à 39 000 hectares en 1985, et 29 000 hectares en 1987 (cf. fiche bibl. 51). Pryde indique qu'il ne trouve aucune explication à cela. Il semble qu'il faille le lier aux débuts de l'effondrement de l'économie soviétique.

3.56 Des résultats positifs de la lutte contre la désertification, et l'aménagement des terres arides sont particulièrement bien visibles dans certaines régions privilégiées.

3.57 Le boisement des terrains situés le long des voies ferrées devaient servir à protéger des voies contre l'ensablement. Au Turkménistan, les boisements pratiqués le long des voies ferrées recouvraient 150 ha/an (cf. fiche bibl. 12). En mai 1993, on pouvait voir le long de la voie ferrée Moscou-Saratov-Akhtïoubinsk-Alma Ata, sur 3 000 km de steppes, semi-déserts et déserts, des bandes de forêt presques continues, à peine interrompues par quelques trouées.

3.58 Bakou peut servir d'exemple des succès remportés dans des boisements urbains. En 1950, les espaces verts n'occupaient que 309 ha à Bakou, mais passaient à 1 160 ha en 1960 et à 5 500 ha en 1970. Dans les années qui ont suivi on a enregistré un accroissement continu des espaces boisés.

3.59 D'une manière générale cependant, on peut parler d'un fiasco et des effets désastreux des programmes d'aménagement des terres arides et semi-arides. Ce sont justement ces grands programmes d'aménagement - labourage des steppes et irrigations absorbant d'énormes quantités d'eau - qui ont été considérés comme les causes principales de la désertification (cf. chap. 4.1;). Par suite des erreurs commises, la lutte contre la désertification est devenue en même temps facteur de la désertification; le cercle vicieux de la dégradation s'est refermé. Pour le rompre, des solutions techniques, même les meilleures, ne suffisent pas, des transformations profondes des structures sociales sont nécessaires.

3.60 Les pays de l'Asie centrale souffrent actuellement d'une catastrophe écologique que l'on pris l'habitude d'appeler "problème aral". Elle est comparable à celle qui, dans les années 30, a touché les prairies des Etats-unis, et n'est pas moins grave que la désertification en Afrique. Le lac Balkhach, un peu moins menacé, reste en quelque sorte dans l'ombre du "problème aral". La situation dangereuse dans laquelle se trouve la mer d'Aral, est connue depuis longtemps. Une analyse attentive de l'évolution récente des idées et des approches proposées pour la solution du "problème aral" permet d'espérer que des changements structurels auront enfin lieu.

3.61 Jusque dans les années 70, tous les dangers étaient d'habitude ignorés. Les hommes politiques considéraient d'une manière générale que le détournement des fleuves sibériens allait résoudre toutes les difficultés. Ils pensaient à un canal reliant l'Ob et la mer d'Aral. Certains projets prévoyaient un canal qui, tout en reliant l'Ienissieï, l'Ob et la mer d'Aral, menerait plus à l'ouest, jusqu'à la Volga inférieure et à la mer Caspienne (plus de 3000 km, 25 km³ d'eau/an). Des plans détaillés d'aménagement des terres situées à proximité du canal projeté (cf. fiches bibl. 11, 17, 55) ont même été élaborés. C'est seulement à la fin des années 70 et au début des années 80 que l'on a commencé à prendre en compte les énormes coûts de telles entreprises et la possibilité d'impacts écologiques négatifs, d'autant plus que les erreurs commises dans la construction du canal Karakoum restaient toujours en mémoire (cf. fiches bibl. 17, 87).

3.62 La conception du transfert des eaux des fleuves sibériens vers l'Asie centrale a été abandonnée il y a quelques années à peine. La question de l'avenir de la mer d'Aral est cependant restée ouverte. Le plus souvent, on envisage de diviser la superficie de la mer d'Aral en quelques réservoirs isolés. Mais même cette solution demande une alimentation en eau et l'Amou-Daria et le Syr-Daria sont pratiquement secs. Le détournement des fleuves sibériens étant actuellement impossible, certains auteurs proposent le transport des eaux de la Volga et de la mer Caspienne. Cependant, en raison des coûts très élevés et compte tenu de la situation politique générale dans la région, ce projet est actuellement irréalisable. De plus en plus souvent on prône l'idée qu'une économie rationnelle (économie de l'eau, amélioration des systèmes d'irrigation et de drainage, changement de cultures, etc.) serait la meilleure solution au problème (cf. fiches bibl. 31, 44, 77, 121, 129). Des propositions semblables sont avancées dans le cas du lac Balkhach. G.M. Djanaliïeva (cf. fiche bibl. 83) considère par exemple que des normes du captage de l'eau pour l'irrigation des champs de riz dans la vallée d'lli, peuvent être réduites de 50 000 - 60 000 m³/ha actuellement à moins de 25 000 - 30 000 m³/ha. Une diminution du captage de l'eau ne serait possible que si l'on introduisait un coût de l'utilisation de l'eau et des réformes foncières (cf. fiches bibl. 26, 31, 44).

3.63 S.l. Bobylïev va encore plus loin dans ces considérations (cf. fiche bibl. 77). Il propose de renoncer à la monoculture du coton en Asie centrale et de promouvoir la production de fibres synthétiques. A son avis, ce changement pourrait économiser jusqu'à 40 km³ d'eau /an et entraîner des coûts bien moindres que d'autres solutions. Quoique ces évaluations demeurent problématiques, elles font néanmoins preuve d'une nouvelle façon de penser.