Le programme d'évaluation des stocks de poissons pélagiques côtiers qui, dans un premier temps s'est déroulé de février 1983 à juin 1984 (Josse, 1985) a repris en août 1986. Depuis cette date, et jusqu'en mars 1988, 6 campagnes ont été réalisées par le N/O “N'Diago”. Quatre de ces campagnes (août 86, février et novembre 87, mars 1988) ont couvert l'ensemble de la ZEE mauritanienne entre 16°04'N et 20°36'N, deux autres (décembre 1986 et mai 1987) seulement la région comprise entre 19°47'N et 20°36'N (flanc ouest du banc d'Arguin).
Par ailleurs, le navire norvégien “Dr Fridtjof Nansen” en novembre 1986 et le navire soviétique “Monocrystal” en février 1987 ont également réalisé des campagnes d'écho-intégration sur l'ensemble de la ZEE mauritanienne conjointement avec celles du N' Diago.
L'inventaire des campagnes réalisées dans la région (y compris dans la ZEE sénégalaise), les caractéristiques des navires et leur équipement hydro acoustique, ont été présenté lors du Groupe de travail CNROP-CRODT/ISRA de juin 1988 (Anonyme, 1988). Les problèmes liés à la calibration des instruments acoustiques et à l'utilisation d'index de réflexion acoustique des poissons ainsi que les problèmes de stratégie d'échantillonnage et de traitement des données ont également été abordés lors de cette réunion. Les résultats des évaluations globales y ont été présentés et ne seront pas repris ici. Aussi le sous-groupe se propose de ne présenter, pour l'ensemble de la ZEE mauritanienne que les résultats des deux dernières campagnes du N/O N'Diago (Josse et Chavance, 1988, 1988a) et, pour la zone comprise entre les latitudes 19°47'N et 20°36'N (flanc ouest du banc d'Arguin) I'exposé des principaux résultats des six campagnes qui y ont été réalisées (Josse et Chavance, 1987, 1987a, 1987b, 1987c, 1988, 1988a)
a. Ensemble de la ZEE mauritanienne. Analyse des résultats des campagnes ND8710P (nov. 1987) et ND8802P (mars 1988):
La comparaison de ces deux campagnes, réalisées I'une en période de transition saison chaude-saison froide, l'autre pendant la saison froide, permet de montrer les variations de l'abondance totale, à la fois en terme d'indices relatifs, de répartition géographique et également de composition spécifique de la biomasse totale en fonction des variations des conditions hydrologiques. Celles-ci sont illustrées sur les figures IV.9 et IV.10 par la température de surface moyenne par grande zones géographiques.
Globalement l'indice d'abondance de la biomasse totale est deux fois plus élevé en mars (en saison froide) qu'en novembre. Cependant, cette biomasse n'est pas répartie d'une façon homogène le long du littoral mauritanien : aussi bien en novembre qu'en mars, la moitié de la biomasse tatale apparait concentrée au nord du cap Timiris alors que la superficie prospectée de cette zone ne représente que 25 à 30% de la surface totale prospectée. Cette différence entre les secteurs nord et sud Timiris se retrouve également au niveau de la composition spécifique de la biomasse. En effect, dans la zone nord Timiris les clupéidés dominent avec environ 50% de la biomasse en novembre et 64% en mars. Dans la zone sud Timiris, ce sont les chinchards qui dominent, pricipalement en saison froide. On note cependant en novembre une biomasse importante de Sardinella maderensis. Cette espèce, au contraire du chinchard noir Trachurus trachurus qui se trouve essentiellement au large, a une répartition côtière et pourrait constituer une ressource facilement exploitable par une pêcherie artisanale.
Figure IV.9. - Répartition, par strates géographiques, de la biomasse totale et par espèce au cours de la campagne ND 8710P de novembre 1987 du N/O N'Diago. (Origine des données : Josse et Chavance, 1988).
Figure IV.10. - Répartition, par strates géographiques, de la biomasse totale et par espèce au cours de la campagne ND 8802P de novembre 1988 du N/O N'Diago. (Origine des données : Josse et Chavance, 1988 a).
b. Etude de la région ouest du banc d'Arguin (de 19°47'N à 20°36'N) (Figure IV.11):
Les six campagnes réalisées dans ce secteur permettent de suivre l'abondance des pélagiques côtiers en relation avec I'alternance des saisons hydrologiques (cf. Chapitre I). En terme d'indice d'abondance apparaissent deux groupes de campagnes, qui se répartissent schématiquement de la manière suivante:
au cours du premier semestre (février 1987 - mai 1987 -mars 1988), avec des températures de surface moyennes selon les campagnes variant entre 16 et 18°C, les indices d' abondance obtenus sont élevés;
au cours du second semestre (août et décembre 1986 - novembre 1987) avec des températures moyennes variant entre 18° et 27°C, les indices d'abondance sont beaucoup plus faibles (environ 30% de I'indice d'abondance observé au cours du premier semestre).
D'une manière générale, les clupéidés dominent quelle que soit la saison. La sardine (Sardina pilchardus) est présente en quantité importante pratiquement toute l'année sauf quand les eaux chaudes envahissent le plateau continental. Au niveau des sardinelles, la sardinelle ronde (Sardinella aurita) apparait particulièrement abondante en février (1987) et mars (1988). Elle semble disparaître en mai. II est possible cependant qu'une fraction de la population, présente sur le banc d'Arguin ne soit pas accessible à la technique utilisée. En saison chaude, et vraisemblablement jusqu'en décembre, les deux espèces de sardinelles sont représentées.
Selon les saisons, certaines espèces peuvent apparaître en concentrations importantes. Ainsi le maquereau (Scomber japonicus) semble important pendant les saisons de transition (mai 87 - novembre 88). L' anchois (Engraulis encrasicolus) est également important à certaines saisons (mai 87 - mars 88). Ce caractère saisonnier, ainsi que la taille généralement très petite des anchois constituent certainement un frein très important au développement d'une exploitation de cette espèce.
Les chinchards ne semblent jamais constituer dans cette région une biomasse très importante. En pourcentage le maximum apparaît en saison chaude, tandis qu'en valeur absolue le maximum est atteint en mars (88).
La région étudiée ici est exploitée par les chalutiers pélagiques essentiellement au cours du second semestre, tandis que pendant le premier semestre la flottille de pêche se déplace vers la zone sud-Timiris. Il y a opposition entre la localisation des zones de pêche des flottilles de chalutiers pélagiques (cf. Figure IV.6) et les zones d'abondance maximum. Cette apparente contradiction s'explique par le fait que les flottilles recherchent en priorité les chinchards qui abondent principalement en saison froide au sud du cap Timiris. Les stocks de clupéidés, particulièrement abondant en saison froide au nord du cap Timiris, apparaissent ainsi peu exploités.
Plusieurs évaluations ont été présentées ou réalisées à l'occasion de la tenue d'une réunion CNROP-CRODT sur les ressources pélagiques côtières en juin 1988 (Anonyme, 1988). En l'absence d'éléments nouveaux depuis lors, le Groupe n'en a pas conduit de nouvelles mais a jugé utile d'en faire une revue critique.
a. Le modèle global:
Sur la base d'une série de capture totale de chinchards (3 espèces) sur la période 1979–1987 et de P.U.E. roumaines annuelles, un effort annuel international a été reconstitué. Le meilleur ajustement a été obtenu avec le modèle de Fox (r2 = 0.93) qui indique un effort de 12000 jours de pêche (en unité roumaine) correspondant à une prise maximale équilibrée (PME) de l'ordre de 300 000 t.
Il apparait cependant que les fluctuations de ces P.U.E. ne traduisent pas uniquement des variations de l'abondance des différentes espèces dont elles sont supposées être un indice représentatif. En effet, des changements dans la fréquentation de certaines zones (période 72–80, Figure IV.2) et dans la sélection des espèces cibles perturbent cette représentativité. On soupçonne par ailleurs, que les contraintes liées à l'approvisionnement régulier des capacités de traitement de ces flottilles industrielles constituent une source de biais supplémentaire dans la véracité des P.U.E. comme l'est également l'approche simplifiée de leur calcul.
Figure IV.11. - Evolution de la biomasse totale et par espèce dans la zone nord (19°47'5N à 20°36'N) au cours de différentes campagnes d'écho-intégration entre août 1986 et février 1988. (Origine des données : Josse et Chavance 1987, 1987a, 1987b, 1987c, 1988, 1988a).
De plus, la non distinction de trois espèces aux affinités différentes dont les fluctuations d'abondance ne sont pas nécessairement complémentaires rend délicat le recours à un modèle global unique pour cet ensemble.
Dans ces conditions, le Groupe a porté son attention sur les tendances des P.U.E. roumaines de 1972 à 1987 et soviétiques de 1985 à 1987 (Figures IV.7 et III.8) par espèce ou groupe d'espèces. De plus, des données récentes sur les P.U.E. totales soviétiques étant disponibles pour les 5 premiers mois de 1988, une comparaison portant sur la même période des 3 années précédentes a été effectuée en parallèle avec la tendance globale annuelle (Figure IV.12). L'analyse de ces tendances, y compris des plus récentes, ne fait apparaître aucun signe préoccupant quant à l'évolution générale, au moins à court terme, de l'abondance globale des ressources pélagiques.
b. Le modèle analytique:
Deux séries d'évaluations ont été réalisées et présentées lors de la réunion CNROP-CRODT (juin 88) par les délégations roumaine et soviétique. Ces évaluations furent alors considérées avec réserve en raison de résultats très divergents et de certaines anomalies décelées par exemple dans les résultats des échantillonnages et dans l'extrapolation d'une unique composition en taille des captures à la capture totale internationale.
Compte tenu des réticences exprimées ci-dessus à propos de l'utilisation du modèle global et de l'intérêt du recours au modèle analytique, le Groupe de travail a jugé bon de reprendre l'examen de ces évaluations de façon à en identifier les défaillances et les moyens d'y remédier.
En plus des remarques déjà formulées ci-dessus il a été noté que:
la capture totale internationale par espèce n'est pas connue à 25% près dans certains cas;
l'absence de données de base comme les poids moyens par âge ne permet pas de vérifier la concordance (à 10 % prés au plus) entre la capture pondérale annuelle et la somme des produits résultant de la multiplication des effectifs de poissons de chaque âge - dénombrés dans les captures - par les poids correspondants;
l'effect de bons recrutements est difficile à suivre le long des cohortes dans les matrices de captures et d'effectifs de la population; cela laisse présager des anomalies dans les données de base qu'il n'a pas été possible d'analyser plus en détail.
Les améliorations devront porter sur:
l'amélioration des données relatives aux statistiques de captures;
l'adoption de procédures d'échantillonnage et d'extrapolation des structures démographiques adéquates et adaptées aux captures dont elles proviennent;
la fourniture des données de base essentielles (poids moyens aux âges par exemple) permettant à la fois de comparer celles provenant de sources différentes, d'analyser dans le détail les évaluations présentées et éventuellement de les refaire.
A cette fin, le sous-groupe pélagique a recommandé un certain nombre d'actions concrètes (cf. Chapitre V : Recommandations).
Figure IV.12. - Evolution des P.U.E. totales (en tonnes/jour de pêche) pour la flottille soviétique sur les cinq premiers mois de l'année de 1985 à 1988, d'après les données fournies par le MAUSOV. Indication de la P.U.E. totale annuelle de la flottille soviétique pour la période 1985 à 1987 d'après les données fournies par l'AtlanNIRO.
Une étude détaillée des aspects socio-économiques de l'aménagement réalisée par la Cellule Economique d'Appui au Ministère des Pêches (CEAMP) se trouve en annexe K. Les points essentiels et les principales conclusions en sont les suivants :
La pêche artisanale et la pêche industrielle chalutière n'occasionnent pas les mêmes effects sur l'économic nationale.
La pêche industrielle pélagique induit, dans sa forme actuelle, des retombées économiques limitées pour le pays eu égard à l'importance de la ressource et de l'exploitation; en conséquence l'Etat ne retire qu'un faible avantage de l'affrètement de congémerlateurs pélagiques. L'appréhension et la prise en compte des incidences de la pêche pélagique sur les ressources démersales conduiraient probablement à confirmer une déséconomie externe en raison du manque à gagner pour la Mauritanie. Cependant l'absence de données détaillées sur la composition et le volume des prises accessoires d'espèces démersales par la pêche pélagique ne permet pas de quantifier l'impact réel de cette dernière sur les autres ressources.
Toutefois, l'abandon du système d'exploitation par l'affrètement des congélateurs pélagiques est inconcevable en raison des recettes en devise procurées par l'exploitation de ces stocks partagés et compte tenu des difficultés de mise en valeur de ce type de ressource par la pêche artisanale.
L'objectif, tel qu'il est indiqué par la Déclaration de Politique de Développement du Secteur de la Pêche, est d'accorder une priorité absolue au développement de la pêche artisanale pour maximiser la valeur ajoutée nationale par le biais de création d'emplois. Il semble que la pêche piroguière à la senne tournante pourrait donner, à la lumière de l'expérience sénégalaise, les meilleurs résultats à moindre coût.
La flotte optimale pélagique de demain pourrait être composée d'unités artisanales utilisant des sennes tournantes et/ou des filets maillants, de senneurs, de industriels approvisionnant un navire-usine ainsi que de chalutiers congélateurs pélagiques affrétés (en majorité) et nationaux. La difficulté résidera dans le dosage, la programmation et la gestion de l'effort de pêche pélagique qui devra tenir compte de l'avis du comité consultatif et des résultats des recherches du CNROP en matière d'analyse et de régulation de l'effort.
Le Groupe n'a pas été en mesure d'affiner les évaluations effectuées lor sde la réunion de travail CNROP/CRODT du mois de juin 1988 (Anonyme, 1988), et ne peut donc formuler un avis en matière de gestion des pêcheries pélagiques sur des bases scientifiques plus précises. Cependant, l'examen des tendances des prises par unité d'effort de pêche ne permet pas de déceler, pour le court terme, de signe préoccupant lié à l'évolution de la biomasse globale d'espèces pélagiques.
En conséquence le Groupe, rejoignant les conclusions de la réunion évoquée ci-dessus, considère que le niveau global de l'effort de pêche industrielle peut être maintenu au niveau de celui déployé au cours des années récentes. Une attention particulière doit toutefois être apportée au problème des prises accessoires d'espèces démersales qui, compte tenu de l'importance de l'effort de pêche déployé par les flottes industrielles, pourraient constituer une part significative du prélèvement global sur les ressources démersales.
L'exploitation actuelle des petits pélagiques est basée essentiellement sur les chinchards. Elle est pratiquée par des flottilles étrangères de chalutiers industriels travaillant sous licence, ou affrètées.
7 Voir également lesannexes J et K.
Les campagnes de prospection acoustique (cf. 2.8.1.) ont permis de mettre en évidence que plus de la moitié de la biomasse évaluée était composée de clupéidés (sardine et sardinelles) et d'anchois. A priori, cette biomasse pourrait soutenir une exploitation plus importante par le développement d'une pêcherie orientée vers sa capture.
Il est du reste rappelé qu'une importante pêcherie internationale exploitait cette resource dans les années 70 à l'aide de flottilles de senneurs et de navires-usines. La forme d'exploitation ne serait pas nécessairement la même et pourrait s'apparenter à une pêcherie artisanale telle que pratiquée au Sénégal. Les contraintes économiques d'une telle exploitation sont déterminantes, et doivent faire l'objet d'une analyse précise. Une recommandation en matière de recherche a été formulée à cet égard (cf. Chap. V).
Certaines particularités relatives à cette ressource méritent d'être soulignées:
toutes ces espèces effectuent des déplacements liés aux saisons hydrologiques et aux exigences physiologiques (reproduction, croissance, etc..). Si le sens général de ces déplacements - qui peuvent être de grande envergure - est assez bien connu, leur variabilité doit par contre être précisée;
la pêcherie devrait être capable de s'adapter à la capture d'espèces différentes dans divers secteurs géographiques en fonction des saisons. En simplifiant le schéma, et en supposant que la pêcherie soit limitée à la ZEE mauritanienne, les espèces/secteurs cibles seraient : Sardinella maderensis au sud en saison chaude, Sardina pilchardus et Sardinella aurita au nord en saison froide. Quant à l'anchois, si sa biomasse peut paraître élevée et son exploitation théoriquement possible, sa petite taille constitue un handicap sérieux à sa mise en valeur;
l'histoire récente des pêcheries pélagiques a montré la très grande variabilité des ressources qu'elles exploitent et sa dépendance de facteurs non contrôlables et difficilement prévisibles (environnement, compétition entre espèces, etc..). Dans les eaux mauritaniennes, la population de Sardina pilchardus a connu des fluctuations importantes au cours des deux dernières décennies et se trouve actuellement dans une phase forte d'abondance. Par ailleurs, au sein du groupe des clupéidés, les fluctuations d'abondance des différents stocks paraissent se compenser dans une certaine mesure et maintenir à peu près constante une abondance globale.
Les clupéidés constituent une ressource dont la mise en valeur doit pouvoir être développée, mais les conditions de cette exploitation doivent être soigneusement étudiées, en considérant les différentes possibilités et contraintes de nature économique et technologique.
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