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RECOLTES DE SEMENCES D'EUCALYPTUS PELLITA F. Muell. ET D'ACACIA spp EN NOUVELLE-GUINEE 1, SEPTEMBRE-OCTOBRE 1990 2

par

T.K. Vercoe & M.W. McDonald
Australian Tree Seed Centre
CSIRO Division of Forestry
P.O. Box 4008, Queen Victoria Terrace
Canberra ACT 2600, Australie

RESUME

Cet article présente une brève description de populations jusqu'alors inconnues d'E. pellita et d'Acacia spp de l'île de Nouvelle-Guinée, avec des informations sur la géologie, le climat et la végétation. Les lots de semences récoltés sont maintenant disponibles en vue d'essais.

INTRODUCTION

Le Centre australien de semences forestières (ATSC), qui fait partie de la Division forestière du CSIRO, entreprend depuis la fin des années soixante-dix des expéditions de récolte de semences en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en collaboration avec les autorités locales. L'objet de ces visites est d'élargir l'accès à la diversité génétique d'essences feuillues tropicales prometteuses grâce à des récoltes de semences. Les récoltes effectuées complètent généralement des récoltes provenant de toute l'étendue de leur aire en Australie. Les premières expéditions étaient axées sur plusieurs des neuf espèces d'Eucalyptus dont l'aire s'étend en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Depuis quelques années elles se sont reportées sur l'échantillonnage de quatre espèces arborescentes d'Acacia que l'on y rencontre.

Les espèces faisant l'objet de ces récoltes font partie des espèces identifiées par le Groupe FAO d'experts des ressources génétiques forestières comme prioritaires pour la recherche taxonomique, la récolte de matériel génétique, les essais de provenances et la sélection.

Les récoltes de 1990 en Irian Jaya sont les premières effectuées par le Centre de semences forestières, grâce à la collaboration établie précédemment avec le Service forestier indonésien (Gunn & McDonald, 1991). L'expédition s'est concentrée sur les plaines de la région de Merauke (Figure 1), ce qui se justifiait du fait qu'elle possède une flore analogue à celle de la Province occidentale de Papouasie-Nouvelle-Guinée (van Royen, 1963; Turnbull, 1982).

L'expédition du lac Murray en Papouasie-Nouvelle-Guinée a échantillonné la partie la plus septentrionale de l'aire d'A. mangium et A. aulacocarpa en Nouvelle-Guinée, dans le cadre de la prospection en cours des populations d'acacias en collaboration avec l'Institut de recherche forestière de Papouasie-Nouvelle-Guinée.

RECOLTES DE SEMENCES EN IRIAN JAYA

L'accès de l'arrière-pays à partir de Merauke se fait principalement par avion ou par voie fluviale. Merpati Airlines a des vols hebdomadaires desservant sept localités de la région, et le réseau fluvial permet de pénétrer vers l'intérieur. Il existe une seule route principale, la Trans Irian Highway, allant de Merauke à Muting (250 km).

Eucalyptus pellita

On trouve des peuplements étendus de cette espèce en Irian Jaya, et des récoltes de semences ont été effectuées près de Bupul et de Muting (Figure 1). On a observé des populations s'étendant d'Erambu (à 120 km au nord-est de Merauke le long de la Trans Irian) jusqu'à Muting, soit une distance de quelque 130 km. Ces populations se caractérisent par le port uniforme des eucalyptus et leur prédominance sur les espèces associées telles qu'Acacia aulacocarpa, A. mangium, Xanthostemon sp, Stenocarpus sp, Syzygium sp, Grevillea baileyana. On observe très fréquemment des sujets ayant un fût net de branches sur 20 mètres de hauteur. Dix-sept semenciers ont été échantillonnés dans trois peuplements séparés.

Ces populations jusqu'alors non échantillonnées semblent constituer le noyau de l'aire de l'espèce. E. pellita fut signalé pour la première fois en Nouvelle-Guinée en 1986, lors d'une expédition de récolte de semences effectuée par le Centre de semences forestières et le Service forestier de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Des semences avaient alors été récoltées dans des peuplements sporadiques relativement peu étendus, associés à des forêts à lianes de mousson ou à des systèmes hydrographiques dans la Province occidentale de Papouasie-Nouvelle-Guinée (Thomson & Cole, 1986). Cette espèce connue en Australie sous le nom d'E. pellita (NB: ce taxon est actuellement soumis à révision) a une aire qui s'étend le long des plaines côtières depuis l'Iron Range dans l'extrême nord du Queensland (lat. 12°45'S) jusqu'à Batesman Bay (lat. 36°45') en Nouvelle-Galles-du-Sud (Boland et al., 1984; House et al., 1991).

En Irian Jaya, les populations semblent cantonnées sur la formation géomorphologique connue sous le nom de “plate-forme Fly-Digoel” (CSIRO, 1971), dans une région de pluviométrie annuelle supérieure à 2000 mm. Le relief se caractérise par de faibles ondulations entaillées par les affluents supérieurs des rivières Bian, Kumbe et Merauke. Les sols sont des podzols argileux dérivés de latérites; ils sont profonds, bien drainés, acides (pH 5).

Le lien taxonomique entre E. pellita et E. urophylla, espèce endémique des Petites îles de la Sonde orientales (Indonésie), a été étudié par Pryor et Johnson (1981). Une information plus précise sur l'aire d'E. pellita en Indonésie pourrait aider à comprendre les origines biogéographiques d'E. urophylla.

Acacia mangium, A. crassicarpa et A. aulacocarpa

Deux types de formations géomorphologiques déterminent la répartition des espèces d'Acacia dans la région. De Merauke à Erambu le relief est plat, avec des sols mal drainés caractéristiques du plateau d'Oriomo, tandis qu'au nord d'Erambu on trouve des ondulations basses, bien drainées typiques de la plate-forme Fly-Digoel. Il semble qu'A. crassicarpa soit restreint à la formation du plateau d'Oriomo (c'est-à-dire au sud d'Erambu), tandis qu'A. mangium et A. aulacocarpa ont des aires qui s'étendent jusqu'à Muting. A. aulacocarpa a tendance à être plus largement réparti qu'A. mangium, et il est étroitement associé aux forêts claires hautes d'E. pellita. Des hauteurs de 30 m ont été fréquemment observées chez A. aulacocarpa, tandis qu'A. mangium n'atteint que 20 m de hauteur.

En raison de la faible production de semences dans les populations prospectées, de petites récoltes en vrac d'A. mangium ont été effectuées à Bupul et Muting, tandis que des petits lots de semences en vrac ont été obtenus à partir de peuplements d'A. aulacocarpa près d'Erambu et d'A. crassicarpa à Samlleberr.

RECOLTES DE SEMENCES EN PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINEE

Lake Murray

Données générales

Le lac Murray est situé à 7°00'S et 141°30'E, dans le centre-ouest de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (voir Figure 1). Il est formé par un rétrécissement de la rivière Herbert au-dessus de son confluent avec la rivière Strickland. Il est alimenté par plusieurs autres rivières dont le June, le Boi, l'Ewe et le Kaim. L'ensemble se déverse dans la rivière Fly près d'Obo et du lac Daviumbu. Le lac est peu profond sur la plus grande partie de sa surface (généralement moins de 10 m), et de mémoire d'homme il s'est asséché à plusieurs reprises (pour la dernière fois vers 1980).

Le lac et la région environnante sont compris dans la partie sud de la plate-forme Fly-Digoel. Ils se trouvent à la limite de transition entre les savanes et les forêts de mousson à lianes au sud, et les formations de plus en plus riches en éléments de forêt dense indo-malaise au nord.

Géologie et sols

La plate-forme Fly-Digoel est constituée presque exclusivement de sédiments quaternaires (environ 2,5 millions d'années) très lessivés, surmontant des granites cristallins à plus de 2500 m de profondeur. Ces sédiments comprennent environ 1500 m de sables et schistes argileux, 1000 m de calcaires, sables et schistes argileux, 100 m de schistes argileux et jusqu'à 10 m d'argiles. Les sols de surface ont été modifiés par diverses influences naturelles (agents atmosphériques) et anthropiques (brûlage et culture) (CSIRO, 1971).

Près du lac Murray, les sols sont des limons et des limons sableux d'épaisseur variable (généralement superficiels) surmontant des argiles jaunes et grises. Plus loin du lac, sur les pentes, les sols sont des argiles rouges sableuses. Le drainage est médiocre sur certaines portions des berges du lac, et s'améliore sur les pentes. Les sols sont d'une manière générale mieux drainés et plus fertiles que sur les autres stations d'A. mangium.

Climat

La principale différence entre le lac Murray et les autres régions de la Province occidentale où A. mangium a fait l'objet de récoltes réside dans la pluviométrie. La pluviométrie annuelle moyenne est d'environ 3100 mm, soit 1000 mm de plus qu'à Balimo et 1400 mm de plus qu'à Morehead. La saison sèche est d'autre part moins sévère et plus courte que dans ces deux dernières zones.

On ne dispose pas de chiffres de températures et autres variables climatiques, mais on peut penser que les températures sont d'une manière générale plus fraîches que sur la côte, avec des différences plus marquées entre minima et maxima et entre saisons. L'humidité atmosphérique est très probablement plus élevée. C'est un facteur important dans le choix des provenances en vue d'essais dans un certain nombre de pays tropicaux. On a rencontré des problèmes d'attaques de champignons associées à des degrés d'humidité élevés avec A. mangium en pépinière et dans les essais. Des zones telles que le lac Murray sont susceptibles de fournir des matériels plus résistants aux champignons et plus appropriés aux plantations dans des régions à forte pluviométrie.

Les acacias du lac Murray

On connaît dans la région du lac Murray deux espèces d'Acacia, A. mangium et A. aulacocarpa. Les deux espèces sont prédominantes sur les rivages du système lacustre, A. aulacocarpa étant plus commun qu'A. mangium. Les arbres les plus âgés d'A. mangium ont été trouvés sur d'anciens emplacements de jardins, où leur âge pouvait être évalué approximativement en demandant aux villageois en quelle année ils avaient cultivé pour la dernière fois. Des âges de 15 à 25 ans ont été mentionnés pour les sujets les plus anciens. Lorsqu'on s'éloigne du lac, les populations se restreignent à des zones perturbées telles que la piste du lac Kungun - praticable sur environ 4 km. A. mangium et A. aulacocarpa y sont occasionnels à communs, tandis qu'une espèce pionnière rivale, Alphitonia sp, y est abondante.

Les deux acacias ont une taille relativement modeste par comparaison avec les populations situées plus à l'est et plus au sud: jusqu'à 15 m de hauteur pour A. mangium, 20 m pour A. aulacocarpa. Ce fait est probablement en rapport avec l'habitat, et avec la manière dont cette niche écologique perturbée s'est formée par les variations de niveau de l'eau du lac. La forme est d'autre part relativement médiocre, et les individus âgés, notamment d'A. mangium, ont un aspect plus ou moins buissonnant. Une caractéristique notable d'A. mangium est la taille relativement grande de ses phyllodes.

Les rivages du lac Murray constituent pour les acacias un habitat très particulier: les fluctuations du niveau du lac donnent naissance à une niche écologique “perturbée” relativement étroite, qui est colonisée par les acacias. La prédominance de formations de forêt ombrophile de type indo-malais sur les parties hautes bien drainées indique un climat sans saisons marquées et une fertilité élevée du sol, dont on sait qu'elle exclut les acacias de vastes zones de ce type dans toute la Nouvelle-Guinée. Les acacias du lac Murray peuvent par conséquent être considérés comme des “habitants de bordures”. Ils occupent les rivages du lac où les inondations périodiques commandent leur présence et leur cycle biologique. Cela peut aussi expliquer pourquol les peuplements sont en majorité jeunes, et la taille des arbres généralement plus petite que celle des arbres que l'on trouve plus au sud. Ce sont des espèces opportunistes, qui occupent l'une des rares zones libres de la région.

Ailleurs le long des rivages du lac, Melaleuca leucadendra et Lophostemon suaveolens sont localement communs là où l'inondation prolongée influe sur la croissance des végétaux. Des forêts denses hautes, dominées par des essences de la forêt ombrophile indo-malaise telles que Calophyllum sp et Mangifera sp, atteignant 35 m de hauteur, se rencontrent dans les parties plus élevées. Des pieds isolés de Gymnostoma papuana ont été observés, mais tous étaient stériles (dans l'un des villages au nord du lac les gens déracinent des semis naturels dans la brousse et les replantent autour du village pour l'ombrage et pour le bois).

Récoltes de semences

Des semences ont été récoltées autour du lac Murray ainsi que dans d'autres parties de la Province occidentale (au sud de la rivière Fly sur le plateau d'Oriomo). Elles sont disponibles sous forme d'échantillons en vrac (provenant d'une centaine ou plus de semenciers), ou dans certains cas de lots d'arbres individuels provenant d'une trentaine de semenciers.

Pour se procurer des semences des espèces mentionnées dans cet article, contacter: Australian Tree Seed Centre (voir adresse ci-dessus); télex: AA62751, télécopie: 61-6-2818312.

REMERCIEMENTS

L'ATSC remercie pour leur assistance le personnel du département de Kahutanan (Merauke), le personnel du Département des industries primaires de Lake Murray, et les nombreux habitants des villages dans toute la zone de récolte.

REFERENCES

Boland, D.J., Brooker, M.I.H., Chippendale, G.M., Hall, N., Hyland, B.P.M., Johnston, R.D., Kleinig, D.A. & Turner, J.D. 1984 Forest Trees of Australia. Nelson-CSIRO.

CSIRO. 1971 Land Resources of Morehead-Kiunga Area, Papua New Guinea. Land research series No 29, CSIRO.

Gunn, B.V.G. & McDonald, M.W. 1991 Seed collections of E. urophylla, E. pellita and acacia species from Indonesia ATSC internal report.

House, A., Larmour, J., McDonald, M., Morse, G. & Vercoe, T. 1991 Seed Collections from Cape York Peninsula and Papua New Guinea, 1990. ATSC internal report.

Pryor, L.D. & Johnson, L.A.S. 1981 Eucalyptus, the universal Australian. In Ecological Biogeography of Australia Vol 1: 501–536 (ed. A. Keast) (Junk, The Hague).

Thomson, L.A.J. & Cole, E.G. 1986 Seed Collections in Papua New Guinea. ATSC internal report.

Turnbull, J.W., Skelton, D.J., Subagyono, M. and Eko Bhakti Hardiyanto. 1982 Récoltes de semences d'acacias tropicaux en Indonesie, Papouasie-Nouvelle-Guinée e Australie. Information sur les ressources génétiques forestières, no. 12 FAO, Rome.

van Royen, P. 1963 Sertulum Papuanum 7. Notes on the vegetation of south New Guinea, Botany 13: 195–241.

Figure 1.
La zone de récolte de semences en Papouasie-Nouvelle-Guinée
Figure 1

1 Dans cet article, le nom de Nouvelle-Guinée s'applique à toute l'île de Nouvelle-Guinée sans considération de frontières politiques.

2 Manuscrit reçu en septembre 1991.


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