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Aspects politiques et juridiques de l'aménagement durable des forêts

M.-R. de Montalembert et F. Schmithüsen

Marc-René de Montalembert est directeur de la Division des politiques et de la planification forestières à la FAO.

Franz Schmithüsen est professeur des politiques et de l'économie forestières à l'Institut fédéral suisse de technologie, à Zurich (Suisse).

Analyse du rôle des politiques et de la législation en faveur de la conservation et de l'exploitation durables des ressources forestières pour des usages multiples

Les politiques forestières doivent fournir un cadre permettant l'aménagement durable des forêts dans le contexte plus large du développement rural

L'aménagement des forêts doit faire face au défi toujours plus complexe qui consiste à concilier les exigences des divers utilisateurs: les gouvernements souhaitent mobiliser le potentiel offert par cette ressource renouvelable sur le plan de l'économie et de l'emploi; les propriétaires et les entrepreneurs privés s'efforcent d'accroître la rentabilité et la compétitivité de leur activité en réalisant de nouveaux investissements; pour la population locale, surtout dans les pays en développement, la forêt représente une source essentielle de combustible, de matériel de construction, de nourriture, de fourrage et de revenu, et elle constitue parfois aussi l'assise culturelle; pour répondre aux attentes du grand public, la forêt doit être un élément important d'un milieu à la fois stable et maniable; depuis peu, on s'inquiète du rôle joué par les forêts dans le changement climatique mondial et la conservation de la diversité biologique.

L'examen des grands aspects politiques et juridiques de la gestion des forêts amène à s'interroger sur le passage de la notion traditionnelle de rendement soutenu à celle d'aménagement durable et polyvalent des forêts. Il s'agit d'un bouleversement significatif: là où il fallait des techniques de production pour assurer un flux constant de produits au fil du temps, on a adopté une approche large qui comprend les incidences socio-économiques, la participation populaire, les bienfaits écologiques et la stabilité de l'environnement, dans une continuité globale de flux de bienfaits multiples, avec une adaptation constante à l'évolution des besoins. Le souci de durabilité était déjà contenu dans la notion de rendement soutenu, mais cette préoccupation englobe désormais de façon systématique les fonctions économiques, sociales et écologiques des forêts en matière de développement.

Pour échapper à toute ambiguïté, la notion d'aménagement durable des forêts doit s'appuyer sur des postulats explicites, parmi lesquels quatre sont fondamentaux: i) notre préoccupation essentielle doit être le développement durable, à savoir l'amélioration des moyens d'existence des générations actuelles, tout en préservant le patrimoine forestier et son potentiel futur; ii) nous plaçons ce potentiel forestier stable dans le contexte plus large du développement rural, reconnaissant ainsi que tendre à une stabilité matérielle stricte n'est pas réaliste; il est effectivement essentiel de parvenir à un équilibre entre l'exploitation forestière et les autres utilisations des terres, mais la dynamique de l'utilisation des terres doit pouvoir être modifiée; iii) nous pensons que l'on ne parviendra à stabiliser les forêts et à les gérer de façon durable que si les responsabilités sont clairement définies et si les divers intérêts, parfois concurrentiels, sont conciliés par le biais d'un processus démocratique de dialogue et de concertation; iv) nous reconnaissons et nous approuvons la réorientation de la fonction des forêts en faveur de la protection de l'environnement; toutefois, nous soulignons que cette priorité ne doit pas diminuer la valeur de la fonction productive des forêts ou la capacité des activités forestières à prétendre aux maigres ressources d'investissement.

Notre approche s'appuie sur le principe adopté par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) dans sa Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, qui énonce: «Les stratégies et politiques nationales devraient constituer un cadre permettant d'intensifier les efforts, notamment la mise en place et le renforcement des institutions et des programmes de gestion, de conservation et d'exploitation écologiquement viable des forêts et des terres forestières.» Du fait du caractère dynamique du développement dans un monde aux prises avec des besoins urgents et contradictoires, il faut surveiller et adapter en permanence les politiques, les réglementations et autres arrangements institutionnels qui fournissent un cadre d'incitation effectif à la gestion durable des forêts.

Nécessité d'un cadre politique rationnel

Une condition sine qua non de la gestion écologiquement viable des forêts est que les politiques nationales générales identifient le développement durable comme une priorité dans tous les secteurs. Cela revêt une importance particulière pour les activités qui s'intéressent aux ressources naturelles renouvelables et qui exigent des terres.

Les politiques forestières s'intéressent précisément aux ressources forestières et à leur gestion en fonction des aspects socio-économiques liés à l'accroissement des performances du secteur; du rôle des ressources en forêts et en arbres dans l'utilisation des terres et le développement rural; et de leur rôle en matière de conservation de la nature et de protection de l'environnement. La plupart des politiques forestières existantes ont été conçues pour traiter des situations plus simples que celles qui existent aujourd'hui. Comme les pressions exercées sur les forêts par des communautés plus restreintes étaient plus faibles, et que la concurrence entre les utilisateurs des terres était moins vive, il était moins urgent de se concentrer sur la stabilité des écosystèmes forestiers et sur leur gestion durable. Le souci de maintenir des zones boisées n'allait souvent pas au-delà d'une intention déclarée de protéger un domaine rarement bien délimité et, dans certains cas, confisqué aux groupements locaux qui le contrôlaient depuis des temps immémoriaux. Les politiques forestières étaient axées pour l'essentiel sur la production de bois et, au mieux, sur la notion de rendement durable. Cette approche, qui comprenait généralement des restrictions sur l'exploitation forestière perçues comme ayant une incidence potentiellement négative sur la production de bois d'œuvre commercial, engendrait des conflits entre les parties intéressées (organismes des forêts, secteur privé, groupements locaux, etc.). Par ailleurs, les politiques fiscales, de fixation des prix et contractuelles se concentraient sur l'exploitation plutôt que sur la gestion.

Aujourd'hui, il faut gérer les forêts dans un contexte beaucoup plus interdépendant et complexe, qui nécessite une concertation entre tous les principaux protagonistes et bénéficiaires. Pour cela, il est essentiel que les politiques forestières reconnaissent la diversité des intérêts liés à la conservation et à l'exploitation des forêts et la nécessité de faire participer les grands groupes d'intérêt aux décisions concernant leur gestion, par le biais de consultations où ils peuvent exprimer leurs attentes et expliquer leur rôle dans l'aménagement durable des forêts. Le système politique en vigueur dans chaque pays devra décider comment ces intérêts contradictoires doivent être harmonisés et comment répartir les coûts et avantages entre les principaux protagonistes et bénéficiaires. Toutefois, le processus consultatif en soi encourage déjà à déployer un effort collectif pour gérer durablement les forêts.

Lorsqu'on analyse et que, le cas échéant, on modifie le cadre politique afin de promouvoir efficacement l'aménagement durable des forêts, un certain nombre d'aspects sont particulièrement importants, notamment ceux qui sont mentionnés ci-après.

Politiques et planification en matière d'utilisation des terres. Il faut reconnaître que les forêts constituent une importante ressource naturelle renouvelable, précieuse pour les générations tant présentes que futures. En conséquence, la préservation de cette ressource et sa gestion durable doivent être un élément important de l'objectif général de développement, qui vise à rentabiliser au maximum l'utilisation des terres tout en garantissant la stabilité de l'environnement.

Politiques macro-économiques et mesures d'ajustement structurel. Il faut s'attacher à l'identification et à l'évaluation des effets négatifs que pourraient avoir les programmes agricoles ou les politiques de privatisation sur la conservation des ressources forestières; par exemple, ces politiques peuvent entraîner la destruction des forêts par les communautés rurales qui migrent pour développer l'agriculture de subsistance, ou qui sont poussées à se consacrer sans discrimination à d'autres cultures en raison de politiques de fixation des prix ou d'une évolution du marché qui vont à l'encontre de l'aménagement durable des forêts, ou de politiques visant à modifier la tenure et les droits d'usage forestiers, avec des conséquences inégales pour les communautés traditionnelles qui vivent dans les forêts.

Interactions politiques entre la foresterie et des secteurs connexes, tels que l'agriculture, l'élevage, l'industrie, l'énergie et l'exploitation minière. La surveillance des incidences et des interactions revêt une importance primordiale, notamment dans les domaines qui touchent la forêt, afin d'introduire et de développer la cohérence et la complémentarité avec les activités de gestion forestière, et de réduire au minimum les effets négatifs des mesures de fixation des prix et d'incitation dans les autres secteurs susceptibles de jouer en défaveur de la gestion et de l'exploitation durables des forêts.

La conservation et l'utilisation rationnelle des forêts doivent être reconnues sans équivoque comme une priorité nationale des politiques forestières et, dans le même temps, être reflétées explicitement dans les politiques nationales relatives à l'environnement et au développement.

Les politiques forestières doivent identifier clairement les responsables de la promulgation, de l'administration, de l'exécution et du contrôle des réglementations concernant la gestion des forêts.

Les politiques forestières devraient s'intéresser au comportement des divers groupes sociaux qui ont un intérêt dans l'exploitation des ressources forestières, et encourager les activités en appui à la durabilité. Les politiques doivent tenir compte des différents groupes d'utilisateurs qui dépendent tous des divers produits de la forêt, et elles devraient encourager l'adoption d'approches souples qui favorisent la durabilité par le biais de divers systèmes de tenure, d'exploitation et de gestion dans des contextes écologiques et socio-économiques différents. Elles devraient encourager les arrangements qui tiennent compte de toutes les principales catégories d'utilisateurs, notamment ceux qui protègent les intérêts des habitants de la forêt.

Les habitants de la forêt et les communautés avoisinantes comprennent les groupes autochtones et les minorités culturelles, qui constituent souvent la catégorie la plus démunie de la population rurale; il est essentiel de reconnaître leur droit d'accès aux ressources dont dépend leur existence. Les politiques forestières doivent permettre de protéger l'intégrité culturelle de leur patrimoine forestier et doivent, en conséquence, encourager la conception et l'application d'approches de gestion qui permettent aux communautés locales (tant aux hommes qu'aux femmes) d'être impliquées en tant que partenaires et bénéficiaires privilégiés.

Les politiques fiscales concernant les activités forestières nécessitent une grande attention; elles ne devraient pas être jugées seulement en termes de niveau des recettes allant au gouvernement grâce aux taxes et droits sur les forêts. La mesure dans laquelle ces politiques influent sur la volonté et la capacité de l'organisme responsable de la gestion des forêts à investir dans sa durabilité est encore plus importante. De nombreux pays dont les ressources forestières sont largement propriété privée ont un système de taxation favorable de la rente forestière, afin de maintenir des conditions qui rendent l'investissement continu dans la gestion forestière attrayant et compétitif par rapport aux autres utilisations possibles des terres. On peut également envisager l'octroi de prêts financiers et d'indemnisations, notamment des prêts destinés à des activités indispensables à l'amélioration du potentiel de production à long terme: boisement et reboisement; améliorations sylvicoles; création d'infrastructures; indemnisation des dépenses entraînées par certaines mesures de gestion devant être prises par les propriétaires dans l'intérêt public (ouvrages contre les avalanches et les inondations ou aménagement de zones récréatives très fréquentées); versement d'indemnités pour les pertes identifiées ou les bénéfices auxquels renoncent les propriétaires forestiers à la suite de la limitation volontaire de l'exploitation dans certaines zones.

Les politiques de fixation des prix pour tous les biens et services forestiers commercialisés jouent un rôle important dans la définition de l'économie de la gestion des forêts, notamment des niveaux d'investissement et de réinvestissement qui seront consacrés à la conservation et à l'amélioration des ressources forestières. Les prix des produits forestiers devraient être déterminés en fonction des forces du marché et de la concurrence, afin de refléter des valeurs économiques réelles; dans le même temps, toutefois, il faut surveiller les interactions éventuelles des écarts de prix par rapport à d'autres produits non forestiers. Il est essentiel que la structure des marchés pour les produits forestiers assure une part équitable des recettes à ceux qui sont réellement de la gestion des forêts, qu'il s'agisse d'organismes gouvernementaux, de concessionnaires privés, de propriétaires forestiers, de communautés locales ou de groupements d'utilisateurs.

Au-delà des aspects mentionnés ci-dessus, il est nécessaire d'adapter en permanence le cadre politique en réponse aux changements réels, de manière qu'il continue de fournir une incitation efficace à la gestion des forêts à long terme en vue d'un développement durable. Cela nécessite un processus de consultations régulières auprès des parties intéressées pour identifier rapidement les problèmes et les obstacles éventuels dus aux politiques actuelles, et pour déterminer s'il est nécessaire de réviser ou d'aménager tant la formulation que l'exécution des politiques.

Lois et réglementations en appui aux politiques d'aménagement durable

La conception des politiques doit être suivie de normes juridiquement contraignantes. Les lois et les réglementations sont donc le résultat des processus de formulation des politiques, ainsi que la base de leur exécution. Les changements apportés aux politiques nationales, qui insistent plus largement sur le développement durable des ressources forestières, doivent entraîner un examen systématique et, dans de nombreux cas, une modification considérable de la législation, soit qu'elle traite spécifiquement des forêts et de la foresterie (loi forestière nominale), soit qu'elle ait une incidence indirecte sur la foresterie (loi forestière fonctionnelle).

Loi forestière nominale

La législation forestière existante est largement de caractère réglementaire. Les responsables des politiques qui ont élaboré ces lois se sont concentrés principalement sur les profits immédiats tirés de la production de bois d'œuvre en tant que principal ou unique produit tiré de la ressource. On partait du postulat qu'il suffisait de réglementer l'entretien du couvert forestier et d'éviter les pratiques destructrices. Des mesures réglementaires de ce type resteront certainement importantes en tant que partie du modèle type des lois forestières, mais il existe des preuves abondantes qu'elles ne peuvent pas garantir la mise en œuvre d'une politique exhaustive en matière d'aménagement durable des forêts. Les sections qui suivent examinent certains problèmes qui méritent d'être considérés lorsque l'on s'efforce d'intégrer de manière plus cohérente le principe de durabilité dans les lois et réglementations forestières.

Questions relatives à l'aménagement. Les lois forestières, lorsqu'elles mentionnent l'aménagement durable des forêts, tendent à le faire uniquement dans le contexte de la production de bois. L'aménagement durable des forêts en tant que principe général de l'utilisation des ressources forestières doit, toutefois, considérer la conservation et la gestion des écosystèmes comme un tout, ainsi que les utilisations présentes et potentielles de la forêt. Cela implique que la loi fournisse une définition claire du concept de durabilité dans le contexte de la gestion des forêts et qu'elle définisse la signification et la pertinence de l'aménagement durable par rapport aux résultats présents et futurs, notamment mais non pas exclusivement pour les domaines suivants:

· production de bois de feu et de bois de construction pour la consommation locale en tant qu'intrant pour les économies rurales;

· production de diverses catégories de bois industriel en tant que base pour un secteur industriel;

· fourniture d'une vaste gamme de produits non ligneux pour des usages tant locaux qu'industriels;

· fourniture de services de protection contre les conséquences de catastrophes naturelles telles que les avalanches, l'érosion, les glissements de terrain et les inondations;

· création d'espaces récréatifs pour les zones urbaines et/ou le développement du tourisme.

La politique forestière devrait tenir compte des droits et des besoins des habitants des forêts et des collectivités voisines

Participation populaire. En général, les lois et réglementations forestières mentionnent rarement la participation populaire au processus décisionnel. La planification de la gestion forestière est le plus souvent considérée comme un problème technique, et la responsabilité en incombe exclusivement aux propriétaires et aux services des forêts. L'aménagement durable et polyvalent vise à intégrer les intérêts privés et publics dans l'utilisation des ressources forestières, sur la base d'un partage équitable des coûts et des investissements. Cette approche n'est possible que si la communauté prend une part active (à l'échelon local, national et régional) aux processus pertinents de prise de décision. Il serait nécessaire de modifier les lois pour:

· officialiser les processus de participation des propriétaires forestiers, des groupes d'utilisateurs et des organismes politiques aux décisions relatives à la gamme des produits forestiers, aux objectifs de la gestion et aux mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs;

· susciter l'engagement politique essentiel à la mise en œuvre d'un développement des ressources naturelles et à la fourniture de la base financière requise, selon une répartition équitable des coûts entre propriétaires forestiers et organismes publics;

· garantir une coordination appropriée entre l'exploitation durable des forêts et les autres utilisations des terres.

Mesures d'encouragement. La législation doit favoriser l'équilibre entre les intérêts des propriétaires forestiers responsables de la ressource et ceux de la communauté nationale, qui tire profit d'une gestion adéquate et polyvalente des ressources. Les mesures d'encouragement peuvent favoriser l'exploitation écologiquement viable des forêts et, en particulier, les pratiques et avantages qui intéressent l'ensemble de la communauté. A cet égard, on peut envisager les mesures financières suivantes:

· octroi de prêts destinés à accroître le potentiel de production à long terme, notamment pour le boisement et le reboisement, les coupes d'amélioration ainsi que la création d'infrastructures;

· remboursement des dépenses entraînées par certaines mesures de gestion devant être prises par les propriétaires forestiers dans l'intérêt public: amélioration de la stabilité de certaines forêts de protection, ouvrages contre les avalanches et les inondations, ou aménagement de forêts récréatives utilisées intensivement;

· indemnisation pour les pertes imposées, à savoir les bénéfices auxquels renoncent les propriétaires forestiers du fait d'une moindre exploitation de certaines zones.

Suivi et évaluation. La législation peut fournir une base institutionnelle à l'évaluation et au suivi. A cette fin, les lois sur la foresterie doivent contenir des dispositions relatives aux points suivants:

· instaurer le principe de suivi et les mécanismes nécessaires pour le contrôle régulier de l'état des ressources forestières aux niveaux national et régional;

· évaluer les effets de la planification de la gestion des forêts, notamment en ce qui concerne la superficie forestière, la diversité biologique et la santé des peuplements forestiers, les produits d'intérêt public, etc.;

· prévoir la diffusion des données de suivi et d'évaluation;

· prévoir l'utilisation en retour des données de suivi et d'évaluation dans le processus de formulation/révision des politiques.

Tenure forestière. L'une des conditions institutionnelles importantes pour l'aménagement forestier durable est que la législation établisse des formes appropriées et fiables de tenure comprenant diverses formes de propriété forestière et des droits d'usage forestiers. Les lois et réglementations forestières doivent comprendre des dispositions qui définissent:

· les catégories et la nature de la propriété forestière;

· les droits et les obligations des différentes catégories de propriétaires forestiers;

· les catégories et la nature des droits d'usage.

Dans de nombreux pays, la propriété gouvernementale est la catégorie dominante ou exclusive de propriété forestière. Si les lois forestières sont destinées exclusivement à la propriété publique, cela peut présenter des obstacles considérables aux initiatives privées relatives à la plantation d'arbres. Pour parvenir à un meilleur développement des ressources durables, il faut réviser ces lois de manière a:

· supprimer les réglementations inutiles qui empêchent les propriétaires terriens privés de planter et d'exploiter des arbres sur une partie de leurs terres;

· introduire des dispositions qui facilitent l'exploitation des arbres en association avec des cultures de plein champ et favorisent des pratiques agroforestières efficaces;

· permettre des accords sur l'utilisation des terres et la cession de baux qui rendent possible l'exploitation forestière privée sur des terres publiques;

· encourager l'aménagement forestier durable par le secteur privé, en laissant une marge de manœuvre suffisante aux utilisateurs des terres et aux propriétaires fonciers.

La politique forestière doit prendre en considération le fait que l'aménagement des forêts se fera en interdépendance croissante avec d'autres utilisations des terres

Les systèmes de concession constituent le mécanisme le plus répandu par lequel les gouvernements passent des contrats autorisant des opérations forestières privées sur des terres publiques. Ces systèmes passent progressivement du stade d'exploitation à grande échelle à des contrats d'aménagement forestier à long terme. Cette évolution est appuyée par les modifications suivantes de la législation:

· rationalisation des concessions en liant la superficie des forêts cédées ainsi que la durée de l'arrangement de manière plus spécifique au type d'opérateur privé, au niveau de traitement du matériau brut, au volume de l'investissement industriel et à la contribution socio-économique de l'industrie;

· renforcement des aspects à long terme de la gestion par la détermination de volumes annuels pour l'exploitation du bois d'œuvre, au lieu de s'intéresser uniquement à la superficie, en introduisant des systèmes de production de bois écologiquement viables et en fournissant des mesures d'incitation visant à améliorer les normes d'exploitation;

· promotion des réinvestissements visant à maintenir la productivité des ressources forestières, tels que plantation des aires d'abattage, coupe de nettoiement, lutte contre les incendies de forêt et amélioration de l'infrastructure forestière;

· intégration plus systématique des besoins pour maintenir la diversité biologique et veiller à la protection des sites grâce à la réglementation des concessions forestières;

· fourniture de mesures d'incitation en faveur d'une exploitation plus durable des ressources à l'intention de l'opérateur, en particulier par un système de renégociation à intervalles réguliers, avec la possibilité de prolonger la durée du contrat à condition que les résultats soient satisfaisants et que l'on convienne mutuellement de propositions visant à améliorer la gestion.

De nombreuses lois forestières reconnaissent les droits d'usage par principe, mais elles manquent souvent de dispositions adéquates pour les protéger et permettre leur application de manière durable et dans des zones définies. Cette situation engendre une frustration considérable parmi la population locale, qui a parfois développé une vaste gamme d'utilisations des forêts et mis au point des modèles de gestion durable. Il faut que la législation associe le principe de durabilité à une volonté femme de maintenir et de développer les utilisations durables des ressources forestières par la population locale.

L'accès reconnu et institutionnalisé des communautés à l'exploitation des ressources forestières est, dans de nombreux cas, l'un des principaux facteurs qui déterminent l'intérêt local à maintenir le couvert forestier. Les diverses formes de tenure collective des forêts et de propriété communautaire présentent un intérêt considérable dans l'optique de la gestion durable des ressources forestières. La législation devrait stipuler:

· les droits et les responsabilités des propriétaires communautaires, en vue d'utilisations et de pratiques de gestion écologiquement viables;

· la possibilité de renforcer les droits d'usage forestiers en introduisant de nouvelles formes de propriété de la forêt communautaire;

· la possibilité de transférer les terres forestières publiques à la communauté, soit par l'enregistrement des titres de propriété, par des accords de longue durée d'utilisation des terres ou sous forme de baux fonciers.

Loi forestière fonctionnelle

L'expression «loi forestière fonctionnelle» se rapporte à un large éventail de lois et de réglementations qui ont une incidence indirecte sur la conservation et le développement des forêts. Parmi les législations qui présentent une importance particulière pour le développement forestier durable figurent notamment:

· la législation qui se rapporte aux aspects généraux et spécifiques de la protection de l'environnement, notamment les codes nationaux de protection de l'environnement, les lois sur la lutte contre la pollution atmosphérique, ainsi que sur la conservation des sols et des eaux;

· la législation qui s'intéresse principalement aux ressources naturelles renouvelables, y compris les lois concernant des secteurs précis liés à l'agriculture, à l'élevage et aux pêches, et les interfaces avec la foresterie et les systèmes de production mixtes; elle comprend également la réforme agraire et les lois sur la colonisation des terres, ainsi que les réglementations visant à lutter contre l'érosion et à mettre en valeur les terres;

· la législation énonçant des mesures sociales et économiques en faveur du développement des zones rurales, notamment les lois sur le régime foncier, la planification de l'utilisation des terres, le développement et l'investissement au niveau régional et national, ainsi que les lois fiscales;

· la législation sur la protection de la nature, notamment les lois qui protègent la flore, la faune et les paysages intouchés et, dans une mesure considérable, les lois sur la chasse, la faune sauvage et les parcs nationaux.

Loi forestière fonctionnelle

L'utilisation des forêts et des terres forestières, notamment la gestion des peuplements de bois d'œuvre, devient ainsi assujettie à un réseau de dispositions juridiques qui s'étendent largement au-delà d'une législation spécifiquement forestière. La complexité croissante de la législation nécessite une analyse approfondie de la compatibilité entre les diverses lois et réglementations. Il faut accorder une attention particulière à un certain nombre de questions, parmi lesquelles:

· les conséquences de l'expansion du système juridique de protection de l'environnement et de la nature sur l'évolution de la législation forestière par rapport à la gestion des forêts (notamment la possibilité d'ajouter ou de renforcer des dispositions spécifiques concernant la conservation et la gestion des forêts dans les lois de protection de l'environnement);

· les avantages qui pourraient découler de l'aménagement forestier du fait de la modification de la législation relative aux ressources naturelles et au développement rural;

· la nécessité de modifier les réglementations sur l'aménagement forestier, afin de garantir leur compatibilité avec la législation de portée plus large.

Conclusion

Le présent article s'intéresse aux facteurs politiques et juridiques clés qui conditionnent l'aménagement forestier, lequel se trouve compliqué par la large place accordée depuis peu à la viabilité écologique et socio-économique. Les aspects soulignés ou les questions soulevées sont traités de manière générale; leur analyse doit être approfondie dans des contextes précis pour permettre des débats plus concrets. Dans certains cas, il apparaîtra que de vastes réformes du cadre politique et juridique sont nécessaires, et la question de leur compatibilité avec les macropolitiques, ainsi que leur recevabilité sur le plan politique, pourra se poser. La plupart du temps, cependant, ce qui est en jeu est l'attitude des institutions et des populations et la détermination, ou au contraire l'immobilisme, dont elles font preuve pour modifier l'orientation traditionnelle et se concentrer sur les approches plus complètes et participatives nécessaires à l'aménagement écologiquement viable des forêts.

L'application des politiques et des lois, ainsi que leur incidence sur un cadre effectif d'incitations et de réglementations, dépend des attitudes et des capacités aux niveaux national et local. De ce fait, pour réaliser des avancées en matière de politiques et de réglementations, il faut examiner de manière critique les arrangements institutionnels et les compétences de ceux qui s'efforcent de mettre au point, de diffuser, d'appuyer et d'appliquer des pratiques d'aménagement forestier plus viables pour l'environnement. Il faut accroître considérablement ce soutien, en le consacrant en priorité à la création de capacités pour les éléments critiques de l'aménagement forestier apparus avec la notion de durabilité, et à la surveillance de l'efficacité des résultats. C'est exactement ce que préconise le Programme Action 21 de la CNUED, en soulignant systématiquement que la création de capacités est une condition essentielle de la lutte contre le déboisement.

Enfin, il convient de souligner de nouveau que les forêts sont gérées de plus en plus dans des situations d'interdépendance complexe, en interaction avec d'autres utilisations des terres et différents paramètres économiques et sociaux. De ce fait, l'aménagement durable des forêts ne peut être entrepris et poursuivi que par des approches interdisciplinaires au sein de politiques et de réglementations en faveur du développement rural bien coordonnées. Il est impossible de gérer les forêts de façon écologiquement viable en dehors d'un contexte rationnel et stable d'initiatives homogènes et de stratégies convergentes dans des secteurs connexes.


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