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Le monde forestier


Quinzième Conférence sylvicole des pays du Commonwealth


Quinzième Conférence sylvicole des pays du Commonwealth

Compte rendu d'un participant à la Conférence. Les forestiers ayant compris l'importance de la politique dans la pratique de leur métier étaient généralement considérés par leurs collègues d'un œil soupçonneux ou, au mieux, jouissaient d'une considération mêlée de réserve. C'est au regretté Jack Westoby qu'il incomba d'appeler l'attention des sceptiques sur la politisation de la profession1. Douze ans après ses tentatives progressistes visant à sensibiliser ses collègues, la 1 5e Conférence sylvicole des pays du Commonwealth a confirmé l'acceptation du lien étroit entre les forêts et la politique, en adoptant le thème «La foresterie dans un cadre politique en évolution: enjeux pour le XXIe siècle».

(1 Westoby, J.C. 1985. Foresters and politics. Communication présentée au IXe Congrès forestier mondial et publiée dans Commonwealth For. Rev., 64 (2) 105-1 16. )

La Conférence sylvicole des pays du Commonwealth a lieu tous les quatre ans et rassemble les 53 pays du Commonwealth, qui représentent 1,6 milliard de personnes, soit environ un quart de la population mondiale. La 1 5e Conférence qui s'est tenue en mai 1997 a vu la participation de 360 délégués de 30 nations du Commonwealth, de cinq pays n'appartenant pas au Commonwealth et de diverses organisations internationales, régionales et nationales. Organisée pour la troisième fois en Afrique, elle a eu lieu cette fois à Victoria Falls (Zimbabwe). Avec le Congrès forestier mondial en octobre, elle tombe dans une année de grande importance politique pour les forêts du monde. En effet, l'Assemblée générale des Nations Unies s'est réunie pour apprécier les progrès accomplis dans les suites données aux résolutions et aux engagements de la CNUED, pour examiner le rapport sur les forêts de la Commission des Nations Unies sur le développement durable (CSD), et pour soumettre les futurs arrangements à l'attention de l'organe le plus indéniablement politique, le Groupe intergouvernemental sur les forêts.

Cette Conférence sylvicole des pays du Commonwealth a été organisée en sessions plénières et en groupes de travail qui ont débattu des trois sous-thèmes suivants:

· l'interface entre la communauté, l'Etat et le secteur privé;
· les moyens technologiques servant à atteindre une foresterie durable;
· les produits et services forestiers.

Une critique avancée aux conférences précédentes était que les participants n'avaient pas suffisamment l'occasion de contribuer aux présentations officielles et à la Déclaration finale. Aussi a-t-on choisi la formule des groupes de travail, qui semble avoir recueilli un consensus et impliqué tous les participants dans les délibérations et les résultats de la Conférence. Le nombre relativement limité des congressistes, par rapport aux 2 500 du Congrès de forestier mondial Paris en 1991 (et les 3 000 prévus à Antalya), ou encore les 2 000 participants au Congrès mondial de l'Union internationale des instituts de recherches forestières (IUFRO) en 1995, a favorisé les contacts, tandis que le recours à l'anglais comme seule langue officielle a facilité la communication.

La présence de S.E. le Président de la République du Zimbabwe, Cd R.G. Mugabe, qui a ouvert la Conférence, et du Chef Emeka Anyaoku, qui a prononcé le discours liminaire, a marqué une sensibilisation accrue à l'importance des forêts. Cette sensibilisation est ressortie également de la participation aux discussions, un intervenant ayant fait remarquer que les participants étaient neuf fois plus nombreux à la discussion du premier sous-thème qu'à celle du deuxième!

La présentation habituelle par les divers organismes du Commonwealth (Oxford Forestry Institute, Secrétariat du Commonwealth, CAB International et Association forestière du Commonwealth) des activités menées à bien depuis la dernière conférence, a eu une portée plus internationale, avec la prise en compte de l'examen des activités du secrétariat du Groupe intergouvernemental sur les forêts (Jag Maini), du Département des forêts de la FAO (David Harcharik) et de la Commission mondiale sur les forêts et le développement durable (John Spears). Il y a eu des présentations hautement professionnelles dans la session des posters et dans les six stands commerciaux. La Conférence a été célébrée par une cérémonie informelle de plantation d'arbres, au cours de laquelle les écoliers ont souhaité la bienvenue aux participants en entonnant une chanson composée pour l'occasion, avant d'aider les représentants de chaque pays ou organisation à planter les arbres.

La Conférence a été l'occasion de présenter le Queen's Award for Forestry. Ce prix, décerné depuis de nombreuses années à une personnalité éminente dans le domaine de la foresterie n'est pas l'équivalent du «Prix Nobel de la foresterie» que certains souhaiteraient voir instituer, car il est réservé à un ressortissant d'un pays du Commonwealth. Il s'agit néanmoins d'un prix prestigieux, attribué cette année à M. Jerry Vanclay (Australie) du Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), en témoignage de ses contributions aux connaissances sur la croissance des arbres et des forêts grâce aux techniques de modélisation. La Tom Gill Medal, décernée pour services rendus dans le domaine de la sylviculture tropicale à la mémoire du remarquable expert sylvicole américain de renommée internationale, et non limitée aux ressortissants du Commonwealth, a été attribuée à M. C.T.S. Nair (Inde), coordonnateur du Programme de soutien à la recherche forestière de la FAO pour l'Asie et le Pacifique (FORSPA).

Toutes ces activités, ainsi que les manifestations ne rentrant pas dans le cadre des sessions officielles, telles que les dîners offerts avec générosité par le Gouvernement du Zimbabwe, ont été grandement avantagées par le nombre relativement restreint de participants. Les visites organisées avant et après la Conférence ont permis aux congressistes de se retrouver dans une ambiance détendue, et qu'ils soient des vétérans de l'Afrique ou des novices - d'avoir le souffle coupé devant le spectacle grandiose des chutes Victoria et des animaux en liberté aux abords de l'hôtel et dans le parc adjacent.

La Conférence sylvicole des pays du Commonwealth se conclut généralement par une Déclaration à l'intention des chefs des gouvernements du Commonwealth, des organismes internationaux (eu égard en particulier au Congrès forestier mondial en octobre) et des organisations nationales. Si le destin qui unit ces appels à l'action adressés aux leaders mondiaux - du Congrès forestier mondial ou du Congrès IUFRO est de tomber dans l'oubli pratiquement dès que le dernier délégué a quitté la salle de conférences, certaines recommandations des Conférences précédentes adressées à la Réunion des chefs des gouvernements du Commonwealth ont quand même abouti, par exemple, à la création de l'Empire (désormais Oxford) Forestry Institute et de l'Association forestière du Commonwealth, et à l'institution des tests internationaux de provenance sur les pins d'Amérique centrale.

Lorsque Westoby (op. cit., note 1) écrivait: «... si les politiques forestières nationales entendent véritablement servir les intérêts des populations, les politiques socioéconomiques doivent tendre dans la même direction; il faut lutter pour une plus grande justice sociale, pour un accès plus équitable à la terre et aux autres ressources, pour la participation des habitants eux-mêmes au processus de développement», il exprimait une opinion qui commençait tout juste à s'accréditer à cette époque. S'il reste encore beaucoup à faire pour atteindre cet idéal, il est indéniable que des progrès considérables ont été réalisés dans ce sens depuis 1985. Le principe démocratique, la liberté d'expression et même une plus grande justice sociale se sont disséminés là où cela aurait été impensable en 1985. Malheureusement, lorsque Westoby appelait l'attention sur le rôle traditionnel des forestiers dans la protection des intérêts des générations à venir, les autres groupes qu'il citait comme nécessitant leur attention particulière - des ruraux dépossédés de leur terre aux urbains pauvres - ont tout au plus vu leur nombre augmenter. En outre, si leurs besoins sont inscrits dans la planification du secteur forestier, les causes sociales et politiques de leur pauvreté subsistent.

L'importance des contributions sociales, économiques et politiques à l'aménagement durable des forêts étant désormais reconnue, nombre de participants ont manifesté leur désappointement devant le langage terne et le caractère global du projet de Déclaration de la Conférence présenté à la session plénière finale, qui avait été préparé à partir des conclusions et des recommandations issues des débats des groupes de travail. La Déclaration sera soumise à la Réunion des chefs des gouvernements du Commonwealth ainsi qu'au Congrès forestier mondial, et il a semblé qu'on avait manqué une occasion d'avoir un retentissement hors du cadre de la Conférence. En particulier, les recommandations de la Déclaration adressées aux chefs des gouvernements n'étaient pas présentées de manière à attirer l'attention des responsables politiques, ni à leur faire comprendre l'importance des forêts pour leur pays et pour le peuple qu'ils représentent. De même, les recommandations adressées à la communauté internationale n'ont guère fait plus que demander que l'on continue à tendre, à l'échelle internationale, vers la réduction du chevauchement des activités et l'intensification des actions en partenariat, tout en créant et en renforçant les réseaux pour le partage de l'information et en développant les opportunités existantes, afin que l'enseignement, la formation et la recherche soient en mesure de relever les nouveaux enjeux de l'aménagement durable des forêts.

Cependant, la Déclaration a reconnu la nécessité de donner suite à ses recommandations d'une Conférence à l'autre. Une caractéristique de la Conférence sylvicole des pays du Commonwealth est qu'il n'y a jamais eu de solution de continuité entre les conférences et l'application des recommandations par le biais du Comité permanent sur les forêts du Commonwealth. Une des recommandations de la Déclaration demandait à cet organe de s'employer plus activement à la mise en œuvre des recommandations de la Conférence, notamment en faisant intervenir davantage l'Association forestière du Commonwealth qui constitue, malgré son titre, la seule association professionnelle du secteur forestier de portée mondiale. L'Association est représentée à ce comité permanent et a joué, par le passé, un certain rôle - quoique plutôt mal défini - dans le suivi des recommandations de la Conférence. La Déclaration adoptée à Victoria Falls prie le Comité permanent d'inviter l'Association à renforcer son rôle d'information au sein du Commonwealth, ses capacités de valorisation des ressources humaines et sa participation internationale. Pour ce qui est de son rôle d'information, l'Association s'y est sans aucun doute appliquée davantage ces dernières années, tant par la meilleure qualité technique de sa revue, The Commonwealth Forestry Review, que par d'autres publications. On a discuté des moyens dont les recommandations pouvaient être appliquées au cours d'un atelier informel à la fin de la Conférence; si le bilan est positif et si les intentions sont bonnes, il reste à voir dans quelle mesure une organisation purement volontaire peut donner suite à la recommandation ambitieuse de la Conférence.

En dépit de la teneur décevante de la Déclaration, l'auteur a apprécié la façon dont la Conférence s'efforce activement d'étendre son champ d'action au-delà des limites du Commonwealth. Elle entend maintenir l'élan d'une conférence à l'autre, non seulement au sein du Commonwealth mais dans le monde entier, grâce à de nouveaux mécanismes élargis, et en particulier en renforçant le rôle de l'Association, même si cela sera inévitablement limité à ceux qui pourront communiquer en anglais ou accepteront de le faire.

J. Ball
Forestier principal(plantations) Département des forêts de la FAO


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