CHAPITRE 2

CONTRIBUTION DIRECTE DE LA FAUNE SAUVAGE A LA SECURITE ALIMENTAIRE

2.1 LA FAUNE SAUVAGE, RESSOURCE ALIMENTAIRE

2.1.1 La viande de brousse

En Afrique, la viande de brousse est une importante source de protéines animales pour les ménages ruraux et urbains (encadré 4). L'ampleur de son exploitation et de sa consommation varie d'un pays à l'autre et est déterminée en premier lieu par sa disponibilité; toutefois, elle est aussi influencée par les restrictions gouvernementales sur la chasse, la situation socioéconomique et les préjugés culturels. Dans les zones dotées d'animaux sauvages, les populations les prélèvent et les chassent ou achètent et consomment leur viande pour de multiples raisons. Certaines personnes satisfont ainsi leurs besoins en protéines animales, soit parce qu'il n'en existe pas d'autres soit parce qu'elles coûtent trop cher, alors que d'autres mangent de préférence la viande de brousse parce qu'elle représente un mets prisé à consommer en certaines occasions spéciales. Pour le premier groupe, toutes les espèces d'animaux sauvages sont considérées comme comestibles alors que le deuxième groupe déploiera de grands efforts et sera disposé à payer des sommes élevées pour se procurer les espèces favorites. Pour la grande majorité des populations rurales africaines, la viande de brousse représente un élément vital du régime alimentaire et ce, pour un ensemble complexe de raisons: manque d'autres sources de viande, contraintes financières, préférence et valeurs culturelles. Pour ces personnes, les animaux sauvages constituent une ressource alimentaire précieuse qui ne peut facilement être supprimée ou remplacée sans causer des déséquilibres socioéconomiques d'une vaste portée.

Dans la sous-région de l'Afrique de l'Ouest, où l'exploitation des animaux sauvages et des produits dérivés est particulièrement bien documentée (cf. Asibey, 1965; 1966a; 1974; 1977; 1978; Ajayi, 1973; 1974; 1979; Sale, 1981; Martin, 1983; Jeffery, 1977; Ntiamoa-Baidu 1987), la viande de brousse est consommée par tous les groupes de la population qui la préfèrent à la viande des animaux domestiques. En Afrique australe, les Boschimans n'élèvent pas de bétail et sont donc fortement tributaires de la faune sauvage pour leurs protéines (Maliehe, 1993). La majorité de la viande consommée au Botswana vient de la chasse bien que, dans le régime alimentaire, le pourcentage de viande de brousse par rapport à celle des animaux domestiques varie grandement au sein du pays. C'est ainsi que toute la viande consommée par les groupes de chasseurs-cueilleurs tels que les Sans est de la viande de brousse, alors que les éleveurs de bovins nomades tirent environ 80% de leur viande des animaux sauvages et le reste du bétail (Butynski et Richter, 1972; Prescott-Allen et Prescott-Allen, 1982). Une étude sur le régime alimentaire des villages de Kwango-Kwilu au Zaïre (Kukwikila et al., 1993) montrait que la principale source de protéines était le gibier forestier, les poissons d'eau douce et les insectes, notamment les chenilles et les sauterelles qui étaient particulièrement abondantes en période de pénuries alimentaires (décembre janvier). Chez les Ntombas du Zaïre, le nouveau-né reçoit comme première nourriture de la graisse et du foie d'espèces à sabot, telles que le céphalophe bleu Cephalophus monticola et le potamochère Potamochoerus porcus, qui sont introduits dans son régime alimentaire entre 4 et 9 mois, tandis que les chenilles le sont entre 12 et 14 mois (Pagezy, 1993). En Tanzanie, pour les personnes vivant aux alentours des forêts et des herbages, la sécurité alimentaire est assurée grâce aux disponibilités en viande de brousse bon marché (Chihongo, 1992), et dans toutes les régions du Malawi les aliments sauvages (chenilles, termites, miel) et la viande des grands mammifères font habituellement partie du régime alimentaire de la population (Nyirenda, 1993).

Un grand nombre de recherches ont été menées au cours des années 1970 et au début des années 1980 pour documenter la consommation de viande de brousse, notamment en Afrique de l'Ouest. Cependant les statistiques se fondaient en grande partie sur les estimations du nombre de personnes qui s'en nourrissaient ou sur des évaluations de la contribution de la viande de brousse aux disponibilités protéiques nationales. En ce qui concerne la consommation annuelle de viande d'animaux sauvages, certaines des études réalisées antérieurement dans la région faisaient état de pourcentages variant entre 20% des protéines animales consommées par les populations rurales de la forêt ombrophile du Nigéria contre 13% pour l'ensemble du pays, 75% dans les zones rurales du Ghana contre 9,2% au niveau national, 70-80% dans les forêts du Cameroun contre 2,8% pour l'ensemble du pays et 80-90% au Libéria (Ajayi, 1979; Asibey, 1977). La base de ces estimations était souvent contestable et certains auteurs ont attribué ces chiffres élevés à "l'excès d'enthousiasme des promoteurs de la viande de brousse".

On dispose de données plus récentes sur la consommation de viande d'espèces sauvages par des ménages individuels et des collectivités de quelques zones africaines; c'est ainsi qu'une enquête menée en 1987 à Bukavu, Zaïre, indiquait que 72% de la population de la ville consommaient régulièrement de la viande de brousse et que la consommation annuelle de la ville était estimée à 400 tonnes (Keita, 1993). En Côte d'Ivoire elle était évaluée à 83 000 tonnes en 1990 soit 117 000 000 de dollars EU (Feer, 1993), alors qu'au Libéria les trois quarts de la production carnée du pays sont imputables à la viande de brousse, les rendements de la chasse de subsistance atteignant 105 000 tonnes de viande par an (Anstey, 1991). Les estimations de la consommation de viande au Cameroun en 1981 s'élevaient à 33,1 kg par habitant par an, soit 9 g par jour, 8,8% allant à la viande de brousse, 34,1% au poisson et le reste à la viande d'animaux domestiques (27,5% aux bovins; 9% aux porcins; 6,2% aux ovins et caprins et 10,4% aux produits laitiers, oeufs et produits animaux importés). La proportion attribuable à la viande de brousse était de 28 500 tonnes par an (Gartlan, 1987). Parmi les collectivités villageoises, Infield (1988) estimait que la consommation de gibier par personne s'élevait à 100 kg par an dans les villages autour du parc national de Korup (Cameroun) contre 250 g par adulte par semaine à Akyem Ayirebi, un village du Ghana (Dei, 1991). Des niveaux de consommation allant de 67 à 333 g (classe modale 100-150 g) par personne et par repas ont été enregistrés dans de petits restaurants traditionnels de la ville d'Accra (Tutu et al., 1993). La quantité minimale consommée par personne en un repas (soit 67 g) représentait 175% de la ration protéique journalière par habitant au Ghana (FAO, 1986) et 120% des besoins nutritionnels quotidiens.

Les études relatives au volume de la production de viande de brousse en Afrique concernent généralement des zones limitées et les seules indications du volume produit par les pays sont les estimations publiées par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ces dernières sont le fruit des données succinctes fournies aux différents départements de la faune sauvage ou des enquêtes sur la consommation alimentaire comme celles que mène la FAO. La limitation de ces données est due au fait que d'une part elles n'embrassent pas le volume effectif de la viande de brousse exploitée et, de l'autre, elles ne couvrent pas la gamme tout entière des espèces prélevées. En effet, les rongeurs, les escargots et les insectes, souvent consommés par le chasseur et sa famille, sont rarement vendus sur les marchés et n'apparaissent donc pas dans les statistiques. La situation est bien décrite par Prescott-Allen et Prescott-Allen (1982) qui observent que "lorsqu'un chasseur vend le produit de sa chasse à un voisin ou l'introduit dans la marmite familiale, il le raconte rarement au statisticien".

Un certain nombre de facteurs contribuent à la rareté et à l'insuffisance des données sur la consommation de viande de brousse. Tels sont:

  • la grande dispersion des sources d'approvisionnement en viande de brousse en Afrique et le fait que ces sources se situent pour la plupart dans des zones éloignées des centres urbains où résident les statisticiens ou les fonctionnaires publics chargés de la faune sauvage;
  • la destination d'une grande partie de la viande de brousse récoltée à l'alimentation familiale ou au commerce local;
  • l'analphabétisme; en effet la plupart des chasseurs sont illettrés et ne tiennent pas un registre de leurs captures;
  • la limitation des infrastructures: la grande majorité des systèmes servant à enregistrer les prélèvements et les ventes d'animaux sauvages sont insuffisants ou inadéquats.

Les estimations de la production de viande de brousse publiées par la FAO pour des pays désignés figurent dans le tableau 2.1 qui indique aussi la contribution de cette viande à la ration protéique journalière. Les estimations se fondent sur des données très succinctes et servent moins à fournir des chiffres absolus de la production qu'à établir des comparaisons entre différents pays. En outre, les chiffres relatifs à la consommation de viande de brousse ne traduisent pas la situation qui règne effectivement dans maintes collectivités rurales africaines. On ne saurait assez insister sur la nécessité d'un surcroît de recherche dans ce domaine.

Tableau 2.1 Production et consommation de viande de brousse dans des pays africains désignés (Source FAO, 1995)

Pays

Production de viande de brousse estimée

Consommation de protéines (g/jour)

1980

1985

1990

1994

Total protéines

Protéines animales

Viande de brousse

Angola

6

6

6

6

-

-

-

Botswana

5

5

5

5

71.3

21.5

1.9

Cameroun

33

40

44

46

52.3

11.1

0.2

Congo

10.2

10.6

11

11.8

51.3

21.6

1.4

Ethiopie

52

62

72

74

-

-

-

Gambie

1

1

1

1

56

13.2

0.7

Gabon

18.5

18.5

18.5

18.5

-

-

-

Ghana

44

57

57

57

46.3

13.2

3.4

Guinée

3.9

4

4

4

-

-

-

Côte d'Ivoire

13

13

13

13

53.1

13

1.3

Kenya

8.5

9.1

9.6

9.9

-

-

-

Libéria

5.8

6

6

6

45.9

11.9

3.8

Malawi

-

-

-

-

63.8

5.8

0.4

Namibie

2.6

3.1

3.6

4

-

-

-

Nigéria

100

100

100

100

47

6.5

0.5

Rwanda

5.8

6.4

6.8

7

50.9

4.1

0.6

Sénégal

-

-

-

-

69.7

18.7

0.5

Afrique du Sud

10

10

-

-

77.1

27.9

0.1

Soudan

6

6.5

7.5

7.7

60.6

25.1

1.7

Tanzanie

8.5

11

12.2

12.8

55.3

11.3

0.2

Togo

4

4

4

4

51.8

8.3

0.7

Ouganda

-

-

-

-

50.5

10.1

0.5

Zaïre

6.9

74

79

83

34.3

7.7

2.9

Zambie

22.4

26

28.5

30.5

57.7

10

1.5

Zimbabwe

14

16

18.5

20

52.8

8.1

0.9

Encadré 4 LA FAUNE SAUVAGE, UNE RESSOURCE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE

Pays

Utilisation de la viande de brousse comme ressource alimentaire

Afrique de l'Ouest

Bénin

La viande de brousse est vendue sur la plupart des marchés et on l'achète de préférence à celle des animaux domestiques. L'aulacode, Thryonomys swinderianus, est l'espèce favorite de la plupart des clients (Baptist et Mensah, 1986). La production de viande de brousse a été estimée à 20 000 tonnes, soit 40 millions de FCFA en 1989.

Cameroun

La viande de brousse est une composante vitale du régime alimentaire de nombreux habitants des zones urbaines et rurales et fournit de 70 à 80% des protéines animales consommées dans le Sud (Ajayi, 1979; Belisle, 1987). Les espèces comprennent les escargots, les chenilles et d'autres insectes. Sur les 33,1 kg environ de viande consommée annuellement par chaque habitant, 8,8% provenaient de la viande de brousse (Gartlan, 1987).

Ghana

Toutes les espèces d'animaux sauvages sont considérées comme comestibles. Asibey (1977) a estimé que 70% des habitants du Ghana mangeaient de la viande de brousse et que, pour les collectivités rurales, les animaux sauvages représentaient la principale source de protéines animales. Des enquêtes menées récemment sur la consommation de viande ont révélé que la viande de brousse était encore très répandue, et plus de 90% des personnes interrogées ont déclaré qu'elles en auraient mangé si elles en avaient la possibilité (Falconer, 1992, Ntiamoa-Baidu, 1992, Tutu et al., 1996). En 1991, sur une période de 27 jours, on a signalé la présence de 3 682 carcasses d'animaux sauvages pesant au total 13 884,6 kg dans trois marchés de viande de brousse à Kumasi (Falconer, 1992).

Libéria

Les espèces prisées exploitées comme viande de brousse comprenaient des antilopes et diverses espèces de singes (Jeffrey, 1977; Verschuren, 1983). Selon des estimations faites dans les années 1970, la viande de brousse contribuait à 60-90% des protéines animales consommées (Ajayi, 1979; Sale, 1981). Une enquête plus récente a montré que les trois quarts de la production carnée du pays provenaient d'animaux sauvages. La chasse de subsistance produisait 105 tonnes de viande évaluées à 42 m de dollars EU (Anstey, 1991).

Nigéria

La faune sauvage est normalement exploitée pour sa viande qui est très appréciée par les habitants aussi bien des campagnes que des villes et qui fournit 20% des protéines animales dans le Sud du pays. Les espèces consommées le plus souvent sont les petits mammifères y compris les écureuils, les aulacodes, les rats géants, les athérures et les chauves-souris (Ajayi, 1979; Martin, 1983; 1984; Anadu, 1987). Il a été estimé qu'au cours d'une période de six mois les agriculteurs de trois zones écologiques ont prélevé 1 320 000 tonnes de viande de brousse (Adeola et Decker 1987).

Sénégal

La consommation de viande de brousse s'élevait, d'après les estimations, à 373 600 tonnes par an (Cremoux, 1963). Suivant une enquête menée récemment dans la région de Siné, les Serères consommaient 12,9 g par personne par jour contre 24 g de viande d'animaux domestiques/personne/jour. Les espèces favorites étaient les oiseaux et c'était les enfants qui en mangeaient le plus (Vincke et al., 1987).

Sierra Leone

La viande de brousse était jadis un aliment de base. On en trouve sur la plupart des marchés ruraux et urbains, malgré la raréfaction croissante de la faune sauvage dans le pays, et 55% des ménages en mangent régulièrement (Smith, 1979; Teleki et al., 1981).

Afrique orientale et centrale

RCA

Pour les pygmées Aka, la chasse est un mode de vie (Motte-Florac, 1993). La viande de brousse n'est pas seulement la principale source de protéines mais elle assure aussi un revenu et peut être échangée contre des aliments riches en glucides.

Gabon

Le gibier est vendu et consommé en fonction de sa taille et des préférences de la clientèle. On mange les petits pangolins et rongeurs localement alors que les porc-épics, les céphalophes, les lézards et les crocodiles sont vendus sur les marchés de la viande de brousse (Lahm, 1993).

Tanzanie

La viande de brousse est une source de protéines bon marché pour les populations rurales et urbaines. Pour celles qui vivent à proximité des parcs et des réserves elle revêt une importance vitale (Chihongo, 1992).

Zaïre

72% de la population de la ville de Bukavu mangeaient régulièrement de la viande de brousse et, en 1987, la consommation annuelle de la ville était de l'ordre de 400 tonnes (Keita, 1993). Les chasseurs-collecteurs vivant dans les zones forestières tiraient toutes leurs protéines animales de la forêt et jusqu'à 200 espèces animales, des animaux de taille moyenne et grande aux oiseaux, aux reptiles et aux insectes, étaient exploitées comme ressource alimentaire (Ichikawa, 1993).

Afrique australe

Botswana

Les protéines animales proviennent pour la plupart d'animaux sauvages de toutes espèces et tailles; elles comprennent non seulement le gibier traditionnel mais aussi la viande de tous les mammifères y compris les prédateurs, les oiseaux et leurs oeufs, les chauves-souris et les insectes; pratiquement tous les animaux sont comestibles (Richter, 1970; Butynski et Richter, 1972). Plus de 50 espèces d'animaux sauvages sont prélevées à des fins de nutrition et, dans certaines zones, produisent 90,7 kg par an et par personne, soit 40% du régime alimentaire (Child, 1970).

Malawi

Dans toutes les régions du Malawi, on exploite comme nourriture des animaux sauvages tels que les chenilles, les termites et le gibier et on en consomme les produits comme le miel (Nyirenda, 1993).

Afrique du Sud

Pour les communautés rurales vivant à proximité des forêts, des terres boisées naturelles et des jachères forestières, les animaux sauvages occupent souvent une place importante dans le régime alimentaire; dans certains cas la viande de brousse est la source principale de protéines animales. La chasse des grands animaux sauvages est interdite légalement mais diverses espèces comme les genettes, les rats des champs, les damans des rochers, les porcs-épics, les potamochères et les lièvres sont chassés pour leur viande. Les singes sont particulièrement appréciés par les Zoulous. Les reptiles et les batraciens tels que les lézards, les iguanes (Varanus sp.), les tortues, de nombreux serpents y compris les serpents venimeux comme la vipère hébraïque (Bitis sp.), les grenouilles et les crapauds sont considérés comme des mets de choix (Maliehe, 1993).

Zimbabwe

A part les grands, mammifères qui sont chassés illégalement, on consomme un très grand nombre de rongeurs et d'oiseaux dans toutes les zones ou se pratique la petite agriculture. Le miel et les insectes sont collectés et consommés par la plupart des ménages; parmi les insectes comestibles importants figurent les termites, les chenilles et quelques sauterelles (McGregor, 1991; Wilson, 1990).

Adeola et Decker (1987) ont tenté d'évaluer au Nigéria la viande de brousse produite dans une zone plus étendue grâce à une enquête menée sur son utilisation par les agriculteurs et les chasseurs de trois régions écologiques (forêt ombrophile, forêt décidue et savane). Ils ont observé que les principales espèces de grands mammifères prélevées dans ces trois régions étaient les guibs et les céphalophes et que le prélèvement était de l'ordre de 6,1 animaux par mois dans la savane contre 4,9 dans la forêt décidue et 3,6 dans la forêt ombrophile. Les petits mammifères formaient l'essentiel des animaux exploités. Parmi ces derniers dominaient trois rongeurs, à savoir l'aulacode, le rat géant et les écureuils qui fournissaient 41,7 animaux par mois dans la savane, 27,5 dans la forêt décidue et 26,2 dans la forêt ombrophile (tableau 2.2). L'étude estimait qu'au total 1 263 000 tonnes de viande de brousse, y compris les petits et les grands mammifères mais sans compter les éléphants, étaient prélevés par les agriculteurs tous les mois pendant la saison des pluies, soit 696 000 tonnes dans la savane, 183 000 dans la forêt décidue et 385 000 dans la forêt ombrophile.

Malgré l'imprécision des estimations sur la consommation et la production totales de viande de brousse, on peut affirmer que ce produit est l'une formes de protéines animales les plus appréciées et demandées par les populations aussi bien rurales qu'urbaines de nombreuses parties d'Afrique. Suivant des études menées récemment au Ghana (Falconer, 1990; 1992; Ntiamoa-Baidu, 1992), plus de 90% des personnes interrogées dans les campagnes et les villes ont dit qu'elles auraient mangé de la viande de brousse si elles en avaient le choix, et de 40 à 70% ont déclaré que c'était leur viande favorite (figure 1). La popularité de la viande de brousse a été confirmée par les résultats d'une enquête sur les viandes que consommaient de préférence les habitués des petits restaurants traditionnels d'Accra, où ils avaient le choix entre divers types de mets à base de viande ou de poisson (Tutu et al., 1993); 65% des 374 clients choisissaient les plats à base de gibier.

A la différence de l'Afrique centrale où la viande de brousse est encore relativement abondante et à laquelle est en grande partie imputable la consommation de protéines animales des ménages, en Afrique de l'Ouest sa contribution réelle à la ration protéique totale s'avère actuellement très faible. La viande de brousse ne faisait pas régulièrement partie du régime alimentaire pour plus de 70% des personnes interrogées dans l'étude sur le Ghana réalisée par Tutu et al., (1993) et moins de 5% des protéines animales totales consommées par les collectivités rurales et urbaines lui étaient imputables. Au poisson revenait la majorité des protéines animales consommées (figure 2). La faible contribution actuelle de la viande de brousse à la ration protéique dans la région était attribuée à sa rareté, à ses prix relativement élevés et à la difficulté d'obtenir de petits morceaux d'un coût abordable, notamment en zone rurale, car la majeure partie des animaux prélevés étaient vendus entiers et destinés à la vente au détail dans les marchés citadins. C'est ainsi que la viande de brousse, jadis la principale source de protéines animales, représente aujourd'hui un produit de luxe consommé occasionnellement dans la plupart des foyers. Pour ceux qui l'aiment mais ne peuvent se permettre de l'acheter, les petits restaurants traditionnels restent les fournisseurs principaux de plats à base de gibier. La rareté du produit a donné lieu à une situation où tout animal sauvage quel qu'il soit est considéré désormais comme comestible et où les gens ont dû se résoudre à exploiter et à commercialiser toutes les espèces disponibles, y compris un grand nombre de petits animaux qui, dans le passé, n'étaient pas consommés du tout ou qui ne l'étaient que par les enfants.

Fig. 1 Viandes préferées par les personnes interrogées dans trois localités du Ghana: Doryum (village); Mankesim (petit centre urbain); Accra (grande ville)

2.1.2 Autres produits tirés des animaux sauvages

Mis à part leur rôle dans la securité alimentaire grâce à la consommation directe de leur viande, les animaux sauvages et leurs produits dérivés remplissent maintes autres fonctions. Introduits dans la nourriture ils peuvent servir à la relever et à encourager, par là, les gens à manger des quantités suffisantes d'aliments de base souvent fades et monotones. Le miel, produit par les abeilles, est un ingrédient recherché dans le monde entier. Il sert d'aliment, d'édulcorant, de tonique ou de médicament ainsi que de base pour la fabrication de boissons. Pour de nombreuses collectivités africaines, notamment les Masaïs, le miel revêt aussi une importance sociale car on le consomme au cours de diverses cérémonies telles que le mariage et la circoncision (Chihongo, 1992).

Le miel est tiré des espaces naturels ou produit dans des fermes apicoles. On estime qu'il existe 2 000 de ces fermes en Afrique du Sud où la production de miel atteindrait 3 200 tonnes par an (Maliehe, 1993). L'apiculture est sans nul doute une industrie capable de créer des revenus substantiels pour les populations rurales, en particulier celles qui vivent à proximité de zones protégées où la faible pression démographique permet d'intensifier les activités apicoles. Au plan économique cette industrie justifie bien la gestion durable des forêts naturelles. C'est ainsi qu'un grand nombre de projets "populations et parcs" en Afrique visent à inciter les populations vivant dans les réserves à pratiquer l'apiculture, ce qui leur permet de réaliser le triple objectif de multiplier les avantages à tirer de la forêt, d'accroître la production alimentaire et d'augmenter le revenu et l'emploi axés sur les industries forestières. Le miel produit peut être consommé localement, écoulé sur les marchés citadins ou exporté.

Fig. 2 Pourcentage de la ration protéique animale imputable à différents types de viande en fonction de la fréquence de leur utilisation dans l'alimentation familiale.

Tableau 2.2 Production de faune sauvage dans trois zones écologiques au Nigéria (estimée à partir des prélèvements des agriculteurs pendant la saison des pluies) (Source: Adeola et Decker, 1987)

Espèce

Poids de la carcasse

Savane
(n = 60)

Forêt décidue
(n = 30)

Forêt ombrophile
(n = 30)

(Kg)

Nbre par agriculteur

Kg par agriculteur

Nbre par agriculteur

Kg par agriculteur

Nbre par agriculteur

Kg par agriculteur

Grand gibier (éléphants non compris)

Céphalophes Cephalophus monticola, Sylvicapra. Grimmia

6.7
4.03
27.00
3.56
23.85
2.84
19.03

Guib Tragelaphus scriptus

11.0
2.11
23.21
1.33
14.63
1.77
19.47

Cobe defassa Kobus ellipsiprymnus

120.0
1.57
188.40
0.02
2.40
0.57
68.40

Antilope roanne Hippotragus equinus

144.0
1.02
146.88
0.00
0.00
0.50
72.00

Cobe Kobus kobus

56.0

0.73
40.88
0.03
1.68
0.57
31.92

Phacochère Pacochoerus aethiopicus

45.0
0.63
28.35
0.68
30.60
0.08
3.60

Buffle Syncerus caffer

420.0
0.52
218.40
0.21
88.20
0.24
100.8

Papion Papio anubis

9.0
0.33
2.97
0.58
5.22
0.06
0.54

Prélèvement mensuel est. (millions de kg)*

 

 

578.1

 

120.6

 

318.4

Eléphant Loxodonta africana

1600.0
0.07
112.0
0.00
0.00
0.03
48.00

Petit gibier

Ecureuils Funisciucus aneuythrus, Xerus erythroups

0.5

16.85

8.43

10.69

5.35

12.98

6.49

Aulacode Thryonomys swinderianus

4.0

13.52

54.08

7.97

31.88

4.73

18.92

Rat géant Cricetomys gambianus

2.0

11.31

22.62

8.83

17.66

8.53

17.06

Porc-épic Hysterix cristata

4.0

8.67

34.68

4.11

16.44

3.90

15.60

Chauve-souris Eidolon helvum

0.3

2.93

0.88

10.13

3.04

5.53

1.66

Ecureuil volant Anomalurus spp.

0.5

1.58

0.79

1.63

0.82

1.42

0.71

Pangolin Manis gigantea

2.0

0.87

1.74

0.68

1.36

0.46

0.92

Prélèvement mensuel est. (millions de kg)

 

 

105.4

 

55.4

 

61.9

Oiseaux

Pintade Numida meleagris

0.4

27.70

9.69

17.90

6.26

7.82

2.74

Francolin Francolinus spp.

0.4

14.10

4.94

9.50

3.32

4.40

1.54

Prélèvement mensuel est. (millions de kg)

 

 

12.5

 

6.9

 

0.43

Reptiles/mollusques

Varan Varanus niloticus

-
3.58
-
2.38
-
2.40
-

Tortue Kinixys belliana

-
2.60
-
1.52
-
0.86
-

Crocodile Crocodylus niloticus

-
1.74
-
0.00
-
0.48
-

Python Python sebae

-
1.06
-
66.00
-
0.40
-

Cobras et vipères Naja nigricollis, Causus rhombeatus, Bitis spp.

-
0.48
-
0.32
-
3.42
-

Escargot géant Archachatina marginata

-
12.50
-
36.54
-
17.16
-
* Nombre estimé d'agriculteurs: savane: 855 069; forêt décidue: 723 808; forêt ombrophile: 1 008 208.

2.2 ESPECES ET VARIETES D'ANIMAUX SAUVAGES CONSOMMES

Pratiquement toutes les espèces d'animaux sauvages sont comestibles en Afrique mais certaines qui sont taboues pour un groupe de consommateurs sont des mets délicieux pour d'autres. Les espèces consommées vont des antilopes aux singes, aux rongeurs, aux reptiles et à toute une gamme d'invertébrés comprenant les escargots, les termites et les scolytes. Jardin (1970) énumère des centaines d'espèces appartenant à 236 genres qui seraient consommées par les populations africaines. La viande de brousse est mangée fraîche, fumée, salée ou séchée au soleil (biltong). Le fumage est la forme de conservation la plus répandue et on trouve de la viande de brousse fumée sur les marchés urbains de la plupart des pays africains.

La gamme des espèces prélevées et leur importance relative ont été documentées pour diverses régions africaines; elles varient d'un endroit à un autre en fonction essentiellement des espèces exploitables et des restrictions imposées sur la chasse dans chaque pays. Les rongeurs appartiennent à un large éventail d'espèces et sont prélevés en peu partout en Afrique, sans doute à cause de l'absence de normes sur leur capture dans de nombreux pays et de leur capacité élevée de reproduction. Une comparaison entre l'utilisation des espèces mammifères par rapport à leur présence dans différents milieux et l'activité de base des populations qui y vivent laisse entendre que les collectivités forestières disposaient de plus d'espèces que les collectivités pastorales des milieux arides (tableau 2.3).

Tableau 2.3 Espèces mammifères utilisées comme aliment par rapport au milieu et à l'activité de base. (Source: Ichikawa, 1993)

Pays

Populations
autochtones

Environnement

Activé de base

Espèces
comestibles
(*)

Zaïre

Mbuti

forêt

prélèvement/échange

57 (60)

Zaïre

BaMbote

terres boisées

prélèvement/échange

35 (90)

Kenya

Dorobo

forêt/savane

prélèvement/pastoralisme

26 (41)

Botswana

Kung

savane sèche

prélèvement

28 (58)

Tanzanie

Tongwe

terres boisées

horticulture

37 (91)

Kenya

Rendille

semi-désert

pastoralisme

7 (29)

Kenya

Turkana

savane sèche

pastoralisme

44 (56)

(*) Nombre total d'espèces signalées dans la zone

Des études détaillées ont été réalisées sur la composition du régime alimentaire de plusieurs groupes de population vivant en Afrique occidentale et centrale. Les tableaux 2.4 et 2.5 fournissent des indications sur la gamme d'animaux sauvages utilisés comme nourriture par trois groupes ethniques au Zaïre: les Mbutis (chasseurs-cueilleurs vivant dans la forêt d'Ituri au Zaïre) et les Ngandus et les Boyelas (sous-groupes de la population Mongo habitant la partie centrale du Zaïre). Les Mbutis exploitaient comme aliment plus de 200 espèces animales. Toutes les espèces de mammifères de taille moyenne et grande et tous les oiseaux présents dans la zone (à l'exception des hirondelles, des bergeronnettes grises, des hiboux et des mange-maringouins), sept espèces de reptiles, 29 espèces d'insectes (larves et/ou adultes) et environ 20 espèces de poissons étaient considérés comme comestibles. Les populations Ngandu et Boyela, par ailleurs, exploitaient 285 espèces d'animaux sauvages comprenant des mammifères, des oiseaux, des reptiles, des batraciens, des poissons et des insectes. La fréquence de consommation des insectes présentait un caractère fortement saisonnier même si des espèces telles que les ailés des termites (Macrotermes sp.) étaient assez abondantes toute l'année (Takeda et Sato, 1993).

Tableau 2.4 Nombre d'espèces appartenant à différents groupes fauniques exploitées comme aliments par trois groupes ethniques (Boyelas, Ngandus et Mbutis) vivant dans le bassin du Zaïre (Sources: Takeda et Sato 1993; Takeda, 1990)

Groupe
Horticulteurs
Chasseurs-cueilleurs

Boyelas

Ngandus

Mbutis

Mammifères

52

62

57

Oiseaux

38

46

113

Reptiles

14

20

7

Batraciens

8

2

2

Poissons

51

104

22

Insectes

22

51

29

Lahm (1993) a signalé 254 espèces d'animaux sauvages prélevés par les chasseurs et les poseurs de pièges dans trois villages du Nord-Est du Ghana. Les ongulés représentaient 57,5% des captures, le céphalophe bleu Cephalophus monticola étant l'espèce la plus commune. Les primates formaient le deuxième groupe le plus recherché; Cercopithecus nictitans notamment était capturé avec le plus de fréquence. Parmi les rongeurs, l'athérure Atherurus africanus faisait l'objet d'une chasse assidue et occupait le deuxième rang par ordre numérique parmi toutes les espèces prélevées (tableau 2.6). Les différences dans le nombre des espèces capturées était attribuées à l'abondance relative de certaines d'entre elles sur le terrain de chasse, à leur accessibilité et à des facteurs tels que les tabous alimentaires, la petite taille, un comportement imprévisible et le type d'activité.

Des espèces comme les varans (Varanus sp.), les grenouilles, les crapauds, les tortues et plusieurs espèces de serpents, y compris des serpents venimeux comme la vipère hébraïque (Bitis sp.), sont considérées comme des mets délicieux par de nombreux groupes en Afrique australe, alors que les chenilles et un certain nombre de papillons nocturnes sont appréciés par les collectivités rurales (Maliehe, 1993). La gamme des espèces prélevées est très différente en Afrique de l'Ouest et comprend un large éventail de rongeurs et d'autres petits mammifères et invertébrés, du fait sans doute de la disparition des grands mammifères. Les escargots géants (Achatina sp. et Archachatina sp.) sont très demandés dans les villes et les campagnes de l'Afrique de l'Ouest (Ajayi, 1971; Anadu, 1987; Afolayan et Ajayi, 1983; Osemeobo, 1992). Ils abondent notamment dans les zones forestières de la région pendant la saison des pluies où ils sont intensément exploités à des fins alimentaires.

Malgré la grande variété apparente d'animaux sauvages servant de nourriture dans la région, les gens manifestent des préférences marquées. L'aulacode est sans contredit la viande de brousse la plus exploitée dans toute l'Afrique de l'Ouest sous l'angle du volume de son commerce et de sa popularité (figure 3 et tableaux 3.6-3.8). Dans une enquête menée sur les viandes préférées au Ghana, pour 40-50% des personnes interrogées dans diverses villes l'aulacode était l'espèce favorite et 76% des habitués des petits restaurants d'Accra la commandaient régulièrement. En deuxième lieu venait l'antilope royale (Neotragus pygmaeus). En revanche, les grands rongeurs autres que l'athérure à grande queue jouaient un rôle moins important dans l'alimentation au Gabon et dans d'autres zones de la sous-région d'Afrique centrale où existent encore des populations denses de grands mammifères.

Fig. 3 Espèces préférées par les consommateurs de viande de brousse.

Tableau 2.5 Consommation mensuelle d'insectes par les Ngandus (pourcentage de jours) (Source: Takeda et Sato, 1993)

Espèces (et stades de consommation)

Jan

Fév

Mar

Avr

Mai

Juin

Juil

Août

Sep

Oct

Nov

Déc

Noctuidés (larves)

4.0

0

0

0

0

21.7

14.9

72.6

35.9

31.9

20.1

5.5

Macrotermes sp., Termitidés (imago)

6.2

13.1

15.6

22.5

31.5

31.1

20.9

8.1

6.7

18.3

23.3

8.3

Pseudantherea discrepans, Saturniidés (larves)

0

0

0

0

0

0

2.2

2.4

16.7

14.6

8.8

0

Pseudantherea discrepans, Saturniidés (nymphes)

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

3.3

0

Anaphe sp., Notodontidés (l.)

0

0

0

0

0

0

0

0

13.3

2.7

3.1

0

Notodontidés (larves)

0

9.2

4.7

0

0

0

0

3.2

0

0

0

0

Saturnia sp., Saturniidés (lar.)

0

2.8

4.4

0

0

0

0

3.2

0

0

7.9

0

Lobohunaea goodi, Saturniidés (larves)

0

0

0

0

0

0

0

4.8

0

4.8

1.1

0

Saturniidés (larves)

0

0

0

0

0

0

0

4.8

0

4.8

1.1

0

Saturniidés (larves)

0

5.3

0

0

0

1.7

0

0

0

0

0

0

Vespidés (larves)

0

2.6

0

0

3.2

0

0

0

0

0

0

0

Vespidés (larves)

0

0

0

0

0

0

0

0

3.3

1.6

3.3

0

Nudaurelia dione, Saturniidés (larves)

0

1.3

0

0

4.8

1.7

2.9

0

1.7

0

0

0

Anaphe infracta, Notodontidés (larves)

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

2.2

0

Saturniidés sp. (larves)

0

0

0

0

0

0

1.8

0

0

0

0

0

Nymphalidés sp. (larves)

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

1.4

0

Lepidoptères (larves)

0

1.3

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Rhynchophorus phoenicis, Rhyncophores (larves)

0

1.3

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Scarabéidés (imago)

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

1.1

0

Tableau 2.6 Gibier prélevé par les chasseurs villageois dans les zones boisées du Nord-Est du Gabon (adapté de Lahm, 1993)

Groupe d'animal sauvage
Espèce
Total
% Total

Reptiles

Osteolaemus t. tetraspis

1
 

Varanus niloticus

4
 

Pangolins

Manis tricuspis

9

5.5

Rongeurs

Atherurus africanus

28
 

Cricetomys emini

1
 

Epixerus ebii

2
 

Protoxerus stangeri

1
 

Thryonomys swinderianus

3

13.8

Primates

Cercopithecus cephus

9
 

Cercopithecus mona

1
 

Cercopithecus neglectus

2
 

Cercopithecus nictitans

14
 

Cercopithecus pogonias

8
 

Cercocebus albigena

3
 

Colobus guereza

2
 

Mandrillus sphinx

6
 

Gorilla g. gorilla

1
 

Pan t. troglodytes

1

18.5

Carnivores

Bdeogale nigripes

2
 

Felis aurata

2
 

Nandinia binotata

3
 

Panthera pardus

4
 

Poiana richardsoni

1

4.7

Ongulés

Cephalophus callipygus

11
 

Cephalophus dorsalis

15
 

Cephalophus leucogaster

2
 

Cephalophus monticola

95
 

Cephalophus nigrifrons

3
 

Hyemoschus aquaticus

12
 

Potamochoerus porcus

6
 

Tragelaphus spekei

2

57.5

Total

254

 

2.3 VALEUR NUTRITIONNELLE DE LA VIANDE D'ANIMAUX SAUVAGES

Il ressort d'un grand nombre d'études menées sur la valeur nutritionnelle de la viande d'animaux sauvages qu'elle est comparable à celle d'animaux domestiques et dans certains cas meilleure. D'une manière générale, la viande de la plupart des espèces sauvages a une plus faible teneur en matières grasses et un pourcentage égal ou plus élevé de protéines et de vitamines que la viande de boeuf, de mouton, de poulet ou de porc (tableaux 2.7 et 2.8). A part le grand gibier, des espèces "non traditionnelles" comme les rongeurs, les insectes et les escargots ont également fait l'objet d'études nutritionnelles. Celles concernant les rongeurs consommés dans les forêts du Zambèze indiquaient pour 12 espèces une teneur moyenne en protéines (poids vif) de 24%, en matières grasses de 2,8 à 16,8% et en cendres de 2% (Malaise et Parent 1982, voir tableau 2,7). Sur la base de ces résultats les auteurs ont rangé, du point de vue de la valeur nutritionnelle, les rongeurs aux côtés du boeuf et du poulet.

Plusieurs espèces d'insectes consommés en Afrique ont une teneur calorique et protéique élevée (Hickin, 1971, par exemple). Il a été observé que les larves du ver à soie Anaphe venata, mangées en grandes quantités dans les campagnes du Nigéria, contenaient davantage de protéine brute que d'autres types de viande comme l'agneau et le porc. La teneur en fer (Fe) était supérieure à celle du poulet et les larves contenaient également six des huit acides aminés essentiels au corps humain, à savoir la thréonine, la valine, l'isoleucine, la leucine, la phényl-alanine et la lysine, faisant d' A. venata un aliment d'appoint précieux dans les régimes pauvres en protéines et en substances minérales (Ashiru, 1988). Avec une teneur en matières grasses de seul 1,3% et de fer de 12,2 mg/100g de la carcasse comestible, la valeur nutritionnelle des escargots serait comparable à celle de la viande de boeuf (Ajayi et al., 1978).

Tableau 2.7 Teneur en calories et substances minérales de rongeurs exploités comme ressource alimentaire (Source: Malaisse et Parent, 1981)

Espèces

Energie

Ca

P

Fe

Kj

Cal

mg

mg

mg

Paraxerus cepapi

497

119

230

250

5

Aethomys kaiseri

455

109

400

270

15

Cricetomys gambianus

936

224

400

360

10

Dasysmys sp.

526

126

280

225

10

Lophuromys flavopunctatus

601

144

300

170

7

Praomys sp.

618

148

270

300

10

Saccostomus campestris

723

173

550

350

15

Thamnomys sp.

418

100

280

225

10

Pelomys fallax

459

110

210

270

8

Hystrix africae-australis

973

233

150

310

5

Thryonomys swinderianus

1132

271

320

380

20

Cryptomys hottentotus

668

160

150

220

15

Table 2.8 Composition approximative (g/100 g) de la viande de certaines espèces animales sauvages et domestiques désignées. (Sources: Tewe et Ajayi, 1978; Ajayi, 1979; Ajayi et Tewe, 1979; Malaisse et Parent, 1981)

Espèces

Humidité

Protéines

Matières grasses

Cendres

Rongeurs

Paraxerus cepapi

74.3
21.0
3.2
1.5

Aethomys kaiseri

73.1
19.1
3.0
2.0

Cricetomys gambianus

49.1
42.6
4.7
2.6

Dasysmys sp.

71.7
21.0
4.0
2.0

Lophuromys flavopunctatus

66.7
27.5
2.9
2.6

Praomys sp.

70.0
19.8
7.0
2.0

Saccostomus campestris

68.4
19.0
10.2
2.2

Thamnomys sp.

70.7
16.3
3.4
2.0

Pelomys fallax

75.1
19.9
2.8
1.8

Hystrix africae-australis

48.0
45.8
41
1.7

Thryonomys swinderianus

52.0
28.0
16.8
2.9

Cryptomys hottentotus

69.2
16.6
9.9
1.8

Carnivores

Mangouste à long museau Herpestes naso

72.7
18.8
1.9
3.3

Genette Genetta pardina

31.8
55.4
9.3
6.0

Suidés

       

Potamochère de l'Afrique Potamochoerus aethiopicus

70.1
23.8
1.6
1.1

Artiodactyles

Antilope royale Neotragus pygmaeus

74.5
23.4
0.9
1.2

Céphalope couronné Cephalophus sp.

74.6
20.8
3.4
1.2

Céphalophe de Grimm Sylvicapra grimmia

59.5
33.4
2.0
4.0

Guib Tragelaphus scriptus

47.6
50.9
12.2
3.7

Animaux domestiques

Boeuf

73.8
19.6
12.0
1.0

Mouton

78.5
17.2
2.9
1.0

Porc

64.8
19.4
13.4
0.8