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5. LES STRATÉGIES DE COMMUNICATION EFFICACE DES RISQUES

La communication des risques s'effectue dans une grande variété de contextes. Tant la recherche que l'expérience indiquent qu'il faut varier les stratégies de communication du risque en fonction du contexte d'intervention. En dépit des nombreuses similitudes, les stratégies qu'il convient d'employer à l'occasion d'une crise liée à la sécurité sanitaire des aliments diffèrent, sous bien des aspects, des stratégies visant à engager avec le public un dialogue concernant les risques et les avantages des nouvelles technologies alimentaires, ou encore des stratégies dont l'objet est de communiquer à propos des risques d'origine alimentaire chroniques mais de faible intensité. Nous présentons, de manière séparée, une énumération des différents points à prendre en considération lorsqu'on élabore des stratégies orientées vers la communication des risques à l'occasion d'une crise sanitaire d'origine alimentaire et une analyse des critères applicables à la communication des risques dans un contexte plus général.

Considérations générales en vue d'une communication efficace des risques

Il est possible de regrouper un grand nombre de considérations touchant à la communication efficace des risques, notamment ceux affectant le public, dans un ordre qui respecte la démarche systématique du processus de communication des risques. Dans un premier temps, il s'agit de réunir des informations utiles concernant notamment le contexte, puis d'élaborer et de composer le message, d'en assurer la diffusion aux destinataires et, enfin, de procéder à un examen du suivi et à une évaluation de l'impact.

Bonne compréhension du contexte grâce, notamment, à la collecte d'informations

Élaboration/composition du message

Diffusion/distribution

Examen rétrospectif/évaluation

Questions liées aux préoccupations du public

Les risques comportant certains ou la totalité des aspects décrits ci-dessous tendent à préoccuper davantage le public que les autres risques:

C'est pourquoi, afin d'atténuer les préoccupations du public à l'égard des risques, on pourra recourir aux stratégies suivantes:

Les stratégies de communication des risques en dehors des situations de crise

Il va de soi que la communication des risques revêt une importance extrême au cours d'une crise liée à la sécurité sanitaire des aliments; toutefois, elle est tout aussi importante en l'absence d'une crise immédiate, lorsqu'on procède à une analyse routinière des risques, pour faire face aux dangers potentiels identifiés. Dans de telles situations, il convient de prendre en considération les éléments suivants lors de l'élaboration de la communication des risques:

Le contexte/les informations pertinentes

Élaboration/composition des messages

Diffusion/distribution

Examen/évaluation

Les stratégies de communication des risques durant une crise affectant la sécurité sanitaire des aliments

Nous prendrons comme exemple une crise classique liée à la sécurité sanitaire des aliments et causée par la découverte d'organismes pathogènes dans une denrée alimentaire de grande consommation. À noter, toutefois, que les stratégies suggérées s'appliqueront également aux autres types de crise impliquant, notamment, la contamination chimique ou l'adultération physique des aliments.

Bien que les stratégies générales restent valables pour les situations de non-crise évoquées plus haut, une situation de crise nécessite la prise en compte de considérations particulières. Ainsi, les stratégies de communication devraient faire partie intégrante du plan de gestion de la crise. À ce propos, une bonne gestion de crise nécessite un plan global pouvant être actualisé par le biais d'évaluations périodiques. Il est très important de disposer de voies de communication efficaces avec le public en temps de crise, tout d'abord pour éviter la panique et, en second lieu, pour fournir des informations positives concernant la situation afin de contribuer à définir la marche à suivre. Ces informations comprendront les éléments suivants:

Afin d'atteindre ces objectifs, le communicateur des risques pourra:

Les responsables de la gestion d'une crise liée à la sécurité sanitaires des aliments doivent mettre sur pied un réseau d'échanges interactifs des informations. Les organismes de recherche du gouvernement central, les autorités locales, les hôpitaux et les entreprises privées doivent échanger les informations de façon précise, concise et utilisable.

Les situations de crise et les réponses à l'échelle internationale

Il importe, en présence d'une crise naissante, de mettre sur pied des systèmes d'alerte avancée dans les pays ou les régions concernés afin de permettre une communication rapide de l'émergence d'une crise. Dès que l'on aura établi la cause d'une épidémie d'origine alimentaire, il devient possible de prendre des mesures à l'échelle internationale. À titre d'exemple, le réseau européen Sal Net a contribué à prévenir la propagation d'épidémies dues à des causes spécifiques.

Les États membres devront se conformer au Code de déontologie du commerce international des denrées alimentaires du Codex ainsi qu'aux Directives sur les échanges d´informations dans les situations d´urgence en matière de contrôle des aliments, qui permettent d'échanger rapidement des informations en situation de crise.

Les organisations internationales peuvent servir de tribune neutre pour l'évaluation des risques et l'élaboration de stratégies appropriées de gestion des risques, ainsi que de communication des messages relatifs aux risques en vue d'une diffusion nationale ou internationale.

Les situations de crise et les réponses à l'échelon national

Les gouvernements nationaux doivent être prêts à assurer la diffusion rapide d'informations précises aux médias et au public en cas d'apparition d'une crise liée à la sécurité sanitaire des aliments. Les étapes essentielles de cette préparation en cas de crise sont les suivantes: identifier les sources fiables d'informations et d'avis experts; mettre sur pied une organisation administrative chargée de gérer les communications pendant la crise; enfin, développer les savoir-faire des agents chargés de traiter avec les médias et le public.

Un gouvernement national pourra envisager d'ouvrir un bureau d'information sur la sécurité sanitaires des aliments, lequel pourra, si nécessaire, faire office de centre de crise tout en jouant le rôle de centre d'accueil pour les questions routinières des consommateurs à propos de la sécurité sanitaires des aliments. Les autorités chargées du contrôle des aliments pourront également envisager de créer une page d'accueil sur l'Internet pour fournir des informations sur les aliments et sur la sécurité alimentaire, notamment pour traiter des questions et des réponses prévisibles aux problèmes d'intérêt commun.

Les situations de crise et les réponses du secteur privé/industriel

Lorsqu'une crise est imminente ou qu´elle surgit, il appartient à la branche du secteur privé concerné de veiller à ce que les autorités publiques soient pleinement informées de la cause éventuelle et de l'étendue potentielle du problème, de même que de l'efficacité prévisible d'un rappel des produits alimentaires déjà diffusés sur le marché. Il faut également que les campagnes d'action et de communication menées par les entreprises concernées tiennent compte de la primauté à accorder à la sécurité sanitaire des consommateurs en situation de crise. Citons quelques exemples de mesures qui ont fait la preuve de leur efficacité:

Les situations de crise et les réponses à l'échelle locale

En règle générale, la première ligne de contact en cas de crise est constituée par les responsables locaux. Il est essentiel que ces derniers décrivent rapidement la situation aux autorités appropriées, afin que la crise puisse être endiguée et convenablement gérée. Il faudra donc, dans ce cas:

Directives spécifiques concernant la communication dans le cadre du processus d'analyse des risques

La communication des risques concernant la sécurité sanitaire des aliments dans le cadre du processus d'analyse des risques est une activité continue qui part de l'échelon local pour atteindre le niveau international. Alors que bon nombre des stratégies décrites ci-dessus sont également applicables au processus d'analyse des risques, certaines considérations supplémentaires peuvent contribuer à tracer le cadre des stratégies de communication des risques qui font partie intégrante de l'analyse des risques.

Directives spécifiques au niveau international

Dans le contexte international, on peut distinguer deux niveaux de communication: le premier niveau concerne les organisations internationales telles que la FAO et l'OMS et les organisations intergouvernementales telles que le Codex; le deuxième niveau intéresse les autorités nationales, dans une configuration bilatérale ou multilatérale. Aux deux niveaux, pour être efficace, la communication des risques, interne et externe, nécessite l'élaboration dûment documentée d'une politique globale d'analyse des risques. À cette fin, on s'attachera à:

En ce qui concerne ce dernier point, un Comité FAO/OMS d'experts des dangers microbiologiques présentés par les aliments (à l'instar des additifs alimentaires, des résidus de médicaments vétérinaires, des résidus de pesticides et d'autres contaminants des produits alimentaires) pourrait fournir aux pays membres et au Codex des évaluations des risques microbiologiques jouissant d'une autorité internationale. La Consultation a pris acte du fait qu'à sa vingt-deuxième session, la Commission avait reconnu ce problème et demandé à la FAO et à l'OMS de constituer un organe consultatif international composé d'experts sur le modèle du JECFA et de la JMPR afin de traiter de façon spécifique de l'évaluation du risque microbiologique dans les denrées alimentaires.

Les organisations internationales pourraient être sollicitées pour offrir conseils et assistance lorsque les autorités locales souhaitent obtenir des informations et un soutien d'ordre technique, ce qui pourrait déboucher sur des projets de développement spécifiques à l'échelle internationale. Dans de tels cas, il conviendra de maintenir la continuité dans la composition du personnel national de contrepartie. La coordination jouera un rôle essentiel pour de tels projets.

Directives spécifiques en contexte national

Les comités nationaux de coordination du Codex devront, dans le cadre de leur mandat, bénéficier d'un appui leur permettant de communiquer les questions comportant des risques aux consommateurs, à l'industrie alimentaire locale et aux autorités nationales concernées par l'analyse des risques.

Au fil des années, des organisations internationales comme l'OMS et la FAO ont élaboré une documentation concernant l'évaluation et la gestion des risques. Il est souhaitable que les organismes nationaux utilisent ces informations et qu'ils intègrent la dimension de la sécurité sanitaire des aliments aux activités de base concernant la santé publique, afin qu'elles pénètrent la société en profondeur, jusqu'aux marchés locaux.

Nous avons déjà suggéré, dans ce document, que les gouvernements nationaux envisagent d'ouvrir un bureau d'information sur la sécurité sanitaire des aliments afin de répondre aux questions de routine en la matière et de servir, le cas échéant, de centre de coordination en cas de crise. Les gouvernements pourraient envisager de créer un Conseil de la sécurité sanitaire des aliments, composé de microbiologistes, de médecins et de toxicologues ainsi que d'autres scientifiques présentant les compétences appropriées en matière de santé publique et de contrôle des aliments, mais aussi de représentants des organisations de consommateurs et du secteur industriel, pour procéder à des évaluations et prodiguer des conseils aux représentants gouvernementaux en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les délibérations et les recommandations du Conseil pourraient être portées à la connaissance du public grâce à la diffusion de bulletins officiels ou d'avis administratifs, de même que par le truchement des médias. Ce même Conseil pourrait enrichir l'apport des délégations nationales aux réunions du Codex.

Directives spécifiques concernant le secteur agroalimentaire

Le secteur industriel devra se montrer davantage proactif et créer, ou tout au moins appuyer de façon vigoureuse, des centres d'information à but non lucratif ayant pour mission de diffuser des informations sur la sécurité sanitaire des aliments et sur la nutrition au public, aux éducateurs, aux professionnels de la santé, aux responsables gouvernementaux et aux médias.

Dans la mesure où de bonnes pratiques en matière de manipulation ou d'entreposage des aliments peuvent contribuer à endiguer une maladie d'origine alimentaire ou une épidémie, il incombe à l'industrie de faire savoir avec clarté quelles sont les mesures que doivent prendre les consommateurs. Cette communication devra reposer sur une estimation réaliste du niveau de connaissance des consommateurs. Il faudra également exprimer de façon parfaitement claire les instructions concernant la manipulation et la manutention, la préparation et l'entreposage des aliments, en utilisant un langage simple étayé par des graphiques et, le cas échéant, des pictogrammes.

Une utilisation judicieuse de l´étiquetage semble prometteuse en tant que stratégie de gestion et de communication des risques; toutefois, il convient d'en améliorer l'efficacité. L'étiquetage est utilisé de façon généralisée pour communiquer certaines catégories d'informations aux consommateurs, telles que la composition du produit, les aspects nutritionnels, les poids et mesures ainsi que des avertissements concernant certains problèmes liés à la santé. Cependant, l'étiquetage ne doit pas être utilisé en lieu et place de l'éducation des consommateurs. Il est donc essentiel, lorsqu'on évalue l'utilisation de l'étiquetage dans le cadre de la communication des risques alimentaires, de bien identifier et prendre en compte les préoccupations du public.

Directives spécifiques: considérations locales

L'expérience montre que les autorités locales, plus proches de la population, sont souvent jugées plus dignes de confiance et plus crédibles comme source d'information sur les risques. Il convient donc d'impliquer les responsables locaux dans les activités de communication des risques, en tant que participants de premier plan.

Il faudra encourager les organismes locaux à intégrer les informations concernant la sécurité sanitaire des aliments aux activités de base concernant la protection de la santé, en y incorporant les principaux messages liés à la communication des risques, diffusés par des moyens appropriés tels que les médias, l'animation de rue, les affiches, les prospectus, les messages vidéo, etc.

La nécessité d'évaluer les activités de communication

Les activités de communication des risques devront être évaluées de façon régulière et systématique, afin d'en déterminer l'efficacité et de permettre les ajustements nécessaires. Pour que les évaluations soient efficaces, il faut que les objectifs soient clairement énoncés, c'est-à-dire que l'on définisse la proportion de la population à risque à atteindre, les progrès dans l'adoption des pratiques appropriées de réduction des risques et le degré de résolution de la crise. Il importe de tirer des enseignements des expériences en matière de communication des risques, qu'elles soient positives ou négatives, de manière à adapter et améliorer les programmes de communication en cours de déroulement. La seule manière de renforcer ce processus consiste à procéder à des évaluations systématiques, exécutées tout au long du processus de communication.


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