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Transfert de la propriété des forêts par la privatisation en Nouvelle-Zélande

M. Clarke

Mary Clarke travaille au New Zealand Institute of Economic Research, à Wellington (Nouvelle-Zélande).

Quelques problèmes soulevés par la vente des forêts de l'État dans les années 90.

La décennie 1987-1996 a été une période de changements dans le secteur de la foresterie de plantation en Nouvelle-Zélande1. Le premier changement est survenu en 1987. année où le New Zealand Forest Service a été démantelé et où les activités forestières commerciales de l'État ont été reprises par une entreprise gérée par celui-ci, la New Zealand Forestry Corporation. Cependant, les graines du changement avaient été semées bien avant cela. De fait, il s'agissait en quelque sorte d'une évolution naturelle et logique de la gestion des forêts en Nouvelle-Zélande: après le stade de l'enfance où elle avait besoin d'être guidée dans ses premiers pas, l'industrie devenait une force adulte et compétitive, et l'intervention de l'État était donc moins nécessaire. Le stade le plus récent de cette évolution a été la privatisation des forêts néo-zélandaises. Entre 1990 et 1992, le gouvernement a vendu au secteur privé plus de 350 000 ha de forêts plantées; en 1996, il a répété l'opération et vendu 188 000 ha de plus.

1 Note de l'éditeur: Les lecteurs souhaitant avoir des informations plus détaillées sur les étapes antérieures de la privatisation peuvent se référer à un article de C.L. Brown et de J. Valentine paru dans le numéro 178 d'Unasylva (1994), «La privatisation et ses implications pour les institutions forestières: gros plans sur la Nouvelle-Zélande».

Une forêt naturelle en Nouvelle-Zélande

Le présent article décrit le processus de privatisation, analyse les intentions et les résultats de cette politique; enfin il expose les questions que soulève ce processus, et tente de donner des réponses.

TRANSFORMATION D'UN SERVICE GOUVERNEMENTAL EN SOCIÉTÉ

De 1919 à avril 1987, les opérations forestières du gouvernement étaient gérées par un seul organisme, le New Zealand Forest Service. Ce service était régi par une loi de 1949 qui stipulait que son premier objectif était de produire et de commercialiser les produits forestiers dans de bonnes conditions de rentabilité. Cet objectif a été amendé en 1976 pour englober d'autres facteurs: il devait notamment élaborer des politiques et des directives pour planter des forêts dans des régions où le développement économique devait être stimulé, créer des emplois, utiliser des terres peu productives, atteindre les objectifs de plantation et certains objectifs environnementaux.

Au milieu des années 80, un certain nombre de facteurs ont incité le gouvernement à remettre en question la manière dont il gérait ses actifs forestiers.

· Une brusque augmentation des disponibilités de bois provenant des forêts était prévue pour les années 90, et un type d'exploitation plus commercial était jugé nécessaire pour maximiser les recettes; cela nécessitait des investissements en aval.

· Les écologistes faisaient pression pour que le gouvernement élargisse son champ d'action à d'autres aspects que l'offre de bois, notamment à la durabilité et à la protection de l'environnement.

· La politique économique du gouvernement consistait à libérer les industries, ce qui supposait d'exposer des entreprises commerciales aux rigueurs de la concurrence, dans un but d'efficacité.

· Dans la lignée de ce qui précède, le gouvernement entendait clarifier les objectifs de la politique forestière, ce qui permettrait de garantir la transparence et d'identifier les responsables des opérations.

En 1985, il a été décidé de transférer les fonctions commerciales du New Zealand Forest Service à une société, qui serait en l'occurrence une entreprise gérée par l'État. Ainsi, en avril 1987, la New Zealand Forestry Corporation a été établie, en tant que société à responsabilité limitée, habilitée à gérer les opérations forestières commerciales du gouvernement (550 000 ha de forêts, plus des scieries, des pépinières et d'autres actifs). Les fonctions non commerciales du Service des forêts ont été transférées à deux nouveaux départements du gouvernement, à savoir le Département de la conservation (qui gérera le domaine de forêts naturelles de l'État) et le Ministère des forêts (qui sera chargé des politiques forestières, de la santé et de la protection des forêts et de la recherche forestière). En 1997, les fonctions du Ministère des forêts ont été transférées au nouveau Ministère de l'agriculture et des forêts.

La New Zealand Forestry Corporation avait des moyens beaucoup plus limités que son prédécesseur. Certains postes ont été transférés aux nouveaux départements du gouvernement; d'autres ont été confiés à des contractants, dans le cadre d'une stratégie axée sur la rentabilisation du travail; d'autres encore, en particulier des postes du siège, ont été supprimés.

Comme pour toutes les entreprises de l'État, le principal objectif de la New Zealand Forestry Corporation, était d'opérer comme une entreprise rentable. Un objectif commercial clairement défini était considéré comme une condition indispensable pour que la compagnie soit à même de concurrencer le secteur privé.

De fait, la New Zealand Forestry Corporation a parfaitement réussi à transformer un service gouvernemental en déficit en une société extrêmement rentable (figure 1). N'étant plus limitée par des objectifs sociaux et environnementaux - à présent pris en charge par les nouveaux départements du gouvernement - elle se concentrait sur son objectif de profit.

FIGURE 1 Transformer les pertes en profits

Note: Si les profits de la New Zealand Forestry Corporation sont plus élevés, c'est en partie parce que, comme son premier objectif était de maximiser le profit, elle a laissé de côté plusieurs fonctions - économiques, sociales et environnementales - qui étaient assurées par le Service des forêts néo-zélandais.
Source: Kirkland (1996).

LA MARCHE VERS LA PRIVATISATION

La réussite commerciale n'était cependant pas suffisante pour que l'on s'arrête à cette nouvelle approche institutionnelle pour gérer les intérêts commerciaux du gouvernement, dans le secteur forestier. Plusieurs points donnaient à penser que d'autres changements s'imposaient et que la solution serait de vendre les forêts du gouvernement.

Contexte économique: philosophie du libre-échange, déréglementation et politique de privatisation du gouvernement

Depuis 1984, le programme de réforme économique néo-zélandais a été sous-tendu par une philosophie du libre-échange. Le protectionnisme et les réglementations avaient atténué toute nécessité ou désir de compétitivité. En exposant les industries à la concurrence du marché international, on obligerait les entreprises commerciales néo zélandaises à chercher à innover et à tirer parti de leurs avantages comparatifs existants, sous peine d'être vouées à la faillite. Le programme de déréglementation du secteur forestier comprenait plusieurs éléments: levée des contrôles des prix institués sur certains produits; adoption d'une stratégie de fixation des prix en fonction du marché pour l'exportation des grumes provenant des forêts de l'État; abaissement des droits de douane et des autres restrictions à l'importation des produits forestiers; établissement d'un institut de recherches forestières indépendant, à vocation commerciale; commercialisation des opérations de foresterie de plantation de l'État et, conséquent, vente des actifs forestiers gérés par ces sociétés.

Dans le cadre de ce programme global de réforme économique, en décembre 1987, le gouvernement a annoncé une stratégie de privatisation visant à réduire sensiblement la dette publique. La politique consistait à vendre les sociétés de l'État pour maximiser les recettes, sauf si pour des raisons économiques et sociales, il était préférable que l'État en conserve la propriété. Le budget de 1998 a établi les critères suivants de détermination des entreprises de l'État devant être mises en vente (Clarke, 1996):

· la vente de l'entreprise devait rapporter à l'État davantage que ce qu'il en aurait retiré s'il en avait conservé la propriété.

· La vente de toute entreprise particulière devait contribuer aux objectifs économiques et sociaux du gouvernement, et non les entraver.

· Le budget de 1988 incluait les actifs forestiers commerciaux - à savoir 550 000 ha de forêts plantées - pour le compte du gouvernement.

Statut ambigu de la New Zealand Forestry Corporation

Malgré son succès commercial, beaucoup considéraient la New Zealand Forestry Corporation comme un hybride entre un département gouvernemental et une entité commerciale à plein titre. Certains considéraient que sa structure, mi-publique mi-privée, ne pouvait transmettre que le plus mauvais des deux (Clarke, 1996). De fait, les dispositions de la loi sur les entreprises d'État prévoyaient la possibilité d'une interférence politique: la loi accordait aux ministres qui détenaient des parts dans la société des pouvoirs d'intervention et leur permettait d'accéder à toutes les informations ayant trait à la gestion de la société. Même si les ministres évitaient à dessein d'intervenir dans les décisions, les gens ont continué à penser que, la New Zealand Forestry Corporation étant une entreprise d'État, le gouvernement pouvait intervenir à des fins autres que commerciales.

La sécurité de l'offre doit être améliorée pour favoriser les activités de transformation à valeur ajoutée

La New Zealand Forestry Corporation avait une capacité insuffisante pour transformer le bois dérivé de ses forêts. Les accords d'approvisionnement contractuels qu'elle concluait avec les industriels ne leur donnaient pas suffisamment de garantie pour qu'ils puissent agrandir leurs entreprises ou créer de nouvelles installations. Les difficultés que rencontrait la New Zealand Forestry Corporation pour mobiliser des capitaux et l'obligation que tout investissement envisagé devait, au préalable, être approuvé par les ministres actionnaires, étaient aussi des obstacles. Avec la privatisation des plantations forestières du gouvernement, ces inconvénients étaient censés disparaître.

Désaccord sur la valeur du patrimoine forestier de l'État

Lorsque les opérations forestières commerciales de l'État ont été privatisées, l'intention était de transférer les actifs forestiers des registres du gouvernement à ceux de la nouvelle entreprise gérée par l'État. Cependant, ces actifs ont été évalués de manière très différente par le gouvernement et par la New Zealand Forestry Corporation (Kirkland, 1996). Le désaccord ne pouvant être résolu, les responsables ont fini par estimer que la solution pragmatique de régler ce différend serait de vendre ces actifs.

LA PRIVATISATION

Les ventes de 1990-1991

Peu après l'annonce de la vente des forêts en 1988, un Groupe d'experts forestiers, composé de fonctionnaires du gouvernement et de consultants du secteur privé, a été nommé pour donner des conseils sur la manière de procéder pour libérer la Couronne de son patrimoine forestier. Le Groupe d'experts a conseillé de vendre uniquement les forêts, mais non la terre sur laquelle elles se trouvaient, et a recommandé que la vente s'effectue sous la forme de droits transférables de coupe et de gestion et que le domaine forestier soit divisé en plusieurs parcelles destinées à la vente (Groupe d'experts forestiers, 1988). En novembre 1988, le Gouvernement a chargé la New Zealand Forestry Corporation de s'occuper de la vente de son patrimoine forestier.

La vente des opérations de foresterie commerciale du gouvernement englobait des scieries et des pépinières, en plus des forêts

La vente des opérations de foresterie commerciale du gouvernement englobait des scieries et des pépinières, en plus des forêts

La loi de 1989 sur le patrimoine forestier de la Couronne a établi le droit du gouvernement de vendre son patrimoine forestier et a divisé le domaine forestier en 90 pièces d'une taille comprise entre 51 et 132112 ha. À chaque pièce ont été assignés des droits de propriété négociables, dans un acte appelé «Concession forestière de la Couronne», indiquant les conditions et les modalités spécifiques de la vente.

Le gouvernement comptait accepter des offres sous pli scellé pour chaque pièce ou groupe de pièces. La forêt serait attribuée à la combinaison d'offres donnant les meilleures garanties de rentabilité. Ce processus de ventes était volontairement souple pour permettre aux candidats de combiner au mieux leurs offres, et pour attirer un grand nombre de soumissionnaires, de manière à faciliter un processus réellement basé sur la concurrence.

Pour 66 des 90 pièces, les appels d'offres ont été lancés en avril 1990. Les pièces restantes ont été retirées de l'appel d'offres public à cause des incertitudes entourant les contrats d'approvisionnement de deux grandes sociétés forestières du pays.

À la clôture de l'appel d'offres, en juillet 1990, 82 parties s'étaient enregistrées. Environ la moitié étaient basées à l'étranger. Cependant deux offres seulement ont abouti:

· 47 030 ha de forêts ont été vendus à la société New Zealand's Tasman Forestry Limited;

· 24 000 ha et une scierie ont été vendus à la société singapouromalaisienne Ernslaw One Limited pour la somme totale de 364 millions de $NZ2.

21,92 $NZ = 1$EU (décembre 1998).

· Un important cycle d'appels d'offres et de négociations entre des acheteurs potentiels et la New Zealand Forestry Corporation, le Trésor et des experts externes a suivi et abouti à la vente de 175 676 ha de forêts de l'État supplémentaires; cette surface comprenait quelques-unes des pièces auparavant retirées de l'appel d'offres et dont la vente a mis fin aux litiges.

Le processus des ventes de 1990 a rapporté, en recettes brutes, plus de 1 milliard de $NZ.

Fonctions restant à la charge du gouvernement

Trois nouvelles entreprises d'État ont été créées pour gérer le patrimoine forestier qui n'avait pas trouvé preneur (55 pour cent). Ces entreprises qui sont entrées en service en 1990 étaient les suivantes: Timberlands Bay of Plenty (ultérieurement rebaptisée Forestry Corporation of New Zealand), contrôlant 170 000 ha devant encore être vendus par le gouvernement; Timberlands West Coast, gérant 24 000 ha de forêts naturelles retirées du programme de ventes; et New Zealand Timberlands Ltd, gérant 190 000 ha disséminés dans 36 forêts des îles du Nord et du Sud. La New Zealand Forestry Corporation a cessé ses opérations, mais est restée une société fictive pour recevoir les dividendes des nouvelles entreprises d'État.

Vente de la New Zealand Timberlands

Le gouvernement a annoncé en 1991 son intention de vendre la New Zealand Timberlands. Il a indiqué qu'il conserverait une stratégie de ventes flexible et que toutes les offres seraient prises en considération, qu'elles concernent des forêts individuelles, des zones forestières ou tout le domaine de plantations forestières géré par l'entreprise d'État.

En avril 1992, il a été annoncé que la New Zealand Timberlands avait été vendue à ITT Rayonier New Zealand (aujourd'hui connue sous le nom de Rayonier New Zealand) pour la somme de 366 millions de $NZ. Quelques forêts ont été exclues de la vente pour des raisons environnementales ou des griefs avec la population indigène, les Maoris.

Vente de la Forestry Corporation of New Zealand

En 1996, le Ministre des finances a annoncé que le gouvernement avait l'intention de vendre ses parts de la Forestry Corporation of New Zealand (autrefois Timberlands Bay of Plenty). Les actifs de la société comprenaient des Concessions forestières de la Couronne relatives à des plantations qui avaient été étendues à 188 000 ha dans la partie centrale de l'île du Nord, des unités de transformation dans divers endroits, une pépinière et un verger à graines.

Une poignée de grosses compagnies et de consortiums forestiers ont soumis des offres. Le seul critère était le prix. Cependant, comme les offres ne donnaient pas les garanties espérées, les candidats ont été priés de les représenter. En août 1996, il a été annoncé que la Forestry Corporation of New Zealand avait été vendue à un consortium dirigé par Fletcher Challenge, et que les actifs avaient été évalués à 2 026 millions de $NZ.

QUESTIONS ET RÉPONSES

La privatisation du patrimoine forestier public de la Nouvelle-Zélande a soulevé un certain nombre de questions. Voici quelques-unes des plus typiques:

· Quel serait le meilleur moyen de préserver les droits de la population indigène maorie, sur les terres dont ils ont été privés et qui leur appartiennent de plein droit?

· Quelles seraient les implications des réformes institutionnelles pour la compétitivité et la rentabilité de la foresterie?

· Quelle serait l'incidence de la privatisation sur l'emploi?

· Peut-on s'attendre à ce que les nouveaux propriétaires replantent et agrandissent leurs plantations?

· La privatisation encouragerait-elle la transformation locale ou, au contraire, les exportations de grumes?

Préserver les droits des Maoris

Un traité signé entre la Couronne et les Maoris en 1840 garantissait aux Maoris la possession et l'administration de leur terre et de leurs autres biens. Cependant, les gouvernements qui se sont succédé à travers l'histoire de la Nouvelle-Zélande ont réquisitionné leurs terres dans divers buts et par divers moyens, tous plus discutables les uns que les autres. Il existe maintenant des mécanismes juridiques et institutionnels pour examiner les revendications des Maoris et tenter de trouver une solution.

Les Maoris ont revendiqué la majorité des forêts de l'île du Nord et toutes celles de l'île du Sud. Les quelque 90 forêts appartenant à l'État avant 1990 ont fait l'objet de 125 plaintes (soit en moyenne 1,5 plainte pour chaque forêt) (Crown Forestry Rental Trust, 1997). Une forêt fait l'objet de cinq revendications déposées par différents groupes tribaux.

Le Groupe d'experts forestiers, qui a travaillé en 1988 au processus de privatisation du gouvernement, a également reçu pour instruction d'étudier des moyens de préserver les droits des Maoris sans compromettre l'objectif du gouvernement qui est de maximiser les recettes. À l'issue de consultations avec des groupes représentant les Maoris, le Groupe d'experts a recommandé ce qui suit au gouvernement (Groupe d'experts forestiers, 1988):

· vendre les arbres, mais pas la terre;

· faire payer un loyer pour la terre et garder en dépôt les fonds reçus pour les verser à celui qui serait désigné par le Tribunal de Waitangi comme le propriétaire en dernier ressort de la terre;

· prévoir la restitution progressive des terres aux plaignants maoris ayant obtenu gain de cause, au moment où les arbres sur pied seront coupés;

· indemniser équitablement les Maoris qui ont été privés de la possibilité d'utiliser leurs terres.

Ces recommandations ont acquis force exécutoire avec la loi de 1989 sur le patrimoine forestier de la Couronne. À ce jour, une seule revendication a été pleinement satisfaite, essentiellement à l'aide de stratégies non prévues par la loi. Des stratégies sont actuellement mises au point pour la résolution de deux autres litiges dans lesquels les plaignants ont obtenu satisfaction. Des préoccupations ont été exprimées quant à la capacité du Tribunal de Waitangi d'examiner les revendications et de statuer, et certains estiment que d'autres processus devraient être adoptés pour résoudre les litiges.

Compétitivité et rentabilité

Avant les ventes des forêts, l'industrie forestière néo-zélandaise était principalement aux mains du gouvernement (qui gérait ou cédait à bail 52 pour cent du domaine forestier), le reste appartenant à une poignée de grandes sociétés néo-zélandaises. Une compagnie australienne était le seul investisseur étranger important dans l'industrie (figure 2).

Après les ventes et des transactions du secteur privé qui ont suivi, le gouvernement possède aujourd'hui moins de 7 pour cent de la surface de forêts plantées. De nouveaux acteurs étrangers se sont introduits dans le secteur industriel. En 1990-1991, le premier cycle de ventes de forêts a ouvert les portes aux investisseurs asiatiques, qui possèdent à présent un peu plus de 12 pour cent du domaine forestier. Après le deuxième cycle de ventes, les investisseurs américains possèdent à présent un tiers du domaine forestier du pays (figure 3).

Ces changements ont-ils renforcé la compétitivité et la rentabilité de la foresterie, comme le pensaient leurs promoteurs? Il n'est pas facile de répondre à cette question, mais la figure 4 peut donner des indications. Le rapport entre le taux de hausse des prix des facteurs de production dans le secteur forestier et dans le secteur des biens non marchands, est un taux de change interne qui mesure la capacité relative du secteur forestier à attirer des ressources provenant d'autres secteurs de l'économie néo-zélandaise. Graphiquement, un mouvement à la hausse correspond à une détérioration de la compétitivité, la hausse des prix des facteurs de production ayant été plus faible dans le secteur forestier que dans le secteur des biens non marchands, ce qui a entraîné le retrait des ressources du premier secteur pour les investir dans le second. À l'inverse, un mouvement à la baisse représente une amélioration, car la foresterie devient plus rentable que le secteur des biens non marchands.

La figure indique que la foresterie est nettement plus compétitive depuis la fin des années 80, qui coïncide avec la période de corporatisation et de privatisation. Cependant, il ne faut pas croire que cette amélioration est entièrement imputable aux deux processus. L'un des facteurs qui détermine les mouvements du graphique est le pic atteint en 1993 par les prix des grumes. Toutefois, étant donné que selon la théorie économique, plus les acteurs intervenant dans l'industrie sont nombreux, plus les résultats sont contestables, cette trajectoire peut raisonnablement être partiellement due à la privatisation.

Emplois

La privatisation a-t-elle créé ou supprimé des emplois? C'est un débat qui a fait couler beaucoup d'encre, sans guère apporter de réponses, et la rareté des études empiriques n'améliore pas la situation. Quelques emplois ont simplement été transférés après l'acquisition; quelques nouveaux propriétaires ont réduit leurs effectifs pour faire des économies de main-d'œuvre; d'autres ont créé de nouveaux emplois car ils ont diversifié les activités sylvicoles et de transformation du bois. Quel que soit le résultat net, il ne faut pas lui accorder trop d'importance: la foresterie n'est pas, comme le croient beaucoup de Néo-Zélandais, la fontaine aux mille emplois.

Planter ou ne pas planter?

Lorsque le gouvernement a annoncé pour la première fois son intention de privatiser son patrimoine forestier, il a suscité d'âpres controverses: fallait-il ou non subordonner l'accession à la propriété à la condition de reboiser les zones déjà exploitées? Le premier cycle de ventes, en 1990-1991, excluait toute obligation de replanter (sauf en cas de nécessité, pour des raisons de conservation ou autres). On pensait généralement que les nouveaux propriétaires devraient être libres d'utiliser la terre de la manière la plus rentable (Groupe d'experts forestiers, 1988). Étant donné que la terre était déjà sous forêts et que, à l'époque, la foresterie était rentable, le boisement et le reboisement étaient supposés être des options attrayantes. De plus, le gouvernement était attentif à ne pas inclure de conditions de vente susceptibles de déprécier ses actifs.

Lors des ventes de 1992 et de 1996, le sentiment politique avait changé. Ces ventes plus tardives ont été soumises à la condition que la terre soit replantée, sauf si le propriétaire de la forêt avait l'intention de convertir la terre à quel qu'autre utilisation durable approuvée par le gouvernement. Cette disposition n'était pas justifiée par une diminution des plantations, diminution qui était en fait inexistante (figure 5). Le but était surtout de rassurer les partisans du reboisement. On peut penser que ces garanties étaient inutiles, car plusieurs facteurs - variations des taxes, hausses des prix des produits forestiers, publicité - encourageaient à replanter durant les années 90, de sorte que les taux de boisement étaient plus élevés que jamais.

FIGURE 2 Propriété des forêts en 1989 (pour une superficie de forêt de 1,2 million ha)

Source: Clarke (1996)

FIGURE 3 Propriété des forêts en 1998 (pour une superficie de forêt de 1,5 million ha)

Source: Ministère des forêts, données non publiées (1998).

Transformation

Comme on l'a vu plus haut, l'un des buts de la privatisation était de faciliter la croissance des industries de transformation. Quelques observateurs n'étaient cependant pas convaincus qu'elle produirait ce résultat. Les industriels indépendants craignaient que les accords d'approvisionnement existants, même s'ils étaient imparfaits, ne soient menacés. D'autres faisaient valoir que les nouveaux propriétaires exporteraient des grumes pour obtenir immédiatement des liquidités pour couvrir leurs frais d'acquisition et qu'ils n'auraient sûrement pas l'intention de transformer le bois en Nouvelle-Zélande.

Le gouvernement a accordé plus de foi à ces préoccupations lors des ventes successives:

· Les ventes de 1990-1991 n'étaient assorties d'aucune condition, telles que limitations de l'offre ou obligation de transformation. Comme dans le cas du reboisement, l'argument était que les acheteurs devraient être libres d'affecter la ressource aux utilisations qu'ils jugeaient les plus rentables.

· Lorsque la New Zealand Timberlands a été vendue en 1992, l'acheteur a été tenu d'honorer les accords d'approvisionnements quinquennaux conclus avec des clients existants.

· Lorsque la Forestry Corporation of New Zealand a été vendue en 1996, le processus de ventes exigeait que les offrants potentiels démontrent d'abord leur intention d'ajouter de la valeur à la ressource sur le territoire national. La pression du public était jugée suffisante pour que le nouveau propriétaire respecte les intentions qu'il avait déclarées: les candidats étaient avertis que le grand public serait informé de tout manquement à leur engagement.

Que s'est-il passé dans la réalité? Tous les nouveaux propriétaires ont investi ou comptent investir dans des activités de transformation à forte valeur ajoutée. Rayonier New Zealand, par exemple, a créé une usine de panneaux de fibres mi-durs. Cela mérite d'être signalé car, au départ, lorsque la société a acheté les forêts, la transformation ne l'intéressait pas: elle avait déclaré ouvertement son intention d'exporter des grumes. Sur les 1 600 $NZ des investissements prévus pour la période 1990-2005, 90 pour cent sont attribuables aux acheteurs du patrimoine forestier de l'État (Ministère des forêts, diverses années).

Les activités de transformation ont augmenté à la fin des années 80, mais un volume conséquent et croissant de grumes continue d'être exporté. Étant donné que les disponibilités de bois de la Nouvelle-Zélande s'accroissent, il y a tout lieu de penser que les exportations de grumes continueront à augmenter. D'après les estimations, pour transformer le bois dans le pays il faudrait investir entre 4 milliards de $NZ et 6 milliards de $NZ, (Ministère des forêts, 1995). Or les intentions d'investissement sont loin d'atteindre ces niveaux. On continue à se demander si cela est dû aux conditions de marché optimales, ou s'il existe des défaillances du marché (par exemple des lacunes de l'information sur les investissements), qui entravent le développement de la transformation locale.

FIGURE 4 Compétitivité du secteur forestier

Source: Clarke (1998).

FIGURE 5 Superficie plantée chaque année

Source: Ministère des forêts, données non publiées (1998).

CONCLUSION

La privatisation était une évolution naturelle et logique de la manière dont la Nouvelle-Zélande gérait ses ressources forestières plantées, compte tenu du fait que l'industrie avait «mûri». Les modifications du sentiment politique et le type d'exploitation commercial ont modelé les résultats:

Le droit des populations indigènes de la Nouvelle-Zélande à revendiquer des terres qui leur appartiennent de plein droit, est préservé dans la législation. Cependant, il a fallu du temps pour élaborer des processus permettant de faire valoir ces droits.

Les ventes de 1992 et 1996 étaient soumises à la condition de replanter, alors que le faux de boisement était déjà élevé - sur la photo, une pépinière

Tous les nouveaux propriétaires de forêts ont investi ou comptent investir dans des activités de transformation à valeur ajoutée

La rentabilité et la compétitivité de la foresterie ont été favorisées. Le mérite en revient en partie, mais certes pas en totalité, à la privatisation.

On ne sait pas encore très bien si la privatisation s'est soldée par un gain ou une perte nette d'emplois. Toutefois, étant donné que la foresterie demande très peu de main-d'œuvre en Nouvelle-Zélande, la question a relativement peu d'intérêt pratique.

Ce sont les indicateurs de base du marché, plutôt que les orientations préconisées, qui expliquent la poussée des investissements de boisement, qui ont atteint de nouveaux records historiques.

La transformation dans le pays a été facilitée. Toutefois, le niveau des investissements est loin du potentiel déterminé par l'offre. Reste à savoir s'il est en accord avec le potentiel du marché.

Bibliographie

Brown, C.L et Valentine, J. 1994. La privatisation et ses implications pour les institutions forestières: gros plan sur la Nouvelle-Zélande. Unasylva, 178: 11-19.

Clarke, M. 1996. Corporatisation, privatization and beyond. Ministère des forêts, Wellington, Nouvelle-Zélande. (document à usage interne)

Clarke, M. 1998. Foreign direct investment in New Zealand forestry. Speech to the New Zealand Institute of Forestry Investment Conference, Wanganui, New Zealand, February.

Crown Forestry Rental Trust 1997. Report to Appointors. Wellington, Nouvelle-Zélande.

Forestry Working Group. 1988. Sale of the Crown's commercial assets. Report to the Minister of Finance and the Minister of State-Owned Enterprises. Wellington, Nouvelle-Zélande.

Kirkland, A. 1996. A century of state-honed enterprise: 100 years of state plantation forestry in New Zealand, (version provisoire non publiée)

Ministère des forêts. 1995. Processing investment options in the New Zealand forest industry. Wellington, Nouvelle-Zélande.

Ministère des forêts. Diverses années. Investment Update.


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