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Les conséquences de la délégation de pouvoir pour la foresterie participative en Écosse

A. S. Inglis

Andrew S. Inglis, anciennement spécialiste de l'environnement à l'Unité de coordination du Programme d'action forestier tropical de la FAO, est aujourd'hui formateur et conseiller indépendant pour les approches de planification et de gestion participatives. Actuellement basé en Ecosse, il a été le conseiller technique du Programme écossais Foresterie pour le développement rural et remplit actuellement les fonctions de consultant et de facilitateur auprès de l'Unité de foresterie communautaire de la FAO.

Les communautés rurales, les responsables des politiques et les fonctionnaires des forêts doivent s'unir pour faire de la délégation une réalité.

Depuis cinq ans, en Écosse, les changements introduits aux niveaux local et national ont été orientés vers la création d'un environnement propice aune approche plus participative pour la gestion des forêts domaniales. Au niveau national, des efforts ont été faits pour transférer les responsabilités en matière de foresterie, alors qu'au niveau des communautés locales, les initiatives forestières participatives se sont multipliées. Les forêts et les terres boisées couvrent actuellement 15 pour cent du territoire écossais. Environ 40 pour cent des forêts - comprenant principalement des plantations en voie de maturation ou adultes d'un petit nombre d'espèces de conifères - appartiennent à l'État et sont gérées par la Commission des forêts, qui est le Département compétent du Gouvernement du Royaume-Uni (Commission des forêts, 1998a).

Plantation rurale dans les montagnes écossaises

En 1997, le peuple écossais a voté, par référendum, pour le transfert d'un grand nombre de fonctions du Gouvernement britannique - notamment des responsabilités en matière de foresterie - à un nouveau Parlement écossais. Cependant, la Commission des forêts a été définie comme une «autorité transfrontière», qui conservait une grande partie de ses pouvoirs antérieurs. Il en est résulté des ambiguïtés en ce qui concerne la responsabilité effective des forêts en Écosse, ambiguïtés qui sont examinées dans le présent article, en même temps que les implications des changements, en particulier du point de vue de la transparence, de la reddition des comptes et de la responsabilité, mais aussi des droits de propriété forestière et du pouvoir de contrôle sur les ressources financières.

INITIATIVES PARTICIPATIVES à L'ÉCHELON LOCAL

Au cours des cinq dernières années, les initiatives locales de gestion participative des forêts se sont multipliées en Écosse. Quelques-unes ont été lancées principalement pour répondre à la demande d'une poignée d'écologistes et de volontaires non locaux, qui souhaitaient des régimes de gestion sylvicole écologiques plus intégrés que ceux adoptés par la Commission des forêts. D'autres, en revanche, ont été motivées par les aspirations des communautés rurales, qui souhaitaient que les forêts locales contribuent davantage à leur subsistance et que des pouvoirs, au sens large du terme, leur soient attribués.

De plus en plus de communautés rurales souhaitent contrôler les opérations d'exploitation et accéder à l'équipement nécessaire

Les ruraux ont tenté avec une fréquence accrue, et souvent avec l'assistance de responsables politiques locaux ou nationaux, de journalistes ou de tierces parties indépendantes, comme le Programme écossais Foresterie pour le développement rural, d'instaurer des liens avec la Commission des forêts et ce, à plusieurs fins:

· être associés plus étroitement à des consultations pour les plans futurs intéressant les forêts d'État de leurs communes;

· établir des partenariats officiels, leur permettant de participer aux décisions concernant la gestion des forêts locales, comme ceux existant à Sunart, sur la côte atlantique ouest de l'Ecosse (Forest Enterprise, 1999e), et à Laggan dans les hautes terres du centre de l'Écosse (Forest Enterprise, 1999b);

· transformer radicalement le système de propriété et de contrôle, grâce à l'achat des terres, comme cela a été le cas à Abriachan, sur les rives du Loch Ness (Forestry & British Timber, 1998a).

Un nombre croissant d'initiatives de foresterie participative sont menées car on estime que les plantations d'État voisines devraient contribuer davantage à l'économie locale. L'un des moyens d'y parvenir est d'accroître la valeur ajoutée, à l'échelon local, grâce à la transformation et à l'utilisation des produits forestiers et/ou au renforcement des services de loisir et de tourisme, comme cela a été fait dans le Dunnottar Woodland Park (Forest Enterprise, 1999a). Il existe aussi un autre moyen, de plus en plus usité, qui est de donner aux populations locales davantage de possibilités de vivre totalement ou en partie de la coupe et du débardage du bois, comme on l'a fait dans la forêt de Strashmashie, à Laggan (Forest Enterprise, 1999b).

Si l'on a souhaité accroître les possibilités de subsistance locales, c'est parce qu'il n'en existe pas d'autres dans de nombreuses zones rurales écossaises, et parce que très peu de locaux trouvent un emploi rémunéré sous contrat, pour la coupe et le débardage du bois, dans le cadre des procédures de la Commission des forêts. A l'heure actuelle, sur les 1,1 million d'hectares de terres boisées productives d'Écosse (Commission des forêts 1998b), seules 3215 personnes équivalent temps plein travaillent à la récolte et au débardage du bois (Forestry & British Timber, 1999), ce qui représente 0,3 pour cent de la population rurale, qui dépasse 1 million de personnes (Scottish Office, 1993), ou une personne équivalent temps plein pour 344 ha. À titre de comparaison, en Angleterre, ce chiffre est de une personne équivalent temps plein pour 209 ha de forêts (Commission des forêts, 1998b; Forestry & British Timber, 1999). En outre, la plupart des personnes employées sous contrat travaillent à plus de 200 km de chez elles (Dhubain et al., 1994) et passent peu de temps dans leur communauté (Programme écossais Foresterie pour le développement rural, 1997). Ces conclusions renforcent les ruraux et les responsables des politiques écossais dans leur conviction que les investissements réalisés par l'État dans des plantations forestières rurales ne créent pas suffisamment de possibilités rémunératrices au niveau local, alors qu'ils visaient autant à créer des emplois ruraux et à contribuer à stabiliser la population, qu'à accroître la production intérieure de bois d'œuvre (Callander, 1995). Compte tenu de ces faits, réels ou perçus, la Commission des forêts a été confrontée à un dilemme de plus en plus épineux: il lui fallait accroître au maximum les possibilités d'emploi locales dans l'Écosse rurale, mais dans le même temps, elle devait conserver son efficacité et servir les intérêts des groupes dont elle s'est toujours occupée, à savoir: les consommateurs de bois industriel, les citadins qui utilisent les forêts à des fins récréatives et les organisations non gouvernementales (ONG) environnementales. Les fonctionnaires de la Commission des forêts réalisent peu à peu que l'un des meilleurs moyens de faire face à cette tâche difficile (ou impossible, selon certains) est de s'ouvrir à la participation des communautés locales intéressées, afin qu'elles aident la Commission à relever les défis. La Commission estime qu'à ce jour, elle a engagé un dialogue avec 35 communautés de ce type, dans le cadre de contacts qui se sont limités à un seul entretien ou ont débouché sur des partenariats à part entière (Forest Enterprise, 1999e).

A quelques exceptions près, ce processus d'engagement communautaire n'a pas été facile. Il a fallu surmonter ce que les deux parties ont qualifié de manque de confiance réciproque (Forest Enterprise, 1999b); de nombreux fonctionnaires forestiers ne prennent pas au sérieux les aspirations des populations locales en ce qui concerne la gestion des forêts, car elles n'ont pas reçu de formation officielle spécialisée, et ils hésitent à leur confier la gestion d'actifs précieux appartenant à la nation tout entière. Les membres des communautés locales, quant à eux, considéraient, souvent à tort, que les responsables de la Commission des forêts se comportaient comme si les forêts publiques leur appartenaient, et ils s'attendent à ce qu'ils soient tout aussi insensibles que la plupart des propriétaires. De fait, dans le passé, la Commission des forêts n'a guère soutenu les initiatives de gestion des forets d'État proposées par des locaux. Même lorsque des responsables de terrain, basés sur place, souhaitaient réagir positivement, le soutien ou l'approbation du siège faisait en général défaut. En outre, dans les initiatives qui voyaient effectivement le jour, les communautés locales ont souvent eu la sensation d'être des partenaires de second ordre, car ces initiatives semblaient généralement avoir été proposées par les fonctionnaires forestiers.

Alors que les initiatives de foresterie participative ont tendu à augmenter, il semble qu'elles aient été acceptées sur une base ponctuelle, en fonction de ce qu'en pensait le responsable local de la Commission des forêts. Les communautés et la gent politique se sont rendus compte que les mêmes possibilités devaient être données à toutes les communautés rurales voisines des forets domaniales, et non pas seulement réservées à une minorité d'heureux élus.

MODIFICATIONS DE LA GESTION DES FORÊTS À L'ÉCHELON LOCAL

Ces perceptions des communautés locales ont été accompagnées et étayées parle sentiment que, dans le système parlementaire britannique, la Commission des forêts était pratiquement insensible aux pressions politiques (Inglis et Guy, 1996). De nouveaux arrangements s'imposaient au niveau national, afin que les représentants élus écossais puissent contrôler plus directement les forêts de l'État et leur gestion.

À son arrivée au pouvoir en 1996, le gouvernement travailliste a promis de transférer de nombreuses fonctions du gouvernement britannique à un nouveau Parlement écossais. Comme l'a écrit le Premier ministre britannique, Tony Blair, dans la préface des propositions de délégation, le but était de moderniser la politique britannique et de décentraliser les pouvoirs, en instituant un Parlement écossais pour que le peuple écossais ait plus de pouvoir pour déterminer les questions qui le concernent (Scottish Office, 1997). Les propositions stipulaient que le nouveau Parlement écossais serait responsable de tout ce qui concerne les forêts (Scottish Office, 1997). Le référendum de 1997 sur les propositions est passé, avec 74 pour cent des votes écossais (Glasgow Herald, 1997).

Immédiatement après le référendum, pratiquement tout le monde, y compris le Directeur général de la Commission des forêts (entretien personnel, juillet 1999), pensait qu'il y aurait de nouvelles administrations forestières séparées pour l'Écosse, l'Angleterre et le Pays de Galles (le Gouvernement du Royaume-Uni avait également délégué des pouvoirs à ce dernier, par le biais d'une assemblée élue).

Cependant, la Commission des forêts, l'industrie forestière du Royaume-Uni, les ONG environnementales britanniques et les principaux propriétaires fonciers n'étaient pas d'accord avec le transfert de la responsabilité des forêts au Parlement écossais. Les fonctionnaires forestiers jugeaient préférable de conserveries fonctions et les responsabilités qui étaient les leurs, en particulier dans le domaine de la formulation des politiques, la surveillance phytosanitaire et la recherche forestière. Les groupes de pression terriens, écologistes et commerciaux souhaitaient ardemment qu'il n'y ait qu'une institution centralisée avec laquelle bâtir des relations et exercer leur influence. Quant aux producteurs et aux consommateurs de bois industriel, même s'il devaient continuer à travailler dans la même langue, la même monnaie, le même environnement commercial macroéconomique, et sans frontières, ils craignaient un «éclatement» du marché des produits forestiers et une désorganisation du commerce du bois d'œuvre (Forestry & British Timber, 1997a),

Bien que leurs arguments soient en contradiction avec l'esprit et avec la raison d'être officielle des propositions de délégation - à savoir déléguer les pouvoirs, «ouvrir» le gouvernement et rapprocher les processus décisionnels publics des populations et des communautés directement affectées (Scottish Office, 1997) - les opposants ont obtenu que la Commission des forêts soit définie dans le Scotland Act, comme une «Autorité publique transfrontière» (Gouvernement du Royaume-Uni, 1998). Il s'agissait là d'une nouvelle expression, non mentionnée dans le texte des propositions de délégation, créée pour couvrir à la fois les départements du Gouvernement britannique s'occupant des questions «transférées», et les questions dont le Gouvernement britannique conserverait la responsabilité (les fameux «pouvoirs réservés»). Cela a été une importante victoire politique pour la Commission des forêts, qui a été passée sous silence, d'autant que ni les propositions de délégation, ni l'acte final ne prévoyaient d'exception spéciale ou de pouvoirs réservés, dans le secteur forestier.

L'«autorité publique transfrontière» a produit le résultat escompté, à savoir «la désorganisation minimale souhaitée, tant pour la foresterie que pour la Commission» (Scottish Forestry, 1997). Une publication interne de la Commission des forêts a commenté la situation comme suit: «La décision de conserver la Commission des forêts, comme un organe compétent à l'échelle de la Grande-Bretagne, relevant d'un seul Bureau des commissaires forestiers, est d'une importance cruciale. Nous continuerons à remplir, à travers toute la Grande-Bretagne nos fonctions qui sont de conseiller les ministres, de réglementer la foresterie privée et de lui consentir des aides, de gérer le domaine forestier public et de promouvoir de bonnes pratiques forestières.» (Commission des forêts, 1999b).

Après les élections de mai 1999, le nouveau Parlement écossais est entré en fonction en juillet et, au lieu de discuter de la façon dont ils allaient gérer et prendre la responsabilité des forêts en Écosse, comme certains l'avaient sans doute espéré, les nouveaux membres du Comité des affaires rurales du Parlement se sont entendu dire qu'une stratégie et une politique pour l'Écosse avaient déjà été rédigées par les responsables de la Commission des forêts et étaient à l'examen (Parlement écossais, 1999).

Le bâtiment du premier Parlement écossais (temporaire), Le Mound, à Edimbourg

Selon toute apparence, les membres du Parlement écossais étaient en fait un organe subordonné: le Bureau des commissaires de la Commission des forêts restait en place, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes fonctions applicables sur tout le territoire de la Grande-Bretagne (Commission des forêts, 1999a; Timber Grower, 1999). Comme l'a dit le Directeur général de la Commission des forêts, «Je soupçonne qu'il y aura quelques questions, pour lesquelles nous devrons dire (au Parlement écossais): «Vous ne pouvez pas faire cela, à cause de la politique forestière du Royaume-Uni». (Forestry & British Timber, 1997b).

Le peuple écossais réalise aujourd'hui que, pour ce qui est de la foresterie, la décentralisation ne s'est traduite que par quelques changements internes de la Commission des forêts. Les nouveaux membres élus du Parlement écossais héritaient d'une part, d'une loi parlementaire qui stipulait que la foresterie relevait désormais de leur responsabilité, et d'autre part d'un département du Gouvernement britannique, qui restait à peu près tel quel. Comme l'a récemment fait observer le Directeur général de la Commission des forêts, «Je ne pense pas que les changements structurels seront très marqués» (Timber Grower, 1999). De fait, quelques observateurs écossais sceptiques estiment que la seule véritable différence, c'est que les responsabilités effectives sont encore plus ambiguës qu'avant. Par exemple, l'une des conséquences de la législation finale sur la délégation est que la Commission des forêts ne dépendra plus comme auparavant du Secrétaire d'État pour l'Écosse, mais du Ministère de l'agriculture, des pêches et de l'alimentation, à Londres, qui n'a de mandat que pour l'Angleterre et le Pays de Galles, et n'a aucune compétence officielle en ce qui concerne les affaires écossaises (Commission des forêts, 1999a).

D'autres, dont le Directeur général de la Commission des forêts, estiment cependant qu'il y a eu quelques changements importants. Le transfert du budget des activités exclusivement écossaises de la Commission des forêts au Fonds consolidé écossais est notamment crucial. Le Parlement écossais est libre d'allouer ces fonds comme bon lui semble: lorsque la Commission des forêts soumet ses programmes de travail et budgets au Parlement écossais, celui-ci peut lui donner exactement ce qu'elle demande, mais il peut aussi décider de donner plus ou moins, selon qu'il estime que la Commission dépense rationnellement ou non l'argent public (Directeur général de la Commission des forêts, entretien personnel, juillet 1999).

Le Directeur général de la Commission des forêts a déclaré que les membres du Parlement écossais étaient libres de «créer leur(s) propre(s) administration(s) forestière(s), soit sous forme de mini-commissions, soit au sein d'autres départements agraires» (Timber Grower, 1999), étant donné que le Parlement écossais à le pouvoir de modifier la structure ou de dissoudre des organes publics existants et d'en créer de nouveaux (Forestry & British Timber, 1997b). Fait crucial, les membres du Parlement écossais seront les propriétaires de fait des terres forestières d'État. Aux termes des nouveaux arrangements, le Parlement écossais est le propriétaire ultime des forêts publiques et invite la Commission des forêts à les gérer (Directeur général de la Commission des forêts, entretien personnel, juillet 1999). À l'avenir, il pourrait confier les terres à une autre entité de gestion des forêts, qu'il s'agisse d'une autre organisation gouvernementale, d'autorités gouvernementales locales ou (sous réserve d'une réforme de la législation) d'une ONG, d'une compagnie de gestion forestière ou de groupes communautaires constitués.

Le document exposant la nouvelle politique d'engagement communautaire de l'Écosse

Le nouveau Parlement écossais semble déjà plus transparent que le Parlement britannique, ce qui pourrait ouvrir la voie à une plus grande responsabilisation de tous les organes publics, notamment de la Commission des forêts.

Les rapports des réunions du Comité des affaires rurales sont transmis sur Internet le lendemain même. Cependant, lorsque des informations et des avis cruciaux sont donnés, l'établissement des rapports sur les interactions entre les responsables officiels et les nouveaux membres du Parlement écossais sont déjà soumis à des restrictions, ce qui est bien dans le style du gouvernement britannique.

L'évolution de la relation entre les membres du Parlement écossais et les hauts fonctionnaires sera cruciale pour déterminer s'il y aura une amélioration globale de la transparence, de la reddition des comptes et de la faculté de réponse de la Commission des forêts en Écosse. Quelques membres du Parlement écossais critiquent l'attitude de la Commission des forêts, qu'ils jugent paternaliste, et sont mécontents d'être contraints de contribuer avec précipitation à un processus de consultation sur les politiques forestières écossaises, alors qu'ils n'ont pas participé à leur conception; ainsi leur relation commence à refléter autant de méfiance et de manque de coopération qu'auparavant entre les responsables de la Commission des forêts et les représentants élus écossais siégeant au Parlement britannique. Toutefois, si, dans leur ardent désir de changement, les membres du Parlement écossais parviennent à travailler ensemble au mépris des différences entre les partis, à structurer et à surveiller toutes leurs interactions avec les responsables et à rendre publics tous les conseils et les informations donnés par les responsables, ils seront mieux à même de garantir la transparence des processus décisionnels de la Commission qui ont des incidences sur les communautés locales.

CONSÉQUENCES DES ÉVÉNEMENTS RÉCENTS POUR LA GESTION ET LE CONTRÔLE DES FORÊTS D'ÉTAT, PAR LES COMMUNAUTÉS LOCALES

En Écosse, les fonctionnaires forestiers subissent des pressions émanant de deux fronts: les membres du Parlement écossais, dotés de nouveaux pouvoirs politiques depuis la délégation, et les communautés locales, de plus en plus exigeantes, qui demandent en particulier un accroissement des possibilités de subsistance locales, liées aux forêts. Les fonctionnaires répondent rapidement, en s'inspirant des enseignements des initiatives locales qui se sont multipliées au cours des cinq dernières années, pour informer et modeler les nouvelles politiques.

En juillet 1999, la Commission des forêts a lancé une nouvelle politique d'engagement communautaire pour l'Écosse. Bien qu'elle ait été mise en place sans que le Parlement écossais au complet, ou son Comité des affaires rurales, aient été consultés, cette politique contient des idées qui témoignent de l'évolution positive de la Commission des forêts. La nouvelle politique a un ton très positif et une vaste portée, et se caractérise par une approche «à la carte», offrant diverses options en matière d'engagement communautaire (Fore st Enterprise, 1999d). À la réunion de lancement de la politique, qui a eu lieu à Falkirk, en Écosse, en juillet 1999, de hauts fonctionnaires ont donné l'assurance verbale que les communautés locales auraient toute latitude pour décider du nombre d'options qu'elles exploreraient. Cependant, l'accent est mis sur l'accroissement de la gestion locale des ressources forestières d'État peu commerciales, et il appartiendra aux communautés locales d'entrer en contact avec la Commission des forêts et de lui prouver qu'elles sont décidées à assumer la responsabilité de la gestion, et qu'elles en sont capables.

Il semble que la Commission des forêts ait publié la nouvelle politique trop hâtivement, pratiquement sans que ses membres ne discutent de ses implications pour les transactions de la Commission avec les consommateurs de bois industriel, ou ne remettent en question ses méthodes de gestion des grandes plantations commerciales en Écosse. Par exemple, 60 pour cent des ressources totales en bois de la Commission des forêts continueront à être vendues sur pied, les acheteurs se chargeant eux-mêmes de la coupe et de la commercialisation (Forestry & British Timber, 1998b). En outre, quelques hauts fonctionnaires admettent encore officieusement qu'ils ne sont pas convaincus que l'accroissement de la gestion locale des forêts d'État corresponde à une demande effective; en outre ils restent sceptiques quant aux conséquences de l'accroissement des possibilités de subsistance locales et ils continuent à soutenir qu'offrir des emplois à des travailleurs ruraux itinérants, c'est favoriser le développement rural, même si cela suppose que ces individus parcourent des centaines de kilomètres pour aller travailler.

Il est incontestable que la nouvelle politique d'engagement communautaire plaît beaucoup aux responsables basés sur le terrain qui se sont efforcés des années durant de répondre positivement aux initiatives locales de gestion des forêts d'État. Ils seront désormais officiellement soutenus par le Siège, ce qui est très important. La Commission des forêts a aussi profité de la décentralisation pour tenter d'obtenir la mutation des fonctionnaires les plus conservateurs occupant des postes clés au siège (Directeur général de la Commission des forêts, entretien personnel, juillet 1999). La Commission a saisi cette occasion pour tenter de rendre plus libéral son style de gestion et de prise de décisions. À présent, il n'est plus obligatoire de demander à la direction du Royaume-Uni l'autorisation de conclure des partenariats locaux, même si, en dernier ressort, le siège peut toujours s'opposer (Directeur général de la Commission des forêts, entretien personnel, juillet 1999).

L'ouverture plus grande à l'intérieur de l'organisation et le fait que chaque responsable de terrain puisse faire appel à son jugement seront certainement appréciés par tous les observateurs et clients de la Commission des forêts, les intérêts industriels et les communautés locales. Il est également question de former des responsables basés sur le terrain pour leur inculquer les qualifications requises au niveau local, et de recruter des fonctionnaires de liaison avec les communautés. Ces innovations pourraient se traduire par des relations positives, considérablement améliorées, entre les responsables de la Commission des forêts et les citoyens écossais et leurs représentants élus.

CONCLUSIONS

Plusieurs signes indiquent qu'il sera possible de rendre la gestion des forêts d'Écosse plus participative. Si l'on s'adresse aux communautés locales avec un esprit positif et ouvert, elles se sentent à l'aise pour exprimer leurs aspirations, leurs capacités et leurs limites (Scottish Rural Development Forestry Programme, 1997).

Les nouveaux membres du Parlement écossais disposent de quelques outils puissants pour gérer la Commission des forêts et faire en sorte qu'elle soit transparente, responsable et adaptée aux possibilités de gestion participative des forêts, à l'avenir. Cela n'est certes pas une tâche facile, mais en ce qui concerne les populations rurales d'Écosse, ce pourrait être l'un des changements les plus importants que les membres du Parlement écossais puissent réaliser.

Les membres du Parlement écossais peuvent-ils gérer efficacement une organisation qui a conservé un mandat et une base de pouvoir britannique? Les communautés rurales sont-elles à même d'assumer les nouvelles responsabilités qu'elles ont elles-mêmes demandées? Et les responsables forestiers de l'État, opérant à tous les niveaux en Écosse, peuvent-ils être sensibles aux besoins du peuple et des communautés et y répondre? C'est en avançant tous dans la même direction que les intéressés en feront l'expérience.

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