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2. UNE EVOLUTION CONTRASTEE DES CAPTURES


Les zones d'upwelling et de remontées d'eaux froides que sont le courant des Canaries et le courant de Benguela expliquent l'abondance de petits pélagiques au large des côtes du Maroc à la Sierra Leone ainsi qu'au large des côtes du Gabon à l'Afrique du Sud, principales zones de capture. Les zones qui bénéficient peu ou pas de ces upwellings (Golfe de Guinée) ont une productivité moindre. D'une manière générale, les principales espèces capturées dans la région sont les sardinelles, les sardines et les chinchards.

Pour les vingt dernières années, les captures de petits pélagiques représentent en moyenne 60 à 70% des captures totales. L'historique des captures de petits pélagiques indique de très fortes variations d'une année sur l'autre mais permet de déceler trois phases: une phase de baisse quasiment continue des captures à partir de 1978 puisqu'elles passent de 4 millions à 2,8 millions de tonnes en 1985, puis une phase d'augmentation des captures qui atteignent de nouveau 4 millions de tonnes en 1989 précédant une nouvelle phase de baisse jusqu'en 1994 et de stabilisation depuis lors à 2,8 millions de tonnes. L'historique des captures permet également d'appréhender l'évolution géographique de l'effort de pêche et la répartition de cet effort entre pays côtiers et non côtiers.

2.1 Le déclin relatif de l'Atlantique Sud-Est et l'importance croissante de l'Atlantique Centre-Est

La distinction par zone de pêche révèle en premier lieu la baisse continue des captures dans l'Atlantique Sud-Est puisque leur volume (560 000 tonnes en 1996) est trois fois moindre que vingt ans auparavant. Elle met en relief également le rôle de plus en plus important de l'Atlantique Centre-Est (2 200 000 tonnes) qui assure actuellement plus de 70% de l'ensemble des captures de petits pélagiques.

Figure 1. Evolution des captures de petits pélagiques dans l'Atlantique Sud-Est et Centre-Est (1976-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC

Au sein de l'Atlantique Centre-Est, la ZEE mauritanienne a un rôle primordial puisque près de la moitié des captures de petits pélagiques par les pays non-côtiers y est effectuée contre un tiers dix ans auparavant. Ainsi, le retrait des flottilles étrangères, amorcé en 1991, a touché davantage les autres ZEE ouest-africaines et la Mauritanie devient un enjeu prioritaire pour les flottilles des pays non côtiers qui y ont pêché près de 600 000 tonnes en 1996.

Figure 2. Captures de petits pélagiques par les pays non côtiers dans la ZEE mauritanienne et dans l'Atlantique Centre-Est (1987-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC pour l'Atlantique Centre-Est; CNROP et DSPCM pour la ZEE mauritanienne

Pour l'Atlantique Sud-Est, la baisse des captures est le fait aussi bien des flottilles des pays côtiers que des pays non côtiers également affectées par l'effondrement des captures de pilchard dans la ZEE namibienne (1 200 tonnes en 1996 contre 116 000 tonnes en 1994) et celui des captures d'anchois dans la ZEE sud-africaine (70 000 tonnes en 1996 contre 600 000 tonnes en 1987). Toutefois, depuis 1987, ce sont les flottilles des pays côtiers (Afrique du Sud, Namibie, Angola) qui assurent la plus grande part des captures suite au retrait des flottilles des pays soviétiques ou est-européens et à une législation moins favorable aux pays non côtiers; en particulier la flottille sud-africaine a montré sa grande capacité d'adaptation à l'accroissement du stock d'anchois en 1987-88 et en 1992.

Il en va différemment dans l'Atlantique Centre-Est puisque la tendance des captures des pays côtiers et non côtiers est inverse. C'est le très fort développement de la pêche artisanale ainsi que celui de la pêche marocaine, qui expliquent l'accroissement continu des captures des pays côtiers: de 600 000 tonnes en 1976 à 800 000 en 1986 pour atteindre 1 300 000 en 1996. La tendance des captures des pays non côtiers est globalement stable mais très erratique: 1 600 000 tonnes en 1977 contre 800 000 tonnes en 1979, 1 800 000 tonnes en 1990 contre 400 000 tonnes en 1994. Dans l'Atlantique Centre-Est, ces fortes variations s'expliqueraient principalement par les conditions d'exploitation affectant les flottilles étrangères (au premier rang desquelles les flottilles de l'ex-URSS ou est-européennes), plus que par l'état des stocks. Il semble cependant que la crise de la première moitié des années 1990 qui a vu le retrait des flottilles de l'ex-URSS et des pays d'Europe de l'Est, semble avoir été partiellement surmontée ainsi que l'atteste le retour de flottilles des pays de la CEI, des Etats baltes et nord-européennes depuis 1995.

Figure 3. Distribution des captures de petits pélagiques par zone de pêche et par type de pays (1976-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC

2.2 Le rôle accru des pays côtiers et le retrait partiel des pays non côtiers

En vingt ans, la part des captures des flottes des pays côtiers est passée de 40 à 60%: la part des captures des pays côtiers est supérieure à celle des pays non côtiers depuis 1991. La reconquête des ZEE par les flottes nationales a donc été effective et s'explique d'une part par le renforcement de la puissance de pêche industrielle ou semi-industrielle du Maroc, de l'Afrique du Sud et de la Namibie, d'autre part par le développement remarquable de la pêche artisanale dans les autres pays côtiers ouest-africains. Toutefois, cette reconquête a bénéficié du retrait des flottilles est-européennes et ex-soviétique depuis 1990; les fortes variations passées d'activité des flottilles de ces pays rend hasardeux un pronostic quant à la pérennité de ce retrait.

Figure 4. Part relative des captures de petits pélagiques des pays côtiers et non côtiers dans l'Atlantique Centre-Est et Sud-Est (1976-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC

La spécialisation des pays côtiers et des pays non côtiers renvoie aux caractéristiques des stocks (plus ou moins côtiers) mais également à celles des flottilles. Si les flottilles des pays côtiers et non côtiers pêchent globalement les mêmes espèces, la composition des captures est sensiblement différente et l'on peut distinguer la tendance suivante: les flottilles des pays non côtiers ciblent en priorité les chinchards, les sardines, les sardinelles et les maquereaux, alors que les flottilles des pays côtiers pêchent par ordre d'importance les sardinelles, les sardines et l'anchois.

La composition générale des captures, des pays côtiers comme des pays non côtiers, fluctue en fonction de l'intensité des upwellings (nord-ouest africain et Benguela) et des conditions d'exploitation affectant les flottilles (retrait puis retour partiel des pays de l'ex-URSS dans l'Atlantique Centre-Est). Ainsi dans l'Atlantique Sud-Est, les captures d'anchois sud-africaines et namibiennes sont passées respectivement de 350 000 à 50 000 tonnes et de 39 000 à 1 000 tonnes de 1992 à 1996; les captures de chinchards dans la ZEE namibienne de 427 000 à 321 000 tonnes au cours de la même période.

Figure 5. Captures de petits pélagiques dans l'Atlantique Centre-Est et Sud-Est par les pays non côtiers par espèce (1976-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC

2.2.1 Les pays non côtiers

Dès la fin des années 1950, les flottes de l'URSS puis de la RDA, de la Pologne, de la Roumanie et à partir de 1965 de la Roumanie, ont pêché les petits pélagiques au large des côtes d'Afrique occidentale dans le cadre d'un programme d'exploitation des ressources halieutiques mondiales dont l'accès était encore libre (en dehors des trois milles marins). Dans un premier temps, les captures étaient ramenées sous forme congelée ou transformées (farine et conserves) dans les ports d'attache, mais dès le début des années 1970 une partie des captures est écoulée dans les pays du Golfe de Guinée (essentiellement et Côte d'Ivoire).

A cette même période, la création de zones économiques exclusives a modifié les conditions d'exploitation de ces flottilles en recentrant l'activité sur les pays avec lesquels avaient été signés des accords de pêche, voire en augmentant les quantités débarquées dans ces mêmes pays. Même si les chalutiers ou senneurs pélagiques soviétiques ou est-européens se taillaient la part du lion, les senneurs nord-européens (originaires d'Afrique du Sud mais battant pavillon néerlandais ou norvégiens), portugais et espagnols étaient présents aussi bien dans l'Atlantique Centre-Est que Sud-Est depuis la fin des années 1950.

Figure 6. Captures de petits pélagiques dans l'Atlantique Centre-Est et Sud-Est par les pays côtiers par espèce (1976-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC

La fin des années 1970 et le début des années 1980 voit l'affaiblissement des upwellings se traduisant par une baisse des captures: l'effondrement des captures en 1978-79 s'expliquerait par des conditions océanographiques peu favorables et un effort de pêche trop important. Le début des années 1980 est marquée par la consolidation des relations institutionnelles entre l'URSS ou les pays est-européens et les Etats côtiers de l'Atlantique Centre-Est (MAUSOV, SIMAR etc..). Ainsi, alors que dans l'Atlantique Sud-Est le volume des captures des pays non côtiers diminue, il se maintient dans l'Atlantique Centre-Est tout au long des années 1980 et augmente même de 1985 à 1989.

Les changements politiques et économiques intervenus à la fin des années 1980 et au début des années 1990 se traduisent par le retrait de la flotte polonaise en 1988 et roumaine en 1991, puis de celle de la CEI et des Etats baltes jusqu'en 1995: le total de leurs captures ne représentait en 1994 qu'un tiers de ce qu'il était en 1989 (de 2 000 000 à 700 000 tonnes). A partir de 1995, on note le retour des flottilles russes, ukrainiennes et baltes sous la forme le plus souvent de co-entreprises, mais également l'accroissement de la puissance de pêche néerlandaise qui aurait pêché 150 000 tonnes en 1997 dans la ZEE mauritanienne (Corten, 1998), norvégienne ou islandaise, ainsi que le maintien de la flottille espagnole.

Figure 7. Captures de petits pélagiques dans l'Atlantique Centre-Est et Sud-Est par les non côtiers par espèce (1976-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC

2.2.2 Les pays côtiers

Une distinction doit être opérée entre deux groupes de pays: celui comprenant le Maroc, la Namibie et l'Afrique du Sud, qui ont misé sur le développement de la pêche industrielle ou semi-industrielle, celui comprenant les autres pays côtiers ouest-africains qui ont misé sur le développement de la pêche artisanale. Comme le confirme ce classement, l'augmentation des captures des pays côtiers (de 1 350 000 tonnes en 1980 à 1 882 000 tonnes en 1996) est due au développement de la pêche industrielle et semi-industrielle au Maroc, Afrique du Sud et Namibie, mais surtout à celui de la pêche artisanale dans tous les autres pays et plus particulièrement au Ghana et au Sénégal. Pour l'ensemble des pays côtiers, les captures de la pêche industrielle ou semi-industrielle qui représentaient 70% des captures totales de petits pélagiques en 1980, ne représentaient plus que 55% en 1996.

Figure 8. Captures de petits pélagiques par les pays côtiers de l'Atlantique Centre-Est et Sud-Est (1980-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC, FAO Annuaires statistiques des pêches (Captures et quantités débarquées), Seki et Bonzon, DIPA pour les données régionales; DOPM et Oumar Sy pour le Sénégal; Direction de l'aquaculture et des pêches pour la Côte d'Ivoire; Fishing Industry Handbook pour l'Afrique du Sud et la Namibie; Office national des pêches pour le Maroc; M'Bareck Ould Soueilem, CNROP et DSPCM pour la Mauritanie; The Federal Department of Fisheries pour le Nigéria; Fisheries Department, ONUDI et Doris Yeboah pour le Ghana; Comité régional des pêches du Golfe de Guinée (COREP) pour le Cameroun, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République du Congo et la République démocratique du Congo; Roche International et Sepia International pour la Guinée-Bissau; ORSTOM et CNSHB pour la Guinée; SIDA et SGTE-COFREPECHE pour l'Angola.

Le premier groupe a réalisé un volume de captures de petits pélagiques de 982 000 tonnes en 1996 avec au premier rang le Maroc (420 000 tonnes), la Namibie (348 000 tonnes) et l'Afrique du Sud (214 000 tonnes). Dans ces pays, les spécificités de l'accès à la ressource et un niveau de développement économique supérieur aux autres pays côtiers expliquent l'inexistence d'une flotte artisanale (piroguière) et a contrario l'existence d'une flottille semi-industrielle ciblant les petits pélagiques.

Figure 9. Captures de petits pélagiques par les flottes industrielles ou semi-industrielles des pays côtiers dans l'Atlantique Centre-Est et Sud-Est (1980-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC (Captures et quantités débarquées), Seki et Bonzon, DIPA pour les données régionales; DOPM et Oumar Sy pour le Sénégal; Direction de l'aquaculture et des pêches pour la Côte d'Ivoire; Fishing Industry Handbook pour l'Afrique du Sud et la Namibie; Office national des pêches pour le Maroc; M'Bareck Ould Soueilem, CNROP et DSPCM pour la Mauritanie; The Federal Department of Fisheries pour le Nigéria; Fisheries Department, ONUDI et Doris Yeboah pour le Ghana,; Comité régional des pêches pour le Cameroun, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République du Congo et la République démocratique du Congo; Roche International et Sepia International pour la Guinée-Bissau; ORSTOM et CNSHB pour la Guinée; SIDA et SGTE-COFREPECHE pour l'Angola.

Le deuxième groupe a réalisé un volume de captures de petits pélagiques de 900 000 tonnes en 1996 avec au premier rang le Ghana (303 000 tonnes), le Sénégal (229 000 tonnes) suivi du Nigéria et du Cameroun. Dans ces pays, l'augmentation des captures s'explique par la vitalité de la pêche artisanale, plus particulièrement au Ghana et au Sénégal qui ont vu leurs prises de petits pélagiques doubler au cours des dix dernières années. On mentionnera également, d'une part l'augmentation remarquable des captures de petits pélagiques par les pêcheurs artisans de Guinée, d'Angola, de Guinée-Bissau et de Gambie, d'autre part la stabilité des débarquements de petits pélagiques par les pêcheurs artisans nigériens, sierra-léonais, camerounais, ivoiriens, togolais et béninois.

Figure 10. Captures de petits pélagiques par les flottes artisanales des pays côtiers dans l'Atlantique Centre-Est et Sud-Est (1980-96)

Source: FAO/FISHSTAT-PC, FAO Annuaires statistiques des pêches (Captures et quantités débarquées), Seki et Bonzon, DIPA pour les données régionales; DOPM et Oumar Sy pour le Sénégal; Direction de l'aquaculture et des pêches pour la Côte d'Ivoire; Fishing Industry Handbook pour l'Afrique du Sud et la Namibie; Office national des pêches pour le Maroc; M'Bareck Ould Soueilem, CNROP et DSPCM pour la Mauritanie; The Federal Department of Fisheries pour le Nigéria; Fisheries Department, ONUDI et Doris Yeboah pour le Ghana; Comité régional des pêches du Golfe de Guinée (COREP) pour le Cameroun, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République du Congo et la République démocratique du Congo; Roche International et Sepia International pour la Guinée-Bissau; ORSTOM et CNSHB pour la Guinée; SIDA et SGTE-COFREPECHE pour l'Angola.


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