FAO/SMIAR - Rapport sur l'Afrique No.1, April 2000 - page 4

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PREMIERE PARTIE: VUE D'ENSEMBLE


Les intempéries qui ont récemment touché l'Afrique subsaharienne ont eu d'importants retombées négatives sur la sécurité alimentaire. Les plus graves inondations enregistrées depuis près de cinquante ans ont ravagé les régions septentrionales du Mozambique et provoqué de très importants dégâts au Botswana, au Malawi, en Afrique du Sud, en Zambie et au Zimbabwe et de violents cyclones ont dévasté certaines régions à Madagascar. En revanche, plusieurs pays d'Afrique de l'Est ont subi les effets d'une longue sécheresse et quelque 16 millions de personnes dans la sous-région ont besoin de secours alimentaires d'urgence. La situation demeure également peu encourageante en Angola et dans certaines zones de la région des Grands Lacs, en raison principalement de la persistance des troubles civils qui ont gravement nui à la production, perturbé les activités de distribution et déclenché de grands mouvements de population. On relève cependant certains signes positifs. Dans les pays du Sahel en Afrique de l'Ouest, des récoltes supérieures à la moyenne à exceptionnelles ont été engrangées, ce qui a permis d'augmenter les ressources vivrières pour la nouvelle campagne de commercialisation. Le retour de la stabilité politique en Sierra Leone et la reprise graduelle et continue de la production vivrière au Libéria sont des étapes significatives vers la sécurité alimentaire. Toutefois, l'Afrique subsaharienne connaîtra, cette année encore, des difficultés d'approvisionnement alimentaire, et l'on prévoit que les besoins d'importations céréalières et d'aide alimentaire resteront élevés en 2000.



DES INONDATIONS ET DES CYCLONES PROVOQUENT D'IMPORTANTS DÉGÂTS AU MOZAMBIQUE ET DANS D'AUTRES RÉGIONS D'AFRIQUE AUSTRALE

Les inondations les plus graves depuis cinquante ans ont dévasté des régions d'Afrique australe, fait de nombreuses victimes et menacent gravement les approvisionnements alimentaires. Les logements, les biens et l'infrastructure ont également été sérieusement endommagés et des interventions extérieures substantielles seront nécessaires pour aider les pays, tant au niveau des secours que du relèvement. À la lumière des expériences précédentes, la sous-région dispose de plans de secours pour lutter contre la sécheresse. Cependant, en raison de l'ampleur du problème des inondations cette année, la sous-région devra également donner la priorité à l'élaboration de plans d'urgence en cas d'inondations et de cyclones dévastateurs.

Au Mozambique, les régions septentrionales et centrales ont été particulièrement touchées. Les inondations ont gravement endommagé et détruit les cultures (sur pied ainsi que les récoltes engrangées); elles ont également fait périr le bétail, en grand nombre, et provoqué des dégâts aux logements et à l'infrastructure de télécommunication et de transports (routes, ponts, lignes téléphoniques, etc.). Une évaluation complète des dommages infligés à l'agriculture et à l'élevage n'est pas encore disponible. Toutefois, il est presque certain que les pertes de récoltes sont quasi totales dans les provinces septentrionales de Maputo, de Gaza et d'Inhambane où se situent les zones de plus forte production, comme Boane et Chokwe qui ont été totalement submergées. On s'attend également à des pertes considérables dans les provinces centrales de Manica et de Sofala. D'importantes pertes de bétail ont également été signalées. Dans ces provinces souffrant traditionnellement d'un déficit vivrier, la forte diminution de la production céréalière en 2000 sera aggravée par la perte des stocks alimentaires et des stocks de semences des agriculteurs. Étant donné que 1,9 million de personnes environ ont été touchées par la catastrophe, une partie importante de la population devrait avoir besoin d'une aide alimentaire jusqu'à la prochaine campagne, en avril 2001.

Le besoin de semences et d'outils agricoles, ainsi que celui de reconstituer le cheptel, sont pressants. Sur le moyen et le long termes, le Mozambique aura besoin d'une aide internationale massive pour relever le secteur agricole et reconstruire l'infrastructure endommagée. Une mission conjointe FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires devrait se rendre sur place à la mi-avril pour estimer l'impact des inondations sur la production vivrière et sur la situation des approvisionnements alimentaires ainsi que pour évaluer les besoins d'importations alimentaires, y compris d'aide alimentaire, pour la campagne de commercialisation 2000/01.

A Madagascar, les pluies torrentielles et les vents violents associés aux cyclones "Eline" le 17 février et "Gloria" le 2 mars ont gravement endommagé l'infrastructure et laissé plus de 10 000 personnes sans abri. Les zones les plus touchées se situent au nord et au centre de la côte Est et incluent les villes de Andapa, de Vatomandry, de Mahanoro et de Belo-Tsiribihina. D'après les premiers rapports, quelque 560 000 personnes ont été affectées, à divers degrés, par les cyclones. Il est encore difficile d'avoir accès aux personnes en difficulté car les routes principales et les pont sont en mauvais état. Le gouvernement a lancé un appel à l'aide internationale pour faire face à l'urgence de la situation.

Les retombées sur le secteur agricole n'ont pas encore été évaluées mais on signale des pertes de récoltes dans les zones de basses terres. Les perpectives concernant la récolte de paddy 2000, déjà médiocres du fait des précipitations insuffisantes et inférieures à la moyenne, ont empiré, suite aux dégâts des inondations. On s'attend donc à ce que la récolte de paddy cette année, qui commencera à partir d'avril, soit nettement réduite. Une mission conjointe FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires se rendra prochainement dans le pays pour mesurer les effets des cyclones sur la production végétale et sur la situation des approvisionnements alimentaires ainsi que pour estimer les besoins d'importations vivrières et d'aide alimentaire pour la prochaine année de commercialisation.

En Afrique du Sud, de fortes pluies et des inondations ont touché la province de Kwa Zulu-Natal et certaines zones des provinces du Nord et de Mpumalgna au cours de la seconde moitié de mars. Ces deux dernières provinces avaient été gravement affectées par des inondations début février, puis par le cyclone "Eline", ce qui a provoqué des dégâts supplémentaires aux logements et à l'infrastructure, ainsi que de lourdes pertes aux cultures de légumineuses et de maïs, et à la production maraîchère. Le gouvernement a distribué des secours dans les zones sinistrées. En dépit des dégâts provoqués par endroits par les inondations, les perspectives de récolte de maïs demeurent satisfaisantes dans l'ensemble, les inondations ayant peu nui aux zones consacrées à cette culture.

Au Zimbabwe, des pluies torrentielles au cours de la seconde moitié de mars ont aggravé les inondations occasionnées par le cyclone "Eline" le 17 février dans les provinces occidentales et septentrionales de Manicaland, de Masvingo et de Matabeleland qui bordent le Mozambique et l'Afrique du Sud. Les inondations ont infligé de lourds dommages aux routes, aux ponts et aux barrages. Environ 500 000 personnes seraient en difficulté, dont 250 000 nécessitant des secours. Le gouvernement a déclaré ces trois provinces comme zones sinistrées et demandé 21 millions de dollars E.-U. à la communauté internationale pour venir à aide à la population éprouvée. Les dégâts aux infrastructures ont encore compliqué les problèmes de production et de distribution engendrés par de graves pénuries de carburant.

D'après les premières estimations gouvernementales, 30 000 hectares de cultures ont été détruits et 17 000 animaux d'élevage ont péri. Toutefois, les inondations n'ont pas affecté les zones principales de culture de maïs dans le nord-est qui assurent l'essentiel de la production céréalière. Toutefois, la production de maïs, qui normalement représente 90 pour cent de la production céréalière totale, devrait fléchir cette année, du fait de la régression des emblavures. De fortes pluies, depuis la mi-février, risquent également de réduire les rendements.

Au Botswana, le cyclone Eline a aggravé la situation, déjà préoccupante, provoquée par des inondations début février qui ont détruit environ 10 000 logements. Selon les estimations, 73 000 personnes seraient sinistrées. Avant le cyclone, le gouvernement avait estimé que les dégâts des inondations s'élevaient à 8,5 millions de dollars E.-U. et avait fait appel au soutien international pour faire face à l'urgence. Une évaluation des pertes de récoltes dans les zones de production de l'ouest n'est pas encore disponible. Toutefois, les effets des inondations sur le bétail, qui est d'une importance capitale pour la sécurité alimentaire des agriculteurs, suscitent une vive inquiétude.

Au Malawi, les pluies torrentielles qui sont tombées à la mi-mars dans les zones septentrionales proches du Mozambique ont occasionné de sérieux dégâts aux logements et à l'infrastructure, ainsi que des pertes de récoltes et de bétail. Selon les premières estimations, 10 000 personnes ont été déplacées par les inondations. Les zones les plus touchées se situent le long de la vallée inférieure du Shire, et concernent notamment les districts de Nsanje et de Chikwawa. Une aide alimentaire et non alimentaire est nécessaire d'urgence pour venir au secours de ces personnes.

En Angola, la situation alimentaire demeure extrêmement critique pour environ 2 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays du fait de la persistance des troubles intérieurs. L'escalade du conflit au cours des derniers mois a entraîné un nouveau déplacement de la population, en particulier le long des frontières avec la Namibie et la Zambie. La malnutrition augmente en raison de l'insécurité continue qui entrave la distribution des secours alimentaires d'urgence dans plusieurs zones. Une aide alimentaire est actuellement apportée à quelque 1,1 million de personnes.

Dans les autres pays d'Afrique australe, de fortes inondations en Zambie, résultant du débordement du fleuve Tchambézi début mars, ont entraîné la fermeture des routes dans le bassin hydrographique; toutefois, les perspectives concernant la récolte céréalière demeurent bonnes dans l'ensemble. Au Swaziland, les perspectives de récoltes s'annoncent peu favorables, par suite des pertes de récoltes dues aux inondations de début février.



MISSIONS D'ÉVALUATION DES PERSPECTIVES DE RÉCOLTES ET DES APPROVISIONNEMENTS ALIMENTAIRES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Entre avril et juin 2000, une série de missions conjointes FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires est prévue en Afrique australe et en Afrique centrale, au Mozambique, à Madagascar, en Angola, en République démocratique du Congo (RDC) et au Burundi. Les missions évalueront les dégâts provoqués par les intempéries (inondations et cyclones) au Mozambique et à Madagascar, et par les troubles intérieurs persistants en Angola, en RDC et au Burundi ; elles estimeront également les dommages aux cultures et au bétail ainsi que leur impact sur la situation des approvisionnements alimentaires de ces divers pays. Elles évalueront la production céréalière et celle d'autres cultures vivrières ainsi que les besoins d'importations céréalières et d'aide alimentaire pour les nouvelles campagnes de commercialisation de chaque pays. Les dates provisoires de ces missions sont les suivantes:

Avril-mai 2000

  • Angola
  • Congo, Rép. dém.
  • Madagascar
  • Mozambique

Juin 2000

  • Burundi


SEIZE MILLIONS DE PERSONNES SUBISSENT LES EFFETS DE GRAVES PÉNURIES ALIMENTAIRES EN AFRIQUE DE L'EST

De graves pénuries alimentaires sont apparues dans plusieurs pays de l'Afrique de l'Est, du fait principalement des pertes de récoltes et de bétail résultant de la sécheresse. Les éleveurs pratiquant le pastoralisme dans la sous-région ont été les plus affectés par l'insuffisance répétée des précipitations qui a occasionné la perte de nombreux animaux d'élevage. Les troubles intérieurs et les conflits, passés ou présents, qui sévissent dans certaines régions perturbent également la production vivrière et la distribution, entraînant des pénuries alimentaires et des déplacements de population. On estime que 16 millions de personnes environ dans la sous-région auront besoin d'une aide alimentaire pendant toute l'année 2000.

En Ethiopie, la situation des approvisionnements alimentaires dans les zones pastorales de l'est et du sud, notamment dans la région Somali, qui ont reçu peu ou aucune pluie pendant trois années consécutives, est très préoccupante. Sous l'effet de la sécheresse qui sévit actuellement, un grand nombre d'animaux d'élevage ont péri et la population migre en quête d'eau et de nourriture. Dans l'ensemble du pays, la situation des approvisionnements alimentaires est très difficile pour plus de 8 millions de personnes, y compris quelque 400 000 personnes déplacées par la guerre frontalière avec l'Érythrée. Selon la mission conjointe FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires qui s'est rendue dans le pays en décembre 1999, la récolte belg devrait être inférieure d'environ 250 000 tonnes par rapport à la moyenne, en raison du manque de b_ufs de trait et de semences. Sur la base des prévisions de production établies en décembre, la mission a estimé que les besoins d'importations nationaux, qui seront couverts par l'aide alimentaire, s'établiront à 764 000 tonnes en 2000. Toutefois, si les précipitations sont insuffisantes lors de la campagne belg en cours, les besoins d'aide alimentaire risquent de nettement augmenter.

En Érythrée, la situation alimentaire est très difficile pour près de 600 000 personnes touchées par le conflit avec l'Éthiopie et par la sécheresse qui règne dans les zones côtières. Les cours des céréales sont très élevés pour la saison. En janvier 2000, les prix du sorgho rouge, de blé blanc et de l'orge étaient plus élevés, respectivement, d'environ 15, 27 et 23 pour cent par rapport à janvier 1999. Les cours du bétail ont également augmenté. En janvier 2000, l'Équipe de pays des Nations Unies a lancé un appel, demandant une aide de 42,7 millions de dollars E.-U. pour secourir quelque 372 000 personnes touchées par la guerre et plus de 211 000 personnes victimes de la sécheresse.

Au Kenya, la situation des approvisionnements alimentaires est critique dans les districts pastoraux du nord, de l'est et du nord-ouest ainsi que dans certaines zones des provinces du centre, de la côte et de la vallée du Rift, en raison de la sécheresse qui a prévalu durant la saison des "courtes pluies" de 1999/2000. Dans les régions d'élevage, les "courtes pluies" (de novembre à janvier) sont essentielles pour assurer la régénération des pâturages et la reconstitution des ressources hydriques après la saison sèche tandis que dans les zones agricoles, les récoltes de la campagne des courtes pluies fournissent l'essentiel des ressources vivrières. Le gouvernement a lancé un appel à la communauté internationale pour obtenir des secours d'urgence jusqu'à la prochaine campagne qui se déroulera à partir de juillet. Selon les estimations, plus de 2,7 millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire. Les districts les plus touchés sont ceux de Turkana, Mandera, Moyale, Garissa, Kajiado, Machakos, Mbeere, Kitui, Wajir, Mwingi, Tana River, Marsabit, Isiolo, Baringo, Samburu, West Pokot, Makueni, et Tharaka Nithi. Les cours du maïs, principale denrée de base du pays, ont nettement augmenté dans la plupart des régions, réduisant ainsi l'accès aux vivres pour un grand nombre de personnes. En janvier, les prix du maïs avaient augmenté jusqu'à 50 pour cent par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. On signale que la malnutrition et les problèmes sanitaires augmentent. Des précipitations suffisantes au cours de la campagne en cours (de mars à mai) seront essentielles pour améliorer la sécurité alimentaire des provinces du nord-ouest et de l'est.

En Somalie, en dépit de l'amélioration prévue des approvisionnements alimentaires dans les régions du sud par suite d'une meilleure récolte deyr, près de 526 000 personnes dans 6 régions subissent les effets de graves pénuries alimentaires et ont besoin d'une aide alimentaire, estimée à 14 200 tonnes. Les agriculteurs des districts de Huddur, de Wajid et de Rab-Dure dans la région de Bakool, qui sont nombreux à avoir quitté leur village en quête de nourriture, ont été les plus éprouvés. De plus, la situation des approvisionnements alimentaires demeure difficile pour les éleveurs pratiquant le pastoralisme dans les régions de Gedo, de Bay et de Hiran, du fait de plusieurs récoltes médiocres successives et des déplacements de population. En Somalie du nord-ouest (Somaliland), en dépit de l'épuisement rapide des pâturages et de l'approvisionnement en eau résultant de l'arrivée massive des éleveurs pratiquant le pastoralisme en provenance de l'Éthiopie voisine, la situation globale des approvisionnements alimentaires et du bétail est stable. Dans le nord-est de la Somalie (Puntland), l'état du bétail s'est amélioré en raison de précipitations suffisantes lors de la campagne deyr ; toutefois, la forte concentration de bétail et le surpâturage sont sources d'inquiétude.

Les livraisons d'aide alimentaire dans certaines régions ont été mieux assurées en janvier 2000 et près de 1 300 tonnes de vivres ont été distribuées rien que dans la région de Bay. Toutefois, on signale que les distributions ont ralenti en février en raison des agressions dont ont été victimes le personnel des organisations humanitaires.

En Tanzanie, les précipitations qui sont tombées au cours de la campagne des courtes pluies ("Vuli") ont été en général insuffisantes, et particulièrement faibles dans les régions de Arusha, de Kilimanjaro et de Tanga. Cette situation a incité les agriculteurs à réduire considérablement les semis, et a entraîné une baisse des rendements, alors que la campagne principale de 1999 était déjà inférieure à la moyenne. Toutefois, la situation globale des approvisionnements alimentaires est stable, du fait des fortes importations de maïs au cours de la seconde moitié de 1999 et de l'interdiction d'exporter du maïs imposée par le gouvernement. En janvier 2000, les cours du maïs sur de nombreux marchés dans l'ensemble du pays avaient diminué jusqu'à 50 pour cent par rapport à la même époque l'an dernier et ceux des haricots avaient baissé jusqu'à 41 pour cent. Toutefois, près de 800 000 personnes exposées à l'insécurité alimentaire ont besoin d'une aide, notamment dans les régions de Dodoma, de Mara, de Shinyanga, de Singida, de Tabora, de Tanga et de Sud Mwanza, qui ont toutes rentré des récoltes médiocres pour la troisième année consécutive. Dans la région de Dodoma, 128 écoles primaires bénéficient d'un programme d'alimentation scolaire du PAM depuis janvier; ce programme devrait être élargi aux régions d'Arusha et de Singida.

Au Soudan, en dépit d'une situation des approvisionnements alimentaires stable dans l'ensemble, quelque 2,4 millions de personnes touchées par la sécheresse et par les troubles intérieurs qui se poursuivent depuis plusieurs années ont besoin d'environ 103 000 tonnes d'aide alimentaire. On estime que d'importants déficits céréaliers affectent l'État de Unity (très éprouvé par des luttes fratricides et par les affrontements entre le gouvernement et les forces rebelles), les États de Lakes et de Bahr el Jebel (en raison principalement des inondations), ainsi que de nombreuses localités dans les États de Jonglei, du Nil et d'Équatoria oriental (du fait des intempéries).

En Ouganda, la situation des approvisionnements alimentaires s'est dégradée dans les districts de Kotido et de Moroto, où près de 215 000 personnes ont besoin de secours alimentaires d'urgence, du fait principalement de la mauvaise récolte rentrée lors de la dernière campagne et de la perte de bétail résultant d'incursions. La situation alimentaire est également préoccupante dans les districts de Gulu et de Kitgum en raison de la recrudescence du conflit civil. De surcroît, près de 112 000 personnes déplacées par les troubles intérieurs continuent à avoir besoin d'une aide alimentaire dans le district de Bundibugyo.


DES DIFFICULTÉS D'APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRE PERSISTENT DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS

Les effets conjugués de troubles intérieurs, de l'insécurité et de la pénurie d'intrants, auxquels s'ajoute l'insuffisance des précipitations, continuent à peser sur la sécurité alimentaire dans la région des Grands Lacs.

En République démocratique du Congo, la persistance des troubles intérieurs dans plusieurs régions continue à provoquer des déplacements de population sur une grande échelle. On signale de nouveaux déplacements dans la région Kalange du Sud Kivu aux alentours de Bukavu, où 24 000 personnes sont venues chercher refuge dans les zones de Katana et de Kabare depuis le début de l'année. Des études nutritionnelles indiquent qu'environ 8 pour cent des enfants parmi cette population souffrent de malnutrition grave. Selon les rapports, les personnes déplacées dans les provinces de nord-est Katanga, du Sud Kivu et de Ituri dans le Congo supérieur subissent les effets de pénuries alimentaires et ont un taux de malnutrition élevé. Dans le même temps, l'insécurité nuit gravement aux secours. La situation alimentaire est également très difficile dans les zones urbaines, coupées des axes d'approvisionnement vitaux depuis le début du conflit. La situation est particulièrement critique à Kinshasa où le niveau d'inflation élevé a érodé le pouvoir d'achat de la majorité de la population. De récentes enquêtes nutritionnelles à Kinshasa indiquent une progression de la malnutrition chez les enfants, notamment dans les zones rurales environnantes.

Au Burundi, la situation globale des approvisionnements alimentaires est tendue suite à la récolte "A" de la campagne 2000, réduite par une forte sécheresse, et par le déplacement et le regroupement en camps d'environ 13 pour cent de la population. Le gouvernement démonte actuellement les camps où la situation alimentaire et sanitaire est très critique et où la malnutrition est répandue. Début mars, plus de 50 camps avaient été fermés. Une aide alimentaire est indispensable pour les personnes regroupées dans les camps ainsi que pour celles qui ont regagné leur lieu d'origine où elles n'ont pu cultiver la terre lors de la dernière campagne.

Au Rwanda, la situation des approvisionnements alimentaires est stable grâce à l'amélioration de la production vivrière de la première campagne 2000 et de l'augmentation du flux des importations commerciales. Les besoins d'aide alimentaire ont diminué au cours de la première moitié de l'année, mais la situation alimentaire reste critique pour des populations vulnérables dans plusieurs régions, notamment dans la province de Ruhengeri, au nord-ouest, où la malnutrition chronique est élevée.


LES APPROVISIONNEMENTS ALIMENTAIRES S'AMÉLIORENT DANS LE SAHEL GRÂCE A DES RÉCOLTES RECORD, MAIS DES DIFFICULTÉS SUBSISTENT EN SIERRA LEONE ET AU LIBERIA


Compte tenu des conditions de croissance des cultures globalement favorables durant l'hivernage 1999, notamment en août et en septembre, le Sahel a engrangé une récolte record pour la deuxième année consécutive. En général, les pluies ont commencé à temps ; elles ont été assez bien réparties et régulières, et particulièrement abondantes durant les mois critiques de juillet, août et septembre, ce qui a généralement été bénéfique aux cultures. Toutefois, de fortes pluies ont provoqué des inondations en Gambie, au Sénégal, en Mauritanie, au Mali, au Niger et au Tchad. En ce qui concerne les ravageurs, la situation a été calme dans l'ensemble. Les pluies abondantes ont également permis une régénération des pâturages et la reconstitution des réserves en eau.

Suite aux estimations de production finales communiquées par plusieurs pays, la production céréalière totale des neuf pays membres du CILSS a été revue pour s'établir à 11,6 millions de tonnes en 1999, soit 8 pour cent de plus qu'en 1998 et 23 pour cent de plus que la moyenne des cinq dernières années. Des récoltes records ont été rentrées au Burkina Faso, au Cap-Vert, en Gambie, au Mali, en Mauritanie et au Sénégal, tandis que la production devrait être supérieure à la moyenne au Tchad et au Niger. Selon les estimations, la production devrait être inférieure à la moyenne en Guinée-Bissau, par suite du conflit civil et des déplacements de population en 1998.

Grâce à ces bonnes récoltes, la situation des approvisionnements alimentaires sera satisfaisante en 2000. Les marchés sont bien approvisionnés et les prix sont beaucoup plus bas que les années précédentes à la même époque. Les agriculteurs ont reconstitué leurs stocks. La faiblesse des cours des céréales a également facilité la reconstitution des stocks nationaux de sécurité dans plusieurs pays. Les termes de l'échange pour les éleveurs pratiquant le pastoralisme sont favorables. Toutefois, on prévoit que certaines régions connaîtront des difficultés d'approvisionnement alimentaire au cours de la période de soudure en raison des inondations, notamment en Mauritanie, dans le nord du Sénégal et dans le sud du Tchad. Les achats locaux et/ou les opérations triangulaires entre régions excédentaires et zones déficitaires sont encouragés pour soutenir la production nationale.

En Sierra Leone, le secteur agricole a été très perturbé par le conflit civil qui sévit dans l'ensemble du pays. Au cours des années, les agriculteurs ont perdu toutes leurs ressources productives, y compris les semences, les équipements et autres biens immobilisés. L'infrastructure et les institutions rurales ont été très largement détruites. D'après les estimations, le périmètre rizicole devrait couvrir quelque 225 000 hectares en 1999, soit environ 20 pour cent de moins que les prévisions de 1998. En dépit de précipitations très satisfaisantes, le retard du repiquage et les pénuries d'intrants ont entraîné une baisse des rendements d'environ 4 pour cent par rapport à l'année précédente. La production de paddy pour 1999 devrait donc s'établir à environ 248 000 tonnes, soit 25 pour cent de moins que le volume de 1998. Cette production est plus ou moins égale à 45 pour cent du niveau précédent le conflit civil (1990) et représente environ 60 pour cent seulement du volume de 1997, année où la sécurité avait été mieux assurée dans de nombreuses régions du pays. Dans la région du sud-ouest, qui bénéficie de meilleures conditions de sécurité, la production a légèrement augmenté par rapport à l'année précédente. Toutefois, dans les provinces du nord, du nord-ouest et dans une partie de celle de l'est, où règne l'insécurité et où les organisations humanitaires n'ont pu accéder, les superficies et les rendements ont diminué par rapport à l'année précédente. Les besoins d'importation de riz pour 2000 sont estimés à 329 000 tonnes.

L'accord de paix de Lomé, signé en juillet 1999, a permis une amélioration graduelle de la sécurité, ce qui devrait relancer le secteur agricole et avoir donc un effet positif sur la sécurité alimentaire de la population.

Au Libéria, compte tenu des conditions de culture favorables et de l'amélioration de la sécurité, la production céréalière de 1999 devrait être bonne. La paix relative a été bénéfique aux travaux agricoles, sauf dans le comté de Lofa, au nord, où des combats ont éclaté au moment de la période de croissance. Selon les estimations, la superficie cultivée est nettement supérieure à celle de 1998 ; la production de riz devrait être égale à 80 pour cent de la moyenne précédant la conflit civil et celle du manioc devrait l'avoisiner. La production agricole a augmenté dans les comtés de Bong, de Bomi, de Montserrado et de Nimba, mais elle est restée faible dans ceux de Maryland, de Sinoe et de Grand Kru, en raison de la difficulté d'accès aux exploitations. La pénurie d'intrants agricoles de base a limité l'activité des agriculteurs, mais elle a été largement compensée par une distribution importante de semences et d'outils ainsi que par l'amélioration de l'assistance technique apportée aux familles rurales venues se réinstaller. Dans le comté de Lofa, la majorité des agriculteurs déplacés, dont on estime le nombre à 25 000, n'ont pu assurer leurs récoltes. Plusieurs milliers d'entre eux ont été déplacés des camps de Voinjama et de Kolahum dans le Lofa supérieur à Tarvey et à Sinje dans le Lofa inférieur.

La situation alimentaire globale s'est nettement améliorée et les approvisionnements alimentaires sur les marchés urbains sont assez stables tandis que les cours des denrées alimentaires sont inférieurs à ceux de l'année précédente. Toutefois, les zones rurales continuent à connaître des difficultés d'approvisionnement alimentaire. Les programmes humanitaires en faveur des rapatriés libériens et des réfugiés sierra-léoniens ont été désorganisés par l'insécurité et par le pillage du comté de Lofa où l'on signale une dégradation de la situation nutritionnelle et sanitaire de la population déplacée. Environ 90 000 réfugiés originaires de Sierra Leone sont encore au Libéria.


LE POINT SUR LES ANNONCES ET LES LIVRAISONS D'AIDE ALIMENTAIRE

Les besoins d'importations céréalières en l'Afrique subsaharienne pour 2000 devraient augmenter en raison du fléchissement de la production en Afrique de l'Est et dans certaines régions d'Afrique australe. Les dernières estimations du SMIAR concernant la production de 1999 ainsi que les besoins d'importation et d'aide alimentaire pour 1999/2000 sont résumées au Tableau 1. Les besoins d'aide alimentaire, au total, sont estimés à 2,5 millions de tonnes, soit environ 4 pour cent de plus qu'en 1998/99. Les contributions d'aide alimentaire en céréales pour 1999/2000, y compris celles reportées de 1998/99, s'élèvent à 1,1 million de tonnes, dont 500 000 tonnes déjà livrées. Il faut noter que ces estimations ne tiennent pas compte des besoins de plusieurs pays d'Afrique australe touchés par les inondations et les cyclones, étant donné que leur nouvelle campagne de commercialisation débutera en avril 2000 et que l'ampleur des dégâts aux cultures n'a pas encore été pleinement évaluée.



DOMAINES D'INTERVENTION PRIORITAIRE

La situation des approvisionnements alimentaires pour plusieurs pays d'Afrique de l'Est et d'Afrique australe sera très difficile en 2000. Une longue sécheresse a pesé sur les approvisionnements alimentaires, déjà précaire, dans certaines régions d'Afrique de l'Est tandis que les inondations en Afrique australe ont eu de graves retombées sur la sécurité alimentaire, notamment au Mozambique et à Madagascar. En Angola, les déplacements incessants de population, résultant de la persistance du conflit civil, ont rendu un grand nombre de personnes entièrement tributaires de l'aide alimentaire. La situation des approvisionnements alimentaires demeure peu encourageante dans la région des Grands Lacs. En Sierra Leone, en dépit des progrès réalisés sur le front politique, l'insécurité persiste dans les zones rurales et entrave les travaux agricoles.

Devant cette situation, l'attention de la communauté internationale est appelée sur les domaines suivants, où il est nécessaire d'intervenir en priorité:

Premièrement, une aide substantielle est indispensable au relèvement du secteur agricole, à la remise en état de l'infrastructure endommagée et à la poursuite de la distribution des secours au Mozambique. Une aide internationale doit également être apportée aux autres pays d'Afrique australe, éprouvés par des conditions climatiques adverses.

Deuxièmement, la situation alimentaire particulièrement préoccupante dans certaines régions d'Afrique de l'Est, notamment dans les zones pastorales de l'Éthiopie, du Kenya, de la Somalie et de l'Ouganda, requiert des secours alimentaires d'urgence ainsi qu'un approvisionnement complémentaire en eau, tant pour les populations que pour le bétail.

Troisièmement, les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays par les troubles intérieurs qui sévissent en Angola, au Burundi et en République démocratique du Congo ont encore besoin d'une aide alimentaire.

Quatrièmement, le soutien constant des donateurs est indispensable au relèvement du secteur agricole dans les pays où la perspective d'une paix durable se concrétise après la dévastation engendrée par de longues années de conflit civil, comme dans le cas de la Sierra Leone, du Libéria, de la Guinée-Bissau et du Rwanda.


RAPPORT SPÉCIAL : LES FORÊTS ET LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN AFRIQUE

Introduction

En Afrique, les aliments provenant des forêts et des arbres constituent une partie importante de l'approvisionnement alimentaire des ménages. On les trouve sur les marchés, tant en milieu rural qu'urbain, sous la forme d'une grande variété de produits animaux et végétaux. Dans de nombreux villages et petites villes, les forêts et les arbres contribuent aux approvisionnements alimentaires et sont essentiels à la sécurité alimentaire, car ils fournissent des apports alimentaires importants qui ne sont pas convenablement assurés par la production agricole classique. Dans de nombreuses régions, on peut réduire ou éviter les carences alimentaires et la monotonie des régimes habituels, grâce à cette "récolte cachée". Toutefois, en dépit de la variété, de l'importance et de la richesse des aliments que fournissent les forêts en Afrique, les progrès ont été très lents pour élaborer et mettre en _uvre des mesures qui feraient appel à une application déterminée de la science et de la technologie pour accroître la contribution de la flore et de la faune sauvages à la production vivrière et à la sécurité alimentaire. Les forêts et les arbres participent également indirectement à la sécurité alimentaire en jouant un rôle crucial dans la durabilité des systèmes de production agricole. Cependant, une approche plus adaptée et systématique de l'agroforesterie et de la plantation d'arbres dans les systèmes agricoles pourraient renforcer leur contribution à l'agriculture. Cette question est traitée depuis février 1998 par le Programme spécial pour la sécurité alimentaire de la FAO qui a introduit la composante de diversification dans sa stratégie.

Le premier élément à prendre en compte dans toute étude des relations entre les forêts et la sécurité alimentaire en Afrique est l'utilisation actuelle des terres agricoles et son évolution possible sous la pression d'une demande visant à accroître la production agricole en vue de satisfaire les besoins d'une population en rapide expansion. En 1986, l'étude de la FAO intitulée "L'agriculture en Afrique - les 25 prochaines années" a noté que l'Afrique, par rapport à l'Asie, disposait d'assez de terres pour se nourrir, ce qui signifiait que de nouvelles superficies pouvaient être mise en production ; l'enjeu consistait alors à gérer et à guider cette démarche. Aujourd'hui, le défi est d'accroître la productivité des terres en utilisant rationnellement les technologies et les intrants agricoles les plus performants, y compris l'irrigation, et en développant des marchés alimentaires plus actifs. L'intensification augmentera la production vivrière et diminuera la pression exercée sur les ressources forestières et autres espaces naturels: on insistera moins pour transformer des forêts en terres agricoles.

Contribution directe à la sécurité alimentaire et améliorations possibles

Les arbres et les forêts offrent, de plusieurs manières, une abondance de produits qui peuvent être utilisés comme aliments, médicaments, boissons ou autres usages pour améliorer le bien-être des populations locales. En réalité, on peut dire que presque chaque arbre, arbuste ou espèce végétale joue un rôle, d'une manière ou d'une autre, dans l'alimentation et la nutrition. Les plantes fournissent de la nourriture directement sous forme de fruits, de graines et autres parties comestibles, ou indirectement, en facilitant la consommation d'autres aliments.

FEUILLES

A partir des essais empiriques de nombreuses générations, les sociétés africaines ont découvert et utilisé d'innombrables espèces de plantes dont les feuilles peuvent être consommées. Les feuilles enrichissent les régimes alimentaires, réduisant ainsi diverses carences alimentaires. On connaît particulièrement bien le ndole du Cameroun, les feuilles de baobab et les nombreux types de feuilles intervenant dans la fabrication de boissons. L'intensification des recherches et une meilleure application des technologies et des procédés disponibles pourraient accroître le rôle des feuilles dans l'amélioration du bien-être de la population en Afrique.

FLEURS ET FRUITS SAUVAGES

Le problème ici ne porte pas sur la contribution directe des forêts et des arbres à la sécurité alimentaire, mais plutôt sur leur potentiel pour la production vivrière à l'avenir. A cette fin, il est nécessaire d'investir dans la science et la technologie ainsi que d'améliorer la gestion des sources naturelles de produits comestibles forestiers. Des organisations telles que le Conseil international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF), la FAO, plusieurs organisations non-gouvernementales et instituts de recherche nationaux doivent coordonner leurs efforts pour élaborer de solides programmes de coopération sur les divers niveaux, pour optimiser la "récolte cachée". Les mesures devraient porter sur les points suivants: i) la mise à jour des documents relatifs à ce thème; ii) l'amélioration des méthodes traditionnelles de gestion, de conservation et d'utilisation de cette ressource; iii) la sélection des espèces clés pour effectuer des recherches prioritaires et développer des technologies; iv) un travail sur les méthodes d'acclimatation/domestication.

RACINES ET TUBERCULES SAUVAGES

Les forêts et les bois tropicaux humides abritent des plantes qui produisent des racines amylacées et des tubercules comestibles. Bien que ces produits ne constituent peut-être qu'une collation pour les plus jeunes tout au long de l'année, leur variété et leur potentiel d'amélioration sont très prometteurs pour l'avenir.

LES CHAMPIGNONS: UN POTENTIEL PEU EXPLOITÉ

Le potentiel que représentent les champignons dans les forêts et dans les autres milieux naturels en Afrique est très peu exploité. Pendant de longues périodes, le temps chaud et l'humidité de l'air conjugués offrent d'excellentes conditions pour les champignons. Il en existe plusieurs variétés, dont celles qui poussent sur des racines en décomposition, du bois mort, des termitières, ou directement sur les terres cultivées. Il faut encore beaucoup sensibiliser et informer, mais aussi effectuer des recherches, afin d'améliorer, en Afrique, la connaissance et l'utilisation des champignons dans l'alimentation. La FAO a aidé plusieurs pays à développer la production de champignons mais ce potentiel est encore très peu mis à profit.

FORÊTS, EMPLOIS ET REVENUS

Le débat international sur la gestion durable des forêts ne s'est pas encore traduit par des mesures pratiques et concrètes sur le terrain, mais il contribuera sans doute à améliorer l'utilisation actuelle des forêts. Dans ce débat, la dimension sociale essentielle de la foresterie concerne la possibilité de créer des emplois localement, sur le long terme. Les opérations forestières dans les forêts aménagées se déroulent sans interruption tout au long de l'année: l'exploitation forestière offre de nombreuses possibilités d'emplois et les sociétés spécialisées dans ce domaine, lorsqu'elle sont bien organisées, disposent de programmes sociaux pour assurer le bien-être et la sécurité alimentaire des personnes qu'elles emploient. De telles perspectives existent dans des pays comme le Cameroun, la République démocratique du Congo, la République du Congo, le Ghana et la République centrafricaine.

Le rôle des arbres et l'amélioration de la production agricole

PARCS FORESTIERS, SAVANES ET SYSTÈMES AGROFORESTIERS MODERNES

La plus grande contribution des arbres à la production vivrière et à la sécurité alimentaire se situe au niveau des exploitations. Les arbres, qu'ils soient isolés ou regroupés (rideaux-abris, bosquets), jouent un rôle essentiel dans la production et la sécurité alimentaire. Cela est particulièrement vrai en Afrique où l'agriculture est en phase de transition dans de nombreuses régions caractérisées par de faibles quantités d'intrants et des sols fragiles. L'élaboration de nouveaux systèmes d'agroforesterie et/ou l'amélioration de la gestion et de la conservation des forêts et des arbres traditionnels sont essentiels pour maintenir la productivité des terres et réguler les processus de dégradation et autres obstacles entravant la pérennité des systèmes agricoles. Dans de nombreux pays d'Afrique, plusieurs démarches ont entraîné une modification graduelle de la configuration naturelle initiale des arbres et des forêts conduisant à la création de parcelles de terre délimitées par des arbres, appelées communément parcs agroforestiers. Une démarche similaire peut

aboutir à des parcours bornés par des arbres. Dans ces deux types d'utilisation foncière, les arbres jouent un rôle multifonctionnel, y compris la restauration de la fertilité des sols et la diversification de la production, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire. Les parcs agroforestiers caractérisent la majorité des paysages ruraux subhumides et semi-arides de l'Afrique, et ont été essentiels pour maintenir une production céréalière dans ces régions écogéographiques.

A l'heure actuelle, ces systèmes importants sont gravement menacés et doivent être conservés jusqu'à ce que des systèmes agricoles, plus adaptés, soient mis en place pour les remplacer. Les obstacles à leur conservation sont les suivants:

  • L'utilisation croissante de bois de feu par les populations rurales qui ne disposent pas d'autres sources d'énergie pour cuisiner, et par les ménages démunis en milieu urbain qui n'ont pas accès à d'autres sources d'énergie;
  • Les difficultés biologiques existantes, lorsque les contraintes physiques, écologiques et climatiques sont si importantes que le système ne peut plus se régénérer naturellement et qu'une régénération assistée ne suffit pas;
  • Le manque ou l'insuffisance d'un cadre politique et de directives pour diriger des exploitations foncières et forestières, pour gérer les ressources arboricoles non forestières et pour répondre aux situations où les services de vulgarisation ne tiennent pas compte du problème de l'utilisation durable des terres agricoles.

Les gouvernements, les communautés et les individus doivent s'engager activement pour conserver ces systèmes et leur rôle dans la pérennité des systèmes agricoles, et, ce qui est plus important, pour conserver la diversité biologique des paysages ruraux.

LA COMPOSANTE DE DIVERSIFICATION DU PROGRAMME SPÉCIAL POUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Les arbres, les arbustes et les espèces végétales contribuent directement au maintien et à la régénération de la fertilité des sols en constituant des matières organiques et en ralentissant l'érosion, ce qui est une autre contribution importante à la sécurité alimentaire. Ils aident également à conserver les ressources hydriques en limitant l'écoulement des eaux et en permettant aux sols de mieux absorber l'eau, ce qui augmente les ressources hydriques disponibles pour les divers systèmes agraires, y compris ceux des terres semi-arides. De surcroît, ils apportent une contribution à l'amélioration des méthodes culturales en contrôlant l'engorgement des sols. La diversification et la durabilité des systèmes agricoles sont les raisons principales qui ont amené la FAO à introduire les pratiques agroforestières et la plantation d'arbres dans le Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA). Depuis février 1998, une définition claire du concept de diversification et son intégration au PSSA accorde une place plus importante aux arbres et aux forêts dans le Programme spécial. Cette dimension est importante en Afrique où de nombreux pays nécessitent et reconnaissent le rôle des arbres, en agriculture tant irriguée que pluviale.

La dendroénergie

Les forêts et les arbres sont la principale source d'énergie des ménages en Afrique et continueront à l'être dans un avenir prévisible. Dans le continent africain, la consommation de bois de feu est la plus élevée au monde (0,89 m3 par habitant et par an). On estime que chaque année, les forêts et les arbres fournissent 623 millions de m3. Le bois de feu sert essentiellement à cuisiner, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire et à la nutrition des ménages. Toutefois, dans les zones fragiles, les prélèvements peuvent entraîner un grave déboisement, une perte de la biodiversité et une diminution des possibilités alimentaires offertes par la végétation naturelle. Les politiques forestières, lors de leur formulation et de leur planification, devraient donc tenir compte de l'importance que joue le bois de feu dans la satisfaction des besoins en énergie des ménages. Cet aspect devrait également être intégré dans les programmes de diversification agricole.

Contribution des ressources de la faune sauvage

La conservation des ressources forestières en Afrique n'est pas une tâche aisée. Le continent perd chaque année 4,1 millions d'hectares de forêts. Les zones protégées sont soumises à de nombreuses pressions, comme par exemple le braconnage, les opérations de coupe et le défrichage illégal pour obtenir des terres agricoles. Dans certaines zones, la concentration du bétail a également de graves conséquences sur la faune sauvage. Néanmoins, les ressources de la faune sauvage contribuent beaucoup, et de manière très diverse, à la production vivrière et à la sécurité alimentaire des ménages.

Le gibier est un complément important aux approvisionnements alimentaires et à la nutrition des ménages. Hormis la chasse que pratiquent les adultes, la consommation directe de petits animaux sauvages fournit une remarquable quantité de protéines. Une étude réalisée au Sénégal montre que les enfants, s'alimentant de petits rongeurs, de reptiles et d'oiseaux, absorbent, en moyenne, 400 grammes de protéines, par personne et par mois1.

Dans de nombreuses sociétés, la chasse fournit encore une grande partie de la viande qui est consommée, mais aussi des revenus en espèces qui contribuent à la sécurité alimentaire. Une étude intitulée "Wildlife and Food security in Africa"2 (La faune sauvage et la sécurité alimentaire en Afrique) a décrit et analysé comment la faune est une source d'alimentation, d'emplois et de revenus. Elle conclut - fait important - que "plusieurs nouveaux systèmes de production pour la faune sauvage, tels que l'élevage, les réserves de chasse et la domestication des animaux sauvages, peuvent contribuer de manière significative et durable à la sécurité alimentaire et à la nutrition en Afrique, si des mesures et des approches appropriées sont prises". A moins qu'elle ne soit organisée, la chasse est toutefois condamnée à disparaître en tant que facteur de sécurité alimentaire en Afrique. Plusieurs exemples montrent qu'une bonne gestion des réserves de chasse offre de nombreuses possibilités aux populations locales grâce à la création d'emplois, dans les domaines, par exemple, de l'écotourisme et des safaris-chasse.

De nouvelles tendances émergent vers des systèmes de gestion des ressources naturelles performants qui tiennent compte des communautés, notamment en Afrique australe; ces systèmes aideront à organiser et à moderniser les secteurs de la faune et de la flore sauvages, en permettant d'accroître l'utilisation des ressources fauniques à des fins d'alimentation et de revenus, ce qui contribuera à la diversification de la production vivrière et à la durabilité de la sécurité alimentaire et de la nutrition. En Afrique de l'Ouest, en particulier dans la région du Golfe du Bénin, le gibier fournit de grandes quantités de protéines, et les projets d'élevage de petits rongeurs et d'antilopes sont prometteurs. La composante de diversification du PSSA accorde une place importante à la domestication des petits animaux. L'amélioration de l'organisation du secteur de la faune sauvage nécessitera: i) une ré-orientation de la gestion et de l'utilisation des ressources fauniques vers des programmes plus sensibles aux besoins des communautés; ii) l'intensification des recherches et des applications dans les domaines de la domestication et de l'élevage de la faune sauvage; iii) l'organisation de marchés et l'introduction de règlements y afférent. La faune sauvage de l'Afrique, riche et diversifiée, détient un immense potentiel pour améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition du continent.

Conclusions

La contribution des forêts et des arbres à la sécurité alimentaire en Afrique est importante, diversifiée et précieuse. Elle offre non seulement une source directe d'aliments mais aussi la possibilité de créer des emplois et de générer des revenus. Elle permet également à la majorité des ménages africains, dans les zones tant urbaines que rurales, de se procurer du bois de feu dont ils ont besoin pour satisfaire leurs besoins en énergie. Toutefois, compte tenu des pratiques actuelles, ces contributions ne sont pas durables. Elles ne le deviendront que si les ressources naturelles sont gérées convenablement et que si des investissements substantiels sont consentis dans le secteur forestier (recherches et technologies plus performantes). Des initiatives conjuguées visant à mieux comprendre les pratiques traditionnelles et locales, à répertorier, à mieux gérer les ressources et à intégrer les arbres dans les systèmes agricoles peuvent augmenter l'importance du rôle des forêts dans la sécurité alimentaire en Afrique.

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1/ Dans "Pour une gestion de la faune au Sahel: Enjeux et perspectives de la conservation au Service du développement: le cas de la Mauritanie".
2/ FAO, Conservation Guide No 32: Wildlife and Food Security in Africa, Yaa Ntiamoa Baidu.


FAO/SMIAR - Avril 2000

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