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Les aspects particuliers des problèmes forestiers en zone intertropicale

Le quatrième Congrès forestier mondial devrait marquer une étape importante dans le domaine de la foresterie tropicale. C'est en effet la première manifestation forestière vraiment mondiale dont cet aspect particulier des problèmes de la forêt et du bois doit constituer des préoccupations principales.

On a beaucoup discuté, et on discute encore, de savoir si la foresterie tropicale est réellement une science à part, ou si ce n'est qu'une spécialisation, aux conditions tropicales, des sciences forestières générales, qui ont jusqu'à présent été surtout étudiées dans le cadre des régions tempérées ou froides.

On ne peut nier tout d'abord que les grands principes de la foresterie, qu'il s'agisse de sylviculture, de politique ou d'économie forestières, restent les mêmes sous toutes les latitudes, et qu'ils doivent servir de base à notre action, partout à travers le monde. Mais, lorsque, comme c'est ici le cas, les conditions et les modalités d'application de ces grands principes se posent aussi différemment, on peut admettre qu'il s'agit dans la zone intertropicale, sinon d'une science complètement distincte, tout au moins d'une série de spécialisations dans chacune des grandes disciplines de base qui constituent la foresterie générale.

Sans donc désirer trancher ce dilemme, dont l'intérêt est d'ailleurs beaucoup plus académique que réel, nous voudrions, dans cet exposé, chercher comment il est possible de faire apparaître, à côté des grands principes bien connus dont nous venons de parler, au moins quelques concepts particuliers qui pourraient servir de lignes directrices aux sciences forestières en régions tropicales.

Disons tout d'abord que les différences qui existent en matière forestière entre les zones intertropicales et les zones tempérées ou froides portent sur à peu près tous les facteurs qui conditionnent l'existence de la forêt, son évolution, son traitement, son exploitation et l'utilisation de ses produits. Ces différences sont d'ordre physique, biologique, social, économique et même politique, et aucun de ces facteurs ne peut être négligé.

Nous n'aborderons pas dans cette étude certains problèmes importants, mais très particuliers, tels que ceux des forêts de conifères, des peuplements denses d'essences sociales, des formations édaphiques, etc. Non seulement ces forêts présentent des aspects spéciaux qui font que l'examen des problèmes qu'elles posent peut difficilement entrer dans le cadre général que nous nous sommes fixé, mais surtout ces problèmes sont moins complexes que ceux des forêts hétérogènes, et des études très poussées ont déjà pu être effectuées sur ces types de peuplements. Les travaux de synthèses désirés peuvent donc d'ores et déjà être élaborés pour ces cas particuliers.

La place de la foret tropicale dans l'économie régionale

Bien définir la place que doit occuper la forêt dans le cadre de l'économie d'un pays ou d'une région constitue, certes, une nécessité partout à travers le monde. En zone intertropicale, cette nécessité présente toutefois une originalité et une importance spéciales car elle conditionne, comme nous le verrons, non seulement l'ensemble des problèmes de mise en valeur, mais aussi la façon dont doivent être abordés, à leur base même, les problèmes forestiers particuliers à une région.

Les parties du monde situées au nord et au sud des tropiques sont, en effet, du fait de leur climat, soit des zones de vieille civilisation, soit des régions dont la colonisation s'est emparée en premier lieu, de sorte que leur mise en valeur est, soit achevée, soit sérieusement en cours. La forêt y occupe parfois une place suffisante; souvent aussi elle a été trop fortement attaquée, de sorte que, dans bien des cas, la question forestière se limite aux aspects gestion, conservation ou reforestation, dans des conditions en général bien connues.

Dans la zone intertropicale, si nous rencontrons parfois des régions peuplées et intensivement développées au point de vue agricole, souvent, par contre, nous avons affaire à des pays relativement neufs, dans lesquels le développement économique ne fait que prendre son essor et où il est possible de planifier. Par ailleurs, les conditions de climat, de sol et de végétation sont telles que cette planification de base est indispensable à la fois pour assurer le maintien d'un équilibre naturel déjà précaire et pour permettre l'installation d'une économie stable. Les conditions spéciales qui se présentent ici au planificateur sont en effet nouvelles et difficiles; l'hétérogénéité de la forêt et la méconnaissance de ses produits en constituent un des éléments.

Il est tout d'abord indispensable, dans une planification, d'établir la balance entre les futures activités agricoles et industrielles. Ce qui donne tant d'importance au problème forestier et à la place que doit tenir la forêt dans l'équilibre et dans l'économie des diverses régions de la zone intertropicale est le fait que, ici plus qu'ailleurs, la forêt joue un rôle primordial tant au sein de l'économie agricole que dans le cadre de l'économie industrielle.

Il nous faudra donc déterminer pour cette planification:

1. La balance générale entre les activités agricoles et industrielles.

2. La place que doit occuper la forêt (permanente et temporaire) dans le complexe rural et dans le cadre des activités purement agricoles, compte tenu non seulement des nécessités générales de protection et de la vocation physique et économique des terres mais aussi de certaines pratiques spéciales telles que, par exemple, la culture nomade.

3. La place que doivent tenir les industries forestières dans le cadre des activités industrielles, compte tenu du fait que la forêt occupe une très grande place et qu'elle constitue donc un potentiel de richesses naturelles renouvelables qui ne peut être, à priori, considéré comme d'intérêt secondaire. Pour arriver, par région, à une décision dans ces domaines, toute une série d'études, en vue d'une planification complète, est nécessaire, et nous arrivons au premier concept qui doit guider le forestier en région tropicale:

A. L'action forestière en région tropicale ne peut pas être envisagée sous forme isolée et dans un cadre purement forestier.

Etant donné le stade actuel de développement de la majorité de ces régions, si l'on en excepte les zones riches et très peuplées, la nécessité de préparer leur mise en valeur sur une base parfaitement rationnelle, les difficultés spéciales inhérentes aux conditions de sol, de climat et de végétation, l'existence de certains usages, coutumes et droits ancestraux qu'il est difficile de modifier ou d'abolir rapidement, il est indispensable que cette action forestière soit dès le début entreprise:

a) dans le cadre général du complexe rural, sur la base d'un «plan» de protection et d'utilisation rationnelle des sols,

b) dans le cadre des possibilités générales de développement économique de la région, sur la base d'un «plan» de mise en valeur agricole et industrielle.

Inventaires forestiers

Qui dit «plan», dit une connaissance préalable aussi profonde que possible des conditions naturelles du milieu et cette connaissance ne peut être acquise que par un inventaire complet des ressources naturelles. En région tropicale, l'inventaire forestier constitue certainement la partie la plus importante de cet inventaire général et nous pouvons conclure que le premier concept de foresterie tropicale que nous avons posé amène le technicien à concentrer au début ses activités au domaine des inventaires.

C'est la raison pour laquelle le problème de l'inventaire des forêts tropicales a été considéré comme un des points capitaux à inscrire au programme du quatrième Congrès forestier mondial.

Nous n'entrerons pas ici dans les détails techniques concernant les difficultés spéciales de réalisation de ces inventaires; nous nous bornerons à insister sur le fait qu'en région tropicale, en raison surtout de la diversité des formations forestières et de leur hétérogénéité, l'inventaire constitue un problème complexe qui ne peut, en aucune façon, être traité sans le concours complet et constant des forestiers travaillant en forêt. Qu'il s'agisse d'inventaires rapides en vue d'obtenir la cartographie nécessaire pour la préparation d'une politique de protection de massifs boisés, ou qu'il s'agisse de prospections quantitatives et qualitatives sérieuses pour l'élaboration de plans d'aménagement et d'exploitation, les spécialistes de la photographie aérienne doivent travailler en contact constant, non seulement avec les prospecteurs qui procèdent aux échantillonnages et aux mensurations au sol, mais aussi directement avec les services forestiers qui doivent avoir la responsabilité de guider les travaux, de coordonner les diverses actions et surtout de tirer les conclusions indispensables lors de l'élaboration du plan de développement demandé.

Agriculture nomade

Avant d'abandonner ce premier aspect de la foresterie tropicale, nous voudrions, dans le cadre de ce chapitre qui traite de la place de la forêt dans l'économie régionale, insister sur l'une des particularités les plus délicates du programme d'utilisation forestière, le problème de l'agriculture nomade.

S'il s'agissait d'une économie agricole normale, l'élaboration d'un plan nous amènerait, après les études d'inventaires, à une répartition des terres en trois grandes classes, que ces terres soient ou non à l'origine recouvertes de forêts.

1. Les terres sur lesquelles la forêt doit être obligatoirement maintenue ou reconstituée pour former la «forêt climax».

2. Les terres à vocation nettement agricole.

3. Les terres de qualités et de situation intermédiaires, aux possibilités d'utilisation multiples, et dont la vocation devra être surtout déterminée sur des bases économiques, dans le cadre du plan général de développement qui a été élaboré.

L'affectation de ces terres intermédiaires constitue partout un problème délicat; il se complique en région tropicale du fait de la pratique généralisée de l'agriculture nomade.

Certains considèrent l'agriculture nomade comme un simple droit d'usage traditionnel des autochtones sur la forêt et veulent de ce fait charger le seul forestier de résoudre ce problème par voie de suppression ou de cantonnement. D'autres, au contraire, ne veulent voir que l'aspect agricole et la solution qui consisterait à stabiliser l'agriculture indigène. Le problème est infiniment moins simple et doit obligatoirement être placé dans le cadre général du complexe rural tropical.

L'agriculture nomade, telle qu'elle était traditionnellement pratiquée par les autochtones avant l'arrivée des colonisateurs, ne présentait pas de réels dangers, spécialement dans la zone intertropicale humide. Il s'était instauré un équilibre, du fait que cette culture se trouvait cantonnée sur des sols de compositions physique et chimique convenables - sols qui sont d'ailleurs assez limités en zone forestière, contrairement à une croyance trop répandue - et du fait que les défrichements revenaient selon une rotation qui constituait en réalité un véritable assolement dans lequel était inclus une jachère forestière, d'une durée suffisante pour permettre une reconstitution de la forêt et une régénération de la fertilité du sol.

La culture nomade était donc limitée aux conditions suivantes que les autochtones, dans leur intérêt, cherchaient à respecter:

a) sols convenables, ne se détériorant pas trop rapidement après un découvert;

b) assolement de cultures agricoles ne laissant pas trop longtemps le sol en butte aux agents atmosphériques, et dans lequel était inclus une jachère forestière de durée suffisante pour permettre à la fois la reconstitution du peuplement forestier et de l'humus du sol;

c) climat permettant l'apparition rapide d'un recru forestier secondaire dense et une évolution de ce recru vers une forme de peuplement forestier stable.

Du fait de l'arrivée des colonisateurs, qui devait provoquer un dévelopment agricole accéléré, cet équilibre s'est, dans de nombreux cas, trouvé rompu (introduction de cultures industrielles, modification des cultures vivrières traditionnelles, augmentation de la consommation alimentaire locale par amélioration des standards de vie).

Il a fallu produire davantage et, l'agriculteur n'étant pas prêt à procéder par augmentation de rendement, il a dû accroître la superficie des terres cultivées. Il a tout d'abord cherché à utiliser plus complètement les terres encore disponibles et présentant les caractéristiques convenables dans le sens d'une vocation pour la culture nomade. Mais, souvent, de telles terres n'existaient que sur des superficies insuffisantes et surtout elles étaient trop éloignées des lieux traditionnels de culture des villages. Dans de nombreux cas, l'autochtone a donc, soit été dans l'obligation, soit préféré: a) porter les cultures sur des sols plus délicats, ou b) surtout revenir plus souvent sur les mêmes terrains, ce qui l'obligeait à réduire la durée indispensable de la jachère forestière. Dans les deux cas, les résultats ont été une dégradation progressive des sols, d'où une diminution du potentiel de productivité agricole, et la disparition ou l'appauvrissement de certaines surfaces boisées, avec des conséquences indirectes, mais aussi directes, sur l'économie forestière.

La culture nomade est donc devenue dangereuse le jour où elle a perdu de son nomadisme sans contrepartie. Elle est en fait devenue dangereuse le jour où elle ne constituait plus réellement une agriculture sur sols forestiers.

Le but de toute étude sur la culture nomade est donc double:

1. Préciser les mesures à prendre (modification des techniques agricoles utilisant ou non les pratiques de l'agriculture nomade) pour obtenir une production égale ou accrue, et cela sans dégradation des sols.

2. Assurer le maintien, en superficie et en valeur, du minimum de peuplements forestiers, non soumis à l'agriculture nomade, indispensables dans une région:

a) pour la sauvegarde des sols, du climat et du régime des eaux;

b) pour assurer les besoins de l'exploitation, en vue de la satisfaction des besoins locaux en bois ou dans le cadre d'une économie équilibrée.

Le problème, ainsi posé d'une façon simple et sans doute trop schématique, montre bien néanmoins de quelle façon nous devons chercher une solution et le rôle que le forestier doit avoir dans les études à effectuer, dans les décisions à prendre, dans les responsabilités à assumer. Toutes les solutions envisagées pour améliorer les conditions de l'agriculture nomade sont tout d'abord à base de programme d'utilisation des sols et des forêts, donc à base d'inventaires, mais elles doivent également tenir compte des conditions locales et des possibilités d'introduction des diverses techniques agricoles et forestières, ainsi que des conditions sociales et politiques, présentes ou à atteindre dans la région.

Partout où l'agriculture nomade existe, il sera impossible d'élaborer et de mettre en œuvre une politique forestière, qu'il s'agisse de besoins de protection ou de désir de développement, sans tenir compte de la nécessité impérieuse de trouver en même temps une solution au problème agricole. Ceci renforce singulièrement, à notre avis, la valeur du premier concept de foresterie tropicale que nous avons fait apparaître et c'est pourquoi, là encore, le problème de l'agriculture nomade a été considéré comme un des points particuliers à inscrire au programme du quatrième Congrès forestier mondial.

La gestion et le traitement de la forêt

L'élaboration d'un plan n'est possible que lorsque l'on connaît suffisamment la valeur des divers éléments qui entrent en jeu. Or, dans la zone intertropicale à d'assez rares exceptions près (lorsqu'il s'agit de peuplements purs ou de forêts d'essences sociales), nous ignorons, dans le présent et surtout pour l'avenir, quelle est et quelle sera la valeur exacte du capital forestier. L'auteur d'un plan qui prépare une action forestière, forcément à long terme, doit donc savoir ce que le technicien compte faire de sa forêt, comment il désire la traiter et la gérer, quel genre de produits et quelles quantités il compte obtenir.

Il est bien certain qu'en dehors des boisements de pure protection, aucun forestier n'envisage de laisser la forêt tropicale hétérogène se maintenir sous sa forme naturelle actuelle. La complexité des peuplements, la mauvaise qualité d'une grande partie de ses produits rendent l'exploitation et l'utilisation difficiles sur les plans techniques et économiques.

Mais le forestier doit ici évoluer entre deux écueils, la nécessité impérieuse de transformer sa forêt, et certains dangers de cette transformation qui risque parfois de rompre un équilibre végétation/sol, particulièrement délicat en région tropicale.

Il n'est pas question de faire ici ni un historique ni une étude complète de l'évolution de la foresterie tropicale. Nous nous bornerons à faire un essai de synthèse rapide et à définir schématiquement quelles sont les diverses écoles qui sont apparues dans ce domaine, ceci en vue d'orienter les discussions à venir. Passant sans insister sur ce que nous pouvons appeler l'enfance de la sylviculture tropicale, nous pouvons dire qu'assez rapidement les techniciens, considérant que l'exploitation économique des forêts de ces régions se cantonnait à un nombre extrêmement limité d'essences commercialisables, donc, à l'époque, exportables, ont cherché à faire évoluer la forêt dans le sens de l'enrichissement en ces essences. Certains sont en faveur d'un enrichissement naturel, d'autres sont partisans d'un enrichissement artificiel. Pour chacun des deux cas, et très souvent sous une forme mixte, de nombreuses méthodes ont été conçues et mises au point.

Le nombre des essences commercialisables, en vue de l'exportation s'est accru petit à petit; les besoins locaux surtout sont devenus appréciables¹; enfin des industries forestières de transformation, capables d'absorber un nombre beaucoup plus important d'essences de la forêt hétérogène, se sont créées dans les zones forestières elles-mêmes. La théorie de l'utilisation totale des produits de la forêt tropicale a alors été formulée, mais il est rapidement apparu que si, théoriquement, il était nécessaire de chercher à atteindre ce but, la solution pratique était infiniment plus complexe à trouver et que, même avec l'aide de certaines industries chimiques utilisant en principe, non pas des essences spéciales, mais le matériau bois, l'utilisation totale était soit techniquement difficile, soit encore économiquement à prohiber. La théorie s'est donc aménagée pour devenir celle de l'utilisation optima des produits de la forêt tropicale et, dans certains cas, il a été possible de définir un maximum appréciable d'essences économiquement utilisables. La sylviculture a alors cherché à employer l'exploitation de ces essences comme méthode d'action et comme moyen économique de faire évoluer le peuplement forestier vers un type moins hétérogène, donc plus complètement utilisable.

¹ Et devraient s'accroître dans l'avenir pour permettre une amélioration des conditions de vie dos populations.

Les difficultés techniques qui sont apparues avec ces diverses méthodes, tant dans le domaine sylvicole que dans le domaine industriel, pour obtenir une évolution puis une transformation économique des produits de la forêt, ont, de tout temps, amené certains techniciens à penser d'une façon beaucoup plus révolutionnaire et à envisager carrément la destruction de la forêt primitive et son remplacement par des peuplements d'essences pures. Cette théorie qui, jusqu'ici, n'avait que relativement peu de partisans, a tendance aujourd'hui à prendre une place plus importante, du fait principalement des études récemment entreprises en vue de la création, en régions tropicales, d'importances usines de pâte. Les besoins en papier ayant augmenté considérablement et la nécessité de décentralisation de la production étant apparue, de nombreux techniciens pensent qu'étant donné la rapidité de croissance de certaines essences sous ces climats et leur facilité technique de traitement, la création de peuplements purs, résineux ou feuillus, serait la seule solution au problème de l'approvisionnement des nouvelles usines de pâte².

² Les perspectives d'une telle évolution sont présentées dans l'étude FAO/ONU la pâte et le papier dans le monde: Ressources et perspectives, qui doit paraître prochainement.

Telles sont donc, très schématiquement, nous tenons à la redire, les trois grandes écoles qui se sont manifestées dans le domaine de la sylviculture tropicale:

a) l'enrichissement;

b) l'évolution progressive des peuplements vers une forme moins hétérogène;

c) la transformation de peuplements hétérogènes en peuplements purs.

Nous ne désirons pas, et nous n'en avons d'ailleurs pas la possibilité, discuter dans le fond chacune des méthodes préconisées et formuler des conclusions définitives. Le but de cet article étant de chercher à définir quelques grands principes généraux, voyons si, dans le domaine de la gestion et du traitement de la forêt, il nous est possible, à la lumière de l'expérience passée, de guider l'action future.

Nous avons vu successivement:

a) qu'il était indispensable de faire évoluer ou de transformer l'état des peuplements vierges hétérogènes;

b) que cette évolution ou cette transformation devait permettre une exploitation et une utilisation économique des produits de la forêt;

c) que certaines transformations des peuplements pouvaient présenter des dangers, soit pour la forêt elle-même, soit pour les sols qu'elle recouvre, ceci pour des raisons surtout climatiques.

Ce qui nous autorise à formuler notre deuxième concept général.

B. L'action forestière en région tropicale doit s'exercer, lorsque cela est possible, dans le sens d'une évolution ou d'une transformation des peuplements hétérogènes vers une forme plus économiquement utilisable, mais cette évolution ou transformation doit se faire en tenant compte des conditions existantes de sol, de climat et de végétation, afin d'amener à la création de peuplements nouveaux, de forme et de composition stables et ne présentant pas de dangers.

Ce concept nous conduira sans doute à préconiser dans de très nombreux cas, une évolution lente, du genre enrichissement ou transformation par pratiques sylvicoles normales. Il n'exclut pas, toutefois, dans des cas bien déterminés, certaines modifications radicales, telles que plantations artificielles d'essences indigènes ou exotiques, à condition toutefois que ces opérations, presque toujours très dangereuses, soient effectuées en des lieux présentant sols et climat convenables, et avec toutes les précautions qu'exigent, à long terme, de telles opérations.

Compte tenu des restrictions signalées, ce concept doit s'appliquer dans le cas des forêts de protection mais ici la notion de stabilité prend une importance primordiale. Maintenir à tout moment un complexe sol/végétation stable et convenable doit être ici plus encore qu'ailleurs la préoccupation dominante du forestier.

Enfin, lorsqu'il s'agit de boisements de zones sèches, sans grande valeur économique, le concept reste néanmoins valable. Même si ces forêts ont principalement un intérêt de protection, elles ont toujours une certaine valeur économique, aussi faible soit-elle. Or, nul n'ignore que le profit tiré d'une forêt constitue le meilleur argument en faveur de sa protection. Il est donc judicieux de prévoir là encore une amélioration économique prudente de ces formes de peuplements.

Lors de la définition et de la discussion de ce deuxième concept, le facteur économique a constamment été évoqué, mais il est surtout apparu dans le but à atteindre. Le troisième concept que nous allons tenter de formuler est, lui, directement axé vers des considérations économiques, qu'il s'agisse du but à atteindre ou des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.

Il est indispensable de faire évoluer ou de transformer la forêt, tout en la maintenant dans une forme stable. Ce concept pose donc une série de problèmes techniques, auxquels, comme nous l'avons vu, les forestiers tropicaux se sont déjà sérieusement attaqués.

L'expérience passée nous montre toutefois qu'il est impossible de déterminer l'action forestière en se basant sur ce seul aspect technique, et qu'il est indispensable que les opérations à effectuer sur la forêt gardent un caractère économique, la notion économique étant prise ici dans son sens le plus large, surtout lorsqu'il s'agit de forêts de protection. En un mot, il faut que, dans les conditions du lieu, pour employer un langage terre à terre, les opérations et pratiques forestières soient «payantes». Il est toujours possible techniquement de reforester une zone aride ou de transformer une forêt hétérogène en un peuplement d'essence sociale, conformément aux principes précédemment établis. Reste à savoir si nous avons réellement intérêt à le faire et si l'opération est économiquement judicieuse. La foresterie tropicale doit sortir dans bien des cas du stade de la recherche, même si cette recherche est entreprise sur de vastes espaces et prend la forme de véritables travaux. En corollaire, la recherche forestière en région tropicale doit, comme nous le verrons plus loin, s'orienter vers les considérations économiques qui permettront la mise en œuvre des résultats acquis.

Nous proposerions donc l'adoption d'un troisième concept, ainsi défini:

C. L'action forestière en région tropicale doit être spécialement orientée vers la mise au point de techniques et de pratiques possibles à réaliser économiquement dans le cadre de conditions locales toujours difficiles, étant donné l'hétérogénéité de la forêt, le stade de développement, la structure sociale et surtout l'incertitude, beaucoup plus grande qu'en régions tempérées, des véritables perspectives. L'intérêt économique de ces techniques et de ces pratiques doit donc être évalué, non seulement sur la base du coût même d'exécution initiale, mais aussi compte tenu des travaux qu'il sera ultérieurement nécessaire d'effectuer, et surtout de l'intérêt final et à long terme de l'opération qu'il faudra chercher à évaluer, qu'il s'agisse de besoins de protection ou de buts lucratifs d'exploitation.

Ce concept nous paraît particulièrement intéressant du fait qu'il fait apparaître la notion nouvelle des conditions locales dans le domaine économique et social. Certaines pratiques sylvicoles impliquant, par exemple, des dégagements, seront intéressantes à effectuer en forêt hétérogène dans des pays très peuplés, comme Porto Rico ou Java, puisque les produits d'éclaircie ont une valeur marchande appréciable, et que leur vente réduira sérieusement le coût de l'opération; en Amazone, ou dans certaines régions d'Afrique, au contraire, ces produits ne constituent que des déchets inutilisables. Il en est de même pour l'installation de boisements artificiels de protection ou de production en région tropicale, où, la plupart du temps, il n'existe pas encore sur place les débouchés indispensables pour absorber les produits intermédiaires; les opérations prennent de ce fait un caractère de long terme hasardeux.

Enfin, cette notion montre qu'il est indispensable de savoir à l'avance ce que l'on veut finalement, à longue échéance, obtenir et utiliser, afin de fixer les modes d'opération et de chiffrer, au moins approximativement, les résultats à escompter. C'est peut-être là le problème le plus délicat qui se pose au forestier tropical qui ignore dans ce domaine complexe de l'utilisation de la forêt hétérogène tropicale l'évolution possible des techniques industrielles, les désirs et besoins des futurs consommateurs, localement ou à l'exportation. C'est un lieu commun de dire que le forestier travaille pour les générations à venir; cette difficulté supplémentaire dans son action ne doit pas être négligée et ceci constitue un argument supplémentaire en faveur de la première partie de l'exposé relative à la nécessité d'une planification d'ensemble. Le traitement des forêts dépendra du plan d'installations industrielles et des possibilités à long terme des divers marchés, telles que l'auteur du plan aura été en mesure de les définir.

L'aspect industriel du problème de la foresterie tropicale

Nous ne voudrions pas, dans ce domaine particulier et relativement éloigné de la foresterie proprement dite, poser de nouveaux principes, mais plutôt chercher à clarifier ceux qui, depuis plusieurs années déjà, ont été élaborés et ont servi de base à des projets ou à des réalisations partielles. Ces concepts qui, comme nous venons de le voir, conditionnent la gestion de la forêt, peuvent être ramenés à deux, d'ailleurs nettement corollaires: le premier a trait à l'intérêt d'une exploitation et d'une utilisation totale des produits de la forêt tropicale, le second est basé sur la nécessité absolue d'une intégration des industries forestières dans cette zone. L'expérience récente d'actions entreprises dans des pays industriellement sous - développés nous a montré, à côté de la valeur théorique incontestable de ces principes, qui doivent constituer, pour tout auteur de plan, l'idéal à atteindre à plus ou moins long terme, la difficulté de leur mise en œuvre immédiate sous leur forme absolue. L'intégration, l'utilisation totale, sont des moyens, et certainement les meilleurs, pour atteindre les objectifs désirables; ils ne constituent pas des buts en soi à réaliser à tout prix au cours de la première phase d'industrialisation.

La plupart du temps, il n'est pas possible financièrement et économiquement de créer, dès le début de la mise en valeur d'un pays, ni une série d'industries parfaitement intégrées, ni certaines industries spéciales permettant d'utiliser les produits de la forêt dans leur ensemble. La mise en valeur industrielle doit être établie avant tout sur une base économique et démarrer par la création des seules industries à la fois techniquement faciles à installer et économiquement rentables pendant la durée de leur amortissement. Il s'agit, avant tout, d'une question de besoins, d'un problème de marchés intéressants pour l'économie du pays, à court et à moyen terme. Il va de soi qu'il faut s'attacher à ce que de telles industries puissent, dans un avenir aussi rapproché que possible, s'inscrire dans le cadre d'industries intégrées, et permettre une utilisation aussi complète que possible des produits de la forêt, mais ceci ne sera recherché que lorsque les possibilités financières et les conditions économiques le permettront. En un mot, nous conservons aux concepts leur valeur; nous pensons toutefois que leur mise en œuvre doit être échelonnée dans le temps.

Cette digression dans le domaine industriel nous paraît importante au point de vue forestier, car une telle évolution, plus lente que celle qui était préconisée il y a quelques années, permettra d'adapter plus aisément les techniques forestières aux nécessités économiques, ce qui est, comme nous l'avons vu, un des problèmes les plus ardus de la sylviculture tropicale.

Les problèmes spéciaux de protection en zones arides

Lorsque nous avons traité de la place de la forêt tropicale dans l'économie régionale, de même que lorsque nous avons parlé de la gestion et du traitement des forêts, nous nous sommes surtout attachés aux problèmes qui se posent dans la zone tropicale humide. Il est bien certain que le forestier ne doit pas limiter ses activités à ce domaine, certes extrêmement important; son action doit aussi s'exercer sur les zones sèches, semi-arides, arides et voire même désertiques qui couvrent de très importantes surfaces dans la zone intertropicale.

Sans entrer dans les détails des théories nombreuses qui ont été émises sur l'origine et sur l'évolution des conditions climatiques spéciales qui existent dans ces régions, sans vouloir contester que certains pays, aujourd'hui déserts, étaient encore relativement peuplés au cours de la période historique, nous pensons que, si ces conditions climatiques spéciales ne sont pas à l'origine le fait de l'homme, leur aggravation constante est au contraire nettement due à des causes humaines, en particulier au déboisement.

Le concept que nous voudrions maintenant définir ne présente que peu d'intérêt pour le scientiste et pour le technicien forestier qui n'ignorent rien de ces faits; nous croyons toutefois utile de le concrétiser ici afin d'éclairer les autorités non techniciennes qui ont à juger et à décider en haut lieu des politiques forestières et de leur éviter de tomber dans certaines erreurs encore trop répandues.

Nous dirions donc que:

D. Si les conditions climatiques extrêmes qui existent dans certaines régions et qui ont amené, dans les cas les plus graves, à des désertifications complètes, ne doivent pas, à l'origine, être considérées comme le fait de l'homme, l'aggravation de ces conditions et la progression des déserts sont certainement dues à l'action humaine. S'il est, en conséquence, hasardeux d'élaborer une politique et d'envisager une action forestière dont le but serait de modifier radicalement ces conditions, il est par contre indispensable d'agir directement sur les causes humaines qui ont provoqué et qui provoquent encore, à l'heure actuelle, leur aggravation progressive.

Nous venons ainsi de limiter le domaine d'action du forestier en zone sèche; il reste encore extrêmement vaste. Pour nous permettre de le définir avec plus de précision, il nous faut passer en revue les divers types d'intérêt que présentent les forêts, ou plutôt les boisements de caractère aride.

Leur intérêt climatique et de protection a souvent été controversé. S'il est exact que leur action sur le climat général est faible, du fait du caractère même des peuplements, il est certain également que leur rôle dans la protection des sols, en particulier contre un assèchement trop rapide et surtout une érosion éolienne intense, ne peut pas être nié. Par ailleurs l'influence des boisements sur les échanges d'humidité entre l'air et le sol est loin d'être négligeable, surtout lorsque la forêt agit non pas sous forme de peuplements isolés, mais en masse, et étant admis que cette influence garde un caractère local.

Le rôle de la forêt dans le cadre du complexe rural est ici tout aussi important qu'en région tropicale humide. Le défrichement est, comme nous l'avons vu, une des causes humaines principales de l'aggravation des conditions extrêmes qui rendent l'agriculture difficile et amènent à la désertification. Les forêts des parties les plus humides de ces zones sèches, donc des régions les plus favorables à l'agriculture, sont les plus sérieusement menacées; le rythme du nomadisme agricole a tendance à s'accélérer et rapidement les boisements sont dans l'impossibilité de se reconstituer. Des études sérieuses et dos mesures de protection doivent être prises pour arrêter ou limiter ces dévastations, dans l'intérêt même des agriculteurs; souvent, il sera nécessaire d'envisager une véritable transformation de l'économie locale si l'on veut éviter une destruction totale de la forêt.

Mais les zones sèches, arides et prédésertiques, avec leurs formations sylvo-steppiques, sont, en général, le domaine des pasteurs et le siège d'un nomadisme pastoral ou le plus souvent de transhumances constantes. L'utilisation de ces espaces typiquement sylvo-pastoraux pose des problèmes techniques, sociaux et souvent même politiques; l'utilisation régulière d'une partie de la végétation forestière comme fourrage de saison sèche est presque partout considérée comme une nécessité.

Enfin, le rôle économique de ces boisements pauvres ne peut, dans bien des cas, être contesté, mais, si les précautions nécessaires ne sont pas prises, cet intérêt risque de constituer une nouvelle cause de destruction; le forestier doit donc s'attacher à assurer sans dangers la satisfaction de ces besoins économiques.

Ces considérations nous amènent à concevoir le nouveau principe suivant:

E. Les boisements des régions sèches, arides et subdésertiques ont à se défendre à la fois contre des conditions climatiques extrêmes, très défavorables, et contre l'action de l'homme. La foresterie se heurte, de ce fait, dans ces régions, à des difficultés techniques très graves rendant élevé le coût de toute opération. L'action doit donc être surtout extensive, dans le cadre d'une politique à long terme. Cette politique doit être élaborée en tenant compte des divers intérêts que présentent les peuplements forestiers.

L'intérêt climatique étant faible en intensité et limité dans l'espace, il est nécessaire d'agir sur de vastes étendues, situées à proximité même des zones agricoles. Toujours sur la base d'un plan d'utilisation des sols et des ressources naturelles existantes, l'économie agricole doit être ravisée en donnant toute l'importance qu'ils méritent aux problèmes sylvo-pastoraux et aux problèmes de protection forestière.

Etant donné les difficultés techniques et les coûts d'exécution, les diverses opérations devront être menées aussi économiquement que possible, donc surtout axées vers des mesures de protection ou une sylviculture extensive. L'emploi de certaines pratiques artificielles peu coûteuses, spécialement adaptées aux régions très sèches, est à préconiser, lorsque la création de nouveaux boisements est indispensable pour des raisons d'intérêt général. Les méthodes ordinaires de reboisement, avec ou sans irrigation, doivent être limitées à des cas très particuliers, surtout pour la satisfaction de besoins industriels spéciaux.

La place de la recherche dans la foresterie tropicale

Qu'il s'agisse de la zone tropicale humide ou des régions tropicales sèches, arides ou prédésertiques, la foresterie se heurte, comme nous l'avons vu, à deux séries de difficultés spéciales, techniques et économiques, inhérentes aux conditions locales.

Le but des recherches est tout d'abord de résoudre les difficultés techniques et, sous cet aspect limité, l'obstacle est relativement facile à franchir avec une bonne organisation, de bons programmes, de bons techniciens et chercheurs. Les difficultés réelles apparaissent lorsqu'il s'agit d'orienter et de diriger ces recherches pour aider l'exécution de réalisations pratiques dans le cadre des conditions d'une région déterminée.

Mais il est également nécessaire, pour orienter le chercheur, de connaître les buts à atteindre, et nous avons vu que, dans bien des cas, ces buts n'étaient pas encore définis avec précision. Nous sommes en présence d'un dilemme qu'il faut trancher et nous en venons à la liaison nécessaire entre l'élaboration d'un plan et la recherche. Certaines recherches, surtout techniques, doivent obligatoirement précéder et aider à l'élaboration d'un plan. Pour d'autres, il nous faudra délibérément prévoir l'avenir pour le préparer. Enfin, certaines recherches, nettement orientées, ne pourront au contraire être exécutées que sur la base du plan élaboré et en vue de résultats bien définis à obtenir.

La foresterie tropicale est une science neuve, vaste et complexe. La diversité des problèmes à résoudre, et qui doivent, en premier lieu, être soumis aux chercheurs, a amené certains à préconiser une coordination et surtout une concentration des recherches à effectuer à travers le monde, ceci afin d'éviter la répétition de travaux inutiles, et de pouvoir travailler mieux et plus vite. Cette idée, qui serait une extension mondiale du principe maintenant adopté de l'intérêt de recherches régionales, est certes attrayante et ne doit pas être rejetée à priori. Nous devons toutefois signaler quelques difficultés sérieuses que présenterait son exécution lorsqu'il s'agit de recherches orientées.

L'intérêt des recherches régionales réside dans le fait que certaines recherches peuvent aisément, dans une région, être concentrées par «sujet» ou par «ambiance». On peut sans difficulté envisager une station du peuplier pour le Proche-Orient, une station forestière des Andes tropicales en Amérique latine. Pour la zone intertropicale considérée dans le cadre mondial, les conditions générales semblables de sol, de climat et d'altitude, qui devraient en principe permettre la concentration, se trouvent très souvent faussées, comme nous l'avons déjà signalé, par des considérations locales variables dans les domaines économique, politique et social. La recherche forestière peut difficilement être orientée à Porto Rico pour servir à certaines zones de conditions semblables de la Nouvelle-Guinée, compte tenu des facteurs sociaux et économiques qui doivent amener à des conceptions différentes de la foresterie. De telles difficultés, si elles ne doivent pas être négligées, ne sont pourtant pas insolubles; elles réduisent le degré de concentration possible, nous ramenant de la conception mondiale à la conception régionale, mais ne portent pas atteinte à la notion de nécessité d'échanges d'information et même de coordination dont l'intérêt, sur le plan technique pur, est indéniable. Un effort doit donc être tenté dans ce domaine.

Les considérations qui précèdent n'ont la prétention de constituer ni une étude, ni une synthèse. Elles ne cherchent surtout pas à fournir, dès aujourd'hui, une solution ou des conclusions aux nombreux et difficiles problèmes que pose la foresterie tropicale. Le seul but recherché a été de mettre un peu d'ordre dans un débat important et de faire apparaître quelques faits et quelques principes. S'il est admis que ces principes peuvent être considérés comme acquis, et, de ce fait, adoptés, la discussion pourra ensuite se limiter aux aspects les plus urgents de problèmes qui se posent dans le cadre des ces concepts généraux.

Certes, le forestier, non spécialisé dans le domaine tropical, peut penser, à la lecture de certains des concepts énoncés, qu'ils ne présentent pas un caractère particulièrement original et qu'ils ne constituent qu'une sélection parmi des principes généraux de politique et d'économie forestières, valables partout à travers le monde. Une telle impression est d'ailleurs exacte, et pourrait donner une réponse à la question posée dans la première partie de cet exposé relative à l'existence d'une science spéciale: la foresterie tropicale.

Nous avons cru toutefois devoir les faire ressortir du fait que les caractères très accentués que l'on rencontre, partout dans la zone en question, leur donnent là une force particulière. Ils permettront, croyons - nous de mieux situer les problèmes forestiers tropicaux, car, s'ils sont valables partout, ils ont en région tropicale une importance toute particulière.

Les débats du quatrième Congrès forestier mondial, qui doit grouper les meilleurs spécialistes de la foresterie tropicale, nous fourniront certainement les éléments nécessaires qui nous permettront de clarifier entièrement la situation, d'élaborer et d'approuver de véritables principes, et d'effectuer le travail de synthèse et d'orientation que désirent tous les techniciens des tropiques.


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