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Forêts et développement économique

Rôle et place des forêts dans l'économie générale des terres et le développement économique


Fil directeur pour la, formulation de politiques forestières
Le programme du quatrième congres forestier mondial

Depuis 150 ans environ, le monde a subi une rapide évolution, due à la puissance des moyens que le développement des sciences et des techniques a mis à la disposition de l'homme.

Ces moyens lui permettent de modifier - pour le mieux ou pour le pire - ses conditions d'existence, et cela en un temps relativement court par rapport à la lenteur des transformations que ces conditions ont subies au cours des millénaires précédents et dans le cadre de civilisations diverses.

Certaines régions du globe ont été encore peu touchées par cette évolution, qu'à l'échelle des temps historiques il vaudrait mieux appeler une révolution. Mais, le développement des échanges tant matériels qu'intellectuels en étant un des traits caractéristiques, il n'est pas douteux que toutes seront tôt ou tard affectées, sous des formes peut-être différentes, par ses conséquences de tous ordres: physiques, sociales et politiques.

Effets de l'évolution sur l'utilisation des sols

La lente évolution subie au cours des siècles précédents avait provoqué une répartition de l'utilisation des sols correspondant à un équilibre parfois stable et souvent très précaire. Cette évolution n'avait pas été, du reste, à sens unique: les périodes de paix et de développement démographique, par exemple, ont, d'une façon générale, favorisé le défrichement et l'extension des terres consacrées à l'agriculture ou au pâturage. Les périodes de guerre, parfois accompagnées de la ruine de civilisations entières, permettaient à la forêt de reprendre tout ou partie du terrain perdu. Le point d'aboutissement de cette évolution a été très différent suivant les régions, les climats et les civilisations. Dans de trop nombreuses parties du monde, la rigueur du climat a empêché la forêt ou d'autres formations végétales de reprendre pied sur les terrains qu'elles avaient perdus et où leur couvert était cependant indispensable à la stabilité du sol ou à la conservation de sa fertilité; les formations herbacées primaires ou secondaires ont été soumises à un parcours désordonné et fréquemment aussi à l'action inconsidérée du feu; le résultat final de cette évolution a été le désert. Dans d'autres régions, par suite de circonstances diverses et surtout de la faible densité de la population humaine, les formations végétales naturelles ont maintenu intégralement leur emprise.

De toutes façons, il est évident qu'au cours de cette longue évolution historique les hommes et leur civilisation ont considérablement influencé, dans un sens trop souvent malheureux, l'équilibre entre les terres cultivées, ou que l'on s'est efforcé de cultiver, et les terres occupées par les forêts ou la végétation naturelle.

La révolution à laquelle nous assistons a déjà eu et aura immanquablement sur la répartition de ces terres une action analogue. Il est vraisemblable que cette action sera même beaucoup plus rapide et beaucoup plus violente. Il importe donc à l'homme de la guider, s'il veut éviter, en un court espace de temps, des dommages analogues à ceux que de longs siècles d'utilisation mal réglée ont trop fréquemment provoqués.

C'est pourquoi il a paru particulièrement opportun de proposer au quatrième Congrès forestier mondial de repenser, à la lumière des connaissances et de l'expérience modernes sur la forêt, sur son action sur le milieu physique et sur ses possibilités d'utilisation, le problème de la répartition des forêts et des zones sylvo-pastorales et de leur équilibre avec les terrains soumis à une utilisation intensive dans le cadre d'économies nationales en voie d'expansion.

L'accroissement de la population mondiale

Puisqu'il y a révolution, il serait peut-être utile de rechercher d'abord quels sont les éléments de cette révolution qui peuvent influer plus particulièrement sur cet équilibre entre la forêt au sens large et les terres cultivées.

Le premier est évidemment l'augmentation de la population mondiale. Elle implique, entre autres solutions possibles pour assurer à la masse croissante de cette population une alimentation adéquate, la recherche de nouvelles terres à mettre en culture. Certains terrains, anciennement cultivés, puis abandonnés, sont dégradés et peuvent en certains cas être remis en culture au prix de travaux plus ou moins coûteux. D'autres peuvent être fertilisés par l'irrigation. Mais il est clair que les zones des forêts encore vierges ou peu exploitées peuvent être appelées à fournir un contingent important de terres cultivables, et ce seront, en général, les zones qui, parce que le sol y est plus fertile, portent aussi les massifs potentiellement les plus productifs.

D'un autre côté, l'augmentation de la masse de la population mondiale, surtout si on la combine avec le désir croissant d'un niveau de vie plus élevé et le développement des économies nationales, entraîne une augmentation des besoins en bois. Les conclusions auxquelles est arrivée sur ce - point l'importante étude entreprise conjointement par la Commission économique pour l'Europe et la FAO1 ne sont évidemment valables, dans leur détail, que pour le continent européen. Mais, il est indubitable que, pour l'ensemble du monde, les facteurs que l'on vient d'indiquer auraient, toute proportion gardée, une influence beaucoup plus sensible.

1 Nations Unies et FAO, Consommation, production et commerce du bois en Europe: Evolution et perspectives. Genève, 1963.

Cette augmentation des besoins peut, globalement, être satisfaite par les surfaces forestières existantes, convenablement et rationnellement exploitées. Une diminution trop importante de ces surfaces au profit de l'agriculture peut néanmoins compromettre la satisfaction des besoins en bois, particulièrement dans les régions où les ressources forestières sont naturellement peu abondantes.

Population urbaine et population, rurale

Un facteur qui doit être pris en considération est la modification des proportions entre les populations rurales et urbaines. Cette modification, conséquence des progrès de l'industrialisation, est par elle-même un signe du développement économique et social. Elle n'entraîne pas nécessairement, du moins dans les pays à très forte natalité, une diminution de la population des campagnes, mais, les populations urbaines devenant improductives pour l'agriculture, elle implique que les populations rurales doivent produire davantage. Ce surplus de production peut être recherché, si la population rurale reste stable, par la mise en valeur agricole de certaines terres encore occupées par la végétation naturelle. Pour les pays qui ont déjà traversé ce stade de la révolution économique et sociale, la conséquence de cette modification des proportions des populations rurales et urbaines a été bien plus généralement, cependant, l'abandon des terres marginales et la concentration d'un travail agricole intensifié et à rendement plus élevé sur les terres les meilleures. Dans ces circonstances la végétation naturelle peut occuper les terres marginales abandonnées.

Ce facteur paraît donc, à première vue, généralement à l'avantage de la forêt, mais la désertion des campagnes peut avoir de fâcheuses conséquences pour l'économie générale et même pour l'économie forestière.

Les moyens de communication

Un troisième élément est le développement des moyens de communication. Celui-ci peut avoir aussi sur la forêt, directement ou indirectement, les effets les plus variés. Tout d'abord, il est bien connu que ce développement est le facteur qui favorise le plus activement la modification des proportions entre populations rurales et urbaines, à laquelle on fait allusion aux paragraphes précédents. D'un autre point de vue, le développement des communications facilite la colonisation des zones encore inexploitées. Ces nouveaux peuplements humains réduiront sans doute la surface des forêts voisines, mais, d'autre part, ils permettront la mise en valeur de massifs forestiers qui n'avaient jusqu'à ce jour qu'une valeur potentielle. Le bois, cependant, est une matière première lourde qui, sous sa forme naturelle, ne peut économiquement supporter de transports à de longues distances. On a déjà souvent insisté sur le point que les transports de continent à continent de bois bruts ne seraient sans doute jamais praticables que pour des essences présentant des qualités tout à fait particulières. Cependant, l'amélioration des communications intracontinentales est de nature à favoriser une certaine spécialisation de la production forestière entre les pays dont les climats sont plus ou moins favorables à cette production ou à la production de certaines catégories de produits. D'autre part, en permettant l'approvisionnement plus aisé des populations rurales en produits de remplacement du bois, et en particulier en combustibles minéraux, le développement des routes a évidemment une action sur la qualité des bois qui seront demandés à la forêt. Enfin, bien que la matière première bois ne puisse supporter que des transports d'importance réduite, le développement des communications peut, dans certaines circonstances, permettre l'installation de grandes industries forestières dont l'approvisionnement exige de vastes massifs. Dans d'autres circonstances, par contre, notamment en cas de morcellement de la propriété forestière, ce développement pourrait avoir pour conséquence fâcheuse la multiplication de petites industries du bois, trop souvent inefficientes et gaspilleuses de matière première.

L'amélioration des techniques agricoles

L'amélioration des techniques agricoles peut, à son tour, avoir des conséquences variées et même totalement opposées sur la forêt. D'une part, elle peut permettre l'extension de l'agriculture à des sols jusqu'ici réservés ou considérés comme devant être réservés à la végétation naturelle, soit en raison de leur pente excessive, soit en raison de leur manque de fertilité. Par là, l'amélioration des techniques agricoles ou plutôt des techniques agricoles de conservation du sol et d'amélioration de sa fertilité constituent un facteur de réduction des surfaces occupées par la forêt. D'autre part, l'amélioration d'autres techniques permet d'augmenter, parfois de façon considérable, la productivité des terres déjà cultivées. De ce point de vue, elle favorise l'abandon des terres marginales et l'occupation de ces terres par la forêt. Conjugué avec la diminution relative de la main-d'œuvre rurale et avec la tendance à la spécialisation des productions agricoles, ce facteur peut également provoquer une complète modification des types d'agriculture pratiqués dans une région déterminée: la raréfaction de la main-d'œuvre peut, par exemple, favoriser l'élevage intensif dans une région dont la population rurale se consacrait autrefois à une agriculture mixte. Les zones sylvo-pastorales peuvent avoir alors un rôle important à jouer pour l'alimentation de ce bétail. Dans d'autres cas, au contraire, une agriculture mixte se substituant à un mode de vie purement pastoral - qui n'est plus guère compatible avec les progrès de la civilisation - peut alléger considérablement la pression du bétail sur la forêt et les zones forestières pastorales, et permettre les progrès du boisement ou en tout cas un aménagement rationnel du parcours sur des zones trop souvent épuisées par des abus séculaires.

Le développement des industries

On a déjà fait allusion ci-dessus aux effets du développement de l'économie en général, et de l'industrie en particulier, sur la consommation de bois. Mais le développement des industries oblige à considérer d'autres aspects des problèmes de la forêt. Les grandes concentrations urbaines qu'il suppose, par exemple, exigent de larges approvisionnements en eau pure, assurés d'un débit régulier. Une part importante de l'énergie qu'elles consomment est ou sera fournie par de vastes retenues d'eau dont l'efficacité ne peut être durable que si leur sédimentation peut être efficacement contrôlée. Tout ceci montre la nécessité accrue de l'amenagement rationnel des hauts bassins de réception fluviaux, généralement occupés par des zones sylvo-pastorales. En exigeant un remède à la dégradation fréquente de ces zones par l'abus des exploitations et la surcharge des pâturages, ces développements favoriseront donc sinon l'extension de la forêt, du moins une utilisation plus rationnelle des ressources pastorales et forestières contenues dans ces bassins. Le développement des grandes villes nécessite aussi le développement autour d'elles, et même parfois au dedans d'elles, pour des raisons d'hygiène aussi bien que pour assurer à leur population des zones de loisir et de récréation, de zones forestières dont tous les urbanistes modernes se préoccupent dès maintenant.

Une autre considération s'impose ici. La nécessité où se trouvent de nombreux pays de développer leurs industries les amène à s'interroger sur les matières premières qui serviront de base à ce développement. Sans doute la prospection des possibilités minérales est loin d'être achevée dans toutes les régions, mais elle laissera de nombreux pays relativement déshérités. Le développement des industries basées sur des cultures industrielles a l'inconvénient d'exiger des terres dont les utilisations se trouveront fréquemment en compétition avec l'agriculture proprement dite. De toutes façons, la concentration d'une industrie nationale sur un faible nombre de produits constitue un grand risque de crise pour le pays lui-même, et, par voie de conséquence, à l'échelle régionale et mondiale. Dans ces conditions, on doit se demander si les pays que la nature a favorisés d'abondantes forêts n'auraient pas le plus grand intérêt à axer le développement de leurs industries sur l'utilisation du bois. Cette solution n'est nullement une utopie, puisqu'elle peut déjà se prévaloir de l'exemple de pays très prospères, tels que les pays scandinaves. L'idée en a pris corps récemment en Extrême-Orient, où l'on étudie les possibilités de remplacer, dans leurs principaux usages, les métaux ferreux par le bois. Elle est d'autant plus séduisante que, ainsi qu'on le rappellera tout à l'heure, le bois se prête dès maintenant à des utilisations très diverses, et par suite à l'établissement d'industries, primaires et secondaires, très varices. Pour se réaliser, elle exige néanmoins que l'on réserve à la sylviculture une superficie suffisante des terres du pays intéressé, et que l'on intensifie les efforts en vue du traitement et de l'exploitation rationnelle des forêts.

Les progrès des techniques forestières

Parmi les éléments de la «révolution» des 150 dernières années qui peuvent influencer directement l'avenir des forêts, il ne faut évidemment pas oublier les progrès de la sylviculture elle-même. Toutes les recherches dans ce domaine ont naturellement visé à l'amélioration quantitative et qualitative de la production des peuplements, ce qui signifie que, en supposant que les méthodes mises au point par la recherche et l'expérience puissent être partout appliquées, une surface réduite de forêt pourrait sans doute assurer la satisfaction de besoins en large expansion. Pour bien des raisons, cette application générale est néanmoins assez problématique et bien des recherches restent à faire, bien des conditions à remplir pour que, en sylviculture comme en agriculture un terrain quelconque soit utilisé au maximum de ses potentialités sous le régime du rendement soutenu.

Il n'en reste pas moins que certains succès de la sylviculture se sont si largement répandus qu'ils ouvrent de nouvelles perspectives à la politique forestière.

Le plus frappant est sans doute l'utilisation de certaines essences qui, originaires d'une aire naturelle souvent très réduite, se sont révélées, transportées sous des conditions écologiques similaires, mais sur des points du globe très éloignés de ces aires naturelles, des essences à croissance extrêmement rapide et d'un intérêt économique considérable: ce sont par exemple le Pinus radiata, certaines autres essences résineuses de la côte ouest de l'Amérique, certains eucalyptus, les acacias à tannin les peupliers. L'introduction de quelques-unes de ces essences a complètement modifié la politique forestière de certains pays. Tandis que les forêts naturelles y sont, sinon négligées, du moins considérées essentiellement pour leurs valeurs de protection ou de récréation, tous les efforts se portent sur ces nouvelles plantations. Ces essences ont été introduites aussi dans des pays où la politique forestière est moins avancée et, en certains cas, elles ont pu donner lieu à de véritables spéculations. Le revenu considérable qu'elles; assurent là où le bois manque, surtout si elles bénéficient de conditions de sol exceptionnels leur permettant de concurrencer avantageusement la production agricole, font qu'elles occupent parfois des terres qui seraient peut-être plus rationnellement réservées à l'agriculture.

Le développement de ces essences soulève d'ailleurs un autre aspect de la question de la répartition des terres entre l'agriculture et la forêt. Dans beaucoup de pays, il est vrai, il y a bien longtemps que l'agriculture et la forêt, ou tout au moins l'agriculture et l'arbre, sont étroitement associés. Cette association, néanmoins, avait peut-être plus souvent pour but essentiel la protection des sols contre l'érosion ou des cultures contre les vents desséchants que l'utilisation du produit des arbres. Ce rôle des rideaux d'arbres et des brise-vent est bien loin d'avoir perdu son importance aujourd'hui. Bien au contraire, les études et les réalisations pratiques, parfois grandioses, dans ce domaine, tendent à prendre de plus en plus d'extension. Mais l'agriculteur, et même le petit agriculteur, prend aussi de plus en plus d'intérêt à la possession d'une petite plantation forestière, ou même d'arbres isolés ou d'arbres de bordure qui peuvent lui assurer, en quelques années, un revenu considérable. Ce développement permet, en somme, d'étendre largement aux exploitations agricoles, en toutes régions, les bienfaits généralement reconnus de la forêt de ferme, ou bien aux communautés qui n'en possèdent pas le bénéfice de la forêt communale. Nombreux sont d'ailleurs les pays qui se sont déjà engagés dans la voie qui consiste à doter de forêts établies par plantations des communautés dont le ravitaillement en bois était jusqu'alors très difficile ou impossible. De même que la forêt communale convenablement gérée permet non seulement à la communauté d'alimenter son budget annuel normal, mais aussi de touver des ressources pour les travaux de routes, d'amenée d'eau, etc., exigeant de lourds investissements, de même l'agriculteur peut fort bien considérer sa petite forêt ou ses arbres comme une caisse d'épargne où il puisera lorsqu'il aura à réaliser des travaux d'amélioration sur ses terres ou son habitation. La forêt agricole apporte peut-être une contribution à la solution du problème du crédit agricole. Il faut encore ajouter que certains arbres, outre leur production ligneuse, peuvent fournir à la ferme, par leurs fruits ou leurs feuilles, un très important appoint pour la nourriture de l'homme ou du bétail. Enfin, même en plantations pleines, la culture de certaines essences qui fournissent des produits ligneux utilisables à très courte révolution n'interrompt que pendant un petit nombre d'années l'utilisation agricole des sols qu'elles occupent, puisque le pâturage ou même certaines cultures peuvent être pratiqués sous ces plantations pendant une grande partie de cette révolution.

Une autre possibilité offerte par l'introduction en plantations pleines des essences à croissance rapide auxquelles on fait allusion ici est la parfaite adaptation de la plantation à l'usine qui utilise ses produits et vice versa. Même parmi les industries qui n'utilisent le bois que comme chauffage ou pour la production de leur énergie, certaines ont déjà trouvé plus intéressant d'établir leur propres plantations d'essences à croissance rapide, plutôt que de compter sur l'exploitation dispersée de forêts naturelles souvent très éloignées de l'usine et nécessitant, sous le régime du rendement soutenu, des coupes très extensives.

Le développement des possibilités d'utilisation du bois

Le dernier facteur de la «révolution» - du moins le dernier sur lequel on insistera ici, car l'énumération ci-dessus est sans doute très incomplète - qui a une action directe sur le traitement des forêts, et même sur la répartition des terres qu'elle occupe, est le changement qui s'est produit dans les possibilités d'utilisation du bois. Ce point est bien connu et, sous une forme qui a peut-être prêté à confusion, il a déjà été discuté au troisième Congrès forestier mondial. Il est certain, toutefois, que l'utilisation du bois sous forme désintégrée - cette désintégration étant poussée plus ou moins loin suivant les industries prend une extension de plus en plus grande par rapport aux utilisations classiques de cette matière première². Ce développement n'a pas seulement pour résultat l'emploi plus complet de la matière première; il a également un effet sur les méthodes de sylviculture et d'aménagement applicables à la forêt elle-même. Cet effet apparaîtra sans doute plus clairement encore que pour les forêts des régions tempérées lorsque seront discutés, au cours du quatrième Congrès forestier mondial, les problèmes de sylviculture intéressant les forêts tropicales.

² Il est certain aussi que l'industrie devient de plus en plus capable d'utiliser les qualités de bois les plus varices, même parmi celles qui étaient autrefois abandonnées en forêt ou tout au plus rejetées au chauffage.

D'un autre côté, ce développement encourage évidemment la création de vastes «combinats» d'industries du bois, et la simple existence de ces grandes usines dans plusieurs pays est, à elle seule, une marque de l'évolution profonde, depuis un demi-siècle, des méthodes de traitement de cette matière première. Il est clair, cependant, qu'à la création de ces «combinats» doit correspondre la mise à la disposition de chacun d'eux de vastes étendues forestières susceptibles d'assurer leur alimentation. Une telle condition peut exiger non seulement l'établissement d'aménagements spéciaux, l'utilisation de méthodes de sylviculture appropriées, mais éventuellement même des mesures législatives et réglementaires. Il s'agit, en somme, de réaliser l'«intégration» de la forêt à l'industrie qu'elle alimente.

Fil directeur pour la, formulation de politiques forestières

En présence de facteurs si nombreux, si variés, et dont les effets sur l'utilisation forestière des sols peuvent être si différents et même parfois opposés, quel sera le fil directeur qui guidera les responsables de chaque pays dans l'élaboration de leurs politiques forestières?

Ce fil directeur, la plupart des pays du monde se le sont donné - et il semble qu'il soit acceptable pour tous - en approuvant, à la sixième session de la Conférence de la FAO, en 1951, les «Principes de politique forestière»établis en application des recommandations présentées par le troisième Congrès forestier mondial qui s'était réuni à Helsinki en 1949.

Politique forestière et conservation des sols et des eaux

Il s'agit, il est vrai, de principes très larges. Encore devraient - ils s'incorporer dans des principes plus larges encore dont ceux-ci ne sont, en fait, qu'un cas particulier. Nous voulons parler de ce que pourraient ou devraient être des principes généraux de conservation et d'utilisation des sols (et par le fait même des eaux auxquelles ces sols donnent naissance). Car la richesse primordiale du monde, celle dont il importe en premier lieu d'assurer la stabilité, la restauration ou l'amélioration est bien le sol lui-même, et les politiques qui peuvent s'appliquer à chacun des modes d'utilisation de ce sol, si ce sont des politiques saines, doivent tout naturellement s'incorporer au cadre de ces principes généraux de conservation et d'utilisation des sols, principes dont l'établissement apparaît si souhaitable.

Sans doute il n'appartient pas aux techniciens de la forêt de mettre en avant de tels principes. La forêt, malgré ses usages multiples, n'est qu'une forme, importante il est vrai par son étendue, mais une forme seulement, de l'utilisation des sols. Cependant, en raison même du rôle essentiel que jouent les zones sylvo-pastorales dans la conservation des sols, la prévention de l'érosion accélérée, la régularisation du régime des eaux et la production des eaux limpides indispensables tant aux industries qu'aux grandes concentrations urbaines d'aujourd'hui, il semble que les forestiers aient leur mot à dire - et un mot important - en faveur de l'élaboration de ces principes. Combien plus aisément une saine politique forestière rencontrerait-elle l'audience des gouvernements si elle pouvait s'appuyer sur des principes plus larges de conservation et d'utilisation des sols unanimement approuvés par ces gouvernements eux-mêmes! Certains de ceux que ce problème préoccupe, du reste, ont déjà fait connaître leur opinion à ce sujet, et peut-être convient-il, pour ne citer qu'un cas parmi beaucoup d'autres, de rappeler l'article publié à ce sujet dans un récent numéro d'Unasylva par un jeune forestier pakistanais, et d'en citer une phrase qui fait bien ressortir l'urgence de cette question:

«Notre civilisation moderne met à la disposition de l'homme des moyens d'action beaucoup plus puissants que par le passé sur les populations elles-mêmes et sur le milieu naturel, si puissants même qu'ils lui permettent de «remodeler» la nature et que cette civilisation peut, soit précipiter les dégradations du sol au delà de toutes les bornes précédemment atteintes, soit y mettre un terme³.»

³ Saled-ud-Din Ahmad, «La conservation du sol», Unasylva, Vol. VII, No 4, décembre 1953.

Comment préciser les politiques forestières - L'approche régionale

Si le cadre général que constituent les «Principes de politique forestière» apparaît à certains trop large pour jouer de façon suffisamment efficace le rôle de fil directeur auquel on faisait allusion tout à l'heure, il existe d'ailleurs plusieurs moyens de le perfectionner et d'en faire un guide plus sûr auquel chaque pays pourra se confier pour résoudre les problèmes particuliers qui se posent à lui. Plusieurs approches semblent possibles pour arriver à ce résultat.

La première est l'approche régionale. Les problèmes de conservation et d'utilisation des forêts et de développement des industries forestières varient, en effet, dans leurs très grandes lignes, d'une région à l'autre.

L'Europe et l'Amérique du Nord ont à résoudre le problème du développement de leur production forestière et de leurs industries du bois dans des conditions assez faciles si l'on considère l'homogénéité relative de leurs forêts, la longue expérience des forestiers, le large développement de la recherche forestière, mais dans des conditions très difficiles si l'on considère l'éparpillement de la propriété forestière, la variété des formes de cette propriété, l'intensité de la compétition pour l'utilisation des sols, le morcellement des industries du bois.

Les problèmes principaux de l'Amérique latine sont la mise en valeur rationnelle de ses vastes étendues de forêts encore vierges, en liaison avec le développement de la colonisation des zones forestières aux populations humaines encore très réduites, l'extension de ses moyens de transport et de ses marchés du bois à l'échelle nationale, régionale et mondiale, l'installation d'industries forestières, l'approvisionnement en bois des grands centres urbains et la restauration des sols dévastés. Les difficultés que présente la solution de ces problèmes sont d'autant plus grandes que les moyens d'établir, puis de mettre en œuvre, une politique forestière ne sont encore qu'au début de leur développement.

Le Proche-Orient a principalement à sauvegarder et à améliorer ses zones sylvo-pastorales menacées par le déséquilibre et les abus des deux utilisations pastorales et forestières de ces zones. En même temps, il doit assurer à ses populations, peut-être en ayant recours essentiellement au développement de petites plantations intimement associées aux terrains agricoles ou de plantations plus vastes associées aux périmètres en cours d'irrigation, un approvisionnement en bois suffisant pour aller de pair avec l'extension de ses industries et le relèvement du niveau de vie des habitants de la région. Ici plus que partout ailleurs se montre l'étroite relation entre une politique forestière et une politique de conservation et d'utilisation des sols et des eaux.

L'Extrême-Orient enfin, avec sa bigarrure de régions arides ou semi-arides, de zones déboisées et surpeuplées, de zones très boisées, peu peuplées et où l'exploitation forestière en est encore à ses débuts, de régions enfin

Où la sylviculture a déjà atteint un haut degré de développement, doit faire face à des problèmes extrêmement complexes et variés, participant un peu des difficultés de toutes les autres régions.

La définition de politiques forestières régionales plus précises a fait de réels progrès au cours des dernières années. C'est bien une telle définition, par exemple, que la Commission européenne des forêts a proposé à ses Etats Membres après un examen détaillé des tendances de la production, de la consommation et du commerce du bois en Europe.

En Extrême-Orient, en Amérique latine et au Proche-Orient, certains pays ont déjà fixé les principes de leur politique forestière, et l'Extrême-Orient a même été la première région à jeter les bases d'une politique forestière régionale. Cependant, certains éléments manquent encore trop généralement dans ces régions, notamment en ce qui concerne les statistiques de consommation et la connaissance exacte de la superficie des forêts, du volume utilisable qu'elles renferment et de leur capacité de production, pour que ces politiques forestières régionales puissent être précisées de façon comparable à ce qui a été fait pour l'Europe. Peu à peu, grâce aux progrès réalisés individuellement par les pays dans ces domaines, et au vaste échange d'information qui peut s'instituer entre eux, il n'est pas douteux que les politiques régionales se préciseront, puis, à l'intérieur des régions, les politiques nationales elles-mêmes.

L'approche par sujet

Il existe un autre moyen de préciser les principes de politique forestière. C'est l'approche sujet par sujet. On peut, par exemple, concevoir que des problèmes qui se posent aux forestiers de façon presque universelle, tels que la question du pâturage en forêt ou dans les zones sylvo-pastorales et de son influence sur la politique forestière, le problème de l'incendie de forêt, ou bien des questions d'un intérêt mondial, telles que l'opportunité et la possibilité du développement de l'industrie de la pâte dans les pays actuellement non producteurs ou petits producteurs, fassent d'abord l'objet d'études générales. De ces études, les techniciens peuvent dégager les grandes lignes des politiques à suivre relativement à ces problèmes. De même que les principes de la politique forestière doivent ou devraient s'incorporer dans des principes plus généraux de conservation et d'utilisation des sols et des eaux, de même ces principes d'une politique relative à un problème forestier spécial doivent entrer dans le cadre des principes de politique forestière.

Avant d'être appliqués par les pays, ces principes, relatifs à un problème forestier particulier, et établis ou proposés à l'échelle mondiale, pourraient du reste être affinés et adaptés à l'usage de chaque région, où les problèmes correspondants peuvent se poser de façons très différentes. Finalement, la combinaison de l'approche régionale et de l'approche par sujet apparaît ainsi l'un des moyens les plus efficaces de résoudre les problèmes particuliers de la politique forestière.

Importance de la coopération internationale

On dira assurément que l'on parle uniquement ici d'une approche régionale ou mondiale aux problèmes de politique forestière et que pourtant c'est bien, en dernière analyse, à chaque pays à définir sa politique nationale en fonction de ses conditions particulières, tant physiques qu'économiques et sociales. Cette objection est parfaitement exacte. Nulle action internationale ne peut se substituer à celle du gouvernement qui, sur la base des recherches effectuées par ses techniciens définit et met en œuvre sa politique forestière. De là à prétendre que l'action internationale en cette matière n'a qu'un intérêt faible ou nul, il n'y aurait qu'un pas.

Franchir ce pas, ce serait méconnaître la très grande influence qu'a exercé, ou mieux le rôle irremplaçable qu'a joué l'échange des informations, des idées, des techniciens, dans l'élaboration des politiques forestières des pays même aujourd'hui les plus avancés dans ce domaine.

Sans doute, il y a eu en tout temps et partout de bons esprits qui ont discerné l'importance du rôle joué par la forêt dans l'économie de leur pays et dans la conservation de ses sols et de ses eaux. Il y a même eu des gouvernements locaux ou nationaux qui les ont écoutés et qui ont pris des mesures plus ou moins générales pour arrêter la dévastation des ressources naturelles ou orienter la production des forêts dans une direction conforme aux intérêts généraux du pays. Néanmoins, il est indéniable que les formes modernes de la politique forestière, basée sur une conception scientifique de la sylviculture et de l'aménagement et non plus seulement sur des considérations purement économiques (qui ont conduit parfois à la ruine de certaines forêts) ou sur la simple constatation de leur rôle protecteur (qui a conduit parfois à conserver les ressources forestières sans les utiliser), ont pris naissance à peu près à la même époque dans quelques pays d'Europe orientale et occidentale. Elles se sont perfectionnées grâce aux échanges d'idées entre techniciens de ces pays; puis elles se sont répandues, plus ou moins rapidement, dans tous les autres pays du monde, par l'intermédiaire des techniciens venant de ces pays, formés dans ces pays, ou inspirés par les visites qu'ils y ont faites.

Dès le début des politiques forestières modernes, les échanges internationaux ont eu ainsi un rôle prépondérant dans leur développement. Ils conserveront d'autant plus certainement cette prépondérance dans l'avenir que des organismes internationaux existent pour les promouvoir, les faciliter et leur donner une bien plus vaste amplitude que par le passé.

Ces considérations justifient pleinement la confiance que les techniciens forestiers de 70 pays ont fait et font, dans le domaine qui les intéresse, à la FAO et à l'action que cette organisation a entreprise dans le développement de saines politiques forestières. Mais elles justifient aussi la réunion de congrès forestiers mondiaux, groupant des experts parlant en leur nom propre et libres d'exprimer leurs opinions personnelles, fondées sur l'expérience et l'observation scientifique, relativement aux problèmes qui préoccupent les milieux soucieux de l'avenir des forêts et de l'utilisation de leurs produits.

Le rôle des congrès mondiaux

Comme les politiques forestières nationales, des politiques forestières régionales et une politique forestière mondiale ne peuvent être basées, en effet, que sur les résultats de la recherche. Cette recherche doit, pour être efficace, couvrir des domaines extrêmement divers.

Si divers même, qu'il n'est pas possible à un seul expert, spécialisé dans un domaine, de discerner avec exactitude l'influence exacte que les faits mis à jour par ses recherches peuvent avoir sur l'ensemble de la politique forestière d'un pays, et bien moins encore sur la politique régionale ou mondiale. Il en découle la nécessité de la confrontation, de temps à autre, des opinions de ces experts, confrontation bien plus indispensable encore à l'échelle régionale ou mondiale puisque, à la diversité des disciplines de recherches se joint alors la diversité accrue des conditions locales pour compliquer l'examen de chaque problème et aboutir à une solution ou à des principes suffisamment généraux.

Une telle confrontation, cependant, serait d'un faible intérêt si elle n'était axée vers la solution des grands problèmes auxquels les forestiers ont à faire face. Or, il y a actuellement, à la lumière de ce qui a été rappelé au début des présentes pages concernant la révolution technique, économique et sociale que nous vivons, un grand problème forestier. Il s'agit de la détermination des terres qui, sous les conditions de cette révolution, doivent rester ou revenir sous le couvert de la forêt, au sens large. Cette détermination doit tenir compte des méthodes qui peuvent et doivent être appliquées à ces terres pour en tirer les services et les produits, de quelque nature qu'ils soient, à la fois les plus abondants et les mieux adaptés aux besoins de chaque pays. Elle doit aussi, bien entendu, tenir compte des améliorations des méthodes d'exploitation et d'utilisation des produits de la forêt par les industries primaires et secondaires et du développement même de ces industries.

Le programme du quatrième congres forestier mondial

Les organisateurs du quatrième Congrès forestier mondial ont conçu le programme de cette réunion sur des lignes qui paraissent et sont, en fait, des plus classiques. Mais il importe de se souvenir que chacune des questions inscrites à ce programme doit être examinée d'un point de vue particulier. Il s'agit de faire ressortir, dans toute la mesure possible, l'influence du problème spécial évoqué sur le sujet central du Congrès, c'est-à-dire sur la détermination des sols à réserver à la forêt au sens large.

Quand on parle ici de forêt au sens large, on entend, répétons - le, qu'avec les terrains portant des peuplements d'arbres pleins, il y a lieu de considérer aussi les terrains voisins de ceux-ci et souvent entremêlés à eux, portant une végétation naturelle, dans laquelle les végétaux ligneux peuvent occuper une place plus ou moins importante. Ces terrains sont utilisés de façon extensive, notamment pour le parcours des animaux domestiques ou sauvages, quelquefois aussi par des types divers d'agriculture nomade. Cette utilisation a généralement une influence directe sur l'évolution des terrains effectivement boisés ou sur le traitement à leur appliquer, et les uns et les autres de ces terrains se trouvent, en quelque sorte, solidaires non seulement par la façon dont ils sont utilisés, mais aussi par le rôle qu'ils jouent dans la protection des sols et la régularisation du régime des eaux, particulièrement lorsqu'ils occupent les bassins de réception des zones montagneuses. L'ensemble de ces terrains peut, suivant les cas, constituer un tout incorporé dans les limites officielles et légales des forêts. Dans d'autres conditions, le tracé de la limite des forêts (lorsque ces limites ont été effectivement fixées, ce qui n'est peut-être encore qu'un cas exceptionnel) peut avoir volontairement laissé de côté les terrains peu ou mal boisés mais, en tout cas, le traitement qui est appliqué à ces derniers, par suite de leur interdépendance avec les terrains effectivement boisés, est d'un intérêt majeur pour le forestier.

Dans la forêt au sens large, il convient aussi d'inclure les plantations d'arbres qu'il est commun d'appeler «plantations hors forêt» et qui présentent également un intérêt tout particulier soit pour la conservation des sols, leur réhabilitation, leur protection contre l'érosion ou contre l'évaporation, soit par leur production, de bois d'abord, puis de fruits ou de fourrage.

Les fonctions de protection de la forêt. La première partie du programme du Congrès traite des fonctions de protection de la forêt ainsi comprise, ces fonctions étant envisagées sous l'angle de l'importance qui doit y être attachée lorsque se pose aux responsables de la politique forestière d'un pays le problème capital de la surface qui doit être soumise à cette politique et de la répartition de cette surface entre les diverses régions du pays.

L'importance de ces fonctions de protection est apparue de très bonne heure et a fait l'objet depuis déjà plus de 100 ans d'investigations de caractère scientifique, qui se poursuivent encore. Mais, d'un autre côté, les méthodes de conservation des sols, de reconstitution de leur fertilité et de régularisation du régime des eaux, que nous appellerons artificielles en les considérant par rapport à celles qui reposent sur l'utilisation rationnelle de la végétation naturelle, ont fait d'immenses progrès. L'application de ces méthodes artificielles est cependant limitée, soit par des conditions physiques, soit par des conditions économiques. Où se trouve maintenant cette limite? Quelle est la place qui doit nécessairement revenir à la forêt dans un programme national de conservation et de réhabilitation des sols, visant non seulement à la conservation ou à la réhabilitation des sols sur lesquels repose ou reposera la forêt elle-même, mais à la conservation ou à l'amélioration de la productivité de toutes les terres du pays et à l'approvisionnement convenable en eau de ses industries et de ses agglomérations rurales ou urbaines? Telle est la question à laquelle une discussion des résultats les plus récents des recherches en matière d'influences forestières et de méthodes de conservation ou de restauration des sols permettra peut-être au Congrès de répondre.

Les fonctions de production de la forêt. La seconde partie du programme traite des fonctions de production de la forêt examinées sous le même point de vue. Ici encore il s'agit de déterminer une limite, compte tenu des conditions changeantes du monde, entre les terrains à réserver à la forêt pour assurer la satisfaction des besoins des pays en produits que cette forêt est susceptible de fournir, et les terrains à soumettre aux exploitations de caractère agricole.

Le problème est plus délicat encore que le précédent, car, bien que les qualités physiques du sol et les conditions de milieu - ce qu'on a appelé, brièvement, la vocation naturelle des terres - imposent évidemment des marges au choix de cette limite, elle ne saurait en aucun cas être déterminée par ces seules considérations. Chercher, d'autre part, à prévoir ce que pourront être à long terme les besoins en bois et autres produits de la forêt d'un pays donné est une entreprise bien hasardeuse quoique nécessaire.

Dans ces conditions, il semble que la seule attitude à adopter soit une attitude dynamique. Si nous ne pouvons prévoir à l'avance que dans de faibles limites ce que sera l'évolution future de l'utilisation des terres en regard des besoins à satisfaire, du moins est-il possible de surveiller cette évolution et de se tenir prêt à toute éventualité. Il existe en tout cas de grandes tendances générales qui, tôt ou tard, auront sur chaque pays un effet plus ou moins marqué: le développement industriel, l'augmentation parallèle des besoins globaux en bois, la diminution probable des besoins en bois de chauffage, l'augmentation relative des besoins des industries de désintégration du bois.

L'utilisation des produits de la forêt. La sylviculture n'est pas seulement une entreprise agricole Elle fournit à des industries primaires et secondaires très diversifiées la matière première qui leur est nécessaire; elle est ainsi une partie intégrante de l'économie industrielle. La question se pose donc de déterminer la place qui doit lui revenir, pour chaque pays, dans le cadre de cette économie.

Il serait trop facile de répondre que cette place sera entièrement déterminée par la surface que, à l'intérieur d'un pays donné, la forêt occupe naturellement dans l'utilisation des sols. Il existe bien des pays très boisés où l'industrie du bois est à peine développée. On peut en citer d'autres, au contraire, où la nécessité de développer certaines industries du bois a conduit à créer de toutes pièces les forêts destinées à les alimenter.

Pour juger sainement de la place que doit occuper la forêt dans l'utilisation des sols, il faut donc tenir compte de nombreux facteurs, qui sont exposés dans un autre article. Mais le Congrès se devra d'examiner tout spécialement, sur le point de son programme relatif à l'utilisation du bois, les perspectives qu'ouvrent à une meilleure intégration des industries du bois dans l'économie générale des pays et au développement de la place qu'elles y occupent les progrès techniques de l'exploitation et de la transformation de ce matériau.

Les problèmes des FORÊTS tropicales. Le Congrès, enfin, comprend une Section des forêts tropicales. Ce n'est pas que les principes de politique forestière qui s'appliquent à ces forêts soient différents de ceux qui s'appliquent à toutes les autres. Mais les méthodes et particulièrement les techniques qui permettront la mise en œuvre intégrale de ces principes sont encore mal déterminées, sauf peut-être dans le cas exceptionnel des forêts pures. Les difficultés que rencontrent les techniques proviennent essentiellement, on le sait, de l'hétérogénéité de ces forêts. Mais il existe aussi bien d'autres problèmes - inventaires, sylviculture, aménagement et exploitation - qui seront soumis au Congrès et pour l'étude desquels il devra se placer essentiellement dans la perspective du rôle que ces forêts ont ou auront à remplir dans le développement économique général des pays intéressés.

Il lui appartiendra alors d'indiquer quelles sont les perspectives qui s'ouvrent pour l'intégration effective de ces forêts à la vie économique des pays et du monde.

But du Congrès

Le programme du Congrès a visé un but ambitieux. Il ne s'agit de rien de moins que de dire si la forêt, compte tenu des progrès réalisés concernant sa connaissance, les techniques de sylviculture et d'aménagement à lui appliquer, les techniques d'extraction et de transformation de ses produits, contribuera pour une large part au développement d'économies nationales et mondiales en pleine et rapide expansion.

Il serait sans doute vain d'espérer pour tous les problèmes qui ont été soulevés dans les pages qui précèdent des solutions complètes. Ce Congrès n'est qu'une phase dans l'action internationale entreprise en faveur du développement des politiques forestières. Il sera suivi d'autres réunions, soit d'experts, soit de représentants des gouvernements. Les idées qui y auront été émises, même si elles ne peuvent être considérées comme définitives, seront à nouveau examinées sous tous leurs aspects. Elles alimenteront les réflexions de ceux qui ont la charge de ces politiques forestières. Ce que les Etats Membres de la FAO sont en droit d'attendre du Congrès, c'est essentiellement une orientation de l'action internationale, non pas en matière de politique forestière, mais en matière de recherches susceptibles de servir de base aux politiques forestières.

Ce que le Directeur général de la FAO en attend surtout, c'est une indication quant aux moyens les plus efficaces de coordonner l'action internationale - qu'il s'agisse de recherches, de travaux techniques ou de principes - de manière à permettre à l'Organisation de s'accorder au rythme de la «révolution» à laquelle on a fait allusion dès le début du présent article, et à la forêt de contribuer, dans le cadre des économies nationales en voie de développement, au progrès général des populations du globe.


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