Page précédente Table des matières Page suivante


La combustion du bois

par H. G. WINKELMANN

Directeur du Bureau central forestier suisse, Soleure (Suisse)

Le bois reste toujours des principaux combustibles pour le chaulage domestique et la cuisine. Le plus souvent il est brûlé dans des conditions entraînant un gaspillage élevé, bien qu'il soit relativement simple d'établir des appareils adaptés aux propriétés particulières de ce combustible et permettant d'utiliser la plus grande partie de son pouvoir calorifique. Ce qui a été réalisé pour d'autres combustibles solides, dont la rareté relative et le prix incitaient aux perfectionnements, aucune raison technique n'interdit de le faire pour le bois. L'auteur a écrit pour la FAO une brochure sur les techniques de la combustion du bois. Cet ouvrage sera en temps utile en mesure d'être diffusé. Une adaptation résumée de ce bulletin est donnée ci-après.

Le foyer fut de tout temps le lieu de réunion de la famille et le feu ouvert, le plus ancien des systèmes de chauffage, survit encore actuellement, en pleine ère de développement technique. La cheminée fait encore partie, dans bien des pays, de l'aménagement normal des maisons urbaines et même des immeubles collectifs malgré l'installation de systèmes modernes de chauffage central et, dans les campagnes et les pays tropicaux à hiver froid, elle constitue encore souvent le seul moyen de chauffage. L'intérêt qu'elle garde encore dans les centres urbains réside plus dans la note d'intimité qu'elle apporte que dans son importance pratique en tant que moyen de chauffage.

Une nouvelle étape conduisit l'homme à enfermer complètement la flamme et il en résulta le poêle. C'était une construction aux parois épaisses, faite d'argile et de pierres, avec une ouverture par où la fumée gagnait la sortie du local. L'émission de chaleur de ce poêle était très faible et la consommation, par conséquent, très grande. Lorsque les poêles se répandirent peu à peu, ce furent des considérations économiques qui entraînèrent leur perfectionnement. On se mit à les construire avec des plaques de grès, de morasse ou des carreaux de faïence. On les posa sur pieds. On ferma le foyer par une porte. Puis, nouvelle étape, on les relia à un canal fermé débouchant sur le toit. Mais l'établissement d'une cheminée eut pour conséquence de modifier complètement les conditions du tirage et, partant, le principe de chauffage. Il s'avéra que la disposition intérieure du poêle, comprenant simplement un grand vide, ne suffisait plus et qu'il était nécessaire d'utiliser les gaz plus à fond, c'est-à-dire de les refroidir davantage avant de les laisser échapper. Ce qui conduisit au grand poêle moderne avec ses longs carreaux et conduits de fumée.

Les foyers simples n'avaient pas de grille. On se contentait en somme de brûler un tas de bûches dans un espace vide enfermé par des pierres plates. En raison du grand excès d'air, le processus de la combustion était défecteux, la température de combustion relativement basse et le réglage de la production de chaleur presque impossible. On tenta de remplacer le foyer sans grille par une sole en fer forgé ou par d'autres dispositifs, mais sans succès notable. Néanmoins, si l'on tient compte de la simplicité du système de combustion, les résultats qu'on peut obtenir en améliorant la disposition du foyer, des carreaux et de l'admission d'air sont déjà remarquables. D'ailleurs, un foyer sans grille est toujours préférable à une mauvaise grille, trop grande, mal conformée, créant un tirage trop fort. C'est la raison pour laquelle dans beaucoup de milieux on croit encore qu'il vaut mieux brûler les bois dans un foyer sans grille. Mais cette idée est fausse. Le rendement d'un foyer sans grille reste toujours inférieur à celui d'un bon foyer à grille. Seulement ici le problème revient à donner à la grille les dimensions convenables et à régler l'admission d'air en conséquence; en d'autres termes il s'agit d'ajuster la construction aux propriétés spécifiques du combustible ligneux.

Pour certains usages, d'ailleurs, le foyer sans grille conserve aujourd'hui encore sa raison d'être. C'est le cas, par exemple, pour les fours à pain domestiques, les poêles en faïence, etc. Les poêles construits d'après les méthodes modernes se distinguent par une bonne combustion, des pertes insignifiantes et un fort pouvoir d'accumulation.

Caractéristiques des foyers modernes

Pour obtenir le meilleur résultat possible d'un appareil de chauffage, il est indispensable d'en adapter la construction aux propriétés particulières du combustible qui doit y être brûlé. Il d'agit là d'un principe valable pour tous les appareils producteurs de chaleur. Il vaut tout spécialement pour le bois dont les propriétés combustibles sont essentiellement différentes de celles du coke, du charbon et des autres combustibles. Malheureusement on attache souvent peu d'importance aux particularités spécifiques du bois. Ce combustible s'enflamme et brûle si facilement - un tas de bûches sur le sol et déjà le feu luit - qu'on ne juge pas nécessaire de prendre des dispositions spéciales.

En outre, il existe de nombreux types de foyers que les constructeurs ont voulu concevoir pour l'utilisation de plusieurs combustibles. Le résultat, c'est qu'aucun de ces modèles ne peut répondre pleinement à toutes les exigences qui sont posées et que c'est encore le bois qui en souffre le plus.

La technique du chauffage a pour tâche de créer des appareils dans lesquels le processus de la combustion puisse se développer le mieux possible, dans toute sa plénitude. Ces appareils devraient permettre de régler et de conduire à volonté l'intensité du dégagement de chaleur.

Les conditions dans lesquelles doit s'opérer la combustion du bois découlent des propriétés physiques et chimiques de la matière ligneuse. (Nous avons vu qu'elles sont très différentes de celles des autres combustibles. La construction des foyers doit donc en tenir compte.) A cet égard trois éléments ont une importance primordiale: les dimensions de la grille, l'aménagement du foyer, la bipartition de l'amenée d'air (air primaire et air secondaire). En ce qui concerne les dimensions, il n'est pas possible d'établir des règles fixes. Chaque appareil doit être conçu pour l'usage qui en sera fait et, pour ainsi dire, individuellement. Mais de façon générale tous les foyers à bois auront un foyer, une grille et un apport d'air.

Le foyer

La fonction du foyer est non seulement de contenir la réserve nécessaire de combustible, mais encore de procurer aux flammes un espace suffisant pour qu'elles puissent se développer librement. Le foyer aura donc des dimensions telles que les gaz aient le temps de brûler complètement avant d'entrer en contact avec les surfaces de chauffe qui les refroidiront. Le raccordement du foyer à la grille, qui est plus étroite, se fait par des parois latérales inclinées qui donnent à la partie inférieure la forme d'une trémie. Grâce à cette disposition, le charbon de bois s'accumule sur la grille qu'il recouvre entièrement, et où il forme toujours une couche suffisamment épaisse. La profondeur totale du foyer doit être un peu plus grande que la longueur des bûches.

Les conduits de feu et de fumée, qui font suite au foyer, doivent être disposés de telle sorte que les surfaces chauffantes soient léchées intensivement par les gaz. Il s'agit là de trouver une solution rationnelle du point de vue de la technique des courants. Les dimensions des conduits seront proportionnées à la teneur en gaz du combustible et à la surface de chauffe. Pour les chauffages à bois, on étirera les conduits en longueur, en réduisant leur section vers la sortie, proportionnellement à la diminution de volume des gaz consécutive au refroidissement.

La grille

La surface totale de la grille doit être relativement faible. Elle sera dans tous les cas plus petite que la base du foyer, afin que le charbon de bois, qui se forme pendant la combustion, atteigne une hauteur suffisante au-dessus de la grille et que celle-ci soit entièrement recouverte. La charge normale de la grille, c'est-à-dire la quantité de chaleur produite par mètre carré de grille, doit atteindre les chiffres suivants:

Poêles

90000-200000 kcal/m2/h

Cuisinières

200000-250000 kcal/m2/h

Chaudières

220000-250000 kcal/m2/h

Ces charges supposent évidemment un tirage proportionné. S'il est trop faible, en raison par exemple d'une cheminée trop basse ou mal construite, la charge admissible doit être abaissée. Lorsque la surface de la grille est trop grande, la température des gaz de fumée est très élevée, ce qui entraîne de grandes pertes de calories. D'autre part, une grille trop petite cause facilement des difficultés de tirage, d'où combustion incomplète du bois avec risque de goudronnage dans la cheminée.

Pour un foyer à bois, la grille doit être construite de telle sorte que le rapport de la surface des fentes à la surface totale se situe entre 0,25 et 0,35. Ce rapport est beaucoup plus petit que celui des grilles à coke, ce qui tient d'une part à la consommation d'air relativement faible du feu de bois, d'autre part à l'apport d'air sur deux niveaux différents.

On choisit de préférence une grille plane. Elle doit être construite de telle façon que les cendres puissent être enlevées facilement et que l'air ait accès à tous les points. Pour les installations de grande puissance, les barreaux de la grille devraient être dentelés ou cannelés à leur face inférieure, afin qu'ils se refroidissent suffisamment. On utilise aussi des barreaux réfractaires. Quant à la longueur de la grille, elle devrait correspondre à la longueur des bûches de bois.

La figure illustre (de gauche à droite) trois systèmes de combustion: montante, horizontale, et descendante ou inversée. P signifie air primaire, S, air secondaire.

L'apport d'air

Dans un foyer à bois l'air comburant doit être introduit à deux niveaux: sous la grille - air primaire; dans la flamme - air secondaire.

L'air primaire parvient au bois à travers les fentes de la grille. Comme il ne s'agit que d'une partie de la quantité totale nécessaire à la combustion, le dégagement de gaz est moins rapide et la combustion peut être réglée plus facilement. L'air primaire doit cependant être introduit en quantité suffisante, car si l'on trop la production des gaz et, par conséquent, le développement de chaleur, la combustion resterait incomplète.

L'air secondaire doit être préalablement réchauffé, puis réparti régulièrement dans les gaz de combustion, au-dessus de la couche de combustible, afin d'enflammer les gaz qui n'ont pas encore brûlé. Dans les petits appareils domestiques, l'air secondaire peut être soutiré, comme l'air primaire, de la cage du cendrier. Des canaux, dans lesquels il se réchauffe, le conduisent dans le foyer où il débouche par des ouvertures dispersées en ordre régulier. Dans les grandes installations, l'air primaire et l'air secondaire sont introduits et réglés séparément.

Ces deux apports d'air doivent se trouver dans un rapport de quantité bien déterminé. On donne aux bouches d'air secondaire une surface totale qui correspond au quart ou au tiers de la surface des fentes de la grille par où pénètre l'air primaire.

Systèmes de combustion

Un appareil de chauffage moderne ne doit pas seulement assurer une combustion complète, sans condensation, et un rendement calorifique aussi élevé que possible; il doit encore pouvoir soutenir la concurrence des autres modes de chauffage sous le rapport de l'utilisation pratique: commodité, propreté, etc.

Pour répondre à ces exigences, on a le choix entre plusieurs systèmes de combustion qui peuvent s'appliquer selon le genre et le but du chauffage.

La combustion montante

Dans ce type de foyer, la flamme monte, le feu se développe dans toute la couche de combustible, de sorte que la totalité de la charge brûle simultanément. Il n'est donc pas possible d'obtenir un véritable chauffage inextinguible. Ce système, qui est le plus simple et le plus ancien, peut donc être appliqué partout où l'on ne doit pas entretenir un feu continu.

Grâce à la grille étroite et aux parois inclinées formant trémie, on obtient toujours une bonne couche de braises, assurant une combustion lente, facile à régler. Les braises, bien serrées en tas, se maintiennent longtemps et suffisent encore, après un laps de temps prolongé, à enflammer une nouvelle charge de bois. L'air secondaire, qui passe par des canaux latéraux, débouche dans le foyer au-dessus du combustible et se mélange aux gaz. Pour ménager le passage de l'air secondaire, on peut utiliser des pierres réfractaires spécialement fabriquées à cet effet. Elles sont pourvues d'ouvertures d'entrée et de sortie pour l'air secondaire, et leur face inclinée constitue la trémie du foyer.

Combustion horizontale

Le foyer sert en premier lieu de réservoir pour le combustible, tandis que les flammes se développent dans une seconde chambre. Les fentes qui assurent la liaison entre le foyer et cette chambre ne doivent pas être trop grandes, afin que la zone de combustion se maintienne aussi basse que possible. Mais, d'autre part, elles ne doivent pas être trop justes, car il en résulterait des inconvénients en cas de tirage insuffisant. La section de ces fentes doit donc être exactement proportionnée aux conditions d'utilisation. L'air secondaire est introduit à la sortie du foyer, c'est-à-dire à l'endroit le plus étroit, là où les flammes se trouvent resserrées.

L'air primaire et l'air secondaire pénètrent par la porte et la cage du cendrier. Ils peuvent avoir une entrée commune ou être séparés dès le début. Les portes de service, dépourvues de rosace pour l'entrée d'air, doivent être étanches et fermer aussi hermétiquement que possible. En effet, si l'air pénètre au-dessus de la zone de combustion, toute la réserve de bois peut s'enflammer, ce qui est contraire au principe et au but de ce type de combustion.

Pendant la combustion, des gaz s'accumulent dans la partie supérieure du réservoir. Si on ouvre la porte de chargement avant que toute la charge ait brûlé, la pénétration d'air produit une petite explosion. Pour parer à cet inconvénient, on adapte à la porte de chargement un clapet à dérivation by-pass. Le levier du by-pass verrouille la porte. Il n'est donc pas possible d'ouvrir la porte de chargement avant que le clapet ne soit ouvert. On évite ainsi des explosions et le dégagement de fumée lorsqu'on recharge le foyer. Pour l'allumage, le clapet du by-pass sert de tirage direct. On le referme au moment où un lit de braises- s'est formé et où le chargement est terminé.

La combustion descendante ou inversée

Ce système assure aussi une combustion continue avec dégagement de chaleur régulier.

Comme son nom l'indique, ce qui fait la particularité de ce système, c'est la combustion dirigée vers le bas. Sur la grille ne se trouve que la chambre de combustion formant réservoir de combustible. Les flammes, elles, se développent sous la grille, laquelle est faite de barreaux réfractaires laissant entre eux de minces fentes. Pendant la combustion, seule brûle la couche de combustible qui se trouve immédiatement sur la grille. Les flammes traversent les fentes et se développent dans la chambre sous-jacente, d'où partent les canaux de fumée. L'introduction de l'air carburant est aussi inversée, c'est-à-dire que l'air primaire est introduit au-dessus de la grille, tandis que l'air secondaire arrive au-dessous. Ce système garantit une bonne combustion, car les gaz traversent tout d'abord la grille réfractaire qui est très chaude. Il s'ensuit que la demande d'air secondaire est moins forte et que l'excès d'air primaire peut fonctionner comme air secondaire.

On ménage ici aussi un réservoir de combustible assez haut. Il faut donc prévoir, comme dans le système précédent, un clapet avec by-pass fonctionnant comme il a été indiqué plus haut. Si l'on veut assurer le feu continu, c'est-à-dire la combustion inextinguible, il faut évidemment que les portes de service soient étanches et que le clapet ferme hermétiquement.

On comprendra aisément que, dans un foyer de ce type, on ne paisse utiliser que des combustibles brûlant avec une longue flamme, donc principalement du bois. Comme pour tous les foyers modernes, qui tirent du combustible un rendement élevé, les appareils à combustion descendante exigent une cheminée en parfait état, créant un tirage suffisant.


Page précédente Début de page Page suivante