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Chapitre 4

LES RESSOURCES FORESTIERES DE L'EUROPE

4.1 Introduction

La cinquième Etude a pour principal objet d'analyser les perspectives d'équilibre entre l'offre et la demande de bois ronds et de produits forestiers en Europe. Vu le caractère pérenne de la foresterie, dont les cycles sont beaucoup plus longs que ceux des industries forestières ou des marchés des produits forestiers, la tâche la plus difficile réside dans l'examen de l'équilibre entre l'offre et la demande de bois ronds, et en particulier des bois ronds originaires des forêts européennes. A cette fin, il est nécessaire de placer l'évolution à long terme des ressources forestières de l'Europe dans le contexte de l'évolution attendue des produits forestiers et de la demande de bois ronds. C'est ce qui sera fait au chapitre 11. Le présent chapitre est axé sur les perspectives d'offre de bois des forêts européennes à la lumière des politiques forestières nationales actuelles et l'on y décrit à grands traits l'avenir des ressources de l'Europe jusqu'au milieu du XXIe siècle, sur la base des prévisions nationales jusqu'en 2040.

Tout comme le reste de l'Etude, le présent chapitre ne s'intéresse qu'à la fonction d'approvisionnement en bois des forêts européennes et laisse de côté les questions complexes ayant trait à la capacité des ressources de répondre à la demande sociale pour d'autres biens et services forestiers.

Les prévisions du présent chapitre reposent sur les prévisions nationales concernant la superficie boisée, le matériel sur pied, l'accroissement, les abattages et les quantités enlevées, communiquées en réponse à une enquête menée en 1992. Ces prévisions ont été rassemblées, validées et traitées par M. H. Pajuoja, détaché par le Gouvernement finlandais. Le secrétariat saisit cette occasion pour remercier M. Pajuoja et le Gouvernement finlandais de cette importante contribution à la cinquième Etude.

On trouvera dans le présent chapitre essentiellement des données relatives à des groupes de pays ou à l'ensemble de l'Europe. Les données par pays figurent dans le document de travail de la cinquième Etude établi par M. Pajuoja et publié sous la cote ECE/TIM/DP/4 1.

Après une brève description des ressources forestières européennes vers 1990, on trouvera au présent chapitre des prévisions portant sur les mêmes ressources ainsi qu'une analyse de leur nature et de leur sensibilité à différentes hypothèses, touchant notamment les politiques, les prix ou la demande de produits forestiers.

4.2 Les ressources forestières européennes vers 1990

Les forêts européennes recouvrent environ 200 millions d'hectares, dont 135 millions d'hectares sont des “forêts exploitables” qui constituent la principale source de bois, 16 millions d'hectares sont des “forêts non exploitables” et 45 millions d'hectares d'“autres terres boisées”, y compris les forêts clairsemées et les terrains broussailleux méditerranéens. Les forêts et les autres terres boisées représentent 35 % de la superficie terrestre de l'Europe, soit un chiffre assez proche du taux moyen de couverture forestière mondiale (32 %).

S'il est vrai que l'Europe ne représente que 5 % environ des surfaces boisées mondiales, la forêt européenne est très diverse, non seulement du point de vue de l'écologie et de la productivité des sites naturels, mais aussi de par son histoire, ses régimes de propriété et sa gestion. La situation varie beaucoup selon les pays et à l'intérieur de ceux-ci (la présente Etude ne peut toutefois pas rendre compte de la diversité au sein des pays). Par exemple, la couverture forestière, notamment les “autres terres boisées”, est négligeable dans un petit nombre de pays, tels que l'Islande et Malte, et voisine de 10 % aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, mais de 68 % en Suède et de 77 % en Finlande.

Du point de vue écologique, les forêts européennes sont très variées, depuis les forêts boréales près de la limite de la zone arborée en Scandinavie septentrionale jusqu'au maquis ou à la garrigue méditerranéens, de l'eucalyptus à croissance rapide au chêne à croissance lente, de la forêt alpine aux forêts riveraines d'Europe centrale, etc.

Les forêts exploitables d'Europe contiennent environ 20 000 millions de m3 de bois, dont près de 5 000 millions de m3 dans l'UE (12) 2. Environ 63 % de ces ressources sont constituées de conifères. En raison de choix de gestion (durée des révolutions), ainsi que des conditions naturelles, le matériel sur pied à l'hectare varie aussi beaucoup : dans les pays nordiques, il est en moyenne de 80 à 120 m3 tandis qu'en Europe centrale et en Allemagne, il atteint près de 300 m3. La moyenne européenne est de 141 m3 par hectare. 85 % du domaine boisé européen est constitué de futaies et le reste de taillis et taillis sous futaie.

L'accroissement annuel net de bois varie aussi autour d'une moyenne européenne de 4,5 m3 à l'hectare (forêts exploitables uniquement), allant de moyennes nationales voisines de 1 m3 par hectare dans certains pays méditerranéens à 7–8 m3 à l'hectare dans des pays tels que la Belgique, le Danemark et l'Irlande. Bien entendu la différence entre les peuplements les plus productifs et les peuplements les moins productifs d'un même pays est encore plus grande. Au total, l'accroissement annuel net des forêts européennes est d'environ 630 millions de m3 par an, dont environ 190 millions de m3 dans les pays nordiques et 215 millions de m3 dans l'UE (12). Les 15 pays de l'UE (c'est-à-dire les 12 plus l'Autriche, la Finlande et la Suède) en assurent 65 %.

En Europe, les abattages se situent autour de 435 millions de m3 sur écorce, soit à peine moins de 70 % de l'accroissement annuel net. Le rapport abattages/accroissement est voisin de la moyenne européenne dans la plupart des pays et inférieur à 100 % partout sauf dans un tout petit nombre de pays méridionaux : Albanie, Chypre et Grèce. Au Portugal et dans des régions de l'ex-Yougoslavie, il est supérieur à 95 %. La production actuelle de bois de l'Europe est donc manifestement très inférieure à son potentiel physique, à l'exception des pays susmentionnés.

Il est difficile d'obtenir des données fiables sur l'évolution dans le temps, du fait en partie de la difficulté à distinguer entre ce qui est changement réel et ce qui est dû à l'amélioration des méthodes de mesure. D'après l'Evaluation de 1990, le domaine boisé européen a toutefois augmenté de 1,9 million d'hectares entre 1980 et 1990. La conversion de terres forestières à d'autres utilisations, notamment l'urbanisation et l'infrastructure des transports, a été compensée par le boisement d'anciennes terres agricoles et l'extension naturelle.

A peine plus de la moitié des forêts européennes font l'objet d'une appropriation privée : agriculteurs, petits propriétaires, grands domaines traditionnels (parfois gérés aujourd'hui de manière professionnelle pour le compte d'investisseurs non résidents) et, en particulier dans les pays nordiques, entreprises forestières. Les forêts du domaine public peuvent appartenir à l'Etat, à des entités régionales (comme les Länder en Allemagne), à des municipalités ou à divers autres organes. Dans certains pays, les forêts publiques qui n'appartiennent pas à l'Etat sont gérées par le service forestier national, mais cela n'est pas le cas partout.

Dans tous les pays européens dotés de ressources forestières importantes, la loi vise à garantir une gestion viable des forêts même si, jusqu'à une date récente, la viabilité était essentiellement mesurée en termes de production de bois. En général, tous les propriétaires forestiers, particuliers ou publics, sont censés ne pas procéder à des coupes qui excèdent la capacité de production permanente du site. Les modalités d'application de ces législations varient beaucoup selon le système juridique et politique et la situation forestière de chaque pays. D'une manière générale, les propriétaires forestiers devraient gérer leur terre conformément à un plan de gestion approuvé par un organisme officiel. La complexité des conditions varie habituellement en fonction de la taille du domaine car il est manifestement déraisonnable d'attendre des plans de gestion détaillés (et coûteux) des propriétaires de quelques hectares seulement.

Il existe d'importantes différences entre les pays et surtout, entre les groupes de propriétaires, en ce qui concerne l'intensité de l'aménagement forestier et les objectifs d'exploitation, facteur essentiel pour déterminer le potentiel effectif de production de bois de l'Europe. D'autres objectifs que la maximisation du revenu (exprimé sous forme de production de bois ou de profit financier) sont importants, voire dominants, pour des millions de propriétaires forestiers privés; pour un grand nombre d'entre eux, la forêt représente des possibilités de loisirs (par exemple la chasse), un paysage et une protection contre des nuisances visuelles, la conservation de la nature ou un fonds précieux (par exemple les terres forestières que des citadins héritent de parents ou grands-parents ruraux). Souvent, les gestionnaires de forêts publiques, s'ils disposent de davantage de ressources et de savoir-faire, sont confrontés à une tâche encore plus difficile : concilier les intérêts de tous les groupes d'usagers actuels et potentiels sans opérer une ponction excessive sur les deniers publics 3.

On ne connaît pas bien les motivations et le comportement des propriétaires particuliers, malgré des recherches effectuées dans quelques pays, notamment les pays nordiques et la France. Dans la plupart des pays, faute de données quantitatives, on suppose que le volume de bois produit par les petits et moyens propriétaires forestiers demeurera constant, malgré le changement manifeste du propriétaire “moyen” qui devient plus urbain, est davantage absent et fortuné et s'éloigne de l'agriculteur. Par ailleurs, on admet généralement qu'en matière de production de bois (à l'exception des pays nordiques), le comportement des propriétaires privés ne dépend pas des prix (sauf peut-être à très court terme), mais est déterminé par des événements exogènes et individuels (comme par exemple la nécessité souvent citée de payer les frais de mariage d'une fille). Dans certains pays, les motivations semblent toutefois plus complexes, comme le maintien d'un revenu total constant, d'où une corrélation négative entre l'offre de bois et les prix agricoles (lorsque ces derniers sont élevés, le paysan forestier vend moins de bois pour obtenir le même revenu total). Il convient également d'observer qu'il est difficile d'évaluer la sensibilité aux prix de l'offre de bois des forêts privées étant donné que sur la longue durée les prix réels des bois ronds n'ont pas sensiblement varié dans la plupart des pays : on ne sait tout simplement pas comment les propriétaires forestiers privés, grands ou petits, réagiraient face à une hausse ou à une baisse sensible des prix des bois ronds.

4.3 Les perspectives des ressources forestières européennes

i) Méthodologie

Les prévisions à long terme de l'offre de bois et des ressources forestières associent de manière troublante une forte prévisibilité et une grande incertitude. D'une part, du fait de la durée des révolutions et de la bonne connaissance dans la plupart de l'Europe du matériel sur pied, des taux de croissance, des classes d'âge et de la productivité des sites, l'aspect biologique est bien connu : de fait, presque tous les arbres qui seront récoltés dans le premier quart du XXIe siècle sont déjà plantés (certains l'ont été entre les deux guerres ou plus tôt). De plus, un grand nombre des principales décisions sylvicoles, notamment le choix des essences, la méthode de régénération et l'espacement (pour les plantations) ne feront sentir véritablement leurs effets à l'échelon national, voire local, que dans plusieurs décennies.

D'autre part, la décision la plus importante, quand et combien couper, dépend d'une série totalement différente de facteurs essentiellement à court terme, qu'il est assez difficile de prévoir, même d'ici à quelques années. Il s'agit notamment de la demande de produits forestiers, qui influe sur la demande de bois ronds (avec des facteurs de qualité et d'emplacement), des prix actuels et anticipés des bois ronds et des coûts de récolte, ainsi que de la diversité susmentionnée des objectifs de gestion, dont certains sont extrêmement difficiles à mesurer en termes économiques.

Plusieurs méthodes sont utilisées pour projeter l'offre future de bois aux échelons national ou régional : modélisation détaillée des processus biologiques, en s'attachant à la productivité des sites et à la composition par âges; agrégation des plans de gestion enregistrés auprès de l'autorité forestière; modèles économétriques, incorporant un élément biologique et reposant sur des hypothèses relatives à la réaction des propriétaires forestiers face à différentes situations de prix. Aucune de ces méthodes ne peut à elle seule produire des projections entièrement fiables aux niveaux national et encore moins international.

La cinquième Etude s'appuie sur l'expérience et l'opinion des correspondants nationaux pour synthétiser les informations qu'ils ont communiquées et utiliser au besoin leurs avis. Les correspondants nationaux de l'Etude ont été priés de fournir des prévisions détaillées pour leur pays, en fonction de leur connaissance des ressources forestières actuelles et en supposant que les prix des bois ronds demeuraient constants en termes réels 4. Les prévisions des quantités enlevées, établies par les correspondants, qui sont présentées en détail dans le document de travail de M. Pajuoja, ont ensuite été comparées avec la demande induite de bois ronds, telle qu'elle est indiquée dans l'analyse de cohérence décrite au chapitre 11. Dans la plupart des cas, il n'a pas été nécessaire de modifier le scénario de base des correspondants. En cas de discordance, des ajustements ont été opérés en consultation avec le correspondant national afin d'harmoniser les prévisions des quantités enlevées et le niveau attendu de la demande. Lorsque le scénario des quantités enlevées a été rectifié, on a également modifié les prévisions nationales du matériel sur pied à des fins de cohérence interne. On notera donc que les données relatives aux quantités enlevées, au matériel sur pied et à l'accroissement qui figurent dans le présent chapitre et dans les autres parties de la cinquième Etude ne sont pas identiques à celles du document de travail, bien qu'elles en découlent et coïncident exactement dans la plupart des cas.

Les prévisions du présent chapitre incorporent les niveaux des quantités enlevées de la variante basse du scénario de base. Etant donné qu'il n'y a qu'une différence de 6 millions de m3 dans les prévisions des quantités enlevées en 2020 selon la variante basse et selon la variante haute, il est apparu inutile de présenter deux scénarios qui ne différaient que dans des proportions négligeables.

ii) Hypothèses fondamentales des scénarios

Les correspondants nationaux ont été invités à fournir des renseignements sur la politique générale et les autres hypothèses à la base de leurs prévisions. Bien que leurs-réponses ne soient en aucun cas exhaustives (voir les pages 4 et suivantes du document de travail), on peut faire quelques remarques.

Un certain nombre de pays devraient poursuivre leurs politiques officielles (qui sont parfois anciennes) d'expansion et d'amélioration de la forêt. C'est le cas du Danemark (qui prévoit de doubler son domaine boisé en 70–100 ans), de l'Espagne, de la France, de la Hongrie, de l'Irlande et de la Turquie. Le Royaume-Uni prévoit la mise en exploitation des plantations existantes mais, malgré une nouvelle expansion sensible de la superficie (350 000 nouveaux hectares entre 1990 et 2020), les abattages devraient progresser plus rapidement que l'accroissement.

Plusieurs pays ont indiqué que les politiques de l'environnement, en particulier la nécessité d'accorder un rang de priorité plus élevé dans les objectifs d'aménagement forestier à la préservation de la diversité biologique, auraient une influence soit sur le volume des quantités enlevées, soit sur le classement des forêts en forêts “exploitables”, soit sur les deux. Cet élément a été mentionné (souvent de manière incomplète ou non quantifiée) par la Bulgarie, le Danemark, la Finlande (qui ne s'attend à aucun effet majeur sur les abattages), la France (extension des zones protégées), l'Italie (les abattages et la superficie des forêts exploitables devraient diminuer, en partie du fait de “campagnes d'associations écologistes contre l'exploitation”), la Norvège (qui ne prévoit pas de restrictions majeures à la récolte), la Pologne (allongement des révolutions, restrictions imposées à la coupe à blanc mais pas de changement majeur du volume des abattages), la Suède (le classement de forêts et le boisement de terres agricoles devraient s'annuler réciproquement) et la Suisse (augmentation des enlèvements de feuillus et léger accroissement des pertes à l'abattage). Sans aucun doute, les autres pays ont implicitement supposé que des objectifs environnementaux seraient intégrés dans la pratique de l'aménagement forestier. Il est impossible de quantifier l'effet global de la législation de l'environnement, notamment parce qu'il n'y a pas de scénario “de référence”, c'est-à-dire un niveau d'abattage qui serait obtenu en l'absence de restrictions environnementales : dans la situation de gestion des forêts qui est celle de l'Europe, il serait difficile même d'estimer un tel chiffre et probablement cela serait dénué de tout intérêt étant donné que les questions d'environnement et de production de bois sont intimement liées à tous les niveaux de la gestion des forêts.

De nombreux pays ont fait état du boisement des terres agricoles, notamment l'Autriche (certaines terres agricoles pourraient être converties en forêts), l'Espagne, la Finlande (qui projette de réduire les terres arables de 200 000 hectares d'ici à l'an 2000 mais sans effet sensible prévu sur la production de bois), la France, la Norvège (si l'activité agricole diminue, la foresterie pourrait en subir le contrecoup car les agriculteurs sont également propriétaires forestiers), la Pologne (environ 10 % des terres agricoles seront boisés, mais ce processus sera lent), la Slovaquie (60 000 hectares de terres agricoles à faible rendement seront boisés ce qui compensera l'affectation de terres forestières à d'autres fins) et la Suède (voir ci-dessus). Il apparaît de cette énumération que si le boisement des terres agricoles est une importante question pour les gouvernements, les correspondants nationaux ne pensent pas qu'il bouleversera le secteur forestier, notamment pour les raisons suivantes :

TABLEAU 4.3.1

Europe : scénario de base concernant les forêts exploitables
(En millions de m3 sur écorce; pour les quantités enlevées, sous écorce; unité = 106)
 19902020Variation 1990-2020
(Volume)(en pourcentage)
Matériel sur piedm3 sur écorce19 81025 145+ 5 336+ 27
Accroissement annuel net" "629694+ 65+ 10
Abattages" "436535+ 99+ 23
Quantités enlevéesm3 sous écorce392480+ 88+ 22


TABLEAU 4.3.2

Scénario de base concernant les forêts exploitables par groupe de pays
(En millions de m3 sur écorce; pour les quantités enlevées, sous écorce)
 Matériel sur piedAccroissement annuel netQuantités enlevés
199020201990202019902020
Europe19 81025 145629694392480
Pays nordiques  4 977  6 913194234110136
Union européenne (12 pays)  6 453  8 072214235144175
Europe centrale  1 332  1 624  36  40  22  26
Europe orientale  4 273  5 483112112  64  68
Europe du Sud-Est  1 895  2 058  50  50  42  54
Pays baltes   879    994  23  23  11  20

Note: Les “quantités enlevées” sont de toutes origines (pas seulement les “forêts exploitables”).

TABLEAU 4.3.3

Scénario concernant les forêts exploitables: principaux rapports
 Matériel sur pied par hectare (en m3 sur écorce)Abattages/accroissement (en pourcentage)
1990202019902020
Europe14117469  77
Pays nordiques10314369  71
Union européenne (12 pays)15117472  80
Europe centrale29435572  77
Europe orientale18322663  68
Europe du Sud-Est12113176100
Pays baltes15317156103

Les dégâts, dus par exemple à la pollution ou aux incendies de forêt, ont été mentionnés par plusieurs pays : l'Autriche (où il n'apparaît pas que les dommages forestiers affectent l'accroissement), l'Espagne (incendies), la Finlande (effets visibles des pluies acides mais sans conséquence sur l'offre de bois), la France (pas d'incidence des dégâts forestiers sur les quantités enlevées), le Portugal (le problème des incendies de forêt ne sera pas résolu), la République tchèque (persistance des effets préjudiciables à l'écosystème forestier; diminution de l'accroissement attribuée à une moindre densité des peuplements en raison de la pollution atmosphérique, des dégâts occasionnés par le gibier, du développement des feuillus et de la modification de la répartition des classes d'âge; l'effet favorable des NOx, du CO2 et du réchauffement global est pris en considération), la Slovaquie (qui prévoit une diminution de l'accroissement des conifères en raison de l'excès de pollution atmosphérique et de pluies acides), la Suède (effets de la pollution et du changement global inconnus).

Les pays en transition ont déclaré que le changement du régime de propriété des forêts entraînerait des modifications dans le secteur mais, dans la situation actuelle, ils n'ont pu les décrire et encore moins les quantifier.

Enfin, de nombreux correspondants ont nuancé leur scénario par des remarques sur l'incertitude quant à la demande et aux prix futurs des bois ronds, étant donné que l'on ignore l'élasticité-prix de leur offre; ils n'étaient pas en mesure d'évaluer la demande future de bois ronds et de produits forestiers.

Il est d'ailleurs bien entendu que la cinquième Etude a pour principal objet de fournir des renseignements pertinents sur la demande et les prix futurs des bois ronds; il est à souhaiter qu'elle permettra aux responsables et aux prévisionnistes nationaux d'examiner et, si nécessaire, de réviser, les perspectives de leur pays à la lumière des perspectives de la situation internationale.

FIGURE 4.3.1FIGURE 4.3.2
Quantités enlevées par groupe de paysRapport abattages/accroissement
FIGURE 4.3.1FIGURE 4.3.2
FIGURE 4.3.3FIGURE 4.3.4
Matériel sur piedQuantités enlevées et accroissement en Europe
FIGURE 4.3.3FIGURE 4.3.4
 L'accroissement en 2020 résulte des prévisions nationales concernant
 l'accroissement annuel net, corrigées du pourcentage de l'écorce.

iii) Superficie, quantités enlevées, matériel sur pied et accroissement jusqu'en 2020

On ne s'attend à aucune modification majeure de la superficie des forêts “exploitables” en Europe : elles devraient s'accroître de 3,3 % (4,7 millions d'hectares) au cours des trente années comprises entre 1990 et 2020. De nombreux pays signalent de faibles augmentations, mais l'essentiel de l'expansion est assurée par trois pays : l'Espagne (+ 1,7 million d'hectares, soit plus de 25 %), la France (+ 1 million d'hectares, ou 7,4 %) et la Pologne (+ 0,4 million d'hectares, soit 4,7 %). Les grands pays exportateurs (pays nordiques et Autriche) prévoient des augmentations négligeables de la superficie boisée (+ 40 000 hectares en Autriche). Tant en Espagne qu'en France, l'extension ne ferait que poursuivre des politiques anciennes d'expansion et d'amélioration de la forêt. En Pologne, elle pourrait résulter d'une réduction de la superficie des terres agricoles dans le cadre du processus de transition.

Les quantités enlevées devraient augmenter d'environ 0,7 % par an, pour atteindre 480 millions de m3 en 2020, soit 88 millions de m3 de plus qu'en 1990. Les accroissements les plus importants en volume sont enregistrés par l'Union européenne (12 pays) (+ 32 millions de m3) et les pays nordiques (+ 26 millions de m3). Ainsi, deux tiers de l'accroissement de la production européenne devraient provenir de l'UE élargie, notamment la France (+ 13 millions de m3), la Finlande (+ 12), la Suède (+ 10), le Royaume-Uni (+ 6) et l'Espagne (+ 5). En dehors de l'Union européenne élargie, les quantités enlevées devraient sensiblement progresser en Turquie (+ 11 millions de m3) ainsi qu'en Bulgarie (+ 2), en Croatie (+ 3), en Estonie (+ 4), en Lettonie (+ 3) et en Lituanie (+ 3). En termes relatifs, l'augmentation la plus forte est prévue par l'Irlande (+ 180 % au cours des trente prochaines années), l'Estonie (+ 129 %), la Croatie (+ 95 %), le Royaume-Uni (+ 93 %), la Lituanie (+ 91 %), la Lettonie (+ 52 %), la Bulgarie (+ 59 %) et la Turquie (+ 52 %). Seule l'Albanie prévoit un recul des quantités enlevées, de 1,6 million de m3, à mesure que les abattages non planifiés se raréfient et que la demande rurale de bois de feu diminue.

Dans une perspective historique, l'accroissement prévu des quantités enlevées en Europe prolonge la tendance régulière à l'augmentation de l'après-guerre.

Les abattages, qui comprennent les quantités enlevées sous écorce, l'écorce et les pertes d'exploitation et de transport, constituent un meilleur indicateur que les quantités enlevées du prélèvement véritable sur le matériel sur pied forestier. Ils peuvent être comparés à l'accroissement annuel net pour obtenir un indicateur brut de la durabilité de l'offre de bois 5. En 1990, les abattages représentaient environ 70 % de l'accroissement. Ce pourcentage devrait atteindre quelque 77 % en 2020. Etant donné que le prélèvement est toujours nettement inférieur à l'accroissement, le matériel sur pied s'accroîtra de 5 335 millions de m3 au cours des trente années (+ 27 %). Compte tenu de la stabilité du domaine boisé, le matériel sur pied par hectare ne peut que s'accroître également, la moyenne européenne passant de 141 m3 à 174 m3 par hectare. Cette tendance touchera presque tous les pays, notamment ceux où le matériel sur pied moyen par hectare est déjà élevé. En Europe centrale, par exemple, il passera entre 1990 et 2020 de 294 à 355 m3 et en Allemagne de 271 à 315 m3 par hectare. En résumé, la forêt européenne continuera à accumuler du bois à mesure que l'exploitation demeurera très inférieure au potentiel biologique, malgré l'utilisation réelle d'une part plus importante de l'accroissement.

Ces données fournissent-elles des indications quant aux menaces qui pèsent sur la capacité physique de l'Europe à maintenir son offre de bois ? Dans un petit nombre de pays européens, les abattages excèdent l'accroissement. C'est le cas de l'Albanie, de Chypre et de la Grèce, où prévalent des conditions méditerranéennes semblables, telles que les incendies et le surpâturage ainsi que la viabilité économique marginale des opérations forestières. Dans ces trois pays, le matériel sur pied devrait être inférieur en 2020 à ce qu'il était en 1990.

En Suisse également, les abattages sont supérieurs à l'accroissement et devraient le demeurer; toutefois, la situation suisse diffère considérablement de celle des pays méditerranéens précités en raison de l'accumulation excessive du matériel sur pied au point de menacer dans certaines régions du pays la stabilité des forêts montagneuses. Il est prévu de régénérer la forêt en intensifiant l'exploitation. Là aussi des problèmes économiques se posent en liaison avec le coût des opérations forestières en montagne.

En 1990, dans les pays baltes, les abattages représentaient 56 % de l'accroissement mais ils devraient passer à 103 % en 2020, sous la pression tant des exportations que de la demande intérieure. Sur la base des résultats préliminaires de nouveaux inventaires forestiers, certains pays pensent que les données précédentes relatives à l'accroissement étaient en réalité trop modestes et que les quantités enlevées peuvent atteindre des niveaux beaucoup plus élevés sans endommager les ressources, encore que cette évolution doive, bien entendu, être suivie de près.

Enfin, on ne sait rien de la situation actuelle des forêts dans les Etats qui ont succédé à l'ex-Yougoslavie, mais on doit supposer qu'elles sont sous la menace de dommages directement infligés par les opérations militaires, l'importante demande de bois de feu, l'absence d'administration effective des forêts et la recherche de devises.

iv) Possibilités d'accroissement de l'offre de bois en Europe

Est-il possible de dire quelque chose au sujet des possibilités d'accroissement des quantités enlevées en Europe au-delà du volume prévu par le scénario de base (qui devrait, en tout état de cause, augmenter de près de 190 millions de m3 au cours des trente années) ? Si l'on utilise l'accroissement annuel dans les forêts exploitables comme mesure approximative des abattages potentiels, il apparaît que le potentiel biologique maximum des quantités enlevées en Europe se situerait en 2020 aux environs de 625 millions de m3 sous écorce 6 contre 480 millions de m3 sous écorce prévus et un niveau actuel de 390 millions de m3 sous écorce. En 1990, les quantités enlevées étaient à peu près inférieures de 175 millions de m3 à leur potentiel biologique maximum. D'ici à 2020, elles pourraient être au maximum supérieures de 145 millions de m3 sous écorce au volume prévu : sur cette différence, environ 75 millions de m3 proviendraient des pays nordiques et 35 millions de m3 de l'UE (12).

En réalité, la différence entre le volume prévu des quantités enlevées et celui de l'accroissement annuel net (corrigé de l'écorce) en 2020 provient pour l'essentiel de six pays seulement - Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, Roumanie et Suède - qui représentent à eux seuls environ 95 millions de m3 sous écorce, dont 40 millions de m3 pour la Finlande et 20 millions de m3 pour la Suède. Bien entendu, ces chiffres ne recouvrent que d'éventuelles coupes supplémentaires dans les forêts exploitables (comme prévu d'après les hypothèses existantes) et ne tiennent pas compte d'un potentiel supplémentaire de production provenant du perfectionnement de la sylviculture ou de l'extension du domaine boisé 7. Ils s'ajouteraient par ailleurs aux augmentations des quantités enlevées déjà prises en compte dans les prévisions.

Le fait qu'il soit physiquement possible d'accroître les quantités enlevées de près de 150 millions de m3 par an par rapport aux prévisions ne signifie pas que cette éventualité se réalisera. Pour que les quantités enlevées dépassent le volume prévu, un certain nombre de conditions devraient être remplies par les propriétaires forestiers, tant particuliers que collectivités publiques, notamment :

Il est bon de noter toutefois que sur les six pays qui ont la possibilité d'accroître sensiblement les quantités enlevées par rapport aux prévisions, trois (Autriche, Finlande et Suède) sont les premiers pays forestiers exportateurs d'Europe; chacun disposerait de l'organisation, des compétences et des réserves financières nécessaires pour réaliser une telle expansion, si les conditions du marché le justifiaient 8. La différence entre les quantités enlevées prévues et le volume maximum estimé en 2020 dans ces trois pays considérés ensemble est de 70 millions de m3 sous écorce, mais il est certainement impossible de récolter chaque mètre cube d'accroissement, indépendamment des ressources de ces pays. On peut donc estimer très approximativement que, les conditions du marché le permettant, l'Europe pourrait porter les quantités enlevées à 530 millions de m3 (soit le niveau prévu de 480 millions de m3 plus 50 millions de m3 en provenance d'Autriche, de Finlande et de Suède).

Cette importante question sera examinée aux chapitres 11 et 12, car elle concerne l'interaction entre les différentes parties du secteur de la foresterie et des produits forestiers, et ne la considérer que d'un seul point de vue risquerait de conduire à de graves erreurs.

4.4 Conclusions

Les scénarios établis par les correspondants nationaux montrent qu'entre 1990 et 2020, les forêts exploitables européennes se développeront lentement grâce au boisement et à l'extension naturelle, phénomènes en contrepartie contrebalancés par la conversion de terres forestières à d'autres fins, notamment la protection de la nature. Le volume des quantités enlevées nécessaire pour satisfaire la demande projetée dans les scénarios de base s'accroît régulièrement mais faiblement pour atteindre 480 millions de m3 sous écorce en 2020. Ce chiffre demeure très inférieur au potentiel physique des forêts européennes tel qu'estimé par l'accroissement annuel net. Les abattages prévus en 2020 représenteraient 77 % de l'accroissement, contre 70 % en 1990. De ce fait, le matériel sur pied devrait progresser en valeur absolue et par hectare, en particulier dans un petit nombre de pays d'Europe centrale.

Le tableau général d'une croissance durable connaît un petit nombre d'exceptions. Dans quelques pays, notamment en Europe du Sud-Est, les ressources forestières sont menacées par le surpâturage, la demande de bois de feu et la guerre, et les abattages sont supérieurs à l'accroissement. A l'horizon de la cinquième Etude, les abattages dans les pays baltes pourraient également augmenter pour dépasser l'accroissement, quoique ce dernier a peut-être été quelque peu sous-estimé.

Ces scénarios constituent l'agrégation des prévisions nationales auxquelles s'ajoutent quelques estimations du secrétariat. Les hypothèses sur lesquelles ils reposent sont exposées à la section 4.3 ii) ci-dessus. En règle générale, on ne s'attend à aucun bouleversement de la politique forestière, des politiques dans les autres secteurs ou d'autres circonstances susceptibles d'influer sur le secteur forestier. Elles reposent sur l'hypothèse générale de prix des bois ronds inchangés.

Les scénarios concernant les ressources qui sont présentés au présent chapitre sont compatibles avec ceux de la demande qui le seront dans les chapitres suivants. Les perspectives de l'équilibre entre l'offre et la demande (chap. 11) confirment la plausibilité de l'hypothèse initiale d'une stabilité des prix des bois ronds.

En cas de “pénurie de bois” due, par exemple, à des restrictions de la production dans d'autres parties du monde, les scénarios montrent que les quantités enlevées en Europe pourraient être accrues, peut-être jusqu'à 530 millions de m3, sans épuiser les ressources forestières. Cela représente 140 millions de m3 de plus que les quantités enlevées en 1990 et 50 millions de m3 de plus que les prévisions pour 2020. Un tel accroissement par rapport aux prévisions nationales utilisées dans le scénario de base serait presque certainement impossible à obtenir sans une hausse importante des prix des bois ronds.

Notes du chapitre 4

1 Les données communiquées par les autorités d'un petit nombre de pays et citées dans le document de travail ne coïncident pas exactement avec celles du présent chapitre, qui ont été ajustées conformément aux méthodes décrites au chapitre 11 afin d'assurer une totale cohérence interne de l'Etude.

2 Les statistiques de la présente section proviennent des chiffres de base utilisés pour les prévisions qui seront présentés ultérieurement. Elles ne coïncident donc pas exactement avec les données officielles de l'Evaluation des ressources forestières de 1990, mais elles sont présentées à des fins de cohérence. En tout état de cause, les différences sont mineures.

3 Jusqu'à une date toute récente, les services forestiers de l'Etat de nombreux pays apportaient une importante contribution nette aux finances publiques; cela est de moins en moins souvent le cas à mesure que les forêts sont plus sollicitées et que les coûts augmentent alors que les recettes provenant de la vente de bois stagnent.

4 Les correspondants ont également été priés de fournir un autre scénario, en supposant une hausse en termes réels des prix des bois ronds, mais la plupart n'ont pas été en mesure de le faire ou ont déclaré que le niveau des prix n'influençait pas celui des quantités enlevées. On a donc renoncé à cet autre scénario.

5 Il s'agit d'un indicateur brut notamment parce qu'il ne tient pas compte de la composition par âge.

6 C'est-à-dire un accroissement annuel net de 690 millions de m3 sur écorce, moins 10 % d'écorce.

7 Qui n'accroîtraient toutefois l'approvisionnement en bois qu'à long terme.

8 A l'heure actuelle, les trois pays ont des abattages inférieurs au potentiel maximum de leurs ressources forestières nationales et ils importent de la matière première bois d'autres pays : cela témoigne de la situation actuelle des coûts relatifs et de la puissance commerciale de leurs industries forestières.


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