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Chapitre 11

SCENARIOS DE BASE POUR LE SECTEUR DE LA FORESTERIE ET DES PRODUITS FORESTIERS JUSQU'EN 2020

11.1 Introduction

Les chapitres précédents portaient sur les perspectives de diverses parties du secteur prises séparément. Le présent chapitre rassemble tous ces différents scénarios en deux scénarios de base pour l'ensemble du secteur, qui présentent une bonne cohérence interne et permettent de couvrir tous les aspects principaux du secteur.

Le principal instrument utilisé pour établir ces scénarios de base est un modèle de bilan matériel qui réunit les scénarios relatifs aux différentes parties du secteur et permet de vérifier leur cohérence interne à l'aide d'un simple organigramme et de coefficients de conversion entrées/sorties. Ce modèle intègre des données nationales, à intervalles de 10 ans, de 1990 à 2020. Les données sont publiées dans un document de travail de la cinquième Etude.

Après un bref examen des méthodes utilisées, on présentera dans le présent chapitre les deux scénarios de base. On trouvera au chapitre 12 quelques autres scénarios dont l'intérêt tient à ce qu'ils concernent soit des domaines d'incertitude majeure, soit des domaines où d'importants choix à long terme doivent être faits par les pouvoirs publics.

11.2 Méthodologie

La présente section n'offre qu'un aperçu général de la méthodologie du modèle; sa structure détaillée sera présentée dans le document de travail de la cinquième Etude. Les données nationales des scénarios de base ont été vérifiées par les correspondants nationaux.

Les scénarios de base ont été construits à partir des éléments ci-après : les quantités enlevées, sur la base des prévisions nationales (chap. 4); la consommation et la production des produits forestiers dans tous les pays à l'exception des pays en transition, sont le résultat de projections faites en appliquant les méthodes présentées au chapitre 6. Pour les pays en transition, les prévisions nationales, présentées au chapitre 10, ont été utilisées; le commerce net des produits forestiers est obtenu, par définition, en faisant la différence entre la production et la consommation, comme indiqué au chapitre 8. Le commerce net de matières premières a été estimé en consultation avec les correspondants nationaux, à la lumière des premiers résultats du modèle; l'utilisation de bois pour la production d'énergie est estimée en fonction des prévisions nationales (chap. 9); enfin, les taux de récupération des vieux papiers et d'utilisation des déchets de bois ont été estimés par le secrétariat selon la méthode exposée au chapitre 7.

Le modèle utilisé pour l'analyse de cohérence consiste à calculer, pays par pays, la demande de bois ronds, en fonction de scénarios établis pour la consommation, le commerce et la production des produits forestiers, en appliquant des coefficients de conversion entrées/sorties fournis à la FAO et à la CEE dans le cadre d'une enquête périodique. Les courants d'échanges de vieux papiers et de déchets ainsi que les tendances de l'utilisation de bois pour la production d'énergie sont explicitement analysés. La demande de bois ronds ainsi calculée est comparée avec les prévisions nationales de l'offre. Dans le petit nombre de cas où l'écart entre les deux lors du premier essai d'application était trop important, des corrections ont été apportées en consultation avec les correspondants nationaux de sorte que dans les scénarios de base, l'“écart” entre enlèvements calculés et enlèvements prévus est assez faible.

La seule différence entre les deux scénarios de base (variante basse et variante haute) concerne l'hypothèse relative au rythme de croissance de l'économie globale, comme on l'a vu au chapitre 3.

Bien que le modèle soit exprimé en termes purement physiques, il repose sur un fondement théorique. Dans toutes les parties du scénario initial, on a pris pour hypothèse des prix réels constants pour les bois ronds et pour tous les produits forestiers.

11.3 Scénarios de base

i) Hypothèses fondamentales

Comme tout scénario, les scénarios de base reposent sur des hypothèses déterminées qu'il faut garder présentes à l'esprit lorsque l'on évalue les résultats. Les principales sont les suivantes :

L'analyse économétrique de l'offre et de la demande de produits forestiers repose sur l'hypothèse implicite, commune à toutes les projections économiques, selon laquelle les relations fonctionnelles entre les variables dépendantes (niveaux de la consommation et de la production de produits forestiers) et les variables indépendantes (croissance économique, prix relatifs), calculées à partir d'une analyse rigoureuse des séries longues de données (1964–1992), demeureront aussi constantes à l'avenir et ne seront pas perturbées, par exemple, par des bouleversements du comportement des consommateurs ou du progrès technique. L'analyse économétrique menée dans le cadre de la cinquième Etude ne peut pas rendre compte des changements stochastiques de comportement ou de techniques, sauf au moyen d'une analyse de sensibilité, analogue à celle utilisée pour élaborer les autres scénarios qui seront présentés au chapitre 12.

ii) Aperçu général des scénarios de base

A la présente section, les paragraphes écrits en caractères normaux présentent le sens et l'ampleur des tendances. Ceux en italique contiennent des observations d'ordre plus qualitatif et décrivent les situations dans lesquelles les scénarios sont susceptibles de se dérouler.

La consommation de sciages et de panneaux devrait continuer à progresser tout au long de la période 1990–2020, mais plus lentement que l'ensemble de l'économie, surtout en raison du fait que le principal secteur utilisateur, le bâtiment, connaîtra une croissance plus lente que les autres secteurs de l'économie. La consommation de papiers et de cartons continuera toutefois à progresser à peu près au même rythme que l'ensemble de l'économie.

Les produits forestiers sont exposés à la concurrence sur les divers marchés mais sont capables de maintenir leur position à condition que des produits nouveaux soient mis au point, que les coûts soient contenus et que les circuits de distribution et de commercialisation soient adaptés. Ils présentent même peut-être un avantage sur d'autres matières premières parce qu'ils sont renouvelables et recyclables; les autres produits vont peut-être commencer à pâtir du fait qu'ils doivent être éliminés, qu'ils ne sont pas renouvelables et qu'ils nécessitent beaucoup d'énergie. Si la consommation de produits forestiers augmente plus lentement que l'économie dans son ensemble, c'est surtout parce que les principaux secteurs qui les utilisent, au premier chef le bâtiment mais aussi les secteurs utilisateurs de papier, ont un rythme de croissance plus faible que les services ou les secteurs de pointe. Il sera peut-être de plus en plus difficile de faire la distinction entre les sciages et les panneaux du fait de la généralisation de produits nouveaux composites, qui associent panneaux et diverses sortes de lamellés-collés avec aboutage à entures multiples, et fournissent des matériaux façonnés, économiques, à partir de bois de petit calibre. Les taux de croissance pour le papier reposent sur l'hypothèse qu'en fait, contrairement aux craintes de l'industrie du papier, les moyens électroniques ne remplaceront pas les modes de communication fondés sur le papier.

FIGURE 11.3.1FIGURE 11.3.2
Scénarios de la consommation européenne de sciagesScénarios de la consommation européenne de panneaux dérivés du bois
FIGURE 11.3.1FIGURE 11.3.2

FIGURE 11.3.3

Scénarios de la consommation européenne de papier

FIGURE 11.3.3
TABLEAU 11.3.1

Taux moyens de croissance annuelle, 1990-2020
(en pourcentage annuel)
 Variante basseVariante haute
Consommation  
Sciages0,81,0
Panneaux1,51,8
Papier et carton2,12,6
Bois de chauffage1,01,0
Production  
Sciages0,91,1
Panneaux1,31,6
Pulpe0,70,9
Papier et carton1,72,1

La production européenne de sciages et de panneaux devrait croître à peu près au même rythme que la consommation, mais celle de papiers et cartons devrait être plus lente, ce qui conduirait les producteurs européens à perdre des parts de marché. La production (et la consommation) de pâte augmenterait lentement avec le développement de la récupération des vieux papiers.

L'Europe sera toujours intéressante pour les industries déjà établies, en particulier quand il y a un site important ou homogène de ressources forestières, ou à proximité des principaux marchés, ou encore quand il existe un bon réseau de savoir-faire et d'institutions pour soutenir une industrie moderne. Néanmoins, les coûts de production étant plus élevés que dans d'autres régions dotées de conditions de pousse plus favorables ou d'une main-d'oeuvre meilleur marché (le coût du capital, facteur dont l'importance ne cesse de croître à tous les niveaux du secteur, sera de plus en plus uniforme, avec la mondialisation des marchés de capitaux), la concurrence demeurera âpre, d'où une perte de parts de marché.

On ne s'attend à aucune flambée des prix de l'énergie mais la consommation de bois à des fins énergétiques devrait continuer à progresser régulièrement au fur et à mesure que les avantages du bois en tant que source d'énergie renouvelable, décentralisée, sans effet sur le co2 (ce qui résout également les principaux problèmes d'élimination des déchets pour les industries utilisatrices du bois) seront de plus en plus reconnus et que les investissements nécessaires seront effectués.

C'est là un scénario raisonnable en l'absence de mesures vigoureuses visant à augmenter le prix des combustibles fossiles ou de l'énergie nucléaire. En cas de hausses notables des prix de l'énergie en général, ce scénario serait presque à coup sûr une sous-estimation. L'utilisation de déchets de bois comme source d'énergie, essentiellement dans les industries forestières, continuera aussi de se développer. Les principaux consommateurs d'énergie provenant du bois seront toujours les ménages ruraux, les industries forestières et les utilisateurs “intermédiaires”, comme les bâtiments à usage collectif (établissements scolaires, casernes, etc.) ou les installations de chauffage urbain, si les conditions économiques et sociales le permettent.

Le taux moyen de récupération des vieux papiers en Europe (pour réutilisation comme matière première) devrait passer d'environ 37 % en 1990 à plus de 48 % en 2020. Le volume récupéré en vue d'une réutilisation en 2020 aurait doublé (variante basse) ou triplé (variante haute) par rapport à 1990. De même, la part résiduelle des déchets d'usinage de bois sera encore plus faible qu'à l'heure actuelle, la majeure partie étant utilisée comme matière première pour la fabrication de pâte ou de panneaux, comme source d'énergie ou pour d'autres usages (par exemple l'horticulture). En 1990, environ 60 % des déchets d'usinage étaient utilisés comme matière première (principalement pour la pâte ou les panneaux de particules) : cette part devrait passer à 72 % en 2020.

Bien que le taux de récupération des vieux papiers prévu pour 2020 demeure nettement en deçà du maximum théorique (qui peut se situer aux alentours de 60 %), il n'en est pas moins élevé quand on sait que dans un grand nombre de pays d'Europe méridionale et orientale, ce taux est actuellement inférieur à 20 %. En 1990, le volume de vieux papiers récupérés en Europe représentait environ 66 % de la production européenne de pâte, mais en 2020 ce sera probablement plus de 95 %. Il est très vraisemblable que l'on utilisera comme matière première ou source d'énergie des volumes de plus en plus importants de déchets provenant des industries de deuxième transformation, notamment fabriques de meubles et menuiserie, ainsi que du bois usagé (palettes hors d'usage ou de transit, emballages, gravats).

Dans le cadre des politiques forestières actuelles, les quantités enlevées bois ronds devraient augmenter lentement, d'environ 390 millions de m3 à quelque 480–490 millions de m3 en 2020. Selon la plupart des correspondants nationaux, ce chiffre serait principalement la conséquence des méthodes de sylviculture et des compositions par âges plutôt que des prix des bois ronds (en d'autres termes, l'offre de bois ronds dans la plupart des régions européennes est inélastique par rapport au prix). Toutefois un tel taux d'abattage ne représenterait encore qu'environ 70 % de l'accroissement annuel net et le matériel sur pied augmenterait pour passer d'une moyenne de 143 m3 à l'hectare en 1990 à 173 m3 à l'hectare en 2020 puis à 197 m3 à l'hectare en 2040. Le matériel sur pied moyen par hectare devrait atteindre des niveaux sans précédent dans certains pays d'Europe orientale. Les prévisions des quantités enlevées ne supposent aucune expansion notable de la superficie boisée, par exemple du fait de la transformation de terres agricoles en forêts.

Cette “sous-utilisation” des ressources forestières européennes est plus ou moins marquée selon les régions. Dans certaines régions, il s'agit plutôt d'une fiction statistique vu qu'il n'y a aucune possibilité réelle d'augmenter la production, par exemple parce que les exploitations sont trop petites ou que les peuplements sont difficiles d'accès. Ailleurs, il peut s'agir de forêts inéquiennes, avec, par exemple, une prépondérance de peuplements jeunes. Parfois, notamment chez les principaux exportateurs européens, il peut exister une véritable réserve de bois qui pourrait être exploitée s'il y avait une demande. Du point de vue économique toutefois, une conclusion est claire : s'il y avait “pénurie” de bois, en raison par exemple d'une forte demande ou du fait d'interruptions dans l'offre d'autres régions du monde, le potentiel matériel existe pour accroître dans des proportions notables la production intérieure de bois ronds en Europe. Si les prix du matériel sur pied devaient augmenter de façon notable sur une longue période (c'est-à-dire sans tenir compte des “flambées” provisoires de prix), ce potentiel pourrait être réalisé relativement vite, à l'aide des stocks existants, sans nécessiter de très gros investissements ni compromettre la durabilité de la production. Au chapitre 4, on a estimé à 530 millions de m3 le maximum vraisemblable des quantités enlevées en 2020, sans épuiser les ressources forestières, soit 140 millions de m3 de plus qu'en 1990 et 50 millions de m3 de plus que les prévisions des pays pour cette même date. Le surcroît éventuel serait principalement le fait des trois grands pays exportateurs : l'Autriche, la Finlande et la Suède.

Par suite de la croissance de la consommation, s'accompagnant d'une perte de la part de marché des producteurs européens et d'une légère augmentation des quantités enlevées européennes, les importations nettes de produits forestiers de l'Europe (à l'exclusion du bois brut) en provenance des autres régions devraient augmenter, en particulier pour le papier. Selon la variante basse, elles s'accroîtraient au total d'environ 55 millions de m3 EQ d'ici à 2020. Selon la variante haute, l'accroissement serait de l'ordre de 80 millions de m3 EQ.

De l'avis des auteurs, le reste du monde a la capacité de fournir les volumes supplémentaires requis, malgré la croissance économique prévue en Asie et la réduction probable de l'offre du bois provenant de forêts naturelles des zones tropicales, tempérées ou boréales. La croissance économique dans les régions pauvres en bois pourrait ne pas entraîner automatiquement une demande de produits forestiers aussi soutenue que dans les régions relativement riches en bois d'Europe et, surtout, d'Amérique du Nord. De plus, il existe de très importantes possibilités d'accroissement à des prix concurrentiels de l'offre des zones qui ont une forte production avec des plantations d'essence à croissance rapide, axées sur l'exportation, en particulier de pins et d'eucalyptus (comme c'est déjà le cas en Nouvelle-Zélande, au Chili, au Brésil, en Argentine par exemple, l'Indonésie et d'autres pays développant de leur côté leur potentiel). La principale incertitude concerne le niveau des prix auquel cette production serait disponible : si une hausse des prix était nécessaire pour stimuler l'offre de régions productrices non européennes, les prix européens s'orienteraient vers le haut. A l'heure actuelle, on ne dispose d'aucune information scientifique sur l'équilibre mondial de l'offre et de la demande, de sorte que l'hypothèse initiale de prix réels constants a été acceptée pour les scénarios de base. D'autres scénarios, reposant sur des hypothèses de prix différentes, sont toutefois présentés au chapitre 12.

Dans les scénarios de base, les importations nettes de bois brut devraient passer de 14 millions de m3 en 1990 à 36–42 millions de m3, soit une augmentation de 22 à 27 millions de m3. Selon ces scénarios, le chiffre des importations nettes de bois brut, quoique confirmé par les correspondants nationaux, est en substance un résidu, à savoir la différence entre la demande projetée de matière première bois (sur la base des projections de la production) et les prévisions des quantités enlevées nationales. En tant que tel, il s'agit davantage d'un indicateur du besoin éventuel de matières premières supplémentaires qu'une prévision d'un courant d'échanges. L'analyse de cohérence voudrait que ces besoins puissent être satisfaits soit au moyen d'importations de matières premières, soit par des quantités enlevées plus importantes que celles prévues par les correspondants nationaux. Par ailleurs, ils résultent entièrement de la situation particulière de cinq pays : Pologne, Suède, Allemagne, Finlande et Autriche 1.

iii) Considérations de politique générale utilisées pour les scénarios de base

A la présente section, nous comparons le chapitre 2, qui présentait la situation générale dans laquelle devait s'insérer la cinquième Etude, et les scénarios de base afin d'évaluer s'il y a concordance entre les deux. Les considérations de politique générale exposées au chapitre 2 sont résumées en caractères normaux, tandis que les observations relatives à leur rapport avec les scénarios de base figurent en italique.

La politique économique devrait être axée sur le renforcement de la croissance et la réduction du chômage, au moins dans les années 90 et dans les premières années du XXIe siècle.

Ceci est parfaitement compatible avec les taux de croissance du PIB dans les pays à économie de marché utilisés pour les projections.

Une offre d'énergie toujours abondante continuera d'empêcher les changements de politique dans le secteur de l'énergie. Aucune perturbation majeure de l'offre ne se produira et l'imposition de nouvelles taxes sur l'énergie n'entraînera pas de hausse notable des prix.

L'augmentation prévue de la consommation de bois de feu et d'autres types de bois énergie peut être considérée comme le prolongement logique de la tendance actuelle. Si les prix des sources d'énergie non renouvelables devaient enregistrer de fortes hausses, la consommation de bois énergie augmenterait parallèlement (voir l'autre scénario du chapitre 12).

La politique en matière de protection de l'environnement, de préservation de la diversité biologique et de développement durable sera renforcée, en conséquence de quoi la production de bois cesserait dans un plus grand nombre de forêts, les directives concernant la protection de l'environnement se multiplieraient, le recyclage serait encouragé, la prise en charge du coût réel de l'élimination serait imposée aux producteurs de déchets et les déchets de bois et les produits usagés seraient de plus en utilisés pour produire de l'énergie.

Il semble parfaitement possible, étant donné que les quantités enlevées sont très inférieures à l'accroissement annuel, d'atteindre les niveaux proposés dans le scénario de base tout en réservant de plus vastes superficies pour la préservation de la diversité biologique et en appliquant des directives plus ambitieuses en matière d'environnement. Un accent accru mis par les pouvoirs publics sur le recyclage et l'énergie renouvelable est tout à fait compatible avec les scénarios de la cinquième Etude dans ces domaines.

Des superficies considérables de terres agricoles ne serviraient plus pour la production alimentaire et l'on rechercherait dès lors activement d'autres utilisations, notamment forestières, pour les terres ainsi délaissées, avec l'appui financier des Etats.

Une telle évolution apparaît de prime abord en contradiction avec les prévisions des correspondants nationaux selon les quelles la superficie des forêts exploitables ne s'accroîtra que légèrement. Cette contradiction pourrait toutefois être plus apparente que réelle car la mise hors culture de terres n'entraîne pas nécessairement un accroissement des forêts denses exploitables. Les rapports nationaux présentés à l'occasion du séminaire de l'OCDE sur l'agriculture, la foresterie et l'environnement, tenu en octobre 1994, révélaient que dans de nombreux pays, des millions d'hectares de terres agricoles seront effectivement mis hors culture intensive pour la production alimentaire et les systèmes d'incitation changeront de nature, privilégiant les versements directs plutôt que les mesures de soutien des marchés. Toutefois, des régimes de foresterie axés sur la production de bois ne seront pas appliqués dans tous les cas ni même dans beaucoup de cas. L'expansion de la foresterie sera modérée, et se fera pour améliorer le paysage et les biotopes, ainsi que pour les loisirs, tandis qu'une bonne part des terres agricoles continuera d'être exploitée pour la production alimentaire mais de façon moins intensive (les nouvelles mesures d'incitation ne favoriseront pas la production intensive avec apport élevé de facteurs de production et rendements élevés qui sont à l'origine d'un grand nombre de problèmes actuels), ou pour d'autres usages, tels que les loisirs. L'augmentation de la production de bois qui pourrait résulter de la mise hors culture de millions d'hectares de terres d'agriculture intensive, serait donc faible.

Le scénario pour la politique commerciale prévoyait le maintien d'un régime de libre-échange, l'intensification du volume du commerce et des accords obligatoires en matière de commerce et d'environnement.

Cela correspond bien aux scénarios de base, notamment à l'augmentation des importations nettes de l'Europe. La mise en oeuvre d'accords sur le commerce et l'environnement pourrait avoir d'importantes conséquences sur le secteur forestier, par l'institution d'un système de certification des produits de la forêt.

Les pays en transition devraient retrouver en l'an 2000 leur niveau de revenu de 1989 et connaître ensuite une croissance régulière.

Les scénarios pour le secteur de la foresterie sont conformes au scénario pour la politique générale.

En ce qui concerne le secteur public, la politique devrait continuer à être caractérisée par une réduction des dépenses publiques, jointe au maintien des objectifs sociaux et écologiques.

Cet aspect n'a pas de lien direct avec les scénarios de base de la cinquième Etude elle-même, si ce n'est pour l'hypothèse sur laquelle reposent les prévisions des quantités enlevées, à savoir qu'il n'y aura pas de modifications sensibles de la logique économique des abattages et de la sylviculture, notamment de la capacité des services forestiers domaniaux à fonctionner à perte. En revanche, il ne manquera pas d'avoir une grande influence sur la solution apportée aux questions soulevées dans la cinquième Etude. Par exemple, quelle part des fonds publics sera disponible pour encourager des pratiques en matière de foresterie plus écologiques et, éventuellement, moins rentables 2 ? Quelle est l'importance des recettes tirées de la vente de bois par les services forestiers domaniaux dans le budget des collectivités (national, régional et local) ?

iv) Perspectives d'équilibre entre l'offre et la demande dans les scénarios de base

Le principal objectif de la cinquième Etude, et le plus difficile, est d'explorer les perspectives d'équilibre entre l'offre et la demande de bois ronds et de produits forestiers. Bien entendu, l'offre et la demande seront par définition équilibrées : il est toutefois intéressant de se demander quelle est la nature (sens et importance) des nombreux facteurs qui influencent l'offre et la demande, et de leurs interactions.

TABLEAU 11.3.2

Importance relative des différents éléments de l'offre européenne de bois et de fibres
 19902020
Variante basseVariante haute
(Millions de m3 EQ)(En pourcentage)(Millions de m3 EQ)(En pourcentage)(Millions de m3 EQ)(En pourcentage)
Quantités enlevées en Europe392  69480  56489  52
Vieux papiers  72  13178  21206  22
Déchets industriels  47    8  74    9  80    9
Importations nettes  55  10130  15164  17
Total566100862100939100

FIGURE 11.3.4

Offre européenne de bois et de fibres

11.3.4 Offre européenne de bois et de fibres

FIGURE 11.3.4

L'indicateur le plus éloquent du poids relatif des différents facteurs sont les tendances du niveau des prix qui revêtent par ailleurs, bien entendu, une importance pratique immédiate pour tous les responsables et décideurs. La méthodologie retenue pour la cinquième Etude tient expressément compte des prix dans l'analyse économétrique de l'offre et de la demande de produits forestiers en Europe occidentale, mais non pas dans l'analyse de cohérence qui ne porte que sur des données quantitatives. On s'efforce de résumer ici les conclusions que l'on peut tirer des scénarios de base en ce qui concerne les perspectives de l'équilibre entre l'offre et la demande et les prix.

Il est bon à ce stade de préciser l'importance relative des différents éléments de l'offre de produits forestiers en Europe.

Il ressort clairement du tableau 11.3.2 que la composante la plus importante de l'offre est actuellement, et demeurera, les quantités enlevées en Europe, encore que leur importance relative diminuera très sensiblement, pour passer de deux tiers à un peu plus de la moitié de l'offre. Le secteur qui arrive en deuxième position et qui connaît la croissance relative la plus forte est celui des vieux papiers qui devrait assurer plus d'un cinquième de l'offre européenne de bois et de fibres d'ici à 2020, contre 13 % en 1990. Les importations nettes, qui représentaient environ 10 % de l'offre de fibres en 1990, devraient atteindre de 15 à 17 % en 2020. La part relative des déchets industriels de bois demeurerait constante au voisinage de 10 %.

Quelles sont les incidences des scénarios de base et des poids relatifs indiqués ci-dessus sur les perspectives d'équilibre entre l'offre et la demande au niveau régional ainsi que sur les prix ? Une méthode possible consiste à examiner l'équilibre entre l'offre et la demande, secteur par secteur, en déterminant les facteurs qui tendent à créer une “offre excédentaire” et ceux qui tendent à créer une “pénurie”.

Bien que l'on ait peu étudié et que l'on connaisse mal le comportement des propriétaires de forêts européennes sur le marché, en particulier leur réaction probable à une hausse ou à une baisse sensible des prix des bois ronds, la première composante de l'offre, les quantités enlevées, est manifestement caractérisée par une situation structurellement pléthorique, due à la persistance de l'écart entre l'offre réelle et l'offre potentielle (que l'on peut assimiler très grossièrement aux quantités enlevées et à l'accroissement annuel net).

La composante qui (dans tous les scénarios imaginables) ne pourra que connaître la croissance la plus importante, est celle de la récupération des vieux papiers : comme on l'a vu au chapitre 7, le marché des vieux papiers est à de nombreux égards déterminé par l'offre, essentiellement parce que les municipalités ont besoin d'éliminer tous les déchets de la façon la plus économique. En somme, les quantités de papier récupérées et utilisées ne cesseront de croître, quel que soit le niveau des prix des fibres papetières sur le marché régional ou sur le marché mondial. L'offre de déchets du bois dépend essentiellement des niveaux de la production des sciages et de contraintes techniques relatives au sciage et à l'utilisation de bois par les fabricants de panneaux et de pâte. Par conséquent, les trois quarts au moins de l'offre européenne de bois et de produits forestier (soit les enlèvements nationaux, la récupération de vieux papiers et l'offre de déchets) subiront le contrecoup des tendances à l'excès d'offre ou de facteurs agissant principalement sur l'offre.

Au niveau mondial toutefois, il est incontestable que les prix des produits forestiers sont soumis à des pressions à la hausse qui pourraient être répercutées en Europe par le biais des importations nettes. Il s'agit pour l'essentiel de la croissance attendue de la demande de produits forestiers résultant de la pression démographique et de la croissance économique rapide dans certains grands pays, principalement en Asie, et de la réduction des approvisionnements de bois provenant de certaines régions productrices traditionnelles, notamment les forêts naturelles du Canada et des Etats-Unis, de Sibérie et de plusieurs pays tropicaux, en particulier en Asie du Sud-Est.

Ces deux facteurs concernant le marché mondial ont conduit de nombreux analystes à supposer que ce dernier traverse actuellement une phase de relèvement structurel des prix des produits forestiers. Cette croyance a été renforcée par la vive hausse des prix sur de nombreux marchés en 1993-1994 (compensée il est vrai en 1994–1995). Les perspectives à long terme sont toutefois plus complexes que ce que l'on admet parfois. Deux éléments en particulier pourraient atténuer ou contrecarrer la tension sur les prix et la tendance à la pénurie :

En situation de “pénurie” de bois et de hausse des prix, la demande de produits forestiers serait plus faible que prévu, et l'offre des plantations plus importante (à moyen terme, c'est-à-dire de cinq à dix ans), ce qui limiterait la hausse des prix dans le monde, en particulier dans les régions relativement autosuffisantes telles que l'Europe.

Du côté de la demande, en Europe même et dans les autres régions, les sciages et les panneaux sont vivement concurrencés par d'autres matériaux de construction et d'emballage, notamment pour des raisons de coûts, tandis que le papier l'est, à la fois pour des raisons de coût et de commodité, par les moyens électroniques de communication (qui comprennent non seulement le téléphone et les communications électroniques, mais aussi la radio, la télévision classique, par satellite et par câble, ainsi que les journaux électroniques, tous moyens qui disputent les dépenses publicitaires aux médias à support papier). Les produits forestiers ont toutes les chances de maintenir leur part de marché (c'est d'ailleurs la conclusion de l'analyse économétrique), mais cela serait difficile en cas de hausse notable des prix.

Dans ce cas en effet, par exemple en raison de “pénuries” sur les marchés mondiaux ou de perte de maîtrise des coûts pour d'autres raisons, les niveaux de consommation seraient alors inférieurs à ceux des scénarios de base. Cette hypothèse est chiffrée dans les autres scénarios du chapitre 12.

De manière générale, par conséquent, deux éléments majeurs encouragent la pénurie : la hausse régulière de la consommation européenne et la réduction de l'offre et la croissance de la demande dans certaines autres régions; d'autre part, deux facteurs favorisent l'excès d'offre : l'accroissement notable de la production de vieux papiers et la capacité à accroître sensiblement les quantités enlevées en Europe sans mettre en péril les approvisionnements durables en bois, ni même une gestion durable des forêts au sens large.

Dans l'ensemble, selon le secrétariat, ces facteurs joueront de telle manière que l'offre et la demande, tant de bois rond que de produits forestiers, demeureront à peu près équilibrées et que la concurrence continuera à être vive entre les produits forestiers et les autres matériaux. Il n'y a donc pas lieu de rejeter, au vu des résultats de l'analyse de cohérence, l'hypothèse de prix réels constants des produits forestiers.

On peut clairement déduire de ce qui précède que l'incertitude est considérable dans certains domaines importants, notamment les perspectives de l'offre et de la demande de produits forestiers dans les autres régions. Il ne faudrait pas l'oublier au cours de l'examen qui suit.

Notes du chapitre 11

1 En Suède, Finlande et Autriche, les besoins de matière première excèdent les quantités enlevées prévues de 5, 4 et 2 millions de m3 respectivement. Dans chacun de ces pays, faute d'un approvisionnement abondant du marché mondial ou du marché européen en bois bon marché, les quantités enlevées pourraient s'accroître ces proportions, ou davantage, sans mettre en danger la durabilité. En Pologne, la prévision des niveaux de production (sans techniques économétriques) suppose des besoins en matières premières voisins de 7 millions de m3 en sus des quantités enlevées prévues, ce qui est proche du maximum possible : soit les matières premières doivent être importées, soit la production ou la consommation doivent être inférieures aux prévisions. Enfin, les exportations nettes allemandes de matière première bois, voisines de 4 millions de m3 au cours de la période exceptionnelle autour de 1990 (en raison de la tempête) devraient devenir négligeables pour que les besoins prévus en matières premières des entreprises allemandes soient satisfaits au moyen des quantités enlevées nationales (nettement inférieures au niveau possible et même, selon certains, souhaitable).

2 Dans la pratique comptable actuelle, les mesures visant à améliorer la qualité de l'environnement sont considérées comme des coûts sans avantages correspondants, et ne sont donc pas quantifiées en termes monétaires.


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