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Chapitre 12

AUTRES SCENARIOS

12.1 Introduction

Le chapitre précédent décrivait les scénarios de base, c'est-à-dire les perspectives d'évolution les plus probables du secteur compte tenu des hypothèses présentées à l'alinéa i) de la section 11.3. Toutefois, ces scénarios, comme tous les scénarios, reposent sur un certain raisonnement et sur un ensemble d'hypothèses prédéfinies dont certaines sont plus sûres et plus importantes que d'autres (du point de vue de leur incidence sur le secteur). La cinquième Etude contient par conséquent un certain nombre d'autres scénarios, qui décrivent ce qui pourrait se passer si l'on se fondait sur d'autres hypothèses que celles retenues dans les scénarios de base.

Ces autres scénarios sont de deux types : soit quantitatifs, pour lesquels le secrétariat a estimé qu'il devait fournir des informations chiffrées pour les mêmes paramètres que ceux retenus pour les scénarios de base, en utilisant les mêmes méthodes économétriques et la même structure pour l'analyse de cohérence, soit qualitatifs quand les outils analytiques disponibles ne permettent pas de produire des scénarios chiffrés.

Dans les scénarios qualificatifs, les hypothèses, interactions et conséquences ne sont pas chiffrées, mais tout est fait pour indiquer quelle pourrait être la variation, en direction et en ampleur, des principaux paramètres.

On pourrait être tenté d'élaborer un grand nombre de scénarios pour couvrir toutes les éventualités possibles 1, mais on aboutirait alors à une analyse qui ne fournirait pas d'indications générales, de même qu'à une présentation confuse et à une absence de priorité entre les différentes questions. Les critères de sélection des scénarios ont été les suivants : plausibilité (seuls les scénarios raisonnablement plausibles ont été retenus); pertinence (les évolutions qui n'auraient que des répercussions marginales sur le secteur ne sont pas étudiées); et importance pour la prise de décisions (en accordant une attention particulière aux questions qui font à l'heure actuelle l'objet d'un examen de la part des gouvernements).

Il est possible et même probable que plusieurs des évolutions retenues pour les différents scénarios se produiront simultanément mais, pour faciliter la compréhension et la prise de décisions, chaque scénario ne diffère des scénarios de base que par un seul élément : le fait d'avoir le choix entre de nombreux scénarios composites ne présente en effet guère d'intérêt pour les décideurs, étant donné que ceux-ci ne sont alors jamais en mesure d'identifier les conséquences éventuelles d'une décision précise. En fait, les divers scénarios décrits dans le présent chapitre peuvent aisément être regroupés en deux grandes catégories, à savoir :

On n'a pas essayé ici d'éliminer les différences entre les valeurs calculées et prévues et la demande de bois ronds : étant donné que les prévisions de quantités enlevées sont celles communiquées par les correspondants nationaux, il n'existe en effet pas de mécanisme permettant de les modifier pour élaborer de nouveaux scénarios. C'est pourquoi les scénarios fondés sur l'analyse de cohérence mettent l'accent sur les variations des valeurs calculées des quantités enlevées et des autres éléments déduits des scénarios économétriques. Les valeurs calculées des quantités enlevées peuvent être considérées comme correspondant à la demande de bois ronds d'origine européenne, compte tenu des conditions retenues pour le scénario en question. Cette demande peut ensuite être comparée aux prévisions de chaque pays pour ce qui est des quantités enlevées, afin d'avoir une indication des mesures qui pourraient être nécessaires pour répondre à la demande.

Pour plus de clarté, les divers scénarios sont généralement élaborés à partir de la variante basse du scénario de base.

12.2 Prix des produits forestiers

i) Généralités

Comme indiqué ci-dessus, les prix sont des variables exogènes de l'analyse économétrique. Bien que l'hypothèse selon laquelle les prix réels resteront constants à long terme soit compatible avec les autres éléments des scénarios de base, et soit jugée raisonnable par le secrétariat, on ne peut exclure la possibilité de mouvements des prix à la hausse ou à la baisse 2.

Les facteurs qui pourraient pousser les prix réels à la baisse à long terme sont la concurrence exercée par d'autres matériaux ou des produits forestiers provenant d'autres régions (plantations d'essences à croissance rapide) ainsi que le progrès technologique qui se traduit par une réduction des coûts dans l'industrie.

A l'inverse, l'évolution des marchés mondiaux de produits forestiers (croissance démographique, forte croissance économique et insuffisance de l'offre, facteurs étudiés ci-dessus) pourrait provoquer une hausse des prix des produits forestiers en Europe. L'absence de maîtrise des coûts (de transformation, de distribution ou de récolte) se traduirait également par une hausse des prix pour les utilisateurs finals.

Comme il est peu probable que les prix de tous les produits évoluent de la même façon, il serait en théorie souhaitable d'étudier les conséquences de hausses différenciées. Toutefois, la complexité du problème et l'arbitraire qui présiderait au choix des taux d'évolution des prix ont conduit les auteurs de l'Etude à y renoncer, bien que la structure type soit suffisamment détaillée pour pouvoir effectuer une telle analyse.

ii) Hypothèses retenues pour les scénarios fondés sur une évolution des prix

L'analyse économétrique présentée au chapitre 6 a clairement montré que la demande de produits forestiers est élastique par rapport aux prix, c'est-à-dire qu'une hausse des prix entraîne une baisse de la consommation et inversement. L'importance de cette élasticité varie bien évidemment selon les pays et les produits. Les effets de la variation des prix sur la croissance de la consommation en Europe 3 sont présentés au tableau 12.2.2, pour les quatre hypothèses précisés au tableau 12.2.1.

TABLEAU 12.2.1

Hypothèses d'évolution des prix, 1990–2020
 Croissance du PIBEvolution des prixCoûts
Variante basseFaibleConstantsConstants
Variante hauteRapideConstantsConstants
Hausse des prixFaible± 1 % par anConstants
Baisse des prixFaible- 1 % par anConstants


TABLEAU 12.2.2

Effets des différentes hypothèses en matière de prix sur les scénarios
(Taux de croissance annuel moyen de la consommation en Europe, 1990–2020)
 Variante basseVariante hauteHausseBaisse
Bois de sciage0,851,030,641,10
Panneaux1,521,831,281,91
Papiers et cartons2,142,651,832,48

iii) Résultats et discussion

Le tableau 12.2.3 présente la variation de la consommation pour chaque scénario par rapport à la variante basse. On peut en tirer plusieurs conclusions:

TABLEAU 12.2.3

Consommation de produits forestiers selon divers scénarios par rapport à la variante basse en Europe
(en millions)
 Hausse des prixBaisse des prixVariante haute
Bois de sciage (m3)- 7,9+ 10,1+ 7,2
Panneaux (m3)- 4,5+ 8,1+ 6,3
Papier (tonnes)- 10,5+ 13,0+ 19,9


TABLEAU 12.2.4

Différences par rapport à la variante basse en ce qui concerne les quantités enlevées et les importations nettes en Europe, 2020
(en millions)
 Hausse des prixBaisse des prixVariante haute
Quantités enlevées (m3)- 4,0+ 15,8+ 18,5
Importations nettes (m3 EQ)- 36,0+ 33,0+ 33,4

Des variations de prix auraient une incidence non seulement sur la taille du marché total en raison de l'élasticité de la demande, mais également sur la part détenue par les divers producteurs en raison de leurs incidences sur les marges bénéficiaires, en supposant que les coûts restent les mêmes (les conséquences des variations des coûts sont examinées dans la section suivante). Les deux scénarios de base montrent que les producteurs européens devraient perdre des parts de marché bien que la production européenne augmente en valeur absolue. Toutefois, si les prix évoluaient à la hausse et que les coûts restaient constants, les marges bénéficiaires seraient plus importantes, ce qui permettrait d'atténuer les pertes de parts de marché; dans le cas du bois de sciage, les producteurs européens augmenteraient même leurs parts du marché. En revanche, si les prix diminuaient, les pertes de parts de marché (réduction de l'autosuffisance) seraient plus marquées que dans les scénarios de base.

Ces variations de parts de marché détenues par les producteurs européens en fonction des prix des produits forestiers, combinées avec les différences de taille des marchés auraient également une incidence sur les quantités enlevées et le volume des importations nettes. Aussi bien dans le scénario baisse des prix que dans la variante haute du scénario de base, les quantités enlevées sont supérieures de près de 35 millions de m3 (7 %) à la variante basse, alors que si les prix baissaient, les quantités enlevées seraient inférieures de 36 millions de m3. Toujours par rapport à cette variante, les importations nettes seraient supérieures de 15 à 20 millions de m3 EQ dans le scénario baisse des prix ou dans la variante haute, alors qu'elles diminueraient légèrement si les prix des produits forestiers augmentaient.

En résumé, une hausse des prix des produits forestiers (en supposant les coûts constants) atténuerait la baisse de l'autosuffisance en Europe et aurait tendance à provoquer une diminution des quantités enlevées alors qu'une baisse des prix (toujours en supposant les coûts constants) se traduirait par une hausse sensible des quantités enlevées et des importations en provenance d'autres régions.

FIGURE 12.2.1FIGURE 12.2.2
Consommation de bois de sciage et de panneaux dérivés du bois en Europe, 2020Consommation de papier et de carton en Europe, 2020
FIGURE 12.2.1FIGURE 12.2.2

FIGURE 12.2.3

Croissance moyenne de la consommation en Europe, 1990–2020

FIGURE 12.2.3

12.3 Coûts des matières premières

i) Généralités

Nous avons analysé dans la section précédente la sensibilité des scénarios à différentes hypothèses concernant l'évolution des prix des produits forestiers. La part de marché détenue par les différents producteurs est toutefois également déterminée par d'autres facteurs, en particulier les coûts de ces produits. Les modèles élaborés par Baudin, Brooks et Schwarzbauer pour la cinquième Etude permettent pour la première fois, dans le cadre des études sur les tendances et les perspectives du bois en Europe, d'analyser l'incidence de différentes hypothèses concernant les coûts des matières premières sur la répartition de la production entre producteurs européens et importations nettes. Le modèle repose sur l'hypothèse selon laquelle la production aurait tendance à se concentrer dans les secteurs où les marges bénéficiaires sont les plus importantes. Etant donné que dans tous les secteurs les installations modernes utilisent de plus en plus les mêmes technologies et que les marchés des capitaux sont devenus des marchés mondiaux, l'un des principaux facteurs qui déterminent la rentabilité (et le seul pour lequel on dispose de suffisamment de données) est le rapport entre les prix des intrants (c'est-à-dire, dans le cas présent, les matières premières ou la pâte) et les prix des extrants (prix des produits). L'analyse des tendances de la productivité et de la rentabilité dans le secteur de la foresterie (voir sect. 6.4) confirme l'influence de ce rapport sur la rentabilité. L'offre de produits a tendance à augmenter plus rapidement quand l'écart entre les coûts des matières premières et les prix des produits s'accentue et plus lentement quand il diminue.

TABLEAU 12.3.1

Hypothèses pour différents scénarios d'évolution des prix
 Croissance du PIBVariation des prix 1990–2020Variation des coûts 1990–2020
Variante bassePlus faiblePrix constantsCoûts constants
Variante hautePlus fortePrix constantsCoûts constants
Hausse des coûtsPlus faiblePrix constants+ 1 % par an
Baisse des coûtsPlus faiblePrix constants- 1 % par an


TABLEAU 12.3.2

Taux de croissance de la production en Europe, 1990–2020
(en pourcentage par an)
 Variante basseVariante hauteHausse des coûtsBaisse des coûts
Bois de sciage0,861,080,780,99
Panneaux1,311,601,301,32
Papier1,722,071,601,86


TABLEAU 12.3.3

Différences par rapport à la variante basse en ce qui concerne les quantités enlevées et les importations nettes en Europe
(en millions)
 Hausse des coûtsBaisse des coûtsVariante haute
Quantités enlevées (m3)- 18,6+ 25,4+ 18,5
Importations nettes (m3 EQ)+ 20,9- 28,9+ 33,4

ii) Hypothèses

Les hypothèses retenues pour les scénarios concernant les coûts sont présentées au tableau 12.3.1 Dans le contexte des modèles de la cinquième Etude 4, ce sont ceux des matières premières, c'est-à-dire principalement des bois ronds (bien que l'on dispose de quelques données sur les déchets de bois) pour le bois de sciage et les panneaux, et de la pâte pour le papier. Etant donné que tous ces coûts sont étroitement liés, on peut considérer plus simplement, à des fins de politique générale, que les résultats fournis par le scénario de hausse des coûts sont la conséquence d'une croissance régulière des prix des bois ronds en Europe (et inversement pour le scénario de baisse des coûts).

FIGURE 12.3.1

Bois de sciage et panneaux: production et autosuffisance en Europe, 2020

FIGURE 12.3.1

FIGURE 12.3.2

Europe: indicateurs de la production de bois et de produits forestiers, 2020

12.3.2

iii) Résultats et analyse

Comme on pouvait s'y attendre, le tableau montre qu'une hausse des coûts des matières premières se traduit par un ralentissement de la croissance de la production, et inversement. Les scénarios concernant la production de papier sont particulièrement sensibles aux hypothèses de coûts, ceux concernant le bois de sciage moins sensibles, alors que ces hypothèses n'ont aucune incidence sur la production de panneaux. S'agissant de la consommation, les scénarios sont égalment sensibles à différentes hypothèse concernant le taux de croissance du PIB, prises en compte dans la variante haute du scénario de base.

Du point de vue de la politique forestière, il est intéressant d'étudier la sensibilité des scénarios concernant les quantités enlevées de bois ronds et les importations nettes en Europe à différentes hypothèses de coûts.

Le tableau 12.3.3 confirme qu'il existe une étroite relation entre les coûts des matières premières en Europe et l'autosuffisance du continent en produits forestiers. Si les coûts du bois et/ou de la pâte augmentaient de 1 % par an jusqu'en 2020, les autres paramètres (y compris la taille globale des marchés) restant inchangés, la demande de quantités enlevées en Europe serait inférieure de pratiquement 20 millions de m3 (4 %) à ce que prévoit la variante basse du scénario de base, et les importations en provenance d'autres régions en seraient d'autant plus importantes. Si, en revanche, les prix diminuaient de 1 % par an, la demande de bois ronds serait supérieure de 25 millions de m3 à ce qu'indique la variante basse, et les importations nettes inférieures de 29 millions de m3. En fait, il y aurait une substitution directe entre la demande de bois ronds et les importations nettes, produite par l'évolution des prix des bois ronds et des déchets de bois en Europe.

12.4 Construction

i) Généralités

La construction, notamment de logements, ainsi que les activités connexes telles que la production de meubles, est le principal consommateur de bois de sciage et de panneaux. Les scénarios de base établissent une relation entre l'augmentation de la construction de logements et le PIB sur la base d'élasticités déduites de séries portant sur la période 1964–1991. Toutefois, les marchés immobiliers de la plupart des principaux pays européens ont connu une série de dépressions au cours des années 90, en raison de l'existence de taux d'intérêt réels élevés, de la réduction du financement public des logements (imputable, entre autres, aux déficits budgétaires), et de l'importance du parc immobilier qui, après plusieurs décennies d'investissement (partiellement encouragés par les incitations publiques à la construction de logements, dans de nombreux cas au moyen de prêts hypothécaires), a atteint dans de nombreuses régions un niveau suffisant.

TABLEAU 12.4.1

Taux de croissance annuels moyens de la consommation en Europe : 1990–2020
(en pourcentage par an)
 Variante basseVariante hauteRalentissement de la construction
Bois de sciage0,851,030,51
Panneaux1,521,831,15


TABLEAU 12.4.2

Différences par rapport à la variante basse du scénario de base en ce qui concerne les quantités enlevés et les importations nettes en Europe, 2020
(en millions)
 Ralentissement de la construction
Quantités enlevées en Europe (m3)- 12,6
Importations nettes (m3 EQ)- 13,5

Les incitations à la construction par le biais de prêts hypothécaires ont par ailleurs été remises en cause pour des raisons d'équité sociale (les propriétaires de logements n'appartiennent généralement pas aux couches les plus pauvres de la société) et du fait des contraintes imposées aux budgets publics. Il semble par conséquent prudent de chiffrer les conséquences possibles pour le secteur forestier d'une croissance de la construction de logements moins rapide que prévu dans les scénarios de base.

ii) Hypothèses

Un scénario intitulé Ralentissement de la construction a donc été élaboré, qui part de l'hypothèse selon laquelle le taux de croissance de la construction de logements sera inférieur d'un point de pourcentage par an à celui retenu dans la variante basse (voir tableau 3.3.1), les autres hypothèses restant inchangées.

iii) Résultats et analyse

Les tableaux 12.4.1 et 12.4.2 montrent clairement l'importance du marché de la construction pour le secteur forestier européen. Si l'activité dans ce secteur augmentait moins vite que prévu, il en irait de même pour la croissance des marchés de bois de sciage et de panneaux. Aussi bien les quantités enlevées en Europe que les importations en provenance d'autres régions seraient inférieures d'environ 13 millions de m3 à ce que fait apparaître la variante basse.

12.5 Récupération des vieux papiers

i) Généralités

Les scénarios de base font l'hypothèse d'une augmentation relativement marquée des taux de récupération des vieux papiers. Toutefois, il existe une incertitude quant aux limites techniques de la récupération et un problème de choix quant à l'importance à donner aux mesures d'incitation. Deux scénarios ont donc été élaborés selon que le taux de récupération est plus ou moins élevé.

ii) Hypothèses concernant les taux de récupération

Si tous les pays d'Europe accordaient un rang de priorité élevé à la maximisation du recyclage des vieux papiers et d'autres matériaux et prenaient les mesures nécessaires à cette fin, ceux où le taux de récupération est actuellement le plus faible pourraient atteindre en 2010 les plus hauts niveaux actuels, et ceux où les taux sont actuellement les plus élevés pourraient probablement atteindre des taux de récupération compris entre 60% et 65%, voire de 70% de la consommation. Ce scénario de taux de récupération élevé se traduirait par un taux moyen en Europe d'environ 54 % en 2020 (contre 48 % dans les scénarios de base). Il en résulterait un accroissement de la consommation de fibres de récupération et une baisse de la consommation de pâte écrue (pour un même niveau de production de papier) et par conséquent une baisse de la production et des importations nettes de pâte.

Etant donné que l'offre de fibres de récupération, qui dépend de la production, augmenterait par définition dans un tel scénario, un accroissement des taux de récupération des vieux papiers se traduirait par des pressions à la baisse sur le prix de la pâte et du bois de trituration, c'est-à-dire que le coût des matières premières de l'industrie papetière serait plus, faible (en supposant que l'on dispose de la technologie permettant de fabriquer des produits commercialisables à partir d'une matière première de moins bonne qualité). Cette tendance encouragerait par ailleurs l'implantation d'usines de papier à proximité de leurs marchés (c'est-à-dire par définition les lieux de récupération des fibres) et plus loin des forêts, sans parler des restructurations industrielles (fusions et acquisitions) liées au fait que les sociétés ayant une forte présence dans le domaine des pâtes écrues chercheront à acquérir une source fiable de fibres de récupération.

Le scénario fondé sur un faible taux de récupération fait l'hypothèse que le taux continuera d'augmenter, mais moins rapidement que dans la variante basse, car les consommateurs seront peut-être moins disposés à faire le tri entre les vieux papiers et les autres déchets. La collecte de déchets dans les zones isolées pourrait ne pas être rentable, et d'autres solutions d'élimination pourraient être préférées, telles que l'incinération (qui nécessite une teneur minimum en matière organique largement fournie par le papier). Les pays où le taux de récupération est à l'heure actuelle relativement peu élevé devraient rattraper ceux où le taux est le plus important, mais les pressions environnementales et économiques en faveur de la récupération devraient être plus faibles, d'où une progression moins rapide. Par ailleurs, les limites techniques et économiques pourraient également être moins élevées : dans ce scénario, la limite technique de la récupération s'établit à environ 55 %, contre 65 % dans le scénario fondé sur des taux de récupération plus importants.

TABLEAU 12.5.1

Scénarios pour la récupération des vieux papiers en Europe, 2020
 Variante basseTaux de récupération élevéTaux de récupération faible
Taux de récupération (en poucentage)48,653,644,0
Volume récupéré (millions de tonnes)59,465,453,7
Différence par rapport à la variante basse :
Quantités enlevées (millions de m3)
--12,3+8,7
Importations nettes (millions de m3 EQ)--11,0+13,6

iii) Résultats et analyse

Il existe un lien direct significatif entre le recyclage des vieux papiers et la demande de bois ronds en Europe, étant donné que les vieux papiers ont tendance à remplacer la pâte écrue. Au niveau européen, un taux de récupération élevé des vieux papiers se traduirait par une demande de bois ronds inférieure de 12 millions de m3 à celle prévue dans la variante basse et par des importations nettes en diminution de 11 millions de m3 EQ (toutes les autres hypothèses restant les mêmes). En revanche, le scénario fondé sur un faible taux de récupération montre que les quantités enlevées en Europe seraient supérieures de près de 9 millions de m3 à ce qu'indique la variante basse et que les importations nettes seraient supérieures de près de 14 millions de m3 EQ. La différence de 10 points de pourcentage en 2020 entre les deux scénarios se traduit par une différence de 20 millions de m3 pour la demande de bois ronds et de 25 millions de m3 EQ pour les importations en provenance d'autres régions.

12.6 Prix et politiques de l'énergie

i) Généralités et hypothèses

Le chapitre 2 fait observer que si le scénario de base part de l'hypothèse selon laquelle, d'une manière générale, les prix ou la politique de l'énergie ne devraient pas évoluer sensiblement, on ne peut exclure la possibilité d'un “choc” énergétique dû soit à une décision des autorités de relever les prix de l'énergie (par exemple pour des raisons liées à l'environnement ou aux changements climatiques), soit à une interruption inattendue de la production (par exemple en cas de guerre ou d'accident). Quelles en seraient alors les conséquences pour le secteur ?

Ce scénario repose donc sur une hausse sensible du prix des énergies classiques, essentiellement non renouvelables, accompagnée d'une série de mesures destinées à exploiter et à encourager l'utilisation d'autres sources, notamment renouvelables, ainsi que de l'introduction d'une taxe sur les émissions de carbone destinée à pénaliser l'exploitation d'énergies non renouvelables.

ii) Résultats et analyse

Ce scénario est de nature qualitative, étant donné qu'aucune méthode n'a été mise au point dans le cadre de la cinquième Etude pour chiffrer la demande de bois énergie en fonction des prix de l'énergie.

La première conséquence d'une hausse du prix de l'énergie serait une nette amélioration de la compétitivité du bois en tant que source d'énergie (en supposant que celui-ci ne soit pas lui-même soumis à une taxe sur le carbone). Si la hausse du prix de l'énergie est le résultat d'une politique délibérée des autorités (et non d'un état de guerre ou d'un accident), il est également probable que cette plus grande compétitivité du bois en tant que source d'énergie s'accompagnera de mesures destinées à en encourager l'utilisation. Cela se traduirait certainement par une augmentation des récoltes de bois de chauffage et une utilisation encore plus grande des déchets de bois (provenant des transformations primaire et secondaire) en tant que source d'énergie, et par conséquent par une concurrence avec les industries utilisant le bois de trituration pour les matériaux pouvant être utilisés aussi bien pour la production d'énergie que comme matière première. Si la hausse des prix est suffisamment importante, ou si la volonté politique de favoriser les énergies renouvelables est très forte, les “plantations énergétiques” pourraient devenir une option viable, conduisant à la transformation de vastes zones de terres agricoles en zones de production intensive de bois. Il pourrait même être jugé souhaitable de construire, d'abord à titre expérimental, puis pour la production, d'importantes unités industrielles produisant des combustibles liquides ou gazeux (méthanol, éthanol, etc.) à partir du bois. Tous ces facteurs auraient tendance à provoquer un accroissement des récoltes en Europe.

Toutefois, l'utilisation du bois à des fins énergétiques ne resterait pas sans conséquence et une hausse sensible des prix de l'énergie aurait de profondes répercussions sur l'ensemble de l'économie :

Aucun scénario chiffré n'a été élaboré, mais il est clair qu'en cas de forte hausse des prix de l'énergie, l'utilisation du bois à des fins énergétiques acquerrait une plus grande importance relative. Il est également possible que la consommation totale de produits forestiers non destinés à la production d'énergie soit moins importante que prévu dans la variante basse, et que la consommation de bois de sciage et de produits fabriqués à partir de papier recyclé progresse au détriment de la consommation de panneaux et de papier fabriqué à partir de pâte écrue, comme cela serait également le cas des produits européens au détriment des produits importés. Pour toutes ces raisons, les forêts européennes pourraient être exploitées de façon plus intensive qu'à l'heure actuelle.

Ce scénario risque toutefois de s'accompagner de choix difficiles en matière de politique de l'environnement, notamment entre les incitations en faveur de l'utilisation d'énergies renouvelables, par exemple la plantation d'essences destinées à la production d'énergie, et le souhait de préserver la diversité biologique et la qualité des paysages (qui ne sont ni l'une ni l'autre associées en règle générale à la plantation d'essences énergétiques). Dans un tel scénario de prix élevés de l'énergie, la baisse de la demande de produits en bois d'oeuvre pourrait compenser, dans une certaine mesure, l'augmentation de la demande de bois destiné à la production d'énergie, voire se traduire par une légère augmentation de la récolte totale, bien que la répartition des quantités enlevées entre gros bois et petit bois serait radicalement transformée. Une telle évolution marquerait un renversement de la tendance observée au cours des 50 à 80 dernières années, période où la forte augmentation de la consommation de bois d'oeuvre n'a été rendue possible que par la chute de la demande de bois destiné à la production d'énergie. Cette réorientation des préférences du marché en faveur du petit bois pourrait avoir de très importantes conséquences pour la rentabilité de certaines exploitations forestières, publiques ou privées, qui ont choisi des systèmes sylvicoles axés sur la production de matériaux de grandes dimensions et à forte valeur.

12.7 Politiques, législations et attitudes en matière d'environnement (Scénario vert)

i) Généralités et hypothèses

Les scénarios de base se fondent sur l'hypothèse d'un nouveau durcissement (par rapport à la situation actuelle) des politiques de protection de l'environnement et de la diversité biologique, de gestion des déchets et de développement durable. Toutefois, dans les pays d'Europe du nord, du nord-ouest et d'Europe centrale, il existe des pressions en faveur de l'adoption de mesures encore plus énergiques, consistant par exemple :

Dans un tel scénario, ces idées et politiques seraient d'abord appliquées dans le Nord et le Nord-Ouest de l'Europe, puis en Europe centrale (c'est-à-dire dans les pays qui sont à l'heure actuelle les plus réceptifs aux idées écologiques), mais gagneraient relativement vite le Sud et l'Est de l'Europe, par le biais de l'influence d'organismes régionaux, en particulier l'Union européenne, et de l'exemple donné par les pays voisins. Ainsi, en 2010, la plupart de ces idées seraient en principe acceptées (mais resteraient encore probablement à appliquer en totalité) dans toute l'Europe.

TABLEAU 12.7.1

Hypothèses pour les scénarios d'importations minimales
 Variante basseImportations minimales IImportations minimales II
Croissance du PIBFaibleFaibleFaible
PrixConstants+2%/an+1%/an
CoûtsConstantsConstantsConstants
Taux de récupérationDe basePlus élevéPlus élevé
Importations de matières premièresEn hausseEn baisseEn baisse
ConstructionNormaleNormaleNormale

ii) Résultats et analyse

Quelles seraient les conséquences d'un tel scénario écologique pour le secteur des forêts et des produits forestiers 7 ? Bien qu'il ne soit pas possible de quantifier les changements fondamentaux qui en résulteraient, certaines des conséquences éventuelles sont indiquées ci-après.

A la fin du premier quart du XXIe siècle, les ressources forestières en Europe seront, en superficie et peut-être également en volume sur pied, beaucoup plus importantes qu'à l'heure actuelle et gérées (le cas échéant) de façon à favoriser la biodiversité et à en permettre l'utilisation pour les loisirs, mais la productivité, de même que les quantités enlevées, auront diminué. Les arbres et les petites zones forestières occuperont par ailleurs une part beaucoup plus importante des paysages ruraux non boisés. Les coûts de production et de récolte seront beaucoup plus élevés et la gestion des forêts pèsera beaucoup plus lourd sur les budgets publics, à moins de créer d'une manière générale des marchés pour les activités aujourd'hui considérées comme non marchandes. En particulier, les propriétaires privés auront de grandes difficultés à poursuivre leur activité sans une aide importante des pouvoirs publics, et risquent de devoir choisir entre vendre (ou donner ?) leurs terres à l'Etat et renoncer à exploiter leurs forêts (au sens actuellement donné à cette activité). Certaines de ces évolutions négatives pourraient être compensées par des mesures prises par les pouvoirs publics afin de soutenir les économies régionales et rurales et d'empêcher la désertification et la paupérisation des zones rurales.

Dans ce scénario, la demande de bois pour la production d'énergie de tout type (bois de chauffage, déchets de toute industrie, produits en bois de récupération) augmente fortement et les coûts de l'énergie et des transports de tous les secteurs progressent rapidement, ce qui donne un avantage comparatif au secteur forestier qui jouit d'un accès efficace à la principale source d'énergie renouvelable. L'énergie, sous forme de bois ou d'électricité, voire de combustibles liquides, pourrait devenir le principal produit (et la principale source de revenus) du secteur forestier, pour la consommation externe comme pour la consommation interne.

L'évolution des marchés des produits forestiers est difficile à prévoir. D'une part, dans ce scénario, les revenus des consommateurs, et par conséquent la demande totale, diminuent, les coûts de transformation augmentent et les économies de matériaux et d'énergie sont encouragées, ce qui entraîne une baisse considérable de la demande de produits forestiers. D'autre part, comme le secteur forestier repose sur une matière première renouvelable, recyclable, relativement peu consommatrice d'énergie et sans effet sur les émissions de carbone, il jouit d'un avantage comparatif sur de nombreux autres secteurs. Les perspectives d'évolution des marchés des produits forestiers ne sont donc pas faciles à déterminer et devraient être étudiées sur la base d'une analyse détaillée du cycle de vie. Le secrétariat estime toutefois que, même dans ce scénario vert, le bois restera une source importante de matière première, même s'il est probable que les volumes seront moins importants qu'aujourd'hui et les prix plus élevés (peut-être pas assez cependant pour couvrir les hausses des coûts de transformation, de transport et de gestion des forêts).

Les préoccupations quant à la qualité de la gestion des forêts dans d'autres régions - qui se manifestent par l'adoption de mécanismes de certification - ajoutées au coût du transport, feront baisser sensiblement les importations en provenance d'autres régions. En fait, l'Europe pourrait chercher à être autosuffisante même si elle n'adoptera pas de mesures commerciales obligatoires en raison de son engagement en faveur du libre-échange.

La baisse des importations sera compensée, au moins en partie, par le développement du recyclage et de la réutilisation des produits forestiers (au moins équivalent à celui retenu comme hypothèse dans le scénario taux de récupération élevé des vieux papiers) de sorte que l'idée contenue dans le scénario vert selon laquelle l'Europe n'importera plus de produits forestiers, n'est pas totalement illusoire.

12.8 Diminution des quantités de bois disponibles dans le monde

i) Généralités et hypothèses

La possibilité d'une baisse des quantités de bois disponibles dans le monde, en raison d'une forte demande des pays en développement et d'une réduction des volumes dans les zones de production traditionnelles, tropicales et non tropicales, a été examinée ci-dessus. Bien que cette hypothèse n'ait pas été retenue dans les scénarios de base en raison de l'effet attendu des phénomènes de substitution, d'une “croissance économique sans bois” et de l'entrée en exploitation, dans les zones tropicales comme dans les zones tempérées, de plantations d'essences à croissance rapide gérées de façon intensive, elle ne peut être toutefois totalement rejetée, et fait donc l'objet d'un scénario distinct.

Ce scénario repose principalement sur l'hypothèse d'une augmentation de la demande de produits forestiers sur les marchés mondiaux, ce qui se traduirait par une hausse des prix qui toucherait également les marchés européens. Cette tension au niveau mondial engendrerait toutefois ses propres mécanismes correcteurs puisqu'elle provoquerait une baisse de la demande, encouragerait les phénomènes de substitution et stimulerait la production.

ii) Résultats et analyse

La principale conséquence d'une tension générale sur les marchés de produits forestiers serait probablement un ralentissement de la croissance de la consommation et une perte de parts de marché au profit des produits non dérivés du bois, l'une et l'autre imputables à une hausse de prix (voir section 12.2 pour une évaluation chiffrée des conséquences d'un renchérissement des produits forestiers).

Du côté de l'offre, l'aspect le plus intéressant pour la cinquième Etude concerne l'Europe, étant donné que, par définition, dans ce scénario, une production supplémentaire de sources non européennes, telles que celle provenant de plantations d'essences à croissance rapide, ne serait pas suffisante pour répondre à l'augmentation de la demande (même si celle-ci était atténuée par la hausse des prix). En d'autres termes, une hausse des prix mondiaux encouragerait les producteurs européens à accroître leurs parts de marché (ou à regagner les parts de marché perdues) au détriment des importations. Pour cela toutefois, il est indispensable qu'ils soient plus compétitifs pour ce qui est des prix comme des techniques de commercialisation. Etant donné qu'il semble difficile pour l'Europe tout entière d'obtenir un avantage sensible en matière de commercialisation, compte tenu de l'habileté des principaux concurrents en lice sur des marchés de caractère de plus en plus mondial, les coûts pour son industrie, en particulier ceux des matières premières, ne doivent pas augmenter pour qu'en cas de tension et de hausse des prix sur ces marchés, elle soit à même de regagner les parts perdues.

Une insuffisance de l'offre mondiale aurait probablement deux autres conséquences :

En fait, si les problèmes d'approvisionnement étaient très importants, les pays exportateurs (ou potentiellement exportateurs) d'Europe pourraient accroître leurs exportations vers d'autres régions 8.

TABLEAU 12.8.1

Scénarios d'importations minimales
 Variante basseImportations minimales IImportations minimales II
Taux de croissance de la consommation, 1990–2020 (en pourcentage annuel)
Bois de sciage0,850,470,64
Panneaux1,521,151,28
Papier2,141,561,83
Taux de croissance de la production, 1990–2020 (en pourcentage annuel)
Bois de sciage0,860,710,75
Panneaux1,311,271,24
Papier1,721,311,49
Solde, 2020 (- = importations nettes)
Bois de sciage (millions de m3)-14,3-5,5-10,3
Panneaux (millions de m3)-9,6-3,3-6,2
Pâte (millions de tonnes)-5,3-2,2-2,4
Papier (millions de tonnes)-10,1-3,6-6,7
Bois brut (millions de tonnes)-36,2-17,8-17,8
Quantités enlevées et vieux papiers, 2020
Quantités enlevées (millions de m3)472466469
Taux de récupération (en pourcentage)48,653,253,2

En cas de pénurie mondiale, les exportateurs européens traditionnels seraient bien placés, avec leur longue expérience et leurs grandes compétences, pour concurrencer, au moins à court et à moyen terme, les producteurs de régions où les conditions de croissance sont plus favorables. Ils pourraient même fort bien, tout comme les sociétés d'Amérique du Nord, se trouver en mesure de dominer, par apport de savoir-faire et de capital, les nouveaux fournisseurs de produits forestiers.

Deux scénarios ont été é élaborés pour illustrer la manière dont le secteur des forêts et des produits forestiers en Europe pourrait réagir face à l'apparition de tensions sur les marchés mondiaux et à des hausses de prix. Le tableau 12.8.1 compare les hypothèses retenues pour ces deux scénarios et celles de la variante basse. Ceux-ci (importations minimales I et II), contrairement aux scénarios précédents, n'essaient pas de répondre à la question “Que se passerait-il si…?”, mais cherchent à préciser les conditions à remplir pour que l'Europe puisse réduire sa dépendance à l'égard des importations en provenance d'autres régions.

Selon ces deux scénarios, une augmentation des prix provoquée par une insuffisance de l'offre mondiale, conjuguée avec un accroissement du taux de récupération des vieux papiers et à des prix constants pour les bois ronds d'origine européenne, se traduirait par une baisse de la consommation. Les importations resteraient à peu près à leur niveau de 1990 (et seraient donc considérablement plus faibles que dans la variante basse) alors que la demande de bois ronds serait à peu près inchangée. Ce résultat peut-être surprenant (en ce sens qu'une insuffisance de l'offre à l'échelle mondiale ne se traduirait pas nécessairement par une augmentation des quantités enlevées en Europe) montre l'importance qu'il y a à élaborer des scénarios pour l'ensemble du secteur des forêts et des produits forestiers plutôt que pour tel ou tel sous-secteur.

12.9 Incertitude concernant la croissance économique

Le chapitre 3 retient, pour la croissance économique de l'Europe occidentale, un taux fondé sur un certain nombre de projections réalisées à l'époque où la cinquième Etude était en préparation, soit vers 1993. C'est ce taux généralement admis qui constitue l'hypothèse de base de la variante haute du scénario de base, alors que la variante basse repose sur l'hypothèse d'une croissance plus faible. Les projections établies à partir de taux de croissance plus élevés figurent dans le document de travail de Baudin et Brooks, mais pas dans la cinquième Etude, car elles ont été jugées trop élevées par rapport aux réalités. De ce fait, il n'a pas non plus été préparé de scénario fondé sur un taux de croissance inférieur à celui retenu pour la variante basse 9. Toutefois, la persistance d'un faible taux de croissance économique au milieu des années 90 et l'incapacité des gouvernements d'Europe occidentale à trouver le chemin d'une croissance régulière sans inflation ont conduit, à la fin de 1995, à des prévisions de croissance pour 1996 et 1997 sensiblement plus faibles que celles retenues dans la cinquième Etude pour les projections portant sur la période 1995-2000.

Il n'a pas été possible de préparer un nouveau scénario fondé sur une croissance économique moins rapide dans le peu de temps disponible avant que l'Etude ne soit définitivement terminée. Par ailleurs, il n'est pas raisonnable de modifier des projections portant sur une période de 30 ans au vu de résultats portant sur seulement deux ans. Néanmoins, il faut savoir que la croissance économique à long terme pourrait être encore moins rapide que dans la variante basse. Dans ce cas, la demande de produits, de même que la production et, probablement, les importations en provenance d'autres régions, seraient plus faibles que ne l'indique la variante basse.

12.10 Analyse des divers scénarios présentés

Bien que les différentes composantes du secteur des forêts et des produits forestiers soient étroitement liées, la plupart des décideurs, qu'ils appartiennent au secteur public ou au secteur privé, n'ont à prendre de décisions ou à élaborer de politiques que pour une seule entreprise ou un seul département, et ne trouveront peut-être guère d'utilité à des scénarios globaux. C'est pourquoi on va essayer ci-après d'interpréter de façon plus détaillée les conséquences pratiques des divers scénarios présentés. A cette fin, on cherchera à déterminer quels sont ceux qui reposent sur des incertitudes et ceux qui reposent sur des choix (établis dans le secteur ou ailleurs) et qui déterminent pour l'essentiel la capacité ou l'incapacité du secteur à rester compétitif.

La présente section analyse ensuite les différentes composantes du secteur des forêts et des produits forestiers en indiquant de manière approximative les éléments d'incertitude ou de choix les plus importants pour chacune.

Sur les sept scénarios présentés ci-dessus, on peut considérer que ceux concernant le taux de croissance économique (variante haute), le taux de croissance de la construction (ralentissement de la construction); l'insuffisance de l'offre de bois dans le monde (importations minimales I et II) et les limites techniques du recyclage (taux de recyclage élevé et taux de recyclage faible) portent pour l'essentiel sur des incertitudes 10 touchant des paramètres pratiquement impossibles à influencer au niveau du secteur des forêts et des produits forestiers en Europe.

Les scénarios concernant la politique énergétique (hausse des prix de l'énergie), la politique environnementale (scénario vert) et la politique en matière de recyclage (taux de recyclage élevé et taux de recyclage faible) concernent des choix qui seront faits en dehors du secteur

Enfin, le dernier groupe de scénarios, et peut-être le plus important, concerne la capacité des “acteurs” du secteur à préserver ou à accroître leur compétitivité dans différentes conditions du marché. Pour des raisons de méthode, ces scénarios concernent principalement, dans la cinquième Etude, les prix et les coûts, mais les progrès techniques, la commercialisation des produits et les relations extérieures ont aussi leur rôle à jouer. Il s'agit des scénarios suivants : hausse des prix et baisse des prix (des produits forestiers); et hausse des coûts et baisse des coûts (ce qui est équivalent, dans la cinquième Etude, à une hausse ou à une baisse des prix des bois ronds, des déchets et de la pâte) 11.

En ce qui concerne les coûts et les prix, s'il est clair que chaque acteur fera tout son possible pour devenir plus compétitif et accroître au maximum ses recettes, on ne peut toutefois dire avec certitude s'il réussira. L'intérêt de ces scénarios est donc de permettre aux différents acteurs de se fixer des objectifs stratégiques et, facteur peut-être encore plus important, de leur montrer à quel point il importe de maîtriser les coûts et de maintenir les prix compétitifs par rapport à ceux d'autres produits forestiers et d'autres matériaux.

Quelle est la sensibilité des différentes parties du scénario de base à une modification des hypothèses? Pour ce qui est des scénarios quantitatifs, on peut indiquer non seulement la direction mais également, d'une manière générale, l'ampleur des modifications. Pour les scénarios qualitatifs, en revanche, on ne peut, dans le meilleur des cas, en indiquer que la direction.

La consommation de produits forestiers est manifestement sensible à l'évolution des prix des produits forestiers et au niveau d'activité économique générale de même (dans le cas des bois de sciage et des panneaux) qu'au niveau d'activité dans le secteur de la construction. Les scénarios qualitatifs, qui sont de caractère plus général, et en particulier le scénario hausse des prix de l'énergie et le scénario vert entraîneraient aussi probablement une réduction sensible de la consommation et encourageraient une réorientation de celle-ci en faveur des utilisations énergétiques du bois.Les scénarios importations minimales se traduiraient eux aussi par une consommation plus faible que dans les scénarios de base, en raison de prix plus élevés.

La situation en ce qui concerne la production de produits forestiers est plus complexe car elle dépend à la fois de la taille du marché et de la part qu'en détiennent les producteurs européens. Ainsi, une production donnée peut, en valeur absolue, correspondre soit à une part moins importante d'un marché plus important, soit à une part plus importante d'un marché plus réduit. La taille du marché est déterminée par les niveaux de consommation examinés ci-dessus alors que la part de marché détenue dépend de la différence entre les coûts de production et les prix des produits. Les graphiques 12.3.2 et 12.3.3 indiquent les niveaux de production ainsi que les niveaux projetés d'autosuffisance. Il convient de noter que l'ordre des scénarios en fonction de ces deux critères (niveau de production et autosuffisance) ne coïncide pas.

L'autosuffisance en bois de sciage et en papier est sensible à l'écart entre les prix et les coûts : bien évidemment, les taux d'autosuffisance les plus élevés pour ces produits correspondent au scénario hausse des prix, baisse des coûts, qui assure la plus grande rentabilité aux industries européennes, et aux divers scénarios où l'écart entre les coûts et les prix évolue favorablement pour ces industries. Pour ce qui est des panneaux dérivés du bois, cependant, l'analyse économétrique montre que la production dépend beaucoup plus de la demande du marché et qu'elle est relativement insensible à l'évolution de cet écart. Par conséquent, pour ces produits, l'autosuffisance est la plus élevée quand la consommation totale est la plus faible (c'est-à-dire quand les prix sont élevés), même si en valeur absolue la production est peu importante.

Dans la plupart des cas, la production est, en valeur absolue, plus sensible aux hypothèses concernant la taille du marché. Par conséquent, les niveaux de production les plus élevés en Europe ont tendance à correspondre aux scénarios baisse des prix, qui se traduisent par une croissance rapide de la consommation, ou à la variante haute du scénario de base, qui repose sur une croissance économique soutenue, plutôt qu'aux scénarios où une hausse des prix entraîne une contraction des marchés, même si, dans ces derniers cas, le degré d'autosuffisance peut être plus élevé. Dès lors, et d'une manière très générale, une baisse des prix des produits forestiers européens devrait se traduire par un accroissement de la production en Europe 12.

L'écart maximum en ce qui concerne la demande de bois ronds en Europe (c'est-à-dire le volume calculé total des quantités enlevées en 2020) est considérable, puisqu'il est de 65 millions de m3, soit 14 % du total. comme cet écart est le résultat de la combinaison d'un ensemble d'hypothèses concernant les coûts et les prix, il est intéressant d'étudier séparément l'influence de chacun de ces facteurs.

Il ressort de la figure 12.3.2 que le volume des quantités enlevées en Europe est particulièrement sensible au niveau des coûts des matières premières pour l'industrie et en particulier du prix des bois ronds d'origine europénne. Ainsi, la différence entre une hausse des coûts de 1 % par an et une baisse des coûts de 1 % par an atteint, pour ces bois ronds, 44 millions de m3 (en supposant que les prix des produits restent constants).

Toutefois, si on émet l'hypothèse de coûts constants, l'écart entre les deux extrêmes est nettement plus faible (31 millions de m3, soit environ 7 % du volume de la variante basse). Par conséquent, si les coûts des matières premières restent constants, la demande de bois ronds provenant des forêts européennes pourrait être plus élevée que dans la variante basse du scénario de base si le PIB augmente plus vite (variante haute), si les prix des produits forestiers diminuent ou si le taux de récupération des vieux papiers est moins élevé que prévu. Elle pourrait être moins élevée que dans la variante basse, si l'activité dans le secteur de la construction se ralentit, si le taux de récupération des vieux papiers est plus élevé que prévu, ou si les prix des produits forestiers augmentent.

Au minimum toutefois, les quantités enlevées sont supérieures de 50 millions de m3 au niveau enregistré en 1990. Il convient de noter par ailleurs que, même dans le scénario prévoyant le plus fort volume de quantités enlevées, celles-ci restent très inférieures à l'accroissement naturel annuel, de sorte qu'il y aurait toujours accumulation de bois sur pied.

Les deux scénarios importations minimales ont relativement peu d'incidence sur la demande de bois ronds provenant des forêts européennes, étant donné que l'ajustement nécessaire pour réduire les importations en provenance d'autres régions prendra essentiellement la forme, par le biais des prix, d'une réduction de la taille du marché (et d'une augmentation du recyclage) plutôt que d'un remplacement des importations par des quantités enlevées en Europe. Par conséquent, s'il devait y avoir “pénurie” de bois dans le monde, celles-ci représenteraient probablement une part plus importante d'un marché plus petit, mais resteraient, en volume, à peu près inchangées.

Les conséquences du scénario hausse des prix de l'énergie et du scénario vert sur la demande de bois ronds sont très peu claires, étant donné que les deux font intervenir des forces contradictoires, dont l'effet net est impossible à chiffrer avec les données et les outils d'analyse actuellement disponibles. Dans le scénario hausse des prix de l'énergie, l'augmentation attendue de la demande de petit bois pour la production d'énergie pourrait être compensée par un ralentissement de la croissance économique et une hausse des coûts. Dans le scénario vert, l'intérêt présenté par le bois pour la protection de l'environnement, de même que l'augmentation de la demande de sources d'énergie renouvelables pourraient être compensés par un ralentissement de la croissance économique, par une hausse des coûts et par des restrictions imposées à la sylviculture, y compris le classement de vastes zones en réserves pour la préservation de la diversité biologique.

L'une des conclusions intéressantes, et peut-être surprenantes, de la cinquième Etude est que les projections de la demande de bois ronds des forêts européennes sont relativement peu sensibles à de nettes modifications des hypothèses concernant la croissance économique, les prix des produits forestiers ou le taux de recyclage des vieux papiers. Cela tient entre autres choses au fait que les fortes variations de la demande, à la hausse ou à la baisse, sont compensées, selon les projections et compte tenu des hypothèses indiquées, par des variations des importations en provenance d'autres régions plutôt que de la production européenne de bois ronds.

Ce sont les importations nettes en provenance d'autres régions qui présentent la plus grande sensibilité à une modification des hypothèses puisqu'elles sont trois fois plus élevées dans la variante haute du scénario de base que dans le scénario importations minimales 13. Comme la demande de bois ronds, elles sont influencées par la taille du marché (elle-même influencée par les prix des produits et les niveaux d'activité) et par la rentabilité des industries européennes (rapport des prix des produits au coût des matières premières).

Les importations nettes sont élevées quand la croissance du PIB est rapide, les prix des produits forestiers bas, le taux de récupération des vieux papiers faible et la rentabilité des industries européennes en baisse (baisse des prix/coûts constants ou prix constants/hausse des coûts). A l'inverse, elles sont faibles quand les prix des produits et le taux de récupération des vieux papiers sont élevés, l'activité dans le secteur de la construction peu importante et la rentabilité des-industries européennes en hausse (hausse des prix/coûts en baisse ou constants, ou prix constants/baisse des coûts).

La répartition entre importations nettes et quantités enlevées en Europe varie fortement selon les scénarios. Si la consommation était soutenue et/ou la rentabilité des industries européennes faible, les importations nettes pourraient représenter environ un tiers des quantités enlevées, contre moins de 15 % en 1990. Si, en revanche, la consommation est faible, la rentabilité importante et/ou le taux de récupération des vieux papiers élevé, la proportion pourrait ne représenter qu'environ 10 %. Cette situation tiendrait aux circonstances indiquées et non à l'adoption par les gouvernements européens d'un quelconque train de mesures protectionnistes.

12.11 Conclusions

On a pu constater à la lecture du présent chapitre la complexité du secteur et les problèmes rencontrés pour en déterminer l'orientation future. Les divers scénarios présentés permettent, cependant, de tirer un certain nombre de conclusions.

Premièrement, l'évolution des prix et des coûts des produits forestiers et des bois ronds est plus importante pour l'avenir du secteur que ne l'indiquent généralement les études réalisées.

Deuxièmement, le secteur européen des forêts et des produits forestiers, comme la plupart des systèmes naturels ou sociaux, comporte un certain nombre de mécanismes autorégulateurs qui l'empêchent de s'engager dans un cycle destructeur de tendances et de réactions extrêmes. Les deux principaux sont le mécanisme des prix et la récupération des vieux papiers, qui font que la croissance de la demande de papier ne se traduit pas par une croissance équivalente de la demande de bois.

Troisièmement enfin, certaines composantes du système sont plus stables que d'autres. En particulier, la demande de bois ronds est, en Europe, beaucoup moins sujette à fluctuations que la demande à l'importation.

Les conclusions à tirer de ces scénarios quant à la stratégie future à adopter peuvent varier d'un lecteur à l'autre, selon qu'il appartient au secteur public ou au secteur privé, qu'il exerce son activité dans l'industrie, le commerce ou la gestion des forêts, qu'il est importateur ou exportateur; qu'il travaille dans une grande ou une petite entreprise, etc. Certaines incidences de caractère général sont examinées dans le chapitre suivant.

Notes du chapitre 12

1 Et, soit dit en passant, pour protéger la réputation des auteurs de l'Etude

2 Il importe de répéter que la cinquième Etude ne concerne que les tendances structurelles à long terme. Les prix des bois ronds et des produits forestiers évolueront inévitablement à la hausse et à la baisse, parfois brutalement, en fonction des conditions du marché, mais ces mouvements à cours terme ne peuvent pas et ne doivent pas être pris en compte dans des études à long terme telles que la cinquième Etude.

3 Au sens strict, étant donné que l'analyse économétrique ne s'applique qu'aux pays où une économie de marché existait avant 1989, la variation ne concerne que l'Europe occidentale, vu l'inélasticité-prix des projections pour les pays en transition avec les méthodes utilisées pour la cinquième Etude. Néanmoins, le total pour l'Europe est indiqué afin de permettre des comparaisons avec d'autres sections du chapitre.

4 Ces modèles concernent essentiellement le bois brut, et ne comportent pas de séries à long terme de données sur d'autres facteurs de production tels que le travail, l'énergie ou le capital.

5 Bien que la fabrication de pâte Kraft soit fortement consommatrice d'énergie, elle est autosuffisante dans ce domaine et utilise une source d'énergie renouvelable (la lignine provenant du bois brut).

6 C'est-à-dire des systèmes en vertu desquels les propriétaires de forêts sont, d'une certaine façon, payés directement pour des “productions” autres que la production de bois, telles que la préservation de la biodiversité ou du paysage, au lieu de recevoir une indemnisation générale pour compenser l'augmentation des coûts.

7 Ce scénario est cependant loin de reprendre les propositions les plus extrêmes des groupes écologistes les plus radicaux, telles que le refus des technologies modernes (y compris les techniques médicales), l'adoption de nouveaux modes (communautaires) de propriété (en particulier des terres), un mode d'alimentation exclusivement végétarien (en raison d'une conception absolutiste des droits des animaux) et une extrême réticence à accepter toute récolte extensive de bois ainsi d'ailleurs que toute forme de gestion des forêts.

8 C'est ce qui s'est passé ces dernières années quand l'Autriche, la Finlande et la Suède ont profité des conditions existantes pour pénétrer sur les marchés japonais de produits forestiers.

9 Les “projections” pour 1990–95 étaient en fait fondées sur les données réelles pour 1990–94 et les prévisions officielles pour 1995.

10 Certains scénarios concernent aussi bien les problèmes d'incertitude que de choix, de sorte qu'ils peuvent apparaître dans plus d'une catégorie.

11 Les scénarios de coûts et de prix peuvent être combinés en un nombre relativement important de variations telles que hausse des prix/baisse des coûts, baisse des prix/coûts constants, etc. De plus, différentes hypothèses pourraient être émises par produit, par pays ou en ce qui concerne les taux de change. Le modèle économétrique pourrait certes permettre d'étudier toutes ces possibilités, mais les résultats seraient rébarbatifs et difficiles à utiliser par les décideurs.

12 Le scénario hausse des prix, baisse des coûts pour le bois de sciage fait exception, mais cette projection est peut-être faussée par une élasticité peu réaliste des exportations de sciages résineux de l'Allemagne, qui tendent à augmenter de façon disproportionnée en cas d' amélioration de la rentabilité.

13 Dans la présente section, les projections des importations nettes en unités d'origine (m3, tonne) ont été converties en m3 EQ au moyen de facteurs de conversion types afin de simplifier la présentation et de faciliter les comparaisons avec les projections concernant les quantités enlevées. Toutefois, les projections elles-mêmes ont été calculées avec les unités d'origine, de sorte que les erreurs de conversion lors de leur établissement n'ont qu'un effet minime sur la validité des résultats.


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