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7. APPLICABILITÉ DE L’ACTIVITÉ D’ÉVALUATION DES RISQUES


7.1 INTRODUCTION

L’évaluation quantitative des risques microbiologiques dans les aliments est destinée à répondre à des questions spécifiques importantes pour la santé publique. Pour être utile, l’évaluation des risques microbiologiques doit être intégrée à bon escient dans le processus décisionnel, ce qui laisse supposer un changement dans la manière dont les Etats prennent leurs décisions en matière de sécurité sanitaire des aliments et de santé publique. La nouveauté de l’évaluation du risque microbiologique est qu’elle quantifie le danger tout au long de la chaîne de la production alimentaire et le rattache directement à la probabilité de maladie d’origine alimentaire. Les évaluations des risques liés à L. monocytogenes et à Salmonella spp. examinées dans le présent rapport offrent des exemples convaincants du potentiel de cette approche. Il faut cependant comprendre qu’il n’est pas toujours nécessaire d’utiliser des instruments aussi perfectionnés pour fournir des bases objectives sur lesquelles fonder les décisions en matière de sécurité sanitaire des aliments.

7.2 APPLICABILITÉ: FORMATION ET RENFORCEMENT DES CAPACITÉS

L’utilisation accrue de l’évaluation des risques microbiologiques créera de nouveaux besoins en matière de renforcement des capacités. Ces deux évaluations des risques ont été des activités instructives et compte tenu de leur exhaustivité elles peuvent aussi servir de point de départ aux futures interventions de formation et de recherche appliquée.

Une approche interdisciplinaire est indispensable pour l’évaluation microbiologique des risques. Il faut à la fois développer les compétences et les connaissances dans toutes les disciplines pertinentes (microbiologie, modélisation, épidémiologie, etc.) et garantir que ces disciplines sont effectivement intégrées dans le processus d’évaluation des risques. Il faut maintenir la transparence tout au long du processus d’évaluation du risque, du stade initial de la constitution de l’équipe d’évaluation, à la collecte des données et aux procédures d’analyse. La FAO et l’OMS devraient rassembler des matériels pédagogiques sur l’évaluation du risque microbiologique et les mettre gratuitement à la disposition des Etats membres.

La consultation d’experts a suggéré de renforcer les capacités en matière d’évaluation du risque microbiologique par les moyens suivants:

Les centres collaborateurs de l’OMS et les centres d’excellence de la FAO, ainsi que d’autres entités nationales et internationales pertinentes pourraient participer à cette activité. Il y a un besoin urgent de soutien direct international et national dans ce domaine. Lorsqu’un pays n’a pas les ressources nécessaires pour déterminer l’incidence de maladie humaine attribuable à un danger donné d’origine alimentaire, le système sentinelle par l’intermédiaire de la FAO et de l’OMS peut permettre de rassembler les informations voulues. Il faudra également s’attacher à collecter des données sur la prévalence et le nombre de cellules de micro-organismes tout au long de la chaîne alimentaire.

La consultation a défini trois approches fondamentales pour faire face aux besoins des Etats membres en matière de logiciel pour l’évaluation des risques microbiologiques. La première option serait pour les Etats membres d’acquérir et d’utiliser des logiciels disponibles commercialement. La deuxième option consisterait à prendre les modèles élaborées pour chacune des évaluations de risque et à transférer leur structure et leur logique dans un instrument autonome. Pour ce faire, on pourrait reprogrammer les mathématiques et la logique du modèle et l’inclure dans un progiciel d’utilisation facile. Les modèles pourraient alors être mis gratuitement à la disposition des Etats membres. Un troisième option serait qu’une organisation internationale élabore un ensemble d’instruments qui seraient de la plus grande utilité aux modélisateurs dans le monde entier et les offre gratuitement. Cette approche est analogue à celle adoptée aux Etats-Unis par les Centres de surveillance et de prévention des maladies pour l’élaboration de Epi Info. La méthode Monte-Carlo utilisée par des logiciels commerciaux courants peut servir par exemple à élaborer un ensemble de macros qui permettraient aux utilisateurs de logiciels tableurs d’entrer des données comme une distribution. Le logiciel pourrait alors effectuer des simulations Monte-Carlo semblables à celles utilisées dans ces évaluations.

7.3 APPLICABILITÉ: RÉALISATION DES ÉVALUATIONS DES RISQUES

La consultation d’experts a reconnu que ces évaluations du risque pouvaient être utilisées par de nombreuses parties, notamment les autorités nationales. Assurer l’applicabilité et l’utilité des évaluations de risque pour toutes les régions et tous les États devrait être une activité prioritaire pour les gouvernements nationaux, la FAO et l’OMS. La réalisation de l’évaluation des risques au niveau international a mis en évidence la nécessité d’acquérir des données pour toutes les régions et de développer les capacités des pays à conduire des évaluations de risque. À cet effet, il faut mettre en place une infrastructure qui permette la surveillance des maladies d’origine alimentaire ainsi que le suivi des dangers microbiens dans les aliments tout au long de la chaîne alimentaire et des effets de la transformation ou d’autres facteurs sur les micro-organismes. Il est également besoin de ressources humaines ayant les compétences techniques nécessaires pour effectuer des évaluations du risque microbiologique.

7.3.1 Adaptabilité de la composante d’évaluation de l’exposition

Les modèles créés par le groupe de rédaction sont applicables par d’autres à condition que le modèle mathématique soit validé et que les programmes informatiques soient disponibles. Dans ces conditions, le modèle peut servir à évaluer le risque lié à ces combinaisons pathogène-produit aux niveaux régional ou national. Les données utilisées dans le modèle doivent prendre en compte le produit alimentaire, la matière première, les conditions chez le détaillant et les habitudes de consommation dans la région concernée. Les modèles prédictifs de la croissance, de la survie ou du déclin des micro-organismes, une fois qu’ils perfectionnés et accepté sur une base générale, devront néanmoins être utilisés avec des paramètres correspondants aux conditions dans la région ou le pays concerné.

Certains utilisateurs pourront être intéressés par l’évaluation complète du risque, mais il est entendu que tout ou partie des composantes utiles des évaluations seront exploitées de la manière la plus large possible par tous les États Membres. Si certains des concepts et données présentés dans ces évaluations des risques sont génériques et directement adaptable, des parties importantes de l’évaluation de l’exposition se rapportent à des situations nationales spécifiques.

Les évaluations de l’expositions sont raisonnablement proches des scénarios d’exposition dans certains pays développés, mais ne sont pas représentatives de la réalité d’un pays ou d’une situation spécifique. En conséquence, la composante d’évaluation de l’exposition ne devrait pas être utilisée sans avoir examiné attentivement son applicabilité à une situation nationale et pris en considération la voie de l’exposition dans le pays. Certains résultats peuvent être utilisés directement tels que présentés dans ces évaluations des risques. Certaines fonctions doivent être paramétrées et certaines données remplacées par des données spécifiques à une région ou à une utilisation. D’autres parties du modèle peuvent ne pas être applicables du tout dans certains contextes nationaux.

Les deux plus grands problèmes en ce qui concerne l’adaptabilité de l’exposition sont l’absence de présentation standard des données et la manière de combler le manque de données. Une présentation standard des données comporte des méthodes de collecte de données et leur utilisation dans un modèle d’évaluation des risque. Outre les questions bien connues, en matière de collecte de données, de comparabilité et de différences des méthodes, d’assurance de qualité, etc., les données collectées dans les systèmes classiques de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments ne sont en général pas adaptées à l’évaluation des risques. Il faudrait en théorie supprimer les distorsions, tenir compte des facteurs de confusion et résumer les données sous forme d’une distribution de la probabilité.

La FAO et l’OMS procèdent actuellement à l’élaboration de directives pour l’évaluation du risque microbiologique, qui devraient fournir de plus amples détails sur la présentation normalisées des données.

7.3.2 Adaptabilité de la composante de caractérisation des dangers

La Consultation estimait que les parties concernant la caractérisation des risques dans ces évaluations du risque comportent les données et les modèles les plus facilement adaptables à d’autres utilisateurs de l’évaluation. Les informations qu’elles contiennent sont d’ordre générique et l’approche peut être adaptée. Dans les cas où ces informations ne seraient pas applicables, il est probable que les données requises peuvent être collectées. Dans toute population humaine il existe des sous-groupes caractérisés par différents niveaux de susceptibilité aux infections. Le degré de susceptibilité et la taille de ces sous-groupes doivent être définis avec soin. Il convient de noter que la collecte de ces données est peu probable dans les États ne disposant pas d’une infrastructure d’évaluation des risques. Les experts estimaient que les courbes dose-réponse utilisées dans ces évaluations des risques ont une applicabilité plus générale et qu’elles sont les meilleures actuellement disponibles pour une utilisation généralisée.

7.3.3 Autres applications des documents d’évaluation des risques FAO/WHO

La Consultation d’experts a conclu que ces évaluations fournissent une quantité considérable d’informations utiles pour ceux prévoyant d’effectuer une évaluation quantitative du risque microbiologique. Par exemple, le modèle dose-réponse reposant sur les données épidémiologiques fournit des estimations appréciables de la probabilité de maladie après ingestion d’une dose de Salmonella spp. On trouve aussi des informations sur la relation dose-réponse pour L monocytogenes et une estimation des risques relatifs pour les sous-populations plus susceptibles.

La présente évaluation du risque lié à Salmonella spp. apporte des informations qui seraient utiles pour déterminer l’impact des stratégies d’intervention sur la réduction du nombre de cas de salmonelloses dues à des œufs ou des volailles contaminées. L’évaluation du risque lié à Salmonella spp. dans les poulets de chair a permis de déterminer qu’il existait une relation entre le changement de la prévalence de Salmonella spp. sur les poulets de chair et la réduction du risque de maladie par portion. Dans l’évaluation du risque lié à Salmonella Enteriditis dans les œufs, la réduction de la prévalence de Salmonella Enteriditis dans les troupeaux de volailles était directement proportionnelle à la réduction du risque pour la santé humaine. Le modèle peut aussi être utilisé pour estimer la modification du risque de maladie humaine due au changement de la durée et de la température du stockage des œufs. L’évaluation du risque de Listeria indique que les mesures qui réduisent la prévalence des portions alimentaires contenant les plus fortes concentrations de L. monocytogenes au point de consommation seraient les plus efficaces pour réduire l’incidence de la maladie.

Les rapports présentés à la consultation d’experts par le groupe de rédaction fournissent aussi un modèle de présentation des informations disponibles de façon à ce qu’elles soient lisibles, reliant les problèmes dans les aliments aux conséquences pour la santé humaine. Ils expliquent aussi avec précision les étapes à suivre pour rassembler les données statistiques. Ils fournissent des avis et des analyses scientifiques qui peuvent être utiles pour établir des politiques réglementaires en matière de lutte contre les maladies d’origine alimentaire dans différents pays. Le rapport sur Listeria indique par exemple que, sur la base d’une portion, les aliments où la croissance de L monocytogenes ne survient pas présentent un risque relatif inférieur à celui des aliments qui favorisent la croissance. Ces rapports peuvent fournir le fondement scientifique nécessaire pour évaluer ou apprécier la proposition soumise au CCFH concernant les critères microbiologiques pour les aliments prêts à consommer. Par ailleurs les évaluations des risques ont permis d’identifier des manques de données, ce qui pourrait être utile pour décider d’un ordre de priorité des recherches.


[7] Régional dans ce cas se réfère à des zones caractérisées par des modèles de production et de consommation alimentaires analogues et pouvant se situer dans un même pays ou couvrir des zones semblables dans plusieurs pays.

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