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LE PROCESSUS DE RÉDUCTION DES RISQUES

Figure 1. Éléments du processus de réduction des risques, pendant la préparation, l’exécution et le suivi post-campagne.

L’objectif principal de toutes les recommandations et suggestions faites dans ce fascicule est de réduire les risques induits par la lutte antiacridienne pour la santé et l’environnement à un niveau minimum acceptable. De nombreuses mesures, souvent étroitement liées, doivent être prises pour atteindre cet objectif (voir Fig. 1).

Une préparation minutieuse de la campagne antiacridienne est cruciale pour réduire les risques. Il est absolument essentiel d’être bien préparé puisque la plupart des campagnes antiacridiennes sont une course contre la montre. Elles durent rarement plus de huit à dix semaines depuis la première manifestation d’essaims parentaux jusqu’à la formation d’essaims de la nouvelle génération (voir fascicule n° 5 «Organisation et exécution d’une campagne»). Cela signifie que, lorsque qu’une campagne démarre, il n’est plus temps de commencer à penser aux meilleures façons de réduire les risques liés à l’utilisation de pesticides ou de planifier les activités de suivi; cela doit être fait bien à l’avance.

Beaucoup de questions doivent êtres résolues pendant la phase préparatoire, telles que: quelle stratégie de lutte et quels insecticides seront utilisés? Quel équipement de protection devrait être disponible? Comment impliquer le personnel médical en cas d’empoisonnement? Quelles zones du pays éviter de traiter ou quels insecticides éviter d’utiliser? Combien d’équipes de suivi devraient êtres créées, quelle devraient être leur composition et leurs tâches? Ces préparations n’impliquent pas seulement le personnel permanent de l’unité de lutte antiacridienne mais aussi le personnel temporaire et médical, des professionnels de l’environnement et des experts en communication. Il est préférable de définir clairement les différentes mesures de réduction de risques des pesticides dès la préparation du plan d’action prévisionnel de la campagne antiacridienne.

Si la campagne a été bien préparée, les activités de réduction réelle des risques à mener pendant les opérations de lutte seront claires. Cela ne signifie pas qu’elles seront faciles mais le personnel impliqué connaîtra ses tâches et aura été formé pour les accomplir correctement.

Il est important de réaliser qu’être bien préparé ne signifie pas exécuter un programme rigide. Quiconque ayant été impliqué dans une campagne de lutte contre le Criquet pèlerin sait que les surprises et les situations inattendues sont la règle plutôt que l’exception. Le personnel impliqué dans le suivi des précautions d’usage pour la santé humaine et l’environnement doit donc être flexible et prêt à modifier les plans dans un délai très court.

Les activités de réduction des risques pour la santé et l’environnement ne sont pas terminées lorsque le dernier criquet a été éliminé. Le suivi post-campagne comprend une série d’activités aussi diverses que la gestion des insecticides inutilisés et les conteneurs vides; l’analyse des résidus et l’identification des prélèvements biologiques; le contrôle de la santé des agents antiacridiens après la campagne; l’évaluation des résultats du suivi et l’identification des améliorations à apporter aux futures campagnes; la rédaction d’un rapport détaillé des activités de réduction des risques et des conclusions.

Dans la suite de ce fascicule, toutes ces questions seront examinées en détail, les problèmes spécifiques aux opérations de lutte contre le Criquet pèlerin seront abordés et des conseils seront donnés sur la manière de mettre en œuvre les mesures pratiques de réduction des risques.

Personnes à risque- résumé:

  • agents antiacridiens (risques du métier)
  • personnes non impliquées dans les opérations de lutte (populations locales).

Figure 2. Plusieurs catégories d’agents antiacridiens peuvent être exposées aux insecticides pendant leur travail.

Qui est en danger?

Tous les insecticides utilisés en lutte antiacridienne constituent un risque pour la santé humaine, même si certains produits sont plus dangereux que d’autres. Dans ce fascicule, on distinguera les personnes qui peuvent êtres exposées de par leur travail en lutte antiacridienne de celles qui ne sont pas impliquées dans les opérations de lutte (les populations locales).

Risques du métier

Les agents de terrain directement impliqués dans les opérations de traitement ont tendance à être les plus exposés aux insecticides, et courent donc le risque élevé d’être empoisonnés. Cependant, il est important de réaliser que presque tous les autres agents de terrain peuvent être en danger, aussi bien accidentellement que pendant le déroulement normal de leur travail (voir Fig. 2). Le tableau ci-dessous résume la manière dont cela peut arriver. À noter que la même personne peut parfois exécuter plusieurs des tâches énumérées (ex.: un opérateur, à la fois chargé de la manutention des pesticides et de la vérification de leur efficacité après traitement).

Figure 3. Les populations locales peuvent êtres exposées de différentes manières aux insecticides.

Possibilités d’exposition aux insecticides - résumé:

  • pendant la manutention, l’entreposage et le transport
  • pendant le calibrage, le balisage et le traitement
  • en entrant dans des zones traitées
  • en buvant de l’eau ou en mangeant de la nourriture contaminée

Question fréquemment posée no 1 (voir réponse page 88)

En cas d’aspersion accidentelle lors de traitements aériens, est-il nécessaire de voir un médecin?

Les populations locales

Les populations locales ne sont normalement pas impliquées dans la lutte antiacridienne (même si parfois on peut leur demander leur aide pour localiser les cibles à traiter). Les seules exceptions sont les groupes d’agriculteurs ou les brigades villageoises qui, dans certains pays, peuvent être sollicités pour aider à lutter contre les bandes larvaires pendant une résurgence ou une invasion. Toutefois, même sans participation directe aux opérations de lutte, la population locale peut toujours être exposée aux insecticides. Cela est plus probable dans les zones de traitement, mais également en cas de consommation d’aliments provenant de cultures traitées (voir Fig. 3). Les différentes possibilités d’exposition sont résumées dans le tableau ci-dessous.

Quelques exemples de l’impact des insecticides sur:

  • Agriculture
  • -mortalité des ennemis naturels des ravageurs résidus d’insecticide dans les cultures pollinisation réduite

  • Pêches
  • -mortalité des poissons et des crevettes

  • Élevage
  • -résidus d’insecticide dans la viande et le lait réduction de la production de miel et de cire

  • Eau de surface et souterraine
  • -pollution causant une disponibilité temporairement réduite en eau potable

  • Biodiversité
  • -diminution du nombre d’espèces importantes pour la médecine, l’agriculture, les pêches et l’élevage diminution du tourisme

    Figure 4. Risque indicatif des insecticides utilisés en lutte antiacridienne pour des organismes non-cibles.

    Où se situe le risque?

    Presque tous les insecticides actuellement utilisés dans la lutte contre le Criquet pèlerin ont un spectre d’activité large et ne sont donc pas totalement spécifiques aux locustes. Ils peuvent donc affecter négativement d’autres organismes dans l’environnement (voir Fig. 4). Beaucoup d’organismes qui pourraient être affectés par les insecticides utilisés en lutte antiacridienne constituent d’importantes ressources naturelles ou remplissent des fonctions écologiques dont dépendent les populations locales.

    Par exemple, la pêche continentale est une source d’alimentation vitale mais les insecticides peuvent directement tuer les poissons ou affecter les invertébrés dont ils se nourrissent. Les abeilles fournissent du miel, de la cire et la pollinisation essentielle de nombreuses cultures mais elles sont aussi très sensibles aux insecticides. Beaucoup de guêpes, mouches, araignées et coléoptères s’attaquent aux ravageurs des plantes; si ces ennemis naturels sont tués par des insecticides, les ravageurs peuvent constituer un problème pour les agriculteurs. La plupart des populations rurales dépendent des puits ou de l’eau de surface pour s’approvisionner en eau potable; si ceux-ci sont pollués par les insecticides, il peut ne pas y avoir d’alternative pour l’approvisionnement en eau. Le bétail, comme les criquets, se nourrit dans des pâturages verts mais aucun résidu de pesticide ne doit se retrouver dans la viande et le lait après les opérations de lutte antiacridienne. Beaucoup d’autres exemples de problèmes environnementaux que peuvent causer les insecticides peuvent être cités. Ceux-ci ont souvent un impact direct sur la vie des populations locales des pays affectés par le fléau acridien.

    Il est donc vital de réduire au minimum l’impact sur l’environnement. Ce n’est pas une tâche facile. De nombreux types d’environnement existent dans l’aire de distribution du Criquet pèlerin, avec leurs propres caractéristiques, animaux et plantes. Un insecticide peut poser un problème dans un environnement mais pas dans un autre. La réduction du risque environnemental doit par conséquent être gérée au cas par cas. Cela implique de choisir le bon insecticide pour une situation et un environnement donnés, d’utiliser une stratégie et une méthode de lutte adaptées et d’appliquer strictement les mesures de protection de l’environnement quand cela est possible. Tous ces sujets seront traités en détail dans les sections suivantes.

    Question fréquemment posée no 2 (voir réponse page 88)

    Les mycopesticides tels que le Metarhizium anisopliae var. acridum sont supposés ne tuer que les criquets et épargner les autres organismes non-cibles. Est-ce vrai?

    Ce qui détermine le risque - résumé:

    • toxicité de l’insecticide
    • importance et durée de l’exposition

    Figure 5. Facteurs influençant le risque d’un pesticide pour les êtres humains et pour l’environnement, et exemples de moyens pour réduire ce risque.

    Qu’est-ce qui détermine le risque?

    Différents facteurs déterminent le risque d’un insecticide. Ces facteurs sont très semblables pour les êtres humains et les organismes non-cibles. Le risque est une fonction de la toxicité de l’insecticide, de l’importance de l’exposition et de sa durée (voir Fig. 5). Si un de ces trois facteurs augmente, le risque que l’insecticide produise des effets négatifs augmente lui aussi.

    Toxicité

    La toxicité des insecticides peut être aiguë ou chronique. La toxicité aiguë se manifeste après un contact de courte durée avec le produit chimique. Cela concerne plus particulièrement les agents antiacridiens qui peuvent être en contact avec des doses d’insecticide assez importantes: opérateurs, manutentionnaires, agents chargés du nettoyage des équipements et des sites d’entreposage. Les symptômes de toxicité aiguë se manifestent normalement très vite après l’exposition.

    La toxicité chronique se manifeste plus longtemps après l’exposition. Elle peut survenir après une exposition aiguë mais aussi après une exposition de longue durée à des quantités relativement faibles d’insecticide. Les agents antiacridiens qui travaillent depuis longtemps avec des insecticides ont plus de chance de développer la forme chronique. Les symptômes d’intoxication chronique peuvent être très variés et il est souvent difficile d’établir un lien de cause à effet entre l’insecticide et son impact.

    Plus un insecticide est toxique (aussi bien de façon aiguë que chronique), plus le risque d’effets négatifs est élevé. En lutte antiacridienne, le facteur risque peut être influencé par le choix d’insecticides à faible toxicité.

    Importance de l’exposition

    Si un organisme est en contact avec des quantités importantes d’insecticide, il y aura aussi un risque plus élevé d’effets négatifs. C’est pourquoi, on dit que «la dose fait le poison». En lutte antiacridienne, l’importance de l’exposition des êtres humains et de l’environnement est influencée par de nombreux facteurs. Par exemple, la dose de l’insecticide, le nombre de traitements effectués dans une même zone, la superficie des zones-tampons non traitées, l’utilisation d’équipements de protection personnelle (EPP) appropriés et la qualité du matériel de calibration sont autant de facteurs qui affectent l’importance de l’exposition.

    Durée de l’exposition

    Plus un organisme reste longtemps en contact avec un insecticide, plus le risque d’effets négatifs est élevé. La durée de l’exposition est aussi influencée par de nombreux facteurs. Par exemple, la rémanence de l’insecticide et le nombre de traitements effectués dans une même zone affectent l’exposition de l’environnement; la durée pendant laquelle un opérateur travaille avec des insecticides ou pendant laquelle il porte des tenues de protection contaminées influence l’exposition humaine.

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