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Chapitre 7. Les services techniques et de conseil


OBJECTIF

L'objectif de ce chapitre est d'analyser les éléments spécifiques des services de vulgarisation agricole qu'il faut prendre en compte pour décider des formes et méthodes pertinentes de décentralisation.

POINTS CLÉS

7.1 La nature des services techniques et de conseil

Le progrès technique constitue l'élément clé de la croissance de la production à moyen et long terme et, dans certaines circonstances, les innovations techniques contribuent à améliorer les conditions économiques des populations rurales les plus pauvres. Mais la conception de nouvelles techniques agricoles n'a guère de sens si elle ne s'accompagne d'un bon transfert des savoir-faire techniques aux producteurs. Les services techniques et de conseil ont par conséquent comme rôle de renforcer les liens entre les équipes de recherche et les bénéficiaires finaux des innovations utilisables. Faute d'une responsabilisation suffisante envers leurs clients, ces services ont cependant souvent manqué leur objectif, ce qui a contribué à ce que les systèmes de recherche s'avèrent incapables d'apporter des réponses efficaces aux problèmes des agriculteurs.

La vulgarisation agricole fait partie des services dont le caractère économique varie selon les circonstances. On peut dire qu'à court terme, l'information agricole d'ordre général, conçue afin d'améliorer les pratiques culturales et de production, constitue un bien à péage (Umali et Schmartz, 1994). En d'autres termes, il s'agit d'un bien non-rival, vu que l'utilisation de cette information par une personne n'empêche pas son usage par une autre personne, et d'un bien exclusif, notamment lorsque la circulation de l'information est insuffisante. Cette spécificité fait qu'il est possible de faire payer, individuellement ou en groupe, les personnes qui profitent de conseils techniques. A long terme, il s'avère par contre difficile d'empêcher que d'autres individus n'obtiennent ces informations si bien que celles-ci tendent à se transformer en un bien public. Le secteur privé n'est alors plus intéressé à les diffuser à moins qu'elles ne fassent partie d'un tout qui lui soit exclusif. D'un autre côté, il est possible de produire de l'information spécialisée qui traite d'une activité agricole spécifique et exclusive, qui aura donc les caractéristiques d'un bien privé et que le secteur privé sera motivé à diffuser.

Les retombées positives

Le niveau de développement économique constitue un autre élément qui contribue à déterminer le caractère économique des services de vulgarisation. Dans des pays pauvres où, par exemple, il est nécessaire d'augmenter la production vivrière et de renforcer la sécurité alimentaire, le conseil technique est à l'origine de substantielles retombées positives qui justifient une intervention publique dans la prestation ou, pour le moins, dans son financement. Un examen de la littérature portant sur ce sujet montre que la plupart des auteurs sont d'accord pour affirmer que les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer en ce sens mais que ce rôle varie selon les pays et les conditions spécifiques du secteur et qu'il évolue avec le temps[55].

7.2 La demande et l'offre de conseil technique

7.2.1 La demande effective en conseil technique

La théorie économique affirme que les agriculteurs sont disposés à payer pour du conseil technique lorsque celui-ci lui garantit un fort taux de rentabilité des dépenses financières engagées. Ce point est bien trop souvent négligé par les services publics de vulgarisation. Des raisons combinant idéologie et intérêts professionnels acquis ont en effet contribué à répandre la croyance selon laquelle les petits paysans seraient opposés à payer le conseil technique. Généralement, cette opposition est attribuée aux contraintes pesant sur la trésorerie de l'exploitation et au comportement supposé non-marchand des paysans. Mais lorsqu'on se penche plus précisément dessus, les raisons de ce refus apparaissent beaucoup plus liées à la faible rentabilité attendue des techniques proposées compte tenu des ressources disponibles et à la spécificité géographique de nombreuses innovations qui empêche une large diffusion.

7.2.2 L'offre de conseil technique

Au chapitre 6, on a établi une distinction entre les produits vendables et non-vendables de la recherche et montré que le secteur privé avait intérêt à développer des innovations vendables car il pouvait alors vendre ses produits et couvrir ses coûts de recherches. Ceci présuppose cependant que les services de transferts technologiques nécessaires au développement de ces marchés auront bien été mis en place et auront profité de la libéralisation des marchés des intrants et des produits. Le succès de ces activités dépend en outre de ce que les produits techniques issus des innovations répondent effectivement aux besoins du marché. Et comme cela a été mentionné ci-dessus, il faut aussi que l'adoption de ces techniques s'avère suffisamment rentable pour les paysans pour que ceux-ci aient intérêt à payer le service technique et de conseil qu'ils recevront. De nombreux cas de développement recouvrent ainsi l'introduction d'intrants et de nouvelles espèces (voir l'encadré 7.1).

Encadré 7.1 La prestation de conseil technique par le secteur privé

L'exportation de produits horticoles par le Kenya s'est rapidement remise de la faillite d'une première expérience désastreuse conduite par le secteur public et est devenue un secteur florissant, pesant plusieurs millions de dollars, pour quelques rares entreprises privées kenyanes qui se sont lancées dans la recherche adaptative et le transfert de technologies auprès de producteurs sous contrats. Dans ces conditions, les coûts de recherche et de vulgarisation sont amortis par les profits tirés de l'exportation. Le secteur privé des producteurs de semences kenyans enregistre un succès similaire en travaillant également avec des multiplicateurs sous contrat. Dans plusieurs grands pays en développement, la production industrielle de volailles et de porcs a aussi commencé à se développer. De grandes entreprises privées produisent des aliments concentrés, des poulets et porcelets, abattent les animaux et transforment la viande des animaux produits par des producteurs sous contrat. Ces entreprises offrent toute une gamme de conseils techniques et d'intrants aux producteurs sous contrat.

Source: Pantanali (Communication personnelle).

L'offre de conseil en «innovations non-vendables»

D'un autre côté, on a également vu que les entreprises privées n'étaient pas intéressées à développer des innovations non-vendables car elles ne pouvaient, dans un tel cas, rémunérer les coûts de le recherche. Est-ce alors aux pouvoirs publics d'assurer la diffusion de ces innovations non-vendables sachant qu'ils sont responsables de la recherche, ou bien est-ce aussi le rôle du secteur privé? Si les paysans considèrent que les conseils leurs seront profitables et qu'ils ne pourront les obtenir qu'en payant, alors tout indique qu'il est possible de faire payer les coûts du conseil. L'information apparaît comme un bien vendable à l'utilisateur, même s'il n'est ni totalement exclusif, ni non-rival. Les informations que les prestataires de services techniques sauront, par leur savoir-faire, adapter aux problèmes locaux accroissent ainsi leur potentiel marchand compte tenu de la nécessité d'adapter précisément la gestion des exploitations agricoles aux conditions spécifiques du milieu. Il est donc tout à fait possible de faire payer ces coûts et d'envisager un rôle pour des prestataires privés ou associatifs de services diffusant des techniques non-vendables, et ce même si ces techniques ont été produites par des instances publiques ou non-gouvernementales (y compris par les agriculteurs eux-mêmes). Ce rôle est par contre d'une nature différente et plus complexe que dans le cas des produits techniques vendables.

7.2.3 Créer un marché du conseil technique

Lorsqu'on peut constater l'existence d'une demande réelle en conseil de vulgarisation et identifier une offre d'origine non-gouvernementale, alors les conditions sont réunies pour, au moins dans certaines circonstances, créer un marché du conseil. Les utilisateurs axés sur les marchés de produits techniques rémunèrent l'assistance technique:

Dans un environnement concurrentiel, les utilisateurs insatisfaits vont se détourner des prestataires de services incompétents de sorte que d'autres prestataires plus efficaces prendront la place de ces derniers. Ceci explique pourquoi les politiques libérales souhaitent laisser jouer à leurs risques et périls les agents économiques qui proposent des services d'appui techniques. Dans ce cas, les pouvoirs publics conservent la responsabilité de garantir le caractère équitable du jeu de la concurrence entre les différents acteurs privés de la vulgarisation. Cela implique éventuellement d'assurer la formation de base des spécialistes du secteur privé afin d'éviter les cas de «resquille» (les employeurs refusant de former gratuitement les salariés sachant que ceux-ci sont susceptibles de les quitter immédiatement après et d'aller chez un concurrent). Les pouvoirs publics peuvent également se charger de certaines fonctions de réglementation telles que la validation des compétences des conseillers par le biais de certificats professionnels, le contrôle de leurs activités de conseil et de la qualité des produits qu'ils vendent.

7.3 Les formes appropriées de décentralisation

7.3.1 Introduction

La décentralisation des services de vulgarisation peut être mise en œuvre afin d'améliorer leur adéquation aux besoins des paysans, leur capacité de réaction et le rapport efficacité-coût.

L'adéquation aux besoins

Il est largement admis que les systèmes centralisés de vulgarisation sont rarement pertinents. La plupart des problèmes et des solutions sont spécifiques au lieu considéré. L'offre locale de services de conseil devrait donc bénéficier d'un réel avantage. Mais quel est le niveau «local» le mieux adapté? Les frontières administratives ne coïncident que rarement avec les limites agroécologiques (ou socioéconomiques): la zone couverte par une collectivité territoriale risque donc dans tous les cas de recouvrir des situations très diverses. A l'inverse, la décentralisation peut aussi contrecarrer l'adaptation du conseil aux conditions locales (ou aux besoins sociaux). Il peut ainsi devenir plus difficile au niveau local de maintenir des liens avec la recherche agricole qu'au niveau national, en particulier s'il n'y a pas de centres de recherche dans la région.

La capacité de réaction

A priori, la décentralisation est également censée contribuer à améliorer la capacité de réaction aux problèmes des paysans, ne serait-ce que par la plus grande proximité des cadres de la vulgarisation avec leurs clients. Mais nombre d'autres facteurs pèsent aussi sur cette capacité de sorte que la décentralisation est loin de garantir que tous les paysans seront pareillement traités.

Le rapport efficacité-coût

La décentralisation peut aider à modérer le manque de rentabilité financière des services publics de vulgarisation:

7.3.2 Le rôle de l'administration centrale

Les fonctions centrales d'un service national de vulgarisation

Les fonctions d'un service national de vulgarisation qui opère dans le cadre de l'administration varient en fonction des éléments suivants:

Ceci étant, certaines fonctions centrales peuvent être considérées comme suffisamment prioritaires dans certains pays pour que les pouvoirs publics continuent d'assurer leur prestation.

La fonction de réglementation

La plupart des réglementations qui portent sur les produits techniques sont élaborées et appliquées par l'administration centrale qui dispose de l'information correspondante et a donc la responsabilité spécifique de la diffuser sur l'ensemble du territoire par le biais de l'administration publique. Ceci étant, vu que, quasiment par définition, le prestataire est mieux informé que le bénéficiaire, la prestation de service de conseil pose aussi un problème potentiel d'asymétrie d'information. Les pouvoirs publics doivent par conséquent assumer ces fonctions de réglementation afin de s'assurer que les informations fournies aux paysans ne sont pas fausses. Ils peuvent également résoudre ce problème en finançant la diffusion d'informations incontestables dans les domaines critiques.

La fonction de financement

Il y au moins trois cas dans lesquels un financement public peut s'avérer nécessaire. Le premier concerne la prestation de conseil dans des secteurs susceptibles d'entraîner d'importantes retombées. Les pouvoirs publics pourront par exemple considérer qu'il est indispensable que les agriculteurs soient conscients des implications de certaines pratiques culturales sur la santé publique. Le second touche à la possibilité de financer le conseil auprès de catégories d'agriculteurs, tels que des petits paysans pauvres, qui ne pourraient se le payer sans aide financière. Le troisième cas concerne la formation des agents de vulgarisation, notamment lorsqu'un problème de «resquille» est susceptible de se poser et que le secteur privé ou associatif ou que les collectivités territoriales se refusent à former des salariés parce que ceux-ci pourraient ensuite passer chez d'autres employeurs. Dans certaines conditions, il est en effet faisable de couvrir les coûts de la formation en instaurant une taxe spécifique pour tous les organismes, entreprises ou individus habilités à proposer du conseil technique.

La fonction de production

Comme dans le cas des services de recherche, il n'y a, en théorie, aucune raison pour que les pouvoirs publics jouent un rôle dans la conduite des activités de vulgarisation. En principe, cette règle s'applique même dans les cas où des financements publics s'avéreraient justifiés. Lorsque, par exemple, il faut prendre des mesures sanitaires d'urgence afin d'éviter les retombées dues au déclenchement d'une épidémie infectieuse ou au développement d'organismes nuisibles, il suffit que les pouvoirs publics recrutent des spécialistes d'universités et d'instituts de recherche afin d'évaluer la situation et de proposer des solutions. L'administration publique peut alors mobiliser les agriculteurs par le biais de leurs associations professionnelles ou des mass media, informer des remèdes préconisés et effectuer les contrôles nécessaires pour s'assurer que les mesures auront bien été prises.

En pratique, l'équilibre entre prestations publiques et privées apparaît cependant beaucoup plus comme une question empirique qui dépend, entre autres, du nombre et des capacités propres aux différents prestataires.

7.3.3 Les modalités de décentralisation

Les expériences de décentralisation des services de conseil technique se sont généralement appuyées sur une combinaison à différents degrés de mesures de déconcentration, de délégation, de dévolution et de privatisation. Dans différents pays, les réformes ont ainsi entrepris:

Les mérites relatifs de ces différentes mesures seront analysés ci-après.

La déconcentration

Selon le principe de subsidiarité et pour que les pratiques de gestion soient efficaces, il est nécessaire de prendre les décisions de fonctionnement à un niveau où les cadres opérationnels disposent de toutes les informations utiles. Pour que l'allocation des ressources soit la meilleure possible, il faut en outre que les unités opérationnelles soient déconcentrées à un niveau où des unités plus grandes ne pourraient pas réaliser d'économies d'échelles plus importantes et où les effets externes restent à peu près circonscrits au territoire considéré. Les services de vulgarisation constituent des organisations professionnelles (voir le paragraphe 2.4.3) où les cadres des niveaux supérieurs aux équipes de terrain n'ont pas la possibilité de superviser étroitement le travail de leurs subordonnés. Ces organisations doivent donc être gérées en donnant un sens à l'objectif recherché, en offrant aux salariés de terrain les moyens de concevoir et mettre en œuvre leurs propres méthodes de travail, et en laissant jouer leur rôle aux normes professionnelles et à l'appréciation des collègues. Les clients doivent en outre être associés à l'évaluation des résultats de ces organismes pour qu'ils deviennent, en tant que bénéficiaires, une part intégrante de la configuration de pouvoir propre à l'organisation. En agissant ainsi, ils devraient dès lors conformer la coalition externe qui appuiera les travailleurs de terrain.

Ces considérations vont dans le sens d'une déconcentration de la structure des organismes considérés. Dans cette perspective, il est nécessaire de traiter les problèmes suivants:

L'encadré 7.2 contient une liste simplifiée des principales tâches réalisées par un organisme de vulgarisation. Le choix des tâches qui devront être déconcentrées dépend:

La gestion administrative et financière devra être conçue de façon à concilier la nécessité de contrôles et de flexibilité d'intervention des unités déconcentrées.

Encadré 7.2 Les principales tâches d'un organisme de vulgarisation

  • Travail permanent de diagnostics participatifs de terrain

  • Organisation de groupes d'agriculteurs, appui aux tests et expérimentations menés dans les unités de production sur des thèmes choisis par les paysans

  • Formation des agriculteurs aux méthodes expérimentales validées

  • Elaboration de comptes-rendus concernant le travail de diagnostic, la recherche adaptative, la formation des paysans et l'adoption de techniques

  • Organisation de réunions mensuelles des agents de terrain et des spécialistes des thématiques considérées

  • Collecte et analyse d'informations concernant les diagnostics et l'adoption de techniques

  • Discussions sur les problèmes rencontrés par les paysans et sur les réponses techniques disponibles auprès des organismes de recherche

  • Proposition de thèmes de recherche découlant des diagnostics et des problèmes d'application de techniques

  • Contacts avec les unités locales des organismes de recherche, organisation de programmes de travail conjoint

  • Contacts avec les autres organismes de vulgarisation, organisation de sessions d'échanges d'expérience

  • Formation régulière des agents de terrain

  • Préparation des plans de travail annuels des agents de terrain et des spécialistes thématiques

  • Préparation du budget des activités opérationnelles des unités de terrain

  • Préparation du plan de travail des unités centrales

  • Préparation du budget concernant les activités des unités centrales

  • Préparation et approbation du budget total

  • Transfert aux unités de terrain des fonds mis à disposition

  • Suivi des résultats des unités de terrain

  • Elaboration de comptes-rendus sur l'utilisation des fonds

  • Contrôle des comptes des unités de terrain

  • Préparation de bilans financiers consolidés

  • Evaluation des résultats (impact) des activités de terrain et de leur évaluation par les bénéficiaires

La délégation aux organisations du secteur privé ou associatif

La délégation implique le transfert des ressources et des responsabilités correspondant à certaines fonctions depuis une autorité de l'administration centrale vers un organisme du secteur privé ou associatif. Dans le cadre d'une délégation, la tâche de l'agent délégué et les ressources nécessaires pour réaliser ces tâches sont fixées à l'avance. L'agent délégué peut être caractérisé de la façon suivante:

L'intérêt de la délégation est de pouvoir éliminer les prestataires de services qui ne répondent pas aux attentes, à l'aide de procédures de pré-qualification et de dispositions contractuelles qui ne garantissent la prolongation de la relation qu'à condition que certains indicateurs de résultats soient effectivement atteints. Normalement, même si les coûts du contrat semblent apparemment supérieurs, la délégation permet de remplir les fonctions d'un département pour un coût inférieur à celui de ce dernier car son budget ne fait généralement pas apparaître la totalité du coût de la prestation de service. L'expérience du Chili décrite dans l'encadré 7.3 offre un bon exemple de la façon dont une délégation (conduisant dans ce cas à une éventuelle privatisation) peut être mise en œuvre.

La sous-traitance

La sous-traitance par le biais de la passation de contrats de mise en œuvre de certaines activités de vulgarisation entre des ONG, des bureaux d'étude, des consultants indépendants ou des associations paysannes et les services nationaux de vulgarisation constitue une forme de délégation de plus en plus couramment employée. Une nouvelle façon d'intervenir, en plein essor et qui offre de nombreuses possibilités de sous-traitance, fait appel aux mass media pour diffuser de l'information technique aux agriculteurs. Dans de nombreux pays en développement, la capacité technique de concevoir et de diffuser des messages efficaces par radio ou télévision se développe en effet rapidement. Outre les organismes nationaux de radio-télé-diffusion quelques entreprises privées sont donc en train d'apprendre ce métier, certaines étant d'ores et déjà spécialisées dans la communication avec les populations rurales.

Encadré 7.3 L'expérience du Chili en matière de délégation et de privatisation des services techniques et de conseil

Au Chili, une première tentative de privatisation a échoué parce qu'elle supposait à tort que les zones rurales chiliennes offraient directement un marché à l'appui technique et aussi parce que la fraude était largement pratiquée. Au cours des dernières années, l'Institut de développement du Ministère de l'agriculture (INDAP) a mis en place des services subventionnés de consultants privés destinés aux petits paysans, et élaboré un plan pour cesser d'offrir des services aux moyennes et grandes exploitations. Les petits producteurs qui conservent un accès à ces services sont regroupés et conseillés en fonction des ressources dont ils disposent et de leur potentiel productif. Les plus pauvres bénéficient d'un programme dont l'objectif est avant tout social (le PTTB) et auquel ils n'ont pas besoin de contribuer financièrement (même si une contribution de 15% est prévue dans le futur). Les paysans dont la dotation en moyens de production est un peu meilleure bénéficient d'un programme plus orienté vers le marché (le PTTI), qui met l'accent sur le développement des échanges et qui prévoit une contribution progressive des agriculteurs. Dans les deux cas, les paysans accèdent aux services en tant que groupe et non individuellement.

Les groupes locaux et les responsables de l'administration ou le personnel de l'INDAP identifient la demande de services. Un «accord de coopération» qui fixe les droits et obligations de chaque partie est signé entre le prestataire de service et l'INDAP ou, plus récemment, avec le groupe local lui-même. Les paiements par l'INDAP sont établis en fonction des résultats; des amendes étant prévues lorsque ceux-ci sont insuffisants et le groupe local ayant le droit de mettre un terme au contrat si les résultas ne répondent pas à ses attentes.

Les entreprises privées et les ONG cherchent à obtenir l'homologation de l'INDAP qui leur permet de répondre aux appels d'offre concernant la prestation de service de vulgarisation. Les organismes considérés comme ayant les «pires» résultats sont automatiquement évincés. En octobre 1995, l'INDAP avait enregistré environ 139 organismes de transfert dont 40% d'entreprises privées, 36% d'ONG, 17% d'organisations paysannes et 7% d'universités, collectivités territoriales, etc. A cette époque, 75% des contributions attendues étaient payées par les bénéficiaires.

Adapté de Carney, 1998.

La dévolution

Quelques pays ont tenté l'expérience de mettre en place la dévolution d'une grande diversité d'activités de développement rural auprès des collectivités territoriales. Certaines de ces tentatives de réforme institutionnelle ont même bénéficié de l'appui d'institutions financières internationales telles que la Banque mondiale, d'abord au Mexique et au Brésil et, plus tard, dans d'autres pays d'Amérique latine et d'Afrique. Au Brésil, où l'expérience a été la plus longue, ces politiques ont évolué vers des formes de partenariat avec les OSC. La principale leçon qui peut être tirée de tous ces cas est que seule une part minime des ressources que les collectivités territoriales avaient le droit d'allouer librement selon leurs propres priorités, a finalement été dépensée pour proposer des services de vulgarisation aux agriculteurs.

Les problèmes potentiellement posés par les prestations des collectivités territoriales

La vulgarisation agricole n'est que rarement une priorité pour les collectivités territoriales qui préfèrent plutôt l'accorder à la santé, à l'éducation primaire et aux infrastructures publiques. En Ouganda, par exemple, une étude du PNUD réalisée en 1997 a montré que seulement trois des 32 districts étudiés avaient consacré plus de 3 pour cent de leur budget à l'agriculture, la plupart des autres districts n'y ayant consacré qu'un pour cent seulement. Dans ce cadre, les pouvoirs publics ont de plus en plus souvent eu comme réaction de lier, sous forme de dotations conditionnelles, leurs transferts financiers destinés aux collectivités territoriales à la réalisation de certains objectifs, ce qui en définitive va à l'encontre de l'esprit même de la dévolution.

En Colombie, l'augmentation de ressources qui accompagne le processus de dévolution aux collectivités territoriales a été accordée sur une base conditionnelle. Cela a permis de tripler approximativement la couverture de la vulgarisation. Les coûts ont également augmenté mais pas dans la même proportion de sorte que le rapport efficacité-coût a lui aussi progressé (Garfield et al., 1997). Dans la mesure où le degré de couverture a augmenté en même temps que les ressources, il n'est cependant pas évident que l'adéquation aux besoins, la capacité de réaction et la responsabilisation vis-à-vis des agriculteurs se soient effectivement améliorées. La loi instituant les UMATAS (des bureaux municipaux de vulgarisation) a en outre rendu nécessaire la création de comités municipaux de développement rural ayant pour fonction de coordonner et de hiérarchiser les activités de développement rural, dont la vulgarisation. Les représentants des communautés rurales sont payés par ces comités sans toutefois réellement disposer des instruments qui leur permettraient de faire contrepoids à l'administration municipale. Vers la fin de l'année 1998, moins de la moitié des municipalités avaient mis en place ces comités, ceux-ci apparaissant comme dénués de pouvoir. Le problème ne se situe évidemment pas uniquement en termes de représentation des paysans dans les assemblées locales mais également en termes de renforcement des capacités des représentants paysans et d'évolution des mentalités des cadres des services municipaux de vulgarisation. Les collectivités territoriales semblent ne pas être très intéressées à résoudre ce problème, ou ne pas avoir les ressources humaines nécessaires ni les compétences et la volonté politique correspondante.

Les expériences de décentralisation des services de vulgarisation aux collectivités territoriales ont rencontré bien d'autres difficultés. Le cas de l'Ouganda offre, par exemple, une bonne illustration des difficultés de gestion financière et du personnel. Les conseils de district sont les principaux responsables de la répartition des ressources budgétaires destinées à la vulgarisation. Mais cinq ans après la réforme, les mécanismes budgétaires, les circuits financiers destinés aux districts et les procédures de gestion financières doivent toujours être clarifiés (Gouvernement d'Ouganda, 1998). Les ressources disponibles sont presque intégralement dépensées en salaires, pratiquement rien ne restant pour la formation, les déplacements et le travail de terrain. Même si le personnel dépend maintenant des conseils de district sur le plan salarial, il reste placé au plan technique sous la responsabilité du Ministère de l'agriculture qui vient lui-même de déléguer la vulgarisation à l'Organisation nationale de recherche agronomique (ONRA). L'ONRA n'ayant pas été préparée à cette nouvelle tâche, il existe un risque que cette organisation considère le personnel de vulgarisation comme un simple moyen pour transférer les résultats de ses recherches sur le terrain. Ceci irait bien évidemment à l'encontre de l'intention initiale de développer des services répondant aux besoins des agriculteurs. D'un autre côté, l'expérience positive de l'Association nationale des fermiers ougandais (UNFA) (voir l'encadré 7.4) montre à quel point une dévolution des fonctions de vulgarisation à des organisations bénévoles comparables aurait pu s'avérer nettement plus efficace.

Aux Philippines, une étude (Malvicini et al., 1996) démontre qu'avec la dévolution, le personnel de vulgarisation a perdu toute perspective de carrière; les hausses salariales ont été limitées de façon à progressivement aligner les rémunérations sur celles d'autres employés municipaux qui ont pour la plupart des niveaux d'éducation sensiblement inférieurs; et aucun financement n'est prévu pour la formation continue. Un autre problème, également soulevé dans de nombreux autres pays, tient à la politisation des nouvelles embauches. Le risque d'une dégradation de la qualité du personnel apparaît comme la conséquence de tout cela.

C'est probablement en matière de politique des ressources humaines que la fonction centrale de réglementation s'avère la plus indispensable au bon fonctionnement des services de vulgarisation. Cette fonction devrait ainsi:

Le rôle des organisations paysannes

Les mesures d'encouragement aux organisations paysannes du secteur associatif visant à ce que celles-ci jouent un rôle plus important dans les transferts de techniques agricoles constituent une part intégrante des politiques de décentralisation. Il est en effet depuis longtemps reconnu que, pour profiter pleinement des services agricoles, il faut disposer d'un puissant mouvement d'institutions rurales de base. L'un des traits fondamentaux des politiques publiques de décentralisation vis-à-vis des OSC tient à ce que les activités d'appui et de promotion fassent plutôt l'objet de dévolutions que de délégations. La dévolution se caractérise par le fait que le bénéficiaire du soutien public a la liberté de décider lui-même de la meilleure façon d'employer le pouvoir et les ressources qui lui sont accordés par l'organisme promoteur de la dévolution. Certaines raisons sont cependant invoquées pour y faire obstacle (souvent par ceux qui profitent de situations de rente). Sont ainsi mentionnés:

La justesse et la pertinence de ces arguments sont loin d'être toujours confirmées par la réalité empirique. Le leadership, la capacité d'entreprendre, la profonde connaissance et compréhension des conditions locales sont en effet des caractéristiques que l'on trouve couramment dans les groupements paysans, même les plus pauvres, alors que le savoir-faire technique n'apparaît que comme un élément relativement secondaire auquel le groupe peut de toute façon accéder, que ce soit par la formation ou par le biais du marché. Les pouvoirs publics auront donc tout intérêt à offrir aux organisations paysannes un appui global visant à mobiliser leurs énergies et potentialités dans des domaines tels que:

Aller au-delà de ces quelques actions amènerait immanquablement les associations à être redevables de leur nouvelle situation à l'organisme de tutelle et non plus à leurs membres, ce qui ouvrirait la porte à des interférences politiques et administratives. La réussite de l'intervention a donc comme condition nécessaire l'existence préalable d'organisations paysannes formelles ou informelles capables de parvenir à un objectif commun qu'elles auront elles-mêmes identifié. Les groupes artificiellement organisés dans le but d'obtenir certains bénéfices temporaires fournis depuis l'extérieur de la communauté devront, à l'inverse, être évités. Dans de nombreux cas, l'appui à la «constitution de groupements» s'est finalement avéré comme allant à l'encontre de l'objectif recherché.

Un appui limité, visant à soutenir le développement spontané des organisations paysannes par le biais principalement de formations et de conseil en administration, peut avoir des résultats très intéressants. L'expérience de l'Association nationale des fermiers ougandais (UNFA) montre, par exemple (voir encadré 7.4) que les OSC sont tout à fait en mesure de proposer durablement des services de vulgarisation à un grand nombre de paysans tout en étant en concurrence avec les organismes du secteur public.

Encadré 7.4 La formation et le conseil en administration destiné aux associations paysannes d'Ouganda

Un des exemples les plus impressionnants de services régis par des agriculteurs et constituant une alternative au secteur public est offert par l'Association nationale des fermiers ougandais (UNFA). Avec l'appui de l'Agence danoise d'assistance au développement (DANIDA), l'UNFA a mis en place dans de nombreux districts d'Ouganda un service de vulgarisation payant et orienté par la demande. Les membres de l'organisation demandent une formation ou un conseil sur un sujet particulier. Des salariés de l'UNFA leur apportent alors ce service et font payer les frais aux différents bénéficiaires. Le succès de ce programme varie d'un district à l'autre mais, dans certains endroits, la demande est particulièrement importante si bien que l'UNFA a été obligée d'augmenter le nombre de ses techniciens. La plupart des agents de vulgarisation de l'UNFA sont d'anciens fonctionnaires des services de vulgarisation qui sont restés en relation avec les structures de services existantes, ce qui constitue évidemment un avantage. Le succès apparent de ce programme est tel que lorsque la politique ougandaise de décentralisation a transféré la vulgarisation aux mains des collectivités territoriales, il a été demandé à l'UNFA de prendre totalement en charge la vulgarisation dans au moins un des districts.

Source: Carney, 1998.

Un autre exemple intéressant de décentralisation et de développement progressif d'éléments de type marchand dans les services de conseil technique est celui de la Chine (Yonggong, 1998). Depuis que des politiques de libéralisation ont été mises en place, en 1978, de nombreuses associations paysannes chinoises se sont spontanément développées et ont pour la plupart adopté un fonctionnement marchand. La politique publique chinoise encourage ces associations à entrer en relation avec les services nationaux de vulgarisation (les centres de vulgarisation agrotechnique qui opèrent dans tout le pays) et également avec les instituts de recherche, les universités et les experts individuels. Pour bénéficier de l'assistance technique qu'elles souhaitent recevoir et qu'elles sont disposées à payer, elles peuvent négocier avec n'importe quel prestataire de service de leur choix. Des représentants des instances ayant un savoir-faire technique sont invités à siéger au conseil d'administration de ces associations et à les aider à prendre les décisions concernant l'adoption d'innovations techniques par leurs membres. Lorsqu'elles sont mécontentes du service reçu, les associations sont libres de résilier le contrat et de s'adresser à d'autres prestataires.

Les services privés de conseil technique

Sachant que la justesse, la qualité et l'opportunité du conseil technique sont absolument essentielles aux agriculteurs, il ne faut pas sous-estimer leur disposition à payer pour obtenir des services efficaces. De fait, cette disposition à payer constitue même un facteur clé des politiques de privatisation et la preuve manifeste du bon fonctionnement du processus de responsabilisation. La mise en place de services privés de vulgarisation est cependant loin d'être simple ou aisée. Les pouvoirs publics ont certes longtemps empêché les services privés de fonctionner mais entreprendre précipitamment des réformes radicales pourrait s'avérer tout aussi contre-productif. Au Chili, la première tentative de privatisation des services de vulgarisation initiée au début des années 1980 a proprement échoué (cf. l'encadré 7.3). Cette tentative initiale a été suivie par le retrait graduel mais résolu de l'administration de l'offre de services. Au début, les riches agriculteurs ont été encouragés à s'adresser directement aux praticiens privés. Les petits paysans orientés vers le marché ont par la suite été incités à faire de même, l'accès aux derniers services maintenus dans le secteur public restant alors réservé aux petits paysans pauvres même si des mesures assurant le recouvrement des coûts étaient dans le même temps mises en place. Ces mesures comportaient des subventions temporaires destinées aux entreprises privées qui furent justifiées, d'un point de vue économique, selon l'argument classique d'une activité naissante.

L'expérience chilienne est probablement la forme de décentralisation et de privatisation des services de vulgarisation la plus avancée jusqu'à présent dans un pays en développement. L'administration centrale chilienne a conservé une fonction d'ordre public mais par contre, elle a:

En Amérique latine, la plupart des politiques visant à privatiser les services d'information technique agricole ont été structurées selon les mêmes schémas:

Privatiser les entreprises publiques de production agricole et de transformation

Traditionnellement, les entreprises publiques intégrant production agricole et transformation ont servi à proposer des services d'approvisionnement en intrants, de crédit et de conseil de vulgarisation à des producteurs placés sous contrats. Mais lors d'une privatisation, du fait de la taille gigantesque de ces entreprises, il s'avère souvent nécessaire de scinder le capital et le procès intégré de production et transformation en unités cohérentes entre divers investisseurs privés. A défaut, la vente de ces actifs risque de déboucher sur des unités ne permettant pas de réaliser les économies d'échelle suffisantes pour amortir le coût de la prestation des services destinés aux agriculteurs. Dans de tels cas, il risque donc d'y avoir des manques dans l'offre de services. A moins que de puissantes organisations de producteurs ne soient là pour les combler, les opposants à la réforme risquent de s'en servir pour demander que les pouvoirs publics continuent d'assurer ces services manquants pour compenser les effets négatifs des dysfonctionnements du marché.

7.4 Conclusions

Dans la plupart des pays en développement, la nécessité d'améliorer l'adéquation des activités de vulgarisation aux conditions locales, de renforcer la capacité de réponse aux problèmes des agriculteurs et de réduire le poids de la vulgarisation sur le budget public est à l'origine de la réforme de ces services. Ces objectifs peuvent être atteints à l'aide de politiques de décentralisation (déconcentration, délégation et dévolution des services, promotion des organisations paysannes et privatisation). Le facteur clé pour réaliser de telles améliorations consiste à responsabiliser le conseil technique vis-à-vis des clients ou bénéficiaires finaux et, pour cela, à activer les relations entre recherche et diffusion des innovations utilisables et à former des cadres de la recherche et de la vulgarisation connaissant les méthodes d'expérimentation en exploitation agricole et les résultats profitables aux agriculteurs.

Les entreprises privées ont tout intérêt à développer des produits de recherche vendables et à diffuser les informations qui les concernent afin d'accroître le marché de leurs produits. Les pouvoirs publics ont donc la responsabilité de développer des techniques non-vendables. L'information portant sur ces techniques non-vendables peut cependant être diffusée sur une base payante, ce qui signifie que les organisations des secteurs privé et associatif ont un rôle à jouer par rapport à ces produits ainsi que vis-à-vis des agriculteurs orientés vers les productions marchandes. Dans le cadre d'une agriculture pleinement développée, où les marchés sont totalement opérationnels, des services de conseil technique sont assurés par les secteurs privé et associatif. Dans le même temps, l'administration publique conserve un rôle marginal mais essentiel de dernier recours auprès des paysans pauvres. Ce rôle est toutefois souvent sous-traité auprès d'entreprises privées et d'ONG.

Dans les pays en développement, pays les plus pauvres compris, il est prouvé que les paysans sont disposés à payer pour obtenir des conseils techniques efficaces mais à condition que ceux-ci leurs permettent de dégager des bénéfices financiers substantiels. Il est également prouvé que des entreprises nationales privées de taille moyenne arrivent à se développer en créant leur propres circuits de vulgarisation afin de promouvoir la production des espèces qu'elles souhaitent commercialiser, type semences ou produits maraîchers d'exportation, et en faisant payer le coût de la vulgarisation sur le prix d'achat des produits. Dans les grands pays, des entreprises intégrées d'élevage proposent des services complets de conseil et de suivi à des engraisseurs de porcs et de volaille.

Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans la prestation de services de conseil technique pour contrecarrer les effets des dysfonctionnements du marché et notamment les asymétries d'information. En ce domaine, de nombreuses tâches peuvent être sous-traitées en finançant les prestataires privés de services de conseil. Les fonctions centrales sont maintenues au sein du secteur public. Ces fonctions couvrent généralement la prestation de conseil sur des sujets ayant des forts effets externes contraires et auprès des paysans pauvres. D'autres fonctions essentielles concernent la promotion et l'appui aux programmes de recherche adaptative dans les exploitations agricoles et aux groupements et associations de paysans capables de s'adresser directement aux prestataires privés. Cette façon de procéder permet de minorer l'impact des asymétries d'information concernant les nouveaux produits techniques et la commercialisation des productions. L'ampleur que peut prendre la sous-traitance de ces activités dépend des conditions spécifiques du pays. Enfin, les pouvoirs publics conservent habituellement la fonction d'évaluation des résultats des programmes de vulgarisation et de l'efficacité des prestataires privés qui utilisent des financements publics.

Les expériences de dévolution de pouvoir et de ressources aux collectivités territoriales semblent indiquer que la vulgarisation agricole ne constitue pas une priorité pour ces collectivités. Les activités de vulgarisation ne se sont développées que lorsque les pouvoirs publics ont conditionné le transfert des ressources. On ne sait pas si cela s'est traduit par une meilleure adéquation aux besoins et une plus forte capacité de réponse. Dans d'autres cas, les ressources transférées étaient inadéquates si bien que les résultats de la réforme institutionnelle n'étaient pas vraiment différents. Il est donc nécessaire de disposer de plus d'informations avant de pouvoir tirer des conclusions solides concernant l'impact du transfert des services publics de vulgarisation aux collectivités territoriales. Un nombre plus élevé d'études de cas précises devrait donner une image plus contrastée de la situation et éviter d'aboutir à des conclusions dogmatiques du type «la dévolution vaut mieux que la déconcentration», «l'action locale est toujours bonne», «le secteur privé est par définition toujours plus efficace», etc.

L'Amérique latine offre de nombreux exemples de programmes de privatisation des services de vulgarisation technique ayant conduit à un retrait graduel de l'administration de ce domaine d'activité. Ces programmes ont favorisé le développement de services privés et, dans le même temps, sont parvenus à introduire le principe de recouvrement des coûts par les agriculteurs les mieux nantis et orientés vers le marché, tout en conservant des services subventionnés dans les zones marginales et pour les paysans pauvres. Des expériences d'appui aux associations paysannes qui mettent en place des réseaux de vulgarisation ont également rencontré un certain succès dans plusieurs pays d'Afrique. En Chine, de puissantes associations paysannes tournées vers le marché passent des contrats de services de conseil technique aux instituts publics de recherche et de vulgarisation, payent pour les services rendus et sont libres de changer de prestataire si les conseils reçus s'avèrent insatisfaisants. Dans d'autres pays d'Asie, les expériences de privatisation restent limitées, principalement pour des raisons idéologiques et d'intérêts acquis au sein du service public et parce que ces pays considèrent que la mise en œuvre de nouvelles méthodes de vulgarisation au sein du secteur public devrait permettre d'améliorer la capacité de réponse et l'adéquation aux besoins.


[55] Les lecteurs intéressés par les débats théoriques portant sur la nature économique des services de vulgarisation peuvent se reporter à l’excellent résumé présenté dans Carney (1998), Chapitre 5 et dans la bibliographie afférente.

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