OBJECTIF
L'objectif de ce chapitre est d'analyser les éléments spécifiques des services financiers ruraux qu'il faut prendre en compte pour décider des formes et méthodes pertinentes de décentralisation.
POINTS CLÉS
Le crédit est un bien privé mais il se distingue des autres services en ce qu'il correspond à un échange de ressources d'aujourd'hui contre une promesse de remboursement dans le futur. Les prêteurs se trouvent en particulier face à des problèmes de sélection des emprunteurs, d'incitation au remboursement et de mise en uvre de ces remboursements.
Les politiques d'offre centralisée de crédits ciblés reposaient sur une conception erronée du crédit selon laquelle les emprunteurs du monde rural en général auraient eu comme priorité de seulement financer la production agricole et les paysans seraient trop pauvres pour rembourser aux taux de marché.
Selon de nouvelles approches, il faut créer des systèmes financiers ruraux et décentraliser l'offre de crédit à l'aide de divers mécanismes institutionnels et organisationnels.
L'administration centrale conserve un rôle essentiel dans la définition des politiques, de la réglementation et dans la promotion.
L'objectif le plus ambitieux de la décentralisation des services financiers ruraux est de mobiliser le potentiel des marchés financiers ruraux.
Les risques de l'offre de crédit
Les services financiers ruraux intègrent à présent une large gamme de services et ne se limitent plus aux seuls prêts agricoles. Sont maintenant concernés les crédits à usage non-agricole et les prêts à la consommation destinés aux unités de production, les prêts visant les entreprises non-agricoles, les services d'épargne et les services financiers tels que l'assurance. Ce chapitre est toutefois principalement centré sur l'offre de crédit agricole.
Généralement, on peut dire que l'offre de crédits sous forme de prêts vise à amortir les variations de recettes et de dépenses. L'offre de crédit constitue un bien privé à la fois rival, exclusif et rival. Il s'agit cependant d'un service de nature distincte de celle des autres services abordés dans ce document car emprunter équivaut à échanger des ressources d'aujourd'hui contre une promesse de remboursement ultérieur. C'est donc un droit sur la consommation dans le présent qui est échangé contre un droit sur la consommation à venir. Du point de vue du créancier, cela implique deux types de risques, à savoir l'incapacité de l'emprunteur à rembourser (lorsque l'investissement réalisé avec le capital s'avère moins rentable que prévu du fait, par exemple, de mauvaises conditions climatiques ou d'une baisse des cours des produits[56]) et son refus de rembourser (ce qui correspond à un comportement opportuniste reposant sur des asymétries d'information).
Globalement, un prêt recouvre les aspects suivants[57]:
a. l'échange d'un droit de consommation dans le présent contre un droit de consommation ultérieur,
b. la protection contre le risque de défaillance,
c. l'obtention d'informations concernant les caractéristiques de l'emprunteur (la question de la sélection),
d. des dispositions qui encouragent l'emprunteur à prendre les mesures susceptibles d'aider au remboursement (la question de l'incitation),
e. des dispositions qui augmentent la probabilité de remboursement par les emprunteurs qui en sont capables (la question de la mise en uvre).
Du fait du risque de non-remboursement, le secteur privé se refuse généralement à accorder des crédits à moins de disposer de gages[58] ou que le créancier ait des liens particuliers avec son débiteur. Les importants coûts de transaction liés aux risques et aux imperfections de l'information (recherche, suivi, mise en uvre) renchérissent les coûts de transaction du crédit et tendent donc à réduire la demande exprimée. Pour de nombreux bailleurs de crédit, la dispersion de la population rurale augmente en outre les coûts de desserte des zones rurales par rapport à ceux des zones urbaines. En principe, les pouvoirs publics devraient donc être plus enclins à proposer des prêts que le secteur privé car ils sont plus disposés à prendre des risques, ils disposent d'un plus grand pouvoir de coercition et de meilleures chances de se faire rembourser. Ils sont cependant souvent très désavantagés par rapport au secteur privé en ce qui concerne la connaissance du milieu et la loyauté des emprunteurs, ce qui les place en mauvaise position par rapport aux questions de sélection inverse[59] et de refus de remboursement.
8.2.1 La demande effective en crédits ruraux
La plupart des problèmes liés aux services financiers ruraux proviennent d'une conception erronée de la nature de la demande effective pour de tels services[60]. La première erreur tenait à ce qu'on considérait que les agriculteurs et le reste de la population rurale souhaitaient avant tout emprunter pour la production agricole. Mais en fait, une part de la demande exprimée pour du crédit tient à la nécessité d'amortir les incessants décalages entre les mouvements de recettes et de dépenses et elle est étayée par une réelle volonté et capacité de paiement. Les emprunts à but non-agricole peuvent donc avoir tout autant d'importance que les emprunts à but agricole. En réalité, la majorité de la population rurale cherche d'ailleurs à emprunter pour, en priorité, satisfaire ses besoins quotidiens durant la période de soudure à l'aide de crédits de consommation, et non pour acheter des intrants pour accroître la productivité agricole. La seconde erreur provenait de ce qu'on considérait que la majorité des petits paysans étaient trop pauvres pour payer un crédit ou, en d'autres termes, qu'il y avait bien un besoin en crédit mais pas vraiment de demande exprimée. Il est maintenant prouvé que les paysans pauvres sont non seulement disposés mais aussi capables de rembourser leurs dettes lorsqu'ils empruntent pour leurs propres besoins et qu'ils sont correctement sélectionnés et suivis.
Le paradigme des crédits ciblés
Ces conceptions erronées ont donné lieu, durant les années 1960 et 1970, à des politiques de crédits agricoles basées sur le paradigme résumé dans l'encadré 8.1. Les implications politiques de ce paradigme furent les suivantes:
C'était le rôle de l'administration centrale (normalement via le Ministère de l'agriculture ou via les ministères agissant par délégation de pouvoir des institutions financières de l'état) de décider:
quels agriculteurs avaient accès au crédit,
quel devait être le coût du crédit pour les débiteurs,
qui devait réellement bénéficier des crédits, et
quel devait être le montant total des crédits alloués à l'agriculture.
C'était le rôle de l'administration centrale de pourvoir:
aux mécanismes de mobilisation de l'épargne en milieu rural, et
aux moyens de crédit sur une base subventionnée.
Ce n'était pas une priorité gouvernementale que de répondre aux demandes de crédit des agriculteurs pour d'autres fins que la production agricole.
Encadré 8.1 Le paradigme des politiques centralisées de crédit ciblé
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8.2.2 L'offre de services financiers ruraux
Les problèmes propres au financement de l'agriculture
L'étude FAO/GTZ (1998b) analyse toute une série de facteurs spécifiques susceptibles d'influencer le financement de l'agriculture. Sont mentionnés:
les coûts de transaction particulièrement lourds pour desservir de petites unités de production géographiquement dispersées;
la saisonnalité des activités et la nécessité d'adapter les échéanciers aux pratiques culturales, à l'application des intrants, aux récoltes (et à la commercialisation des produits), l'hétérogénéité des besoins financiers (crédits saisonniers et à terme) des différents types d'unités de production et la durée relativement longue des emprunts agricoles;
la dépendance vis-à-vis d'un mode de gestion durable des ressources du milieu et la rentabilité relativement faible des investissements des exploitations agricoles;
l'existence des différents risques climatiques, de production et également de commercialisation qui pèsent sur les activités agricoles et qui requièrent des techniques particulières de gestion des risques, aussi bien au niveau des producteurs que des intermédiaires financiers;
la faible capacité des exploitations agricoles à proposer des gages bancaires conventionnels, ce qui met en lumière la nécessité de renforcer les garanties d'emprunt existantes et de développer des mécanismes appropriés de caution de substitution;
le fait que les exploitations agricoles doivent faire face à des besoins d'urgence et que leur capacité de remboursement d'emprunts dépend donc fortement de l'occurrence d'événements imprévus en matière de consommation et de santé; et
le besoin d'une formation adéquate du personnel bancaire et des clients agriculteurs.
Le secteur formel
Dans la plupart des pays en développement, on rencontre couramment deux types d'intermédiaires financiers proposant des emprunts[61]. Le secteur formel réunit les institutions bancaires et non-bancaires qui assurent la médiation entre les déposants (ou l'état) et les emprunteurs et dont le fonctionnement est réglementé et supervisé dans le cadre de la législation bancaire. Comme cela a été mentionné précédemment, ces institutions appliquaient généralement dans le passé des taux d'intérêt relativement faibles et étaient fréquemment subventionnées par les pouvoirs publics. Le schéma 8.1 retrace les circuits financiers qu'empruntaient habituellement les capitaux dans le cadre d'un tel système classique de crédit agricole centralisé et ciblé. Les petits paysans étant considérés comme pauvres et sans réelle capacité d'économie, guère d'attention était généralement accordée en zone rurale à la mobilisation volontaire de l'épargne.
Schéma 8.1 Les circuits des capitaux financiers dans un système de crédit agricole centralisé et ciblé
Le secteur informel
Le secteur informel regroupe habituellement tous les individus - usuriers professionnels, commerçants, courtiers, grands propriétaires fonciers, connaissances et parents - qui prêtent de l'argent, généralement à partir de leurs propres avoirs et indépendamment du contrôle et de la supervision des autorités monétaires nationales. Une des principales différences entre ces deux types de créanciers tient aux mécanismes appliqués pour régler les problèmes de sélection des débiteurs, d'incitation au remboursement et de mise en uvre des crédits, le secteur informel s'appuyant beaucoup plus fortement que le secteur formel sur la connaissance rapprochée des clients susceptibles de poser ces problèmes.
«Occuper le terrain» du secteur informel
Dans le monde rural, les marchés financiers informels ont toujours existé mais ils ont longtemps aussi été volontairement tenus à l'écart par les politiques publiques. Le paradigme du crédit agricole (cf. encadré 8.1) ne tient pas compte, en effet, du rôle joué par les marchés informels et ce pour deux raisons. La première est que les opérateurs des marchés financiers informels ne partagent pas l'objectif des pouvoirs publics d'améliorer la production agricole. La seconde tient à ce qu'ils sont supposés appliquer des taux d'intérêt nettement supérieurs à ceux que les agriculteurs sont censés pouvoir supporter. Dans de nombreux pays et durant plus de 30 ans, les pouvoirs publics ont donc fait obstacle au développement spontané des intermédiaires financiers informels et occupé eux-mêmes, par leurs actions subventionnées, le segment de marché sur lequel ces opérateurs informels auraient pu opérer et développer leurs activités. En ce sens, on dit parfois que la politique publique de crédit agricole a eu pour effet d'«occuper le terrain».
8.3.1 Introduction
A de rares exceptions près, les approches centralisées et ciblées du crédit agricole se sont avérées catastrophiques. Un peu partout dans le monde, de très nombreuses banques de crédit agricole ont en effet dû être sacrifiées entre les années 1980 et le début des années 1990. Il était alors devenu clair que celles-ci ne pouvaient plus:
continuer de subventionner les prêts à bas taux d'intérêt;
faire rembourser correctement le crédit; et
compenser les énormes coûts de fonctionnement et frais généraux.
En outre, les résultats atteints en matière d'impact sur la production agricole se sont avérés plutôt modestes. Cette situation a donc incité à élaborer de nouvelles politiques basées sur un paradigme sensiblement différent, les principes d'économie libérale et de décentralisation ayant inspiré cette réforme du secteur financier rural. L'encadré 8.2 résume ce nouveau paradigme.
Les principaux objectifs de la décentralisation des services financiers ruraux sont les suivants:
Renforcer les liens entre les prestataires de services et les bénéficiaires.
Répondre à la demande de la population rurale par une large gamme de services financiers.
Améliorer la transparence et la responsabilité des institutions financières qui travaillent avec la population rurale.
Réduire les coûts des transactions financières et les risques en zones rurales.
La réforme des institutions détenues par l'état
On peut distinguer deux approches de la décentralisation des services financiers ruraux. L'une prône une réforme ou restructuration drastique des institutions financières détenues par l'état qui opèrent en zone rurale en transférant le pouvoir du centre et en modifiant les mécanismes de responsabilisation par une combinaison de mesures de déconcentration et de dévolution.
Diversifier les modalités de détention du capital
L'autre approche vise à diversifier les modalités de détention du capital des institutions financières opérant en zone rurale. Cet objectif peut être atteint de trois façons:
par une modification de la structure du capital des banques de développement agricole détenues par l'état passant par la vente d'une participation majoritaire au secteur privé;
par l'incitation au développement de banques privées, l'élimination des subventions et la fermeture des banques, leur restructuration ou la réduction du niveau de fonctionnement de celles qui seront conservées par le secteur public,
par le soutien à l'émergence et à la réglementation de nouveaux types d'intermédiaires financiers ruraux s'appuyant sur des organisations de base.
Encadré 8.2 Le paradigme des services financiers ruraux décentralisés
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Naturellement, ces trois façons distinctes de diversifier les modalités de détention du capital peuvent être mises en uvre en même temps. Lorsqu'une grande diversité d'opérateurs intervient sur le marché des capitaux, de nombreux circuits d'accès aux services sont créés, ce qui contribue à redistribuer le pouvoir et la capacité d'influence liés au contrôle des flux financiers. Cela favorise non seulement la concurrence mais également l'élaboration de nouvelles politiques et de nouveaux produits et instruments financiers.
Chacune de ces approches sera développée dans les paragraphes qui suivent.
8.3.2 Le nouveau rôle de l'administration centrale
Différentes stratégies, différents acteurs
En zone rurale, le point de départ pour élaborer les politiques qui découlent du nouveau paradigme consiste à séparer la fonction de crédit agricole de celle de vulgarisation. L'appui à l'adoption de nouvelles techniques agricoles relève en effet du travail de vulgarisation et non du crédit. Dans ce cadre, il y a donc lieu pour les pouvoirs publics de décentraliser leurs services financiers ruraux, de laisser ces services se développer dans le cadre du secteur privé ou non-lucratif et de restreindre, lorsque c'est nécessaire, la présence écrasante des institutions financières du secteur public. Les institutions financières du secteur décentralisé, privé ou non-lucratif sont en effet mieux placées pour répondre aux priorités de la population, pour identifier les clients solvables et pour introduire des mécanismes opérationnels de mobilisation de l'épargne. Les pouvoirs publics ont par conséquent comme nouveau rôle d'appuyer le développement institutionnel plutôt que de promouvoir l'augmentation ciblée de certaines productions par le biais de la médiation financière. Ce nouveau rôle implique également la création d'un environnement favorable, la mise en place d'une législation adaptée, une fonction de réglementation et, probablement aussi, un appui technique et financier à l'émergence de nouvelles organisations.
Une législation appropriée
Au-delà des mesures mentionnées ci-dessus, qui visent à réformer le système des banques d'état et à diversifier les modalités de détention de leur capital, l'appui au développement institutionnel a ici pour objectif de créer un environnement favorable en instaurant une législation appropriée qui:
protège l'épargne privée;
garantisse la transparence des institutions bancaires;
interdise les pratiques illicites ou imprudentes;
incite au développement de nouveaux produits financiers; et
protège les intermédiaires financiers contre les ingérences abusives dans leurs processus autonomes de décision et de gestion de leurs affaires.
La fonction de réglementation
Les institutions financières doivent opérer dans un cadre réglementaire strict qui:
protège l'épargne des déposants;
garantisse la stabilité du système financier; et
favorise la concurrence au sein des marchés financiers.
Les institutions formelles de réglementation
Toutes les institutions financières formelles sont soumises à ces règles. Les intermédiaires formels sont enregistrés, ils doivent obtenir une autorisation d'activité et sont censées opérer selon les règles édictées par les autorités monétaires nationales. Leurs activités sont soumises à l'inspection de la Banque centrale ou d'un Contrôleur général des institutions financières et bancaires et sont passibles de sanctions en cas de non-respect. Les caractéristiques qui distinguent les marchés financiers formels et informels portent sur la réglementation et le contrôle de ces intermédiaires par les autorités monétaires. Les intermédiaires informels ne sont généralement pas enregistrés, ils n'ont pas besoin d'autorisation et ne sont pas soumis aux règles et inspections de la Banque centrale.
La réglementation des IMF
Compte tenu de la place grandissante occupée par les institutions rurales de micro-finance (IMF) dans les marchés locaux des capitaux (voir le paragraphe 8.3.4), leurs fonctions ont tendance à se diversifier et à ne plus être directement liées à la production agricole. Les pouvoirs publics ont dès lors besoin de nouer avec elles des relations comparables à celles qu'ils ont instaurées avec les institutions formelles. Le contrôle de leurs activités a donc tendance à passer sous la responsabilité des autorités monétaires, afin de pouvoir gérer correctement la masse monétaire, et non pas du Ministère de l'agriculture dont le principal intérêt porte sur la production agricole.
La promotion des IMF rurales soulève les questions suivantes:
Quelles règles doivent régir le fonctionnement des institutions financières décentralisées?
Quelle forme, quel contenu et quel niveau de contrôle faut-il appliquer pour s'assurer que les règles soient respectées?
Qui doit exercer le contrôle?
L'application de la réglementation et des mesures de contrôle peut poser plus de problèmes que ceux qu'ils sont censés résoudre. La mise en uvre des réglementations d'enregistrement, d'autorisation et de contrôle peut, par exemple, ouvrir des possibilités d'ingérence et de corruption. Les contrôleurs risquent en outre de ne pas disposer de suffisamment de personnel et de temps pour inspecter correctement un grand nombre de nouvelles petites institutions financières rurales en plus de leur travail habituel auprès des banques formelles. Ceci étant, les règles et contrôles des institutions financières ont habituellement les caractéristiques suivantes:
Elles portent sur les aspects techniques de la gestion de la monnaie nationale.
Elles sont conçues dans le but d'instaurer des pratiques de bonne gouvernance au sein des institutions.
Elles visent à ce que les banques mettent en uvre des pratiques saines et prudentes et à ce que leur gestion respecte la loi et les réglementations internes fixées par les actionnaires.
De telles règles portent sur les problèmes couramment rencontrés par les institutions financières et doivent être respectées par tous. Des réglementations plus précises peuvent cependant être nécessaires selon la nature des institutions concernées. Les principaux objectifs du contrôle des autorités monétaires sur les intermédiaires financiers sont de:
gérer l'offre monétaire nationale: cela suppose un suivi permanent de la valeur des grandes variables financières telles que la masse monétaire en circulation ou le montant des crédits en cours, et que des décisions soient prises pour influer sur leurs évolutions respectives;
protéger les intérêts des déposants et la stabilité de l'ensemble du système financier: ce qui implique de vérifier que les administrateurs des institutions financières agissent bien dans le respect de la loi et avec de saines pratiques bancaires;
promouvoir un fonctionnement efficace des marchés financiers nationaux.
Les principaux objectifs des règles et contrôles qui concernent les institutions financières décentralisées devraient par conséquent être de s'assurer des éléments suivants:
Les procédures de décision et de responsabilisation propres aux organisations sont conformes à la loi et aux réglementations internes de toutes les institutions et celles-ci les appliquent correctement dans le cadre de leur gestion en vérifiant, par exemple, que les opérations soient fidèlement et opportunément enregistrées, etc.
Les procédures comptables et d'audit sont transparentes, pertinentes, correctement et opportunément mises en uvre, les actionnaires ayant effectivement la possibilité d'accéder aux rapports indépendants d'audits internes et externes.
Les politiques, procédures et pratique de gestion du crédit et de l'épargne contribuent à la solidité financière et minimisent les risques de fraude et de défaut de paiement.
La responsabilité de la réglementation
L'élaboration de ce type de règles et les contrôles nécessaires à leur mise en uvre ne sont pas du domaine de compétence d'un ministère de l'agriculture mais font partie des responsabilités normales des autorités monétaires. Ces règles doivent être instaurées au niveau central, indépendamment du fait que la conduite des contrôles soit centralisée ou bien déléguée. Une des possibilités dont disposent les autorités monétaires est de prendre directement à leur charge la responsabilité des inspections des IMF, comme elles le font dans le cas des banques ou des autres intermédiaires financiers formellement installés. Une autre option consiste à déléguer ce contrôle des institutions décentralisées de services financiers aux structures faîtières des coopératives ou des IMF. Ces dernières seront alors directement contrôlées par les autorités monétaires et seront responsables devant elles du contrôle de leurs membres. Les IMF soutenues et appuyées par une banque commerciale ou de développement offrent un cas particulier de délégation. Dans une telle situation, la banque commerciale ou de développement, qui est placée sous le contrôle de l'autorité monétaire nationale, devra dans son propre intérêt superviser les opérations des IMF dont elle appuie le développement.
L'appui financier
Il est parfois nécessaire d'appuyer, avec l'aide de fonds publics, l'émergence de nouvelles institutions telles que des «banques coopératives» qui se développent dans le cadre du secteur privé, non-lucratif ou mutualiste. Ces subventions permettront fondamentalement d'aider au renforcement des capacités visant à améliorer les compétences du personnel et de l'encadrement des nouvelles institutions. Elles se justifient par le fait que le développement institutionnel et la diversification des prestataires de service constituent des biens privés qui permettent de résoudre les problèmes de dysfonctionnement des marchés financiers. Elles ne visent pas à combler des déficits ou à influer sur les taux d'intérêt ou le libre jeu des forces du marché. Les activités d'appui éligibles à des mécanismes de subventions sont les suivantes:
l'aide initiale aux groupes qui souhaitent mettre en place une association d'épargne et de crédit (animation de groupements spontanés, études de marchés, aide pour définir le règlement intérieur, aide à la procédure d'enregistrement, etc.);
l'expérimentation ou l'adoption de nouvelles techniques financières, de nouveaux produits et de meilleures pratiques bancaires et la formation sur ces mêmes thèmes des cadres financiers des institutions naissantes;
l'assistance initiale à la tenue des comptes et à la rédaction de bilans et de déclarations de résultats; et
une assistance, au départ gratuite, à la réalisation d'inspections de routine et d'audits financiers.
Des prêts à des conditions de marché ou proches du marché peuvent également être justifiés dans le cas des nouvelles institutions financières rurales, à condition toutefois qu'elles appliquent les pratiques habituelles en matière de risques encourus sur les prêts accordés. Il s'agit ainsi de les aider à développer leurs activités au-delà du niveau de ressources qu'elles sont capables de mobiliser par elles-mêmes au travers de l'épargne. Les donations sont par contre interdites.
Les pouvoirs publics peuvent aussi soutenir la mise en route par les banques de la conception de nouvelles méthodes innovantes de garanties (FAO, 1998b). Les banques devraient cependant assumer alors une bonne partie de risques afin de confirmer ainsi qu'elles évaluent correctement leurs clients. La durabilité requiert en effet qu'indépendamment de leur taille et de leur nature, les institutions financières respectent de saines pratiques bancaires. Elles ne doivent pas emprunter des fonds qu'elles ne pourront rémunérer aux taux du marché. C'est donc le marché qui déterminera dans quelle mesure les IMF sont des clients suffisamment solvables pour que des intermédiaires financiers plus importants et d'un niveau supérieur leur prêtent de l'argent.
8.3.3 La déconcentration et la dévolution
La déconcentration revient à transférer la responsabilité de fonctionner en tant que centre de profit aux antennes et succursales capables d'élargir leurs activités de façon viable et durable. Les cadres opérationnels bénéficient d'une pleine autonomie pour décider de la meilleure façon d'atteindre leur objectif. Cette démarche a été testée avec succès en Indonésie où une banque de développement agricole peu performante, la Banque Rakyat d'Indonésie (BRI) est parvenue à se transformer en un prestataire viable et dynamique de services financiers ruraux (voir l'encadré 8.3). La réussite de ce processus de réforme a été rendue possible grâce à l'environnement favorable qui a été instauré en Indonésie en termes de stabilité macroéconomique, de différenciation des infrastructures financières et de prudente dérégulation et libéralisation du marché domestique et du commerce extérieur.
Encadré 8.3 La décentralisation de la Banque Rakyat d'Indonésie (BRI)
La réussite de cette banque repose sur:
Depuis sa réforme, la BRI mobilise l'épargne rurale et prête les fonds collectés en zone rurale. L'état n'a plus besoin d'apporter de ressources ou de subventionner le coût des unités et succursales décentralisées. Du point de vue de la propriété, le capital de la banque est toujours intégralement contrôlé par les pouvoirs publics. Un transfert significatif de pouvoir a cependant eu lieu dans la mesure où les cadres locaux doivent maintenant prendre en compte les orientations des marchés locaux et non plus les directives gouvernementales. Dans le cas où ces dirigeants de succursales ne parviendraient pas à satisfaire aux besoins de la clientèle locale, leurs rémunérations et leurs perspectives de carrière s'en verraient affectées. Du fait de l'autonomie de décision accordée dans la gestion des antennes et succursales, la réforme de la BRI équivaut à une importante dévolution des pouvoirs et des ressources. Cela implique de réaliser de nouvelles tâches à tous les niveaux et pas seulement une simple déconcentration des fonctions et des postes. |
Source: Hans Dieter Seibel, Université de Cologne, Atelier FAO-TCI sur la micro-finance, 1998.
8.3.4 Diversifier les modalités de détention du capital
La privatisation des banques agricoles
Plusieurs nouveaux gouvernements libéraux ont tenté de privatiser les banques agricoles d'état. Concrètement, énormément de difficultés se sont posées pour évaluer le montant du capital et du fait des maigres perspectives de bénéfices des opérations à venir. Indépendamment des cas de fraude manifeste, les banques publiques rencontrent des problèmes financiers pour deux raisons:
les coûts de fonctionnement trop élevés (personnel trop nombreux, succursales non-rentables, faible productivité du travail, politique des ressources humaines inadaptée, différentiel insuffisant entre les taux d'intérêt actifs et passifs, etc.);
la mauvaise qualité de leur portefeuille (défauts de paiement trop nombreux).
Les coûts de fonctionnement trop élevés peuvent être éventuellement diminués par de nouvelles méthodes de gestion, à condition toutefois que la législation du travail n'impose pas trop de rigidités. La mauvaise qualité du portefeuille des encours risque par contre d'être difficile à modifier à court ou moyen terme. Dans certains cas, les mauvais emprunts provenaient d'entreprises publiques en faillite. Le rachat des ces débiteurs défaillants constitue cependant une médiocre solution car il ne favorise pas la création d'un environnement favorable à l'émission de nouveaux crédits. Des tentatives ont également été faites pour transférer ces mauvais actifs vers une entreprise distincte, chargée du recouvrement de ces créances mais l'expérience montre que le créancier initial ne s'y retrouve pas toujours financièrement.
La libéralisation du marché financier formel
La seconde option consiste à liquider les banques publiques qui ne sont pas viables, tout en permettant l'entrée de capitaux étrangers et en incitant les groupes privés locaux à former des joint-ventures avec les groupes bancaires étrangers. Naturellement, les investisseurs privés, notamment les capitaux étrangers, tendent à être circonspects compte tenu des expériences passées de nationalisation et d'ingérence politique dans les politiques du personnel et de crédit. A court terme, cette option n'apparaît cependant pas comme une véritable solution pour les zones rurales car les entreprises privées préfèrent généralement commencer par investir dans les banques commerciales des zones urbaines avant de s'étendre vers les zones rurales. Elle peut toutefois avoir des implications non négligeables en zone rurale car elle permet de rétablir certaines lignes de crédit pour les entreprises qui achètent les productions les plus rentables ou qui vendent de l'équipement et des intrants. Une partie de ces fonds accordés aux commerçants et aux marchands d'intrants sont alors susceptibles d'être transférés vers les agriculteurs sous forme de crédits proposés par les vendeurs.
Les institutions de micro-finance
L'objectif le plus ambitieux de la décentralisation des services financiers ruraux est de mobiliser le potentiel des marchés financiers informels ruraux et de rationaliser leur fonctionnement. Les opérateurs de ces marchés informels sont constitués par tous les intermédiaires qui ne sont pas soumis à la réglementation et au contrôle des autorités monétaires. Il s'agit ainsi des usuriers, des fonds rotatifs et des associations de crédit, des groupements d'épargne informels, des collecteurs informels d'épargne, des associations villageoises d'épargne et de crédit, etc.
La troisième option consiste enfin à inciter le développement des IMF dans le secteur associatif ou mutualiste en tant qu'intermédiaires financiers. La caractéristique commune aux institutions financières coopératives ou mutualistes est qu'elles sont toutes détenues en propriété par leurs membres. Les membres mobilisent leur propre épargne et rémunèrent et contrôlent des personnes qui en supervisent l'utilisation. La nature coopérative de ces institutions augmente les chances de proposer des crédits qui répondent effectivement aux besoins des débiteurs. En outre, les prêts sont destinés à des personnes bien connues de l'institution et dont chaque membre peut facilement apprécier la solvabilité. Dans une telle situation, les défauts de paiement tendent à être peu nombreux car ce sont les membres eux-mêmes qui exercent la pression sociale pour que les débiteurs remboursent leurs emprunts vu que ceux-ci sont financés à partir de l'épargne que ces mêmes membres ont durement gagnée. L'incitation à rembourser est en effet beaucoup plus forte quand il s'agit de protéger son propre argent que lorsqu'elle fait appel au sens du devoir ou à l'intérêt lié à l'obtention d'un nouveau prêt. Dans les programmes classiques de groupements de crédit des banques de développement agricole où les fonds provenaient de l'état (ou de bailleurs), et non de l'épargne des membres, la pression sociale en faveur des remboursements d'emprunts n'a d'ailleurs généralement pas joué. L'expérience semble également indiquer que, même s'il s'appuie sur des fonds propres, le mécanisme de responsabilité collective tend à s'affaiblir lorsque l'institution financière locale devient trop grande ou qu'une large part des fonds provient d'une source externe.
Le rôle des ONG
Les ONG ont joué un rôle significatif dans l'appui au développement des services financiers informels dans le secteur rural. Même si dans de nombreux pays en développement elles continuent de jouer un rôle important dans la promotion de la micro-finance, le développement des «systèmes financiers décentralisés» est allé, durant les années 1990, bien au-delà de ce que les ONG avaient initié. La professionnalisation et l'émergence dans ce panorama de nouveaux acteurs sont devenues des éléments déterminants. Certaines ONG jouent ainsi un rôle dans la mise en uvre d'une politique délibérée de décentralisation des services financiers ruraux dans le cadre d'initiatives plus articulées promues par des banques privées, des groupements d'intérêts locaux, les pouvoirs publics et les bailleurs. L'offre de services d'appui financiers et non-financiers, par une ou plusieurs organisations, et la durabilité des services fournis sont par ailleurs devenus des problèmes essentiels. Il existe en outre une grande variété de nouvelles démarches, de politiques, d'objectifs et d'acteurs. En termes généraux, en dehors des ONG qui agissent de leur propre initiative, quatre types d'acteurs promeuvent le développement d'IMF rurales. Il s'agit:
des banques publiques de développement agricole;
des organisations spécialisées de développement des coopératives de crédit d'origine étrangère, engagées par des bailleurs ou par les pouvoirs publics;
les banques privées commerciales;
les organes des programmes spéciaux des bailleurs ou de l'état.
La mise en place d'un réseau d'institutions coopératives de micro-finance permet de modifier les flux des ressources financières de façon très significative. Le schéma 8.2 décrit de manière simplifiée le circuit des ressources et du pouvoir de décision entre intermédiaires financiers au sein du secteur bancaire coopératif. Les différences entre ce circuit et celui présenté dans le schéma 8.1 devraient être évidentes.
Les organisations faîtières
Les organisations ou structures faîtières des IMF de base jouent un rôle fondamental. L'incitation à l'émergence de ce type d'organisations constitue par conséquent une composante essentielle de la politique de décentralisation des marchés financiers ruraux.
Schéma 8.2 Les flux financiers dans un système bancaire coopératif
Les structures faîtières aident à la création d'une culture commune au sein des institutions membres, ce qui apparaît comme un facteur de cohésion sociale et de réussite. Elles offrent en outre un appui technique non-négligeable sous forme d'assistance à la comptabilité, d'audit, de formation et centralisation de certains moyens financiers. Elles permettent de garantir les lignes de crédit accordées par des banques commerciales ou de développement et assurent la gestion des besoins de trésorerie entre les IMF membres et les excédents d'épargne que certaines de celles-ci auront pu dégager par rapport aux demandes de crédit qu'elles auront accordées. Enfin, et ce n'est pas le moindre de leurs rôles, elles peuvent se regrouper avec d'autres structures faîtières pour faire pression auprès des politiciens et influencer la politique publique. L'exemple très particulier de la Banque Grameen du Bangladesh, qui a été créée à l'initiative d'intérêts privés pour financer spécifiquement les besoins de la population pauvre, est présenté dans l'encadré 8.4.
Encadré 8.4 La Banque Grameen du Bangladesh
La Banque Grameen est la propriété de ses membres à hauteur de 92% de son capital, le reste étant détenu par les pouvoirs publics. Cette structure de propriété en fait une coopérative mais la plupart de ses autres caractéristiques la distinguent aussi très nettement des autres associations d'épargne et de crédit et de leurs structures faîtières. La Grameen emploie environ 12 000 personnes et opère par le biais de plus de 1 000 agences dans tout le pays. La Banque Grameen a été créée en 1983 sous forme de projet pilote de l'Université de Chittagong avec un petit apport d'une Banque commerciale locale et la garantie personnelle de son fondateur. Vers la fin de 1995, le nombre total de ses membres dépassait les 2 millions de personnes, des femmes paysannes pour la plupart, et le montant total des encours s'élevait à une somme équivalent à près de 290 millions de dollars des Etats-Unis. L'épargne mobilisée à partir des membres constitue à peu près la moitié du montant des crédits. Outre la collecte de dépôts et l'octroi de prêts, la Grameen s'est également lancée dans de multiples activités qui ne sont pas directement liées à l'activité bancaire, et notamment dans l'éducation et l'action sociale plus spécifiquement destinées aux femmes adhérentes, dans la vulgarisation agricole, la distribution de semences et de plantules, etc. Les prêts sont accordés à des individus réunis par groupe de cinq, chaque groupe étant collectivement responsable du service de la dette. Le niveau de remboursement des emprunts est estimé à 98%. La Grameen n'impose pas de conditions quant à l'utilisation des crédits qu'elle accorde, de sorte que la répartition réelle des crédits constitue un bon indicateur des besoins financiers de la population pauvre (dont les trois quarts sont des femmes) du monde rural du Bangladesh. Un peu plus de la moitié des emprunts est destiné aux activités de production agricole, forestière, d'élevage et de pêche, 20% concernent la transformation des produits agricoles, 15% le petit commerce et 8% environ ont d'autres utilisations. La capacité de crédit de la Banque Grameen a profité d'un appui considérable de la part de la Banque centrale du Bangladesh et de bailleurs étrangers, notamment du FIDA, sous forme de prêts à faibles taux d'intérêts et de donations faites par de nombreux bailleurs bilatéraux. Les bailleurs ont en outre contribué au financement des coûts de fonctionnement non-financiers de la Grameen qui couvrent en particulier un intensif travail d'animation via des réunions hebdomadaires des groupes d'adhérents coordonné par le personnel de la banque. On estime que la subvention accordée à ces activités représente approximativement le tiers du volume de l'épargne que la banque mobilise. La structure organisationnelle et les procédures de la Banque Grameen offrent, en elles-mêmes, un exemple intéressant de décentralisation. Cette structure s'articule en six niveaux: le siège, la région, la zone, la branche, le centre et le groupe. Environ 85% des employés travaillent au niveau de la branche ou des centres, 21% se situent au niveau de la région ou de la zone et moins de 3% au siège. Les groupes jouent un rôle particulièrement important dans la prise de décisions mais ne réunissent que les adhérents. Les décisions administratives habituellement prises au niveau du siège par les autres banques sont ici dévolues aux bureaux zonaux. Les bureaux du siège consacrent leur travail à l'élaboration des politiques, à la mobilisation des ressources externes et aux programmes de formation. Les branches fonctionnent en tant que centre de profit, chacune supervisant de l'ordre de 50 à 60 centres réunissant chacun 6 à 8 groupes de 5 personnes. Les cadres de ces branches disposent d'une totale autonomie de décision sur les affaires courantes et d'un pouvoir spécifique en matière de concession de crédits. Les procédures de prêts sont totalement transparentes: tous les membres d'un groupe analysent leur mise en uvre lors de réunions hebdomadaires obligatoires et prennent leurs décisions par consensus. |
Source: Les informations sur la Banque Grameen proviennent pour l'essentiel de Yaron et al. (1997) et de Khander et al. (1995).
La conception du crédit agricole a profondément évolué, passant d'une politique visant à promouvoir le crédit centralisé et ciblé à une politique d'appui aux services financiers ruraux décentralisés et au développement des marchés et systèmes financiers. Le nouveau paradigme insiste sur la distinction entre le financement orienté par l'offre de nouvelles techniques agricoles et la demande réelle de crédit des populations rurales que celles-ci pourront utiliser selon leurs propres besoins. Il prône une décentralisation de l'offre de crédit, l'incitation à la concurrence entre prestataires de services de crédit afin de réduire les coûts et les risques des emprunts, et l'utilisation des taux d'intérêt de marché comme mécanisme de sélection en matière d'attribution de crédits. Il reconnaît également le rôle essentiel joué par l'épargne locale qui peut être mobilisée dès qu'on propose des taux d'intérêt compétitifs et des produits et des procédures flexibles d'épargne. Dans le cadre de ce nouveau paradigme, les pouvoirs publics ont plutôt comme rôle d'apporter un appui au développement institutionnel que de s'impliquer en tant qu'intermédiaire financier direct pour promouvoir l'accroissement de certaines productions ciblées.
L'appui au développement institutionnel et à la décentralisation conduit à réformer les banques publiques de développement, à privatiser les institutions qui fonctionneront mieux dans le cadre des secteurs privés et mutualistes, à favoriser la croissance des marchés financiers et le développement de services financiers ruraux qui soient durables. Les subventions peuvent se justifier lorsqu'il s'agit de renforcer les capacités pour améliorer la concurrence. Il y a en outre deux méthodes pour décentraliser les services financiers dans les zones rurales. La première consiste à réformer ou restructurer radicalement les institutions financières de développement détenues par l'état qui opèrent en zone rurale. La seconde consiste à diversifier la structure de propriété et de gouvernance des institutions financières rurales en modifiant les modalités de détention du capital des institutions publiques existantes ou en favorisant l'émergence de multiples prestataires de services financiers appartenant à différents propriétaires. Cela comprend également le soutien au développement d'IMF dans le secteur mutualiste.
L'objectif le plus ambitieux de la décentralisation des services financiers ruraux est de mobiliser le potentiel des marchés financiers informels ruraux et de rationaliser leur fonctionnement. Ce type de politique est susceptible de permettre un rapide développement des institutions de micro-finance en zone rurale et oblige à trouver des moyens efficaces pour les réglementer. A condition d'appliquer les méthodes appropriées[62], la décentralisation peut donc avoir des résultats considérables et fournir l'occasion d'émerger à un solide réseau de prestataires de services financiers ruraux.
[56] Il est important de
souligner que le débiteur doit également faire face à une
multitude de risques lorsquil emprunte. [57] Hoff et Stiglitz (1993). [58] Les gages sont des biens quun débiteur propose comme garantie de remboursement et qui seront cédés au créancier en cas de défaillance de remboursement. [59] La notion de sélection inverse a commencée par être utilisée dans le monde de lassurance pour décrire le phénomène selon lequel plus les primes dassurance augmentent, plus les bons clients (ceux qui ont le moins de probabilités de sinistre) auront tendance à résilier leur police en considérant quelle na plus dintérêt. Les compagnies dassurance se retrouvent donc face à un effet inverse de celui recherché: au lieu de diminuer les risques financiers, la probabilité de sinistres augmente et il est de nouveau nécessaire de relever les tarifs des polices dassurance. [60] Le document FAO/GTZ (1998a et 1998b) contient un exposé extrêmement intéressant de lévolution des perceptions de la nature des demandes en crédit rural et de la réorientation des politiques que cela a entraîné. [61] Hoff et Stiglitz (1993). [62] Le récent document FAO/GTZ (1999) offre de précieuses informations sur la façon daméliorer les pratiques en matière de crédit agricole. |