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Chapitre 10. Les services vétérinaires


OBJECTIF

L'objectif de ce chapitre est d'analyser les éléments spécifiques des services vétérinaires qu'il faut prendre en compte pour décider des formes et méthodes appropriées de décentralisation.

POINTS CLÉS

10.1 La nature des services vétérinaires

Les services vétérinaires peuvent être décomposés en quatre catégories:

Les services vétérinaires constituent eux aussi un domaine où la classification économique des diverses composantes d'un service varie et est sujette à plusieurs interprétations. Les services cliniques de santé et l'approvisionnement en médicaments vétérinaires s'apparentent le plus aux biens privés purs. Certains traitements s'accompagnent cependant de retombées positives qui justifient une certaine forme d'intervention publique. De plus, vu que la prévention sanitaire a des effets externes et que, lorsqu'on la fait payer individuellement aux agriculteurs, elle soulève des problèmes liés à la présence de «resquilleurs» qui profitent de ses résultats, on a quelques raisons de penser que ces services justifient également soit une intervention publique, soit pour le moins un financement par la totalité des éleveurs potentiellement concernés. Des problèmes de responsabilisation se posent en outre en matière de marché des services vétérinaires, notamment dans le domaine de l'approvisionnement en médicaments et d'inspection de l'hygiène. Les pouvoirs publics doivent donc conserver un certain rôle dans la prestation de ce type de services.

10.2 La demande et l'offre de services vétérinaires

Sur plusieurs points, il existe des différences marquantes entre le cadre économique et institutionnel des activités d'élevage des pays développés et celui des pays en développement. Il n'est donc pas inutile d'analyser dans quelle mesure, selon le type de pays, ces différences affectent la demande et l'offre de services vétérinaires et les diverses options de décentralisation.

10.2.1 Le secteur de l'élevage dans les pays développés

Une activité commerciale

Dans les pays développés, les productions animales constituent une activité purement commerciale reposant sur les échanges économiques. Ces activités sont conduites dans le cadre de marchés fortement concurrentiels où les prix rémunèrent la qualité des produits. Les innovations techniques sont développées par des équipes de recherche généralement associées à des producteurs d'intrants et à des prestataires de services qui ont pour but de dégager un profit. L'autoconsommation des agriculteurs n'a que peu de poids dans la production globale. Même dans le cas des habitants des zones urbaines et périurbaines qui élèvent quelques animaux en complément d'une activité principale et qui financent leur élevage à partir de ces revenus extra-agricoles, le bétail ne constitue pas une forme d'épargne. L'embouche est pratiquée à moyenne ou grande échelle, une part significative du cheptel provenant de l'élevage laitier. Dans le secteur de la production avicole et de la production porcine, il est courant de rencontrer de grandes entreprises intégrées spécialisées dans l'élevage qui englobent la production d'aliments concentrés, une production d'élevage réalisée sous contrat, et la transformation et la commercialisation des produits. On rencontre aussi couramment de grandes industries de transformation des produits laitiers et de grandes coopératives d'éleveurs laitiers. Toutes ces entreprises ont intérêt à accroître la productivité des activités d'élevage et proposent des services vétérinaires, des médicaments, des vaccins et des conseils de vulgarisation aux éleveurs avec lesquelles elles sont sous contrat et aux adhérents des coopératives, en intégrant leurs frais sur le prix des produits (intrants ou produits) qu'elles vendent ou achètent dans le cadre d'accords contractuels.

... avec des institutions fortement développées

Les institutions sont fortement développées. Les associations vétérinaires, les associations d'éleveurs et les associations de consommateurs jouent un rôle important dans l'arène politique et elles contribuent directement ou indirectement à formuler les politiques publiques. Elles influent également sur les pratiques et méthodes de travail du personnel technique de l'administration publique. Les règles en fonction desquelles les productions animales peuvent être produites, transformées et commercialisées sont fermement établies, les contrôles sont effectifs et les cas de non-respect de la réglementation s'avèrent généralement très coûteux. Petits ou grands, tous les producteurs ont par conséquent intérêt à maintenir leurs animaux en bonne santé, non seulement pour des raisons d'intérêt productif mais aussi parce qu'en cas de non-respect, ils ont toutes les chances de se faire identifier lors de sévères contrôles conduits soit au niveau des centres de transformation (abattoirs, industries laitières, etc.) soit même à l'issue de la vente au détail.

Le rôle des pouvoirs publics

Dans la plupart des pays développés, vu que la majorité des services proposés aux éleveurs sont assurés par les vétérinaires privés, les pouvoirs publics se limitent à offrir certains services liés aux questions suivantes:

La mise en œuvre de certaines de ces fonctions peut être déléguée à des vétérinaires privés officiellement nommés et travaillant sous contrat. L'encadré 10.1 montre quelles sont les fonctions maintenues par l'état et celles qui sont payées par les usagers dans le cas d'un des pays où le modèle libéral est le plus vigoureusement appliqué, à savoir la Nouvelle-Zélande.

Encadré 10.1 Les activités d'élevage et les services vétérinaires de Nouvelle-Zélande

Les activités d'élevage néo-zélandaises sont très développées, très compétitives et largement tournées vers l'exportation. Le secteur comporte des ranchs de grande et de moyenne superficie spécialisés dans l'élevage d'ovins et de chevreuils souvent associé à de l'élevage de bovins, une activité industrielle d'embouche, la reproduction de chevaux de course de grande valeur, des exploitations laitières moyennes et grandes, une production intensive d'œufs, de volaille à viande et d'autres produits avicoles et enfin de la pisciculture. Les éleveurs ont en moyenne un bon niveau de formation et de revenu. Les associations de producteurs et de vétérinaires sont bien développées. Historiquement, l'état a créé un Ministère de l'élevage et une Ecole vétérinaire pour répondre à la demande des éleveurs. L'isolement de la Nouvelle-Zélande et la vigilance des services vétérinaires publics ont permis de limiter bien plus qu'ailleurs les problèmes d'éruption de maladies animales.

La politique néo-zélandaise de services vétérinaires établit une distinction entre les activités «concurrentielles», c'est-à-dire toutes celles qui ne sont pas assurées par l'état, et les activités «non-concurrentielles». Ces dernières regroupent les fonctions de réglementation et différents autres services publics (liste ci-dessous) que l'état propose moyennant différentes modalités de paiement. On notera que le conseil technique (la vulgarisation), les services cliniques et de prévention vétérinaire, l'approvisionnement en médicaments, en vaccins et l'insémination artificielle sont des services dits «concurrentiels» qui ne sont pas fournis par l'état. Dans le passé, la Nouvelle-Zélande a par ailleurs mis en place divers programmes durables et à grande échelle d'éradication de maladies (tuberculose et brucellose, tremblante du mouton, hydatidose du chien) qui ont contribué à instaurer un ensemble de pratiques obligatoires de contrôle des maladies auprès des éleveurs privés et qui sont conduites par les services publics afin de contrôler strictement le cheptel et les produits d'origine animale.

Seuls les services ayant des effets externes notables restent de la compétence directe du secteur public. Cela concerne par exemple les normes de contrôle et de certification de la qualité du bétail et des produits d'origine animale. Les services qui s'adressent aux éleveurs (c'est-à-dire les services qui permettent d'accroître la valeur du bétail ou des productions animales dont les propriétaires sont identifiables) sont payants à 100%. L'état finance par contre les services qui visent à protéger l'intérêt général des producteurs et des consommateurs et dont les résultats ne profitent pas directement à des éleveurs identifiables. Pour mettre en œuvre cette politique, l'état emploie environ 150 vétérinaires (sur le terrain, en laboratoire et pour l'inspection des produits carnés) face à plus de 2000 praticiens privés. La masse salariale de ce personnel ne représente que 40% du budget courant de la Direction vétérinaire qui finance de plus les autres frais de fonctionnement et supervise l'efficacité des mesures mises en œuvre. Les évaluations conduites auprès de bénéficiaires démontrent que les usagers sont totalement satisfaits des services vétérinaires publics dont ils profitent.

Service

Financement

Fin. public à 100%

Fin. Public partiel

Serv. payant à 100%

Suivi évolution des mentalités et de la législation sur bien-être des animaux, environnement, droits des animaux, etc.

x



Contrôle et éradication maladies endémiques



x

Certification des exports: animaux vivants, qualité des produits



x

Certification des exports: semences et embryons



x

Surveillance des maladies endémiques

x



Préparation et enquêtes sur les maladies exotiques

x



Inspection et soins à la frontière



x

Supervision des centres de reproduction animale



x

Supervision des infrastructures de quarantaine



x

Laboratoires de diagnostic des animaux malades

x



Inspection des produits carnés



x

Source: Baker (1995).

10.2.2 Le secteur de l'élevage dans les pays en développement

Dans les pays en développement, l'économie de l'élevage est nettement différente de celle des pays développés. Naturellement, les situations varient fortement selon le pays. Les généralisations n'ont donc guère de sens et les diagnostics spécifiques par pays apparaissent comme un point de départ obligé. Dans le cas de grands pays tels que le Brésil ou la Chine, le secteur de l'élevage présente en outre une forte diversité régionale. Ailleurs, comme en Europe de l'Est, en Asie, en Amérique latine ou en Afrique, l'élevage présente des différences marquées aussi bien entre continents qu'entre pays, et l'efficacité des services publics varie tout autant. Certains pays ont de plus cherché à ce que leurs services conservent un minimum d'efficacité malgré la baisse des ressources financières disponibles.

Dans les pays où l'élevage est peu ou mal développé comparativement à la Nouvelle-Zélande, les échanges marchands jouent un rôle mineur dans les activités d'élevage. Les marchés ne valorisent pas la qualité des productions et parfois pas même le poids des animaux. L'objectif de couverture des besoins familiaux par l'autoconsommation des productions animales apparaît comme essentiel si bien que le nombre de têtes de bétail s'avère finalement comme un élément beaucoup plus déterminant dans les stratégies familiales d'épargne et de protection contre les risques que la recherche d'un revenu monétaire. Une proportion significative du bétail (petits et gros ruminants) est aujourd'hui encore conduite selon des systèmes de transhumance et non sur une base sédentaire. A quelques rares exceptions près dans les pays les plus vastes, les productions intensives d'œufs, de volaille pour la viande, de porcs et de bovins sont encore relativement récentes et restent essentiellement limitées à de petits producteurs périurbains. La réglementation de la production et des échanges est soit inexistante, soit concrètement inapplicable. Le niveau de formation de la grande majorité des éleveurs est très faible. L'élevage du gros bétail correspond généralement à une activité typiquement masculine tandis que l'élevage du petit bétail et de la volaille est de la compétence des femmes. La plupart des éleveurs sont considérés comme pauvres, au moins en termes de revenu économique et monétaire, même s'ils jouissent d'une santé plutôt bonne.

Au niveau national, la situation sanitaire du bétail n'est guère contrôlée. Les risques d'épidémies sont souvent réels tant en ce qui concerne les maladies transmissibles à l'homme qu'en termes de dommages potentiels sur l'ensemble du cheptel national. Le fait que certaines maladies contagieuses n'aient que peu d'impact sur la productivité de l'élevage traditionnel mais aient des effets sanitaires dramatiques sur le bétail amélioré ou importé ne rend la situation que plus complexe. Vu que ces maladies ne constituent un véritable risque que pour la minorité d'éleveurs ayant développé des systèmes d'élevage modernes, les éleveurs traditionnels sont en effet rarement disposés à payer les services d'éradication de la plupart des maladies.

Dans ces conditions, le développement institutionnel du secteur de l'élevage reste très limité. A de rares exceptions près, les associations d'éleveurs sont inexistantes. Dans certains pays, des coopératives ont bien été créées sous la pression de l'état mais elles sont généralement dominées par une bureaucratie nommée par le pouvoir politique et paralysées par la corruption et les difficultés financières. Les associations vétérinaires n'en sont qu'à leurs débuts, leur appartenance à l'interprofession est rarement reconnue et elles restent peu ou pas organisées. Quant aux associations de consommateurs, elles sont quasi-inexistantes. La place dominante occupée par les services publics apparaît comme un héritage du passé qui, de fait, biaise la configuration de pouvoir en faveur des vétérinaires du secteur public.

10.3 Les formes pertinentes de décentralisation

10.3.1 Le partage des responsabilités entre secteur public et privé

Les rôles respectifs du secteur public et privé dans la prestation de services vétérinaires ont été analysés par une Consultation technique de la FAO en se servant des concepts et éléments développés dans le chapitre 2 (FAO, 1997a). L'encadré 10.2 résume ses principales conclusions. Le maintien par le service public d'un système de suivi des activités concernées et l'évaluation de l'impact de ces activités, notamment par la prise en compte de l'avis des usagers et bénéficiaires, constituent des fonctions importantes qui sont sous-jacentes à ce tableau même si elles ne sont pas formellement mentionnées.

La déconcentration

Pour être efficace, la mise en œuvre des fonctions légitimes des pouvoirs publics requiert une déconcentration des services publics qui transfère totalement la responsabilité des décisions opérationnelles aux cadres de terrain. Les prestataires de services vétérinaires constituent en effet de typiques organisations de métier (voir le paragraphe 2.4.3) dont les résultats de la plupart des principales tâches peuvent difficilement être observés même si d'autres (comme le nombre de vaccinations réalisées) sont parfaitement mesurables. Les services vétérinaires sont en outre des services professionnels fortement spécialisés où les normes professionnelles et l'appréciation des pairs jouent un rôle crucial dans le comportement des individus. Ces conditions facilitent par conséquent la mise en place d'un mode de gestion fondé sur la notion d'objectif et la délégation des responsabilités.

La rentabilité et les services «concurrentiels»

Même si la déconcentration permet d'améliorer l'efficacité des unités opérationnelles lorsque, tout au moins, des budgets de fonctionnement suffisants leur sont alloués, elle ne garantit cependant pas à elle seule que les coûts seront maîtrisés ou que l'utilisation des financements publics sera optimale. De fait, l'existence d'une culture reposant sur l'emploi de normes professionnelles et l'appréciation par les pairs est d'ailleurs susceptible d'entraîner le personnel à rechercher à plutôt satisfaire un optimum technique que la rentabilité économique. La Nouvelle-Zélande fournit cependant un exemple de mise en place d'une méthode subtile pour s'assurer de cette rentabilité. Dans ce pays, la plupart des services dont l'administration vétérinaire est responsable sont en effet dorénavant considérés comme «concurrentiels» ce qui fait que les entreprises privées ou toute autre unité prestataire de services de l'administration (y compris municipale) peuvent maintenant se proposer pour assurer un de ces services ou une de ses composantes dans quelque lieu que ce soit. L'administration publique est donc censée se porter candidate au même titre que n'importe quel autre agent intéressé. L'autorité chargée de la réglementation vétérinaire attribue en fin de compte le contrat de prestataire au candidat qui dispose des compétences techniques nécessaires et qui fait l'offre la moins coûteuse en le finançant sur le budget du ministère concerné.

Encadré 10.2 L'attribution des compétences en matière de services vétérinaires

Services placés sous la responsabilité du secteur public mais pas nécessairement proposés par l'administration publique

  • Formulation des politiques nationales d'élevage (création d'un environnement favorable aux activités du secteur privé).

  • Elaboration de réglementations concernant les activités de production animale, de transformation et de commercialisation et les activités professionnelles privées des vétérinaires et techniciens en santé animale.

  • Garantir l'état sanitaire du cheptel national (surveillance, suivi de la conformité, quarantaine, contrôle de la qualité des médicaments et vaccins, plans d'urgences, communication avec les organisations internationales et les pays voisins). Inspection et contrôle des productions animales afin de garantir la salubrité des aliments.

  • Certification des importations et exportations.

  • Accréditation et suivi des prestataires privés de services de santé animale.

Services placés sous une responsabilité partagée du secteur public et privé

  • Diagnostics des maladies et communication des comptes-rendus.

  • Expérimentations obligatoires.

  • Contrôle des maladies transmises par les tiques et par la mouche tsé-tsé.

  • Hygiène alimentaire et inspection.

  • Education et formation continue.

  • Contrôle des maladies à déclaration obligatoire.

    Réponses d'urgence aux maladies.

  • Recherche.

  • Conseil en gestion des productions animales et vulgarisation.

Services placés sous la responsabilité du secteur privé

  • Diagnostics cliniques et traitements.

  • Production et distribution des vaccins et médicaments.

  • Insémination artificielle.

  • Programmes de gestion productive et sanitaire du bétail.

  • Commercialisation des produits d'origine animale.

Source: FAO (1997b).

La nécessité d'actualiser la législation

Les autorités vétérinaires publiques disposent, de par la loi, du pouvoir nécessaire pour contrôler les mouvements du bétail, pour inspecter la production, la transformation et la commercialisation des animaux et des produits d'origine animale, pour éliminer et détruire les animaux ou produits dangereux et pour faire appliquer les mesures de protection sanitaire des animaux. Dans l'intérêt des usagers et des consommateurs des produits d'origine animale, la législation doit également réglementer le fonctionnement des entreprises privées en matière de prestation de services vétérinaires et d'approvisionnement en produits vétérinaires. Cette législation doit être régulièrement actualisée afin de répondre à l'évolution des activités sectorielles de l'élevage, au progrès technique, aux dispositions des accords internationaux (FAO, 2000), et à la nécessité d'encourager l'exercice privé des professions vétérinaires et de santé animale.

L'actualisation de la législation passe par la rédaction de nouvelles lois qui devront être approuvées par le Parlement et par la formulation de réglementations administratives et de procédures d'application qui correspondent à ces lois. Classiquement, ces fonctions sont centralisées par la Direction de l'élevage du Ministère (central) de l'agriculture ou par le Ministère de l'élevage lorsqu'il existe. Dans les systèmes plus avancés, il est fréquent qu'un Comité vétérinaire doté de fonctions de réglementations soit institué et intègre des représentants des différentes catégories d'usagers des services et des organisations de consommateurs.

La participation des différents acteurs à l'instauration de nouvelles règles

La rédaction de propositions des nouvelles lois et l'élaboration de réglementations concernant l'application des lois qui seront approuvées par le Parlement sont des fonctions normales de l'administration centrale. Mais la décentralisation soulève la question du niveau de participation des organisations du secteur associatif dans ce processus d'élaboration des propositions qui seront soumises au Parlement pour approbation. Concernant les services vétérinaires, les associations qui peuvent jouer un rôle sont les associations nationales vétérinaires, les associations de techniciens et d'agents communautaires en santé animale et les associations d'éleveurs, y compris celles de petits producteurs. Ces associations de techniciens en santé animale et de petits éleveurs n'existent cependant que dans très peu de pays. Les pouvoirs publics ont donc un rôle à jouer pour promouvoir un environnement favorable au développement de ce type d'associations et pour améliorer la représentation des divers groupes d'intérêts existants.

Les associations de vétérinaires

Il est souvent avancé que les associations vétérinaires ont un rôle essentiel à jouer mais c'est aussi le cas des autres acteurs. Certains d'entre eux sont en effet - et cela doit être rappelé ici - en concurrence sur les mêmes segments de marché. Même si un certain niveau de protection aux vétérinaires privés peut se justifier dans le cas où il s'agit d'une activité naissante, ce type de mesures ne doit pas pour autant déboucher sur des situations de monopole. Il y a en effet d'autres façons d'aider les vétérinaires privés à développer leur activité que d'asphyxier la concurrence des autres professionnels moins qualifiés, pour autant que ceux-ci interviennent dans les limites de leurs compétences. Mais dans certains pays, les associations vétérinaires ont une capacité de pression suffisante pour maintenir le champ d'activité autorisé des agents de santé animale en deçà de ce qui serait techniquement justifié pour simplement éviter le risque de leur éventuel mauvais usage des produits vétérinaires auxquels ils ont accès. Il s'agit donc là d'actions qui visent typiquement à établir un monopole et face auxquelles les pouvoirs publics doivent manifester leur puissance et leur détermination afin d'en conserver le contrôle avec l'aide de bons alliés politiques.

L'évaluation de l'impact et de l'opinion des bénéficiaires

L'expression des opinions et appréciations des clients sur les prestataires de services constitue également un élément indispensable à la formulation de politiques, stratégies et réglementations réalistes et équitables et à l'efficacité de l'administration. Pour une bonne gouvernance, il est en effet nécessaire de parvenir à établir un consensus qui donne à toutes les parties concernées la possibilité d'exprimer leurs opinions. Dans l'idéal, le rôle des pouvoirs publics sera donc, dans le cas des services vétérinaires, d'assurer en définitive la supervision et le suivi des activités effectuées par un secteur privé suffisamment diversifié. Dans cette perspective, les politiques de réforme doivent donc renforcer les unités de suivi et d'évaluation des Directions de l'élevage et incorporer des enquêtes sur l'appréciation des services par les bénéficiaires comme une part intégrante des activités habituelles de suivi et d'évaluation.

Proposer des services dans les zones de pastoralisme et de petits éleveurs

La difficulté de trouver la façon d'assurer une offre satisfaisante de services dans les zones de pastoralisme et de petits éleveurs ne tient pas uniquement à la pauvreté des éventuels usagers. L'existence d'économies d'échelles, de systèmes d'élevage transhumants et la taille des troupeaux sont des paramètres tout aussi importants. Les bénéfices qui découlent au plan individuel de l'application de traitements efficaces sont par ailleurs notables et les éleveurs en sont généralement bien conscients. Ceci étant, dans le cas de populations pauvres ne possédant qu'un petit cheptel, le coût de mobilisation qu'implique une intervention privée est souvent disproportionné par rapport au coût du traitement lui-même. Des enquêtes concernant l'expérience kenyane montrent ainsi que même si les clients sont disposés à payer les produits et le service rendu, ils ne sont pas pour autant prêts à assumer les coûts liés au transport et au temps nécessaire aux spécialistes pour atteindre leur localité.

Les problèmes logistiques

Dans le cas de vaccinations massives des animaux transhumants, la vraie difficulté ne tient ni à l'incapacité de payer des éleveurs, ni à leur opposition à ce principe. Le principal problème tient aux difficultés logistiques liées à ce type d'opérations à grande échelle. Il s'agit en effet de mobiliser des milliers d'animaux à certains moments précis et de les regrouper autour de points de vaccination localisés dans des sites stratégiques. La mise en œuvre de ce type d'interventions suppose donc qu'on dispose de moyens de communication et d'un pouvoir de mobilisation massive de la population qui vont bien au-delà des capacités d'un simple vétérinaire privé. Des praticiens privés (qu'ils n'aient qu'un simple titre ou un diplôme réel) pourront par contre être utilisés pour proposer les vaccins, réaliser le travail technique concret de vaccination et faire payer le coût du service aux éleveurs. Mais la mobilisation même des troupeaux relève des attributions des pouvoirs publics et son coût risque d'être difficile à imputer aux bénéficiaires.

Déléguer les fonctions... à des spécialistes privés

Le fait de passer un contrat avec des spécialistes privés pour obtenir et vendre des vaccins et réaliser des opérations de vaccination correspond à une forme de délégation. Cela constitue un soutien aux vétérinaires privés dans la mesure où cela leur assure un marché garanti en termes de rémunération du travail technique réalisé et des bénéfices tirés de la vente des produits. Cela ôte également à l'administration des pays en développement le poids d'avoir à gérer un fonds rotatif de médicaments et de vaccins qu'il est souvent difficile d'assumer. En outre, cela permet d'éviter d'avoir à embaucher et à payer des vétérinaires sur la durée.

... et à des organisations associatives

D'autres formes de délégation peuvent également être mises en œuvre avec profit auprès de différents types d'agents afin de formuler une stratégie visant à créer un environnement favorable au développement des services privés. Une de ces formes consiste à déléguer des responsabilités au secteur associatif. Dans les pays les moins développés, des groupements d'éleveurs formels ou informels partageant un intérêt commun se sont souvent spontanément créés afin d'obtenir différents services vétérinaires. Dans certains cas, ces groupes emploient des assistants en santé animale ou, plus souvent, des agents sanitaires de base qui sont eux-mêmes membres de ces groupements. Ceux-ci fournissent à l'ensemble des adhérents des services de première nécessité tels que des médicaments contre des maladies dont le diagnostic est simple, des médicaments accessibles sans prescription et des vaccins. Dans certains cas, ces prestataires ont été mobilisés en appui à des programmes de contrôle obligatoire de santé animale dans le cadre de contrats avec l'administration publique (vaccination contre des maladies contagieuses dans de nombreux pays, contrôle de la mise en place de corridors d'isolement contre la mouche tsé-tsé au Cameroun, etc.). L'impact et l'utilité de ces groupements, qui peuvent progressivement devenir des instruments particulièrement efficaces pour fournir des services dans les zones de pastoralisme et de petits éleveurs, dépendent en grande mesure de cinq paramètres:

10.3.2 Le rythme de réforme

Compte tenu des particularités exposées dans le paragraphe 10.2, le modèle libéral de réforme des pays développés peut-il être mis en œuvre avec succès dans les pays en développement? Les pouvoirs publics doivent-ils dans les deux cas remplir les mêmes fonctions? L'administration peut-elle appliquer la même politique de paiement des services? Et si c'est le cas, comment y parvenir? Parmi les fonctions qui seront préservées, quelles seront alors celles qui faudrait gérer et contrôler au niveau central et celles qu'il faudrait mieux décentraliser? Quelles modalités de décentralisation faudra-t-il appliquer dans ce cas? Quelles sont les préoccupations des cadres des services publics qui risquent d'influencer la mise en œuvre de la réforme? Quelles forces de pression politiques sont susceptibles d'appuyer ou de s'opposer à tel ou tel autre aspect de la réforme? Comment concrétiser dans un plan de réforme la répartition des responsabilités évoquée précédemment? Quels sont les éléments cruciaux à prendre en considération au niveau local?

La nécessité de diagnostics nationaux spécifiques

La première réflexion que l'on peut formuler est que les réponses à ces questions dépendent d'éléments tels que:

Les réponses à apporter vont donc évidemment être sensiblement différentes dans des pays tels que le Brésil ou l'Argentine et des pays tels que l'Inde ou la République centrafricaine. Vu que les conditions locales évoluent avec la croissance économique et l'adoption d'innovations techniques, la question essentielle semble en outre de savoir «comment faut-il concevoir la 'période de transition' et les différentes étapes de la réforme?»[67] Ces dernières doivent en effet évoluer de pair avec l'économie du sous-secteur et avec la progression du revenu, de la culture et du niveau d'éducation de la population concernée.

La seconde réflexion porte sur le fait qu'une mise en œuvre trop stricte et trop soudaine des principes de la réforme risque d'avoir un sérieux impact négatif sur les conditions sanitaires et l'importance du cheptel national dans les pays où le niveau de développement de l'élevage est le plus faible. Dans ces pays, le coût total des services vétérinaires auprès de la population dispersée des éleveurs transhumants et de celle des petits éleveurs sédentaires est en effet considérable. Comme cela a été souligné précédemment, de complexes problèmes de logistique devront par ailleurs être résolus et les coûts et délais de transports risquent de peser lourd par rapport aux coûts des produits distribués eux-mêmes. Or le taux de pauvreté chez les éleveurs de ces pays est élevé, notamment dans le cas des petits éleveurs et des femmes. La population risque donc de ne pas disposer des ressources monétaires nécessaires pour payer la totalité des coûts des services vétérinaires. Lorsqu'ils payent actuellement le prix total des médicaments, ces éleveurs ne contribuent en effet qu'à une part minime de la totalité du coût du service. Or, paradoxalement ces pays sont aussi ceux où la question de la réduction des dépenses publiques se pose de la façon la plus aiguë.

Dans ce cadre, une vaccination insuffisante contre des maladies animales contagieuses risque de provoquer des dommages irréparables à court et moyen terme tant qu'un réseau de praticiens privés ne se sera pas développé. Il y a donc d'autant plus de raisons de s'opposer à une application doctrinaire du principe de la «disposition des bénéficiaires à payer» que celui-ci ne prend généralement pas en compte les problèmes liés à l'incapacité réelle de payer. L'aveuglement face aux risques d'éruption de maladies et d'incapacité psychologique ou financière à affronter des pertes importantes qui mettraient en danger la survie de l'exploitation est dès lors susceptible d'accroître très sérieusement les risques économiques et humains résultant des effets externes des problèmes de santé animale. De telles préoccupations ont donc conduit différentes administrations à ne mettre en œuvre qu'avec réticence la réforme des services vétérinaires.

Les résultats des rapides réformes que certains pays africains ont tenté de mettre en œuvre dans le cadre des politiques d'ajustement structurel sont résumés dans l'encadré 10.3.

Encadré 10.3 L'impact de l'ajustement structurel sur la prestation de services vétérinaires en Afrique

Les programmes d'ajustement structurel ont imposé des réformes drastiques visant à restructurer les services vétérinaires publics et à les privatiser. Rares sont cependant les pays étudiés où ce processus a été mis en œuvre de façon systématique. En général, l'approche adoptée par les pouvoirs publics en question s'est avérée verticale et discontinue dans le temps; les éleveurs et les prestataires privés de services n'y participant que peu, voire pas du tout. Les vétérinaires de l'administration qui avaient intérêt à préserver certains privilèges ont largement monopolisé le processus. Il n'y a eu aucune tentative dans les pays concernés pour trouver des solutions adaptées à la diversité des systèmes de production existants (cf. pastoralisme sur des parcours communaux).

Le cas de la République centrafricaine constitue cependant une exception à cette règle générale. La réforme y a été conduite par une puissante association d'éleveurs de bovins qui a besoin de disposer continûment de tripanocides afin de lutter contre la tripanosomiase. Le service de santé animale a, en conséquence, été restructuré afin de satisfaire essentiellement aux besoins des éleveurs de bovins. Mais peu d'attention a été accordée aux autres types de producteurs.

Des mesures d'accompagnement visant à stimuler le processus de privatisation (crédits bonifiés, programmes de formation, sous-traitance des services auparavant assumés par les vétérinaires publics) et des incitations à quitter les services publics (programmes de retraite anticipée, plans de retraite, paiement d'indemnités de licenciement) n'ont d'une manière générale pas été mises en place.

La réforme de la législation et l'introduction de nouvelles réglementations concernant l'exercice privé du métier, le rôle des praticiens privés, l'importation et la distribution de médicaments, et enfin le rôle des agents de santé animale ont été conduites de façon lente, parfois inconsistante, et n'ont souvent jamais été appliquées. Les importations illégales de médicaments vétérinaires et de vaccins sont tout aussi importantes que les importations officielles. Les ONG et les projets bénéficiant d'un financement international ont mené des actions de distribution gratuite de médicaments et de vaccins ce qui a ruiné les tentatives de privatisation et de paiement par les bénéficiaires.

Dans la plupart des pays, le secteur public est aujourd'hui encore impliqué dans tous les domaines des activités vétérinaires. Même dans les régions où des vétérinaires privés sont bien présents, les vétérinaires du service public concurrencent les praticiens privés, que ce soit dans le cadre de leurs activités officielles ou même au noir en complément de leur salaire. De tels cas correspondent clairement à une concurrence déloyale dans la mesure où l'état subventionne le service public.

Source: Cheneau (1998).

On a cependant quelques indices qui tendent à démontrer que les agriculteurs sont effectivement disposés à payer des services vétérinaires dont l'efficacité est prouvée, et qui donnent des indications sur le rôle que les prestataires du secteur privé sont en mesure de jouer. Ceci laisse penser que, dans bien des pays, des réformes plus cohérentes et mieux définies auraient certainement débouché sur de meilleurs résultats. L'expérience du projet de vaccination contre la piroplasmose tropicale mise en œuvre par la FAO en Tanzanie est, dans cette perspective, présentée dans l'encadré 10.4.

Encadré 10.4 La disposition à payer pour une vaccination contre la piroplasmose tropicale (PT)

Les conclusions générales qui peuvent être tirées du projet sont, une fois que la vaccination contre la PT a prouvé sont efficacité, que les éleveurs sont disposés à payer une somme que l'on peut considérer comme non-négligeable pour protéger leurs animaux de cette maladie. Certains vétérinaires vaccinent jusqu'à 300 animaux en deux à trois jours et certains d'entre eux proposent aussi des inséminations artificielles. Les vétérinaires privés et les petits paysans ont ainsi démontré un bien meilleur taux de paiement que celui enregistré par les vétérinaires du public et les fermes d'état ou parapubliques. La mise en place d'une subvention initiale aux vaccinations risque en outre de s'avérer contre-productive lorsque l'objectif final est de parvenir à un paiement à 100% des coûts. Les paysans sont en effet peu favorables à ce que les prix des produits augmentent. L'utilité de ces revendications des éleveurs a donc été démontrée. Elle fournit une bonne base et incite à développer l'exercice privé de l'activité vétérinaire en zone rurale.

Source: FAO (1997b).

10.3.3 La privatisation des services vétérinaires

La privatisation... en Nouvelle- Zélande... et au Kenya

Il est intéressant de comparer le cas du Kenya (Wamokoyo et al., 1995) à celui de la Nouvelle-Zélande car malgré les énormes différences structurelles et culturelles, on peut identifier certains traits communs éventuellement utiles pour d'autres pays. Il est tout d'abord nécessaire de rappeler quelles furent les principales étapes historiques du développement de l'exercice privé de la profession. En Nouvelle-Zélande, l'exercice de cette activité a débuté durant les années 1930, à partir d'associations d'éleveurs privés qui commencèrent par embaucher des vétérinaires étrangers vu qu'aucune formation universitaire en sciences vétérinaires n'existait dans le pays. Plus tard, ces associations firent pression auprès des pouvoirs publics afin, tout d'abord, que ceux-ci appuient la formation à l'étranger de vétérinaires néo-zélandais (essentiellement via des bourses publiques afin de suivre des cours en Australie) puis pour ouvrir un département des sciences vétérinaires à l'Université de Massey. L'expérience kenyane est très récente puisqu'elle débute en 1988 et découle du refus pur et simple de l'administration de continuer à embaucher les nouveaux diplômés de l'Ecole nationale vétérinaire et du renvoi de certains d'entre eux de la fonction publique. Ces personnes n'ont donc pas eu d'autre choix que d'aller dans le secteur privé s'ils souhaitaient continuer d'exercer la profession pour laquelle ils avaient été formés.

En Nouvelle-Zélande, l'activité est organisée à partir de cabinets réunissant plusieurs vétérinaires expérimentés et de petites entreprises employant une douzaine de diplômés universitaires et plusieurs techniciens de niveau moindre. Au Kenya, la plupart des praticiens sont des vétérinaires qui exercent seuls. Dans de rares cas, deux personnes se sont réunies pour former un cabinet qui parfois emploie un ou deux agents de santé animale ayant obtenu leur diplôme. Que ce soit historiquement ou en termes de structuration de la profession, les deux expériences sont donc nettement distinctes.

Ceci étant, dans ces deux pays, l'activité vétérinaire présente malgré tout deux caractéristiques communes qu'il vaut la peine de souligner, à savoir:

En Nouvelle-Zélande, il est interdit aux vétérinaires de l'administration publique d'exercer à titre privé. Ils peuvent par contre, en cas de demande, fournir aux éleveurs une liste de praticiens privés qualifiés qui travaillent à proximité. La question de la concurrence entre vétérinaires du secteur public et du secteur privé ne se pose donc pas. Au Kenya, les praticiens du secteur public exercent à titre personnel aux horaires et avec les ressources disponibles dans le cadre du programme de travail de leur département et souvent aussi sur leur temps libre. La concurrence déloyale exercée par ces fonctionnaires publics n'est cependant pas considérée comme un obstacle à l'installation des praticiens privés. Les vétérinaires privés kenyans voient en effet dans les techniciens de niveau moindre, notamment ceux qui possèdent un diplôme d'agent de santé animale, une menace autrement plus sérieuse.

Dans les régions de Nouvelle-Zélande où peu de vétérinaires privés travaillent, les éleveurs remplissent eux-mêmes une part importante des fonctions para-vétérinaires. Ils sont formés à cela ou embauchent des auxiliaires qui ont des compétences en santé animale. Ces derniers sont éventuellement diplômés ou pour le moins habilités à exercer cette fonction. Une évolution comparable commence à pouvoir être observée au Kenya. Ceci semble indiquer que les techniciens para-vétérinaires peuvent également jouer un rôle important dans les processus de privatisation des pays en développement. Au Kenya, l'Institut de formation en santé animale forme des diplômés et d'autres écoles proposent des formations de niveaux moindres. En outre, différents projets financés par des bailleurs internationaux aident l'administration à former des éleveurs sélectionnés par leurs communautés en fonction de leur mérite et de leur loyauté, à remplir des fonctions para-vétérinaires, notamment en matière de vaccination et de traitements rudimentaires pour des maladies dont le diagnostic est aisé. Cette tendance se manifeste également dans plusieurs autres pays. Si la loi le permettait et que les abus pouvaient être effectivement sanctionnés, ces techniciens en santé animale pourraient tout à fait vendre certains vaccins et médicaments autorisés. Cela serait en effet particulièrement utile dans les zones où la demande en médicaments (vermifuges, anti-tripanosomes, remèdes contre les maladies cutanées contagieuses, etc. ainsi que vaccins) constitue l'essentiel de la demande totale de services[68]. Les techniciens en santé animale de tous niveaux non seulement assurent une saine concurrence sur le marché des services vétérinaires dans les zones où des praticiens privés sont installés mais ils permettent en outre de desservir des régions pas suffisamment lucratives pour qu'un diplômé de l'université y travaille.

10.4 Conclusions

Les services vétérinaires recouvrent quatre grandes catégories: les services cliniques (traitement des maladies animales et contrôle des problèmes limitant la production), services de prévention (éviter l'éruption de maladies), l'approvisionnement en médicaments, vaccins et autres produits (tels que l'insémination artificielle) et la protection de la santé humaine (inspection des produits d'origine animale commercialisés). Les soins cliniques et préventifs en santé animale constituent également des biens privés car ils augmentent la valeur du cheptel et ils peuvent être fournis par le secteur privé ou associatif. Le même constat s'applique dans le cas des produits pharmaceutiques et des autres produits tels que l'insémination artificielle. Pour que la répartition des ressources soit efficace, il est donc nécessaire d'éliminer les subventions. Les pouvoirs publics ont donc comme principale responsabilité d'assurer ce qui touche directement à l'intérêt public: le suivi de l'état sanitaire général du bétail, la prévention de l'éruption des maladies animales contagieuses, l'éradication des maladies animales dangereuses pour la santé humaine, le contrôle de la qualité des intrants et des produits vendus sur le marché, la certification de l'efficacité, l'étiquetage conforme des vaccins et des médicaments et la formation du personnel vétérinaire à tous les niveaux.

Dans la plupart des pays en développement, le secteur de l'élevage se caractérise par l'existence de nombreux petits producteurs dont la production n'est pas totalement tournée vers le marché. De plus, le marché présente différents types d'imperfections et des conditions de pauvreté dans les zones marginales où l'élevage constitue le principal moyen de subsistance. L'existence de systèmes de production fondés sur la transhumance du bétail crée des difficultés en matière d'offre de services. Le risque d'éruption de maladies contagieuses difficiles à éradiquer, l'absence d'associations d'éleveurs, leur manque de puissance et le manque d'expérience dans l'exercice privé de la profession vétérinaire constituent également des problèmes. Tous ces facteurs doivent donc être pris en compte pour concevoir une politique de réforme.

Comme dans le cas des autres services, la réforme des services vétérinaires vise à améliorer la qualité et la couverture des services proposés aux éleveurs, à rendre plus efficace le contrôle des maladies animales qui mettent en danger la santé humaine et à réduire significativement le coût que la collectivité doit payer pour atteindre ces objectifs généraux. La notion de décentralisation est tout à fait opérationnelle dans le cas des pays développés. Dans le cas des pays moins développés, plusieurs éléments donnent à penser qu'elle peut également s'appliquer mais certains semblent indiquer que la réforme doit impérativement être adaptée aux conditions locales. Il faut donc introduire des mesures adéquates afin d'accompagner le processus de transition ce qui, dès lors, conduit à envisager temporairement, selon le niveau de développement du secteur, une éventuelle participation plus active des pouvoirs publics.

Dans la plupart des pays où des réformes ont été menées, les politiques de réforme et les nouvelles réglementations n'ont que rarement été élaborées de manière participative. En l'absence d'associations d'éleveurs suffisamment puissantes et sous la pression des associations de vétérinaires privés et de techniciens de santé animale, les techniciens de l'administration publique ont continué de dominer la configuration de pouvoir qu'il s'agissait de réformer. Dans de nombreux cas, les prestataires de services privés ont par conséquent continué de s'entasser dans l'administration publique malgré l'intention déclarée de cette dernière de soutenir le développement de l'entreprise privée. La mise en place de politiques de réforme efficaces requiert qu'au préalable un réel appui soit apporté aux regroupements spontanés de prestataires de services alternatifs et aux groupes d'usagers.

Les réformes nécessitent de nouveaux règlements adaptés à une politique visant à renforcer le rôle du secteur privé et du secteur associatif. Ces nouveaux règlements seront d'autant plus efficaces qu'ils auront été élaborés en faisant formellement participer à leur formulation des représentants de groupes d'acteurs tels que les différents types d'éleveurs (riches et pauvres), les vétérinaires des secteurs publics et privés, les techniciens de santé animale et les consommateurs de produits d'origine animale.

Dans la plupart des pays en développement à bas revenu par habitant et faible niveau de développement institutionnel, le développement des services privés a jusqu'à présent été particulièrement lent. Et cela malgré les nombreuses preuves dont on dispose de ce que les éleveurs des zones les plus pauvres sont disposés à payer pour obtenir des services vétérinaires cliniques et préventifs qui soient efficaces. Le coût pour proposer ces services vétérinaires aux petits éleveurs et aux éleveurs de troupeaux transhumants est souvent disproportionné par rapport au coût et au temps nécessaire pour atteindre leur localité. De ce fait, il paraît justifié que les techniciens en santé animale bénéficient d'une priorité, que ce soit en termes de formation, de certification de leurs compétences ou d'autorisation de commercialiser certains produits vétérinaires, pour proposer des services primaires dans de telles zones.

La comparaison entre la profession vétérinaire privée au Kenya et en Nouvelle-Zélande montre trois similitudes frappantes. Dans ces deux pays, les vétérinaires privés les plus qualifiés se concentrent dans des zones situées autour des principaux centres urbains et travaillent essentiellement avec des unités de production de taille moyenne tournées vers le marché. Les zones éloignées sont desservies soit par des techniciens de niveau moindre souvent directement embauchés par les éleveurs dans le cas de la Nouvelle-Zélande, soit par de nouveaux agents de santé animale qui appartiennent à des groupes informels d'éleveurs dans le cas du Kenya. Dans ces deux pays, la principale source de revenu provient de la vente des produits vétérinaires.


[67] La planification et la gestion minutieuses de la période de transition constituent des composantes essentielles à la réussite de toute réforme. La FAO a sur ce point produit un excellent document intitulé «Restructuring Veterinary Services in Countries Undertaking Reforms - a Guide to Managing the Process» qui développe les thèmes abordés dans le document FAO (1997b). Le lecteur qui cherche de plus amples informations sur ce sujet ainsi que des méthodes et recommandations spécifiques lira ce document avec intérêt.
[68] Dans la zone d’élevage intensif du Kenya, la demande en médicaments et la demande en autres services sont pratiquement équivalentes.

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