Pourquoi est-il urgent de résoudre le problème posé par lapprovisionnement alimentaire des villes - et des villes dAsie en particulier? Le lecteur trouvera, dans cet aperçu technique, les données de base concernant les mouvements durbanisation, en particulier dans la région asiatique, et leur importance pour les systèmes urbains dapprovisionnement et de distribution alimentaires (SADA). Puis il trouvera une description des effets produits par le développement rapide des cités asiatiques sur les schémas de consommation alimentaire des citadins. Il trouvera ensuite un exposé des problèmes spécifiques liés aux SADA, depuis la production alimentaire périurbaine jusquaux marchés de gros. Les dernières sections sont axées sur la gestion des déchets dorigine alimentaire, de même que sur la nécessité délaborer des politiques et des programmes tournés vers lapprovisionnement et la distribution alimentaires (ADA) dans les villes dAsie, et enfin sur la coopération technique Nord-Sud et Sud-Sud entre les différentes autorités municipales et locales (AML).
Il ne fait pas de doute que la question de lapprovisionnement alimentaire de la population croissante des villes de la planète, notamment celles du Sud, doit être résolue avec la plus grande urgence. Or, les solutions simples nexistent pas, et les politiques ou les mesures dapplication concernant lapprovisionnement alimentaire des citadins doivent prendre en compte les aspects qui vont de la productivité agricole jusquaux technologies post-récolte, en passant par la commercialisation et la distribution, ou encore la sécurité sanitaire des aliments et le niveau de revenu des consommateurs. Ces préoccupations débordent le cadre de compétence géographique des AML pour atteindre le niveau national et, en fin de compte, léchelle planétaire. De plus, les préoccupations liées à lapprovisionnement et à la distribution alimentaires sont étroitement liées à des thèmes plus larges touchant aux volets socioéconomique, politique et culturel; de ce fait, toute réflexion devra les associer à lélaboration de politiques dans toute une gamme de secteurs. Les défis ne manquent pas, même si cette situation nest pas sans ouvrir aux intéressés de nombreuses voies de coopération tournées vers un approvisionnement alimentaire efficace et équitable des villes de notre monde. Trois raisons militent principalement en faveur dune optique urbaine pour la solution des problèmes de SADA et de sécurité alimentaire des défavorisés. Le monde connaît un phénomène durbanisation rapide. Selon les estimations des Nations Unies, dici 2005, plus de la moitié de la population de la terre vivra dans des zones définies comme «urbaines» - les définitions variant dun pays à lautre. Certes, lexpansion du tissu urbain a aussi des causes naturelles, mais elle découle en grande partie du phénomène migratoire qui a poussé vers les villes les habitants des campagnes à la recherche de conditions dexistence moins précaires et de nouvelles perspectives. Or, les habitants des villes doivent pouvoir trouver de leau, de la nourriture et des circuits délimination des déchets alimentaires, outre les besoins traditionnellement reconnus comme le logement, lemploi, le transport et linstruction.
Par ailleurs, le phénomène de la pauvreté gagne lui aussi rapidement du terrain dans les villes. Une bonne partie des pauvres de notre planète migre vers les villes à la recherche de sources de revenu. Souvent, les citadins pauvres souffrent de malnutrition, en raison principalement de la faiblesse de leur pouvoir dachat et du prix élevé des denrées alimentaires. De ce fait, la pauvreté en milieu urbain, ainsi que le problème connexe de la sécurité alimentaire constituent une préoccupation de premier plan pour les autorités locales et les autres entités concernées.
Figure 4.1: La Croissance démographique dans les villes dAsie
Source: CNUEH, 1996.
La disparition des terres arables est une conséquence directe de lurbanisation. En effet, les villes sont généralement implantées dans des régions propices à lagriculture, si bien que lexpansion du tissu urbain provoque un empiétement graduel sur les terres cultivables périurbaines. Parallèlement, la croissance des villes met à contribution les terres agricoles restantes dans les régions rurales plus éloignées. Or, il est parfois difficile de répondre à de telles sollicitation par suite des carences de la productivité, des problèmes de transport et dentreposage et du fait que lactivité agricole ne cesse de perdre de sa rentabilité économique dans de nombreuses régions du monde. Lurbanisation rapide, les taches de pauvreté qui ne cessent de sélargir sur le tissu urbain, linsécurité alimentaire qui en découle, ainsi que la disparition de terres agricoles productives sont, par conséquent, des problèmes de premier plan pour les villes de lAsie, région la plus peuplée du monde puisquon y trouve plus de la moitié de lhumanité. Selon les estimations, dici 2015, 16 des 26 villes du monde ayant une population supérieure à 10 millions dhabitants seront situées en Asie. On trouve déjà dans lest, le sud-est et le sud de lAsie certaines des agglomérations les plus importantes de la planète. La population urbaine de lAsie est en croissance rapide. Ainsi, le nombre des citadins chinois augmente de 15 millions chaque année, et celui des citadins de lInde denviron la moitié de ce chiffre (FAO, 2000b). Comme lindique la figure 4.1, des villes comme Dhaka, Delhi, Karachi, Séoul et Beijing dépassent toutes les 10 millions dhabitants, alors que Shanghaï en compte plus de 15 millions.
Cependant, les villes dAsie présentent une grande variété de caractéristiques socioéconomiques, géographiques et politiques, et une gamme variée de préoccupations et dexpérience. On ne saurait, par exemple, faire abstraction des différences dordre politique, économique et culturel qui forment le contexte des villes dAsie occidentale comme Amman, relativement à des villes comme Manille ou Séoul. Toutefois, on note des similitudes au niveau des SADA de villes dAsie apparemment différentes, et ces similitudes de même que les contrastes peuvent être exploités aux fins de la coopération technique.
Entre 20 et 40 pour cent des habitants des villes dAsie appartiennent à la catégorie des pauvres (FAO, 2000b). Parallèlement, la croissance économique rapide de certaines villes de la région a entraîné la constitution dune nouvelle classe moyenne, qui alimente la hausse du coût de la vie dans les métropoles - ce phénomène persiste même après les effets dévastateurs de la crise économique asiatique de 1997. Bangalore et Bangkok illustrent parfaitement le fossé entre les riches et les pauvres, car les différences de revenu dun groupe à lautre y sont très marquées. Cette disparité ne manque pas daffecter le prix des denrées alimentaires, ainsi que les schémas de consommation, comme démontré dans la prochaine section.
Tous les aspects de lapprovisionnement alimentaire, quil sagisse de la distribution, de la consommation ou de la gestion des déchets, comportent une considération omniprésente: la sécurité sanitaire des aliments et lhygiène du milieu ambiant. Il faut rappeler que les risques de contamination des denrées alimentaires sont encore plus poussés dans les zones chaudes et humides, comme celles de lAsie des moussons, qui constituent des foyers de reproduction idéaux pour les bactéries aquatiques ou celles contenues dans les aliments.
Figure 4.2: Augmentation de la demande alimentaire dans les villes dAsie, 2000-2010
Source: FAO, 2000b.
Table 4.1: Consommation de poisson dans un échantillon de villes dAsie
Villes |
Population |
Consommation de protéines animales |
Consommation |
||
Total |
Dont poisson |
Pourcentage |
|||
Bangkok |
10 |
22.9 |
9.6 |
41.9 |
32.5 |
Beijing |
1 |
23.1 |
5.4 |
23.1 |
22.2 |
Colombo |
3 |
11.9 |
6.1 |
51.6 |
18.1 |
Dhaka |
5 |
5.9 |
2.8 |
48.0 |
9.5 |
Djarkarta |
4 |
11.5 |
5.9 |
51.4 |
17.4 |
New Delhi |
0.3 |
9.7 |
1.3 |
13.7 |
4.3 |
Kuala Lumpur |
6 |
25.2 |
15.3 |
35.4 |
55.0 |
Manille |
12 |
43.1 |
12.5 |
49.4 |
33.4 |
Séoul |
100 |
56.3 |
9.3 |
16.6 |
31.9 |
Singapour |
9 |
55.2 |
26.0 |
47.1 |
70.9 |
Tokyo |
2 |
35.2 |
15.8 |
44.9 |
51.1 |
Asie |
24 |
18.8 |
4.9 |
26.2 |
17.2 |
Monde |
|
26.4 |
4.5 |
16.4 |
16.3 |
Source: Ruckes, 2000, p. 1-2. bactéries aquatiques ou celles contenues dans les aliments.
Lurbanisation rapide a pour conséquence naturelle daugmenter la demande de nourriture en général, et de certaines catégories daliments en particulier. Dans la présente section, le caractère dynamique des schémas de consommation alimentaire urbains, notamment en ce qui a trait aux villes dAsie est mis en évidence.
La figure 4.2 propose des estimations concernant laugmentation des besoins alimentaires des villes dAsie au cours des dix prochaines années[4]. Selon les pronostics de la FAO, la demande de céréales augmentera de plus de 11 millions de tonnes au cours des dix prochaines années, ce qui représente près de la moitié (49 pour cent) de laugmentation totale de denrées vivrières à létat brut. Le chiffre concernant les céréales est suivi dune augmentation combinée de près de 8 millions de tonnes des fruits et légumes; quant au reste de la demande alimentaire, elle est attribuable aux racines et tubercules (2,2 millions de tonnes), puis aux viandes (1,9 million de tonnes). On obtient ainsi une augmentation globale de plus de 23 millions de tonnes de denrées alimentaires. Or, cette nourriture est le résultat dactivités agricoles, dentreposage, de transformation et de distribution aux niveaux intermédiaires puis, au niveau du consommateur final. Or, dans la plupart des villes dAsie, et notamment dans les économies pauvres, les carences de linfrastructure ne permettent guère de faire face à une augmentation de la demande.
Dans le même ordre didées, comme lindique le tableau 4.1 ci-avant, les Asiatiques consomment davantage de poisson par habitant que la moyenne des habitants de la planète, soit 17,2 kg selon les estimations. En outre, on prévoit que cette consommation devrait augmenter, si bien que le déclin des stocks mondiaux de poisson vivant à létat sauvage ne manquera pas de rendre plus difficile la satisfaction de ce besoin, à laquelle laquaculture devrait apporter une importante contribution.
Parmi les produits dorigine animale dont le besoin ira croissant au cours des 10 prochaines années, citons la viande, les ufs et les produits laitiers. La demande de produits dorigine animale connaît une augmentation constante dans les villes dAsie. Partout, les ufs font lobjet dune demande soutenue, tandis que la consommation dautres produits dorigine animale varie dune région à lautre, lAsie du Sud occupant la première place pour les produits laitiers, tandis que la viande et le poisson sont de plus en plus recherchés en Asie de lEst et en Asie du Sud-Est.[5] À lintérieur de la région, on observe dautres différences: ainsi, lAsie du Sud consomme moins de fruits et légumes frais que lAsie de lEst et lAsie du Sud-Est; les schémas de consommation varient également en ce qui concerne certains types de viande, notamment le porc et le buf (voir Inoue et Titapiwatanakun, 2000).
Les schémas de consommation alimentaire en milieu urbain sont, en eux-mêmes, complexes et variés (voir Aragrande et Argenti, 2001: Chapitre 2). À lexception des agriculteurs de la frange périurbaine, la plupart des citadins ne pratiquent pas lautoconsommation de produits animaux ou végétaux. En dautres termes, en dépit de limportance prise par la production alimentaire urbaine et périurbaine, la plupart des citadins doivent, pour obtenir de quoi manger, passer par une transaction dont le truchement est généralement largent. Plusieurs facteurs liés aux schémas de consommation alimentaire des ménages urbains établissent une distinction relativement aux habitudes alimentaires prévalant dans les campagnes. «Selon les estimations de la FAO, ces ménages dépensent entre 60 à 80 pour cent de leur budget pour la nourriture, soit 30 pour cent de plus que les ménages ruraux» (Argenti, 2000, p. ii).
Encadré 4.1: «Les boutiques prix équitables» de Delhi (Inde) La majorité de la population de Dehli obtient des livraisons mensuelles de blé, de riz et de sucre par le biais des boutiques prix équitables gérées sous légide de ladministration locale. Ces dizaines de milliers de boutiques Prix équitables sont approvisionnées par les entrepôts de la Dehli Food and Civil Supplies Corporation, laquelle est à son tour ravitaillée par trois ou quatre grands entrepôts de la Food Corporation of India. Ces débits fournissent leurs denrées à plus de 2,5 millions de porteurs de cartes à des prix fixes et subventionnés. Compte tenu des contrôles bureaucratiques exercés sur lachat et la distribution de ces denrées, le niveau de service, de même que la qualité et la satisfaction des consommateurs restent médiocres. Toutefois, les prix y étant inférieurs à ceux des marchés, ces boutiques sont prises dassaut par les pauvres des villes, les petits salariés, etc. (version révisée de Jakhanwal, 2000: p. 3). |
Encadré 4.2: Consommation alimentaire à Hanoï (Viet Nam) Au cours des dernières décennies, les schémas de consommation alimentaire ont évolué à Hanoï. Le régime alimentaire du passé, basé sur les denrées telles que le riz, le maïs et les tubercules, les légumes et les haricots, a évolué vers une alimentation englobant davantage de viande, de poisson, dufs, de lait, dhuile et de matières grasses, de confiseries et de boissons gazeuses, ainsi que de produits alimentaires en conserve et transformés. Les repas préparés à la maison ont été graduellement remplacés par ceux pris au restaurant ou dans la rue. Les repas consommés au domicile incorporent à présent des produits alimentaires de transformation tels que les saucisses, les pâtes instantanées et les nouilles de riz, avec également lintroduction récente de produits alimentaires de transformation industrielle. La demande en expansion dune nourriture cuisinée de haute qualité a favorisé la croissance, dans la ville de Hanoï, de «marchés de la restauration» servant des repas complets, mais la demande est encore loin dêtre satisfaite (Quang et Argenti, 1999: p. 1). |
Il existe, pour les citadins pauvres, un lien étroit entre la sécurité alimentaire et leur pouvoir dachat, ou encore leur capacité à gagner un revenu suffisant pour euxmêmes et pour leurs familles. En conséquence, il y a lieu de considérer lobtention de moyens dexistence viables pour les catégories pauvres des villes comme un problème relevant de la sécurité alimentaire.
Les catégories vulnérables de citadins sont: les chômeurs, les nouveaux migrants, les mères célibataires avec enfants à charge, les retraités, les personnes handicapées et les personnes âgées sans soutien familial, les autochtones, les minorités ethniques, les travailleurs du secteur formel dont le revenu est en déclin ou instable, et ceux qui dépendent dactivités «saturées» du secteur informel (Argenti, 2000, p. 5).
Il est une question fondamentale qui se rattache à la sécurité alimentaire des pauvres des villes, et cest laccès à une eau salubre. Or, cet aspect de la sécurité alimentaire est souvent pris pour acquis par la classe moyenne.
On trouve, dans les villes, un large éventail de types de nourriture, mais aussi dhabitudes de consommation, dont découle lexistence dune myriade de commerces de détail. Les différentes typologies de comportement des consommateurs sont liées à des facteurs tels que le revenu disponible, les itinéraires domicile-travail, le travail rémunéré des femmes hors du foyer, les facteurs politiques, laccès à la terre pour la production vivrière et, entre autres, les habitudes culturelles. Reprenons de façon détaillée chacun de ces facteurs.
Lorsquon cherche à comprendre les habitudes qui régissent lachat de denrées alimentaires, le revenu disponible constitue lun des paramètres les plus décisifs. La disponibilité de revenus augmente les options offertes aux consommateurs. Les citoyens asiatiques aisés sont mieux à même de fréquenter les supermarchés et les centres dachat de style occidental ainsi que les «box stores» de création récente, qui vendent des produits alimentaires et articles ménagers non étiquetés dans les villes comme Bangkok et Manille. Par ailleurs, les classes moyenne et supérieure, de même parfois que leurs employés domestiques, fréquentent également les marchés traditionnels et les étals de rue. Quant aux pauvres des villes, leur choix de lieux pour se ravitailler est limité. Ils consacrent une plus grande part de leur revenu à lachat de nourriture, souvent parce quils nont pas les moyens dacheter en grande quantité, et ces achats exigent davantage de temps et defforts. La faiblesse du revenu des citadins pauvres explique en partie lapparition détablissements tels que le «sari-sari store» philippin, mercerie-épicerie où se vendent notamment des denrées alimentaires, en quantités minimes et souvent à crédit.
Les habitudes alimentaires des consommateurs sont également conditionnées par litinéraire domicile-travail. De plus en plus de citadins asiatiques vont gagner leur vie à une grande distance de leur foyer. Cette distance rend difficile la prise des repas à la maison, en particulier le déjeuner, doù une demande de nourriture bon marché pour le repas de midi. Par ailleurs, les embouteillages rendent plus difficile de dîner chez soi. Les problèmes de circulation, conjugués à lévolution du rôle des femmes, stimulent la demande de repas à emporter, mais favorisent aussi les restaurants et les autres commerces de détail, comme les vendeurs de rue.
Lintégration participation des femmes à la population active affecte directement la nature de la consommation alimentaire. Étant donné que les femmes ont généralement la principale responsabilité, au sein du foyer, en ce qui a trait à la nourriture, y compris les achats, la cuisine et le nettoyage, la participation à des activités rémunérées stimule la demande de produits alimentaires à valeur ajoutée qui économisent du travail. En Asie du Sud-Est, où lon trouve dans la plupart des pays un taux élevé de travail féminin même pendant les années de fécondité, on a vu se développer des «fast food» traditionnels, tels que les «plats à emporter», les traiteurs et les commerces de rue.
Les facteurs politiques tels que les initiatives gouvernementales visant à subventionner des denrées alimentaires et autres mesures daide sociale sappuyant sur la nourriture, affectent la capacité dachat des consommateurs pauvres. Les subsides sont plus représentatifs des économies socialistes, comme celles du Viet Nam ou de la Chine, et lon peut sattendre à un déclin des subventions aux produits alimentaires par suite de la libéralisation de la plupart des économies centralisées.
Les modalités daccès à la terre aux fins de lagriculture périurbaine et de la tenue de potagers urbains influencent la capacité de production vivrière des ménages, quelle porte sur les fruits et légumes ou sur les ufs et produits laitiers ou encore sur la viande provenant du bétail. Il est fréquent que lon observe, dans les agglomérations urbaines du Sud, tout un éventail dactivités de production alimentaire.
Enfin, les habitudes culturelles ont une influence déterminante sur nombre de facteurs déjà évoqués ici, et conditionnent en outre le choix des aliments, son contexte et les acteurs de ce choix. La dimension culturelle des habitudes alimentaires est notamment illustrée par les modes de consommation des jeunes gens aisés des villes et par lattraction quexercent sur eux les «fast food» occidentaux et les habitudes importées de létranger. Relativement aux régions rurales, de tels exemples sont représentés de façon disproportionnée dans les secteurs urbains, où les innovations culturelles se font fortement remarquer.
Le citadin asiatique doit faire face à trois principales préoccupations en tant que consommateur. La première concerne le coût croissant de la nourriture, notamment pour les citadins pauvres; la deuxième a trait à la sécurité sanitaire des aliments et à la nutrition; la troisième touche à la nécessité dobtenir une plus grande variété et une meilleure qualité de produits transformés ou à valeur ajoutée, afin de répondre à la demande de produits alimentaires nécessitant peu de préparation. Dans ce contexte, les associations de consommateurs bien organisées peuvent jouer un rôle important en attirant lattention des autorités gouvernementales comme du secteur privé sur ces trois préoccupations.
Laugmentation du prix des denrées alimentaires des villes dAsie est une conséquence directe de linefficacité des mécanismes dapprovisionnement et de distribution alimentaires et des carences correspondantes de linfrastructure de distribution. Linsuffisance des liaisons entre les régions rurales et les agglomérations urbaines ont pour conséquence un taux élevé de détérioration des denrées qui réduit le volume du ravitaillement tandis que les prix augmentent. Selon de nombreux experts, on pourrait obtenir une réduction sensible des prix des denrées alimentaires en améliorant la distribution et en introduisant des technologies post-récolte.
Les difficultés liées à la sécurité sanitaire des aliments et à la nutrition sont axées sur lhygiène des matières premières et des produits transformés vendus sur les marchés publics, dans la rue ou dans les restaurants. Les menaces pour la santé du consommateur proviennent de labsence deau salubre pour le lavage des fruits et légumes, de la contamination des denrées alimentaires par la poussière et les polluants en suspension dans lair, des mauvaises conditions sanitaires, de lentreposage inadéquat, de la détérioration des environnements urbains et, enfin, du risque de propagation des maladies contagieuses par le biais de la chaîne alimentaire (typhoïde).
Enfin, compte tenu de lintégration des femmes comme des hommes à la population active rémunérée, il importe que soient disponibles des produits alimentaires de transformation de bonne qualité, à un prix abordable et de préparation facile.
Les systèmes dapprovisionnement alimentaire des villes sont des ensembles complexes combinant une variété dactivités, de fonctions et de relations (production, manutention, entreposage, transport, transformation, emballage, vente en gros, vente au détail, etc.) qui permettent aux villes de satisfaire leurs besoins en produits alimentaires et qui sont exécutés par des agents économiques dune grande diversité: producteurs, assembleurs, importateurs, distributeurs, grossistes, détaillants, transformateurs, commerçants, marchands de rue, prestataires de services (par exemple crédit, entreposage, transport par porteurs, information et vulgarisation). Contribuent également de façon indirecte à ces activités les fournisseurs demballages, les organismes publics tels que les autorités municipales et locales, les offices publics de commercialisation de denrées alimentaires, les ministères de lagriculture et des transports, mais aussi les associations privées qui comprennent des négociants, des transporteurs, des commerçants et des consommateurs (Aragrande et Argenti, 2001, p. 7).
Les systèmes dapprovisionnement et de distribution alimentaires en milieu urbain se caractérisent par des problèmes à la fois généraux et importants, dont certains nont pas pu être facilement insérés dans les thèmes débattus lors des ateliers organisés à loccasion du séminaire. En premier lieu, la détérioration rapide de lenvironnement urbain des villes du sud - parmi lesquelles de nombreuses agglomérations asiatiques - est de plus en plus préoccupante. A titre dexemple, la dégradation de la qualité de lair peut entraîner une contamination des cultures vivrières et des produits distribués dans les villes et dans leurs environs par les métaux lourds et autres résidus de processus chimiques.
En deuxième lieu, les ressources nécessaires à la production alimentaire destinée à la nutrition humaine de façon générale, leau en particulier, se raréfient, tant en volume quen qualité. Leau sert non seulement à la consommation humaine et aux usages sanitaires, mais également à la production agricole, aux activités industrielles liées à la transformation des aliments et à la cuisine. Par chance, lAsie des moussons, à savoir la région qui sétend depuis lAsie du Sud-Est jusquà lInde méridionale et le Sri Lanka, reçoit des précipitations suffisantes pendant la majeure partie de lannée. Cependant, certaines parties de la région, comme Mindanao, ont connu la sécheresse et aujourdhui, notamment du fait des changements climatiques qui se produisent à léchelle planétaire, la gestion durable des bassins versants se profile comme un grave problème pour de nombreuses régions urbaines[6]. De manière générale, laccès à une eau potable et à des conditions sanitaires élémentaires reste un problème pour la plupart des citadins dAsie. Par ailleurs, dautres ressources sont également importantes pour la sécurité alimentaire des villes: la terre, la main-duvre et lénergie.
Lutilisation inappropriée dintrants agricoles, en particulier les engrais chimiques et les pesticides, pose plusieurs problèmes dordre environnemental et sanitaire. Ainsi, les travailleurs des secteurs alimentaire et agricole sont particulièrement vulnérables à lempoisonnement dû à une exposition prolongée à ces substances chimiques. Par ailleurs, les consommateurs des villes dAsie se montrent de plus en plus préoccupés par lincidence que pourraient avoir ces produits chimiques sur leur santé.
De manière plus générale, plusieurs facteurs extérieurs influencent les SADA dans une région donnée, à savoir le contexte économique, social et politique de la municipalité concernée, ainsi que les cadres juridiques, institutionnels et réglementaires et les autres caractéristiques relevant de la localisation. Tous ces facteurs doivent être pris en considération lorsquon analyse les SADA destinés à une région urbaine donnée, étant donné leur impact direct ou indirect sur le fonctionnement de la ville.
Le sous-système dapprovisionnement alimentaire des villes englobe toutes les activités nécessaires à la production de denrées alimentaires et à leur acheminement vers les villes. Lanalyse peut être ainsi décomposée: production nationale de denrées alimentaires, y compris la production urbaine, les importations de létranger et les corrélations entre les secteurs rural, périurbain et urbain: transformation, entreposage, assemblage, manutention, emballage, transport, etc. (Aragrande et Argenti, 2001: p. 7).
Table 4.2: Augmentation estimative du nombre de chargements de camions de 10 tonnes nécessaires à lalimentation dun échantillon de villes dAsie dici 2010
Villes d'Asie |
Nombre |
Bandung |
58 200 |
Bangkok |
104 000 |
Beijing |
302 700 |
Bombay |
313 400 |
Dhaka |
205 000 |
Davao |
21 500 |
Delhi |
196 500 |
Hanoï |
32 000 |
Ho Chi Minh-Ville |
83 500 |
Hong Kong |
18 300 |
Djarkarta |
205 000 |
Karachi |
217 000 |
Kuala Lumpur |
17 800 |
Lahore |
115 000 |
Grand Manille |
163 400 |
Pusan |
29 900 |
Séoul |
85 700 |
Shanghaï |
359 700 |
Yangon |
86 900 |
Source: Données de la FAO traitées par Argenti. Année de référence: 2000.
Afin de satisfaire la demande croissante, il faut produire des quantités de plus en plus importantes de denrées alimentaires et les transporter dans les villes. Les habitants des villes dAsie consomment des céréales comme produit de base (normalement le riz ou le blé), et complètent le régime par des produits alimentaires obéissant aux critères culturels et nutritionnels tels que les légumes, les légumineuses, les fruits, la viande, le poisson, les ufs et les produits laitiers. Une bonne partie du ravitaillement des villes doit être produite dans les zones urbaine et périurbaine, parallèlement aux régions purement rurales, pour répondre à la demande en augmentation constante que présente la population toujours plus nombreuse des villes dAsie. La production, la transformation et la commercialisation des denrées alimentaires de production nationale nécessitent des liens efficaces entre les villes et les campagnes, sous forme dinfrastructures, de manutention, demballage et dentreposage. Nous analyserons ces liens dans le rapport avec les différents sous-aspects de lapprovisionnement alimentaire des villes exposés dans les paragraphes qui suivent, de même que dans la section suivante consacrée à la transformation alimentaire.
Une partie de la nourriture nécessaire à lapprovisionnement du nombre croissant de citadins asiatiques est importée de létranger, en fonction des conditions locales et nationales de disponibilité des denrées alimentaires et de lévolution des prix. Pour que limportation de denrées alimentaire se déroule de façon efficace, il faut lui appliquer une logistique moderne, des services connexes et une infrastructure telle que les installations portuaires et les entrepôts, ainsi que linfrastructure de transport ferroviaire, par voie deau ou routière et avec lencadrement réglementaire nécessaire. Parmi les villes dAsie, la Cité-État de Singapour représente un exemple classique déconomie «entrepôt», plaque tournante important et distribuant des produits du monde entier avec une efficacité remarquable.
Encadré 4.3: Lampleur des pertes après-récolte de denrées alimentaires Selon les estimations antérieures, le volume total des pertes de riz (paddy) subies à la ferme, en Asie, serait de lordre de 25 à 30 pour cent. Des études plus récentes conduites par la FAO réduisent de moitié ces estimations. Même si les chiffres récents sont moins frappants que les estimations initiales, des pertes de 12 pour cent en Inde et au Sri Lanka, 13 pour cent au Bangladesh, 15 pour cent en Thaïlande et 16 pour cent au Népal nen représentent pas moins un gaspillage non négligeable de nourriture, de main-duvre et dintrants. Même sil était possible, dans des conditions économiques, de réduire ces pertes dà peine 25 pour cent, on pourrait épargner, en Asie, près de 15 millions de tonnes de nourriture par an (Shepherd, 1996, p. 8). |
Dans les sections suivantes, nous décrivons à grands traits le défi que représente lapprovisionnement alimentaire des villes dAsie et nous mettons en relief certaines des préoccupations qui entourent divers thèmes connexes.
4.3.2.1 La production rurale, périurbaine et urbaine
La majeure partie de la nourriture nécessaire à lalimentation des villes dAsie en croissance constante est produite dans ce que lon appelle des zones «rurales». À la lumière de lanalyse précédente concernant les prévisions daugmentation de la consommation alimentaire dans les villes dAsie au cours de la prochaine décennie, les zones rurales et les océans de la planète, déjà compromis, seront mis à contribution pour produire davantage de nourriture. Or, il existe un manque criant de ressources telles que la terre, leau, le crédit, la technologie et les autres intrants pouvant servir laugmentation de la production. On prévoit que la production alimentaire réalisée en Asie rurale accusera un déclin au cours de la prochaine décennie si lon ne veille pas à la répartition équitable déléments patrimoniaux tels que la terre, le savoir-faire et les ressources, en particulier pour les agriculteurs et les pêcheurs dAsie.
Les activités de production alimentaire intéressent également les villes dAsie et leurs périphéries, sous forme dhorticulture, délevage et daquaculture. Lhorticulture prend souvent la forme de potagers commerciaux situés à la périphérie des villes, où lon cultive des fruits et des légumes hautement périssables tels que les tomates. Les citadins pratiquent également la culture dans des potagers darrière-cour ou dans des parcelles inutilisées. Ce type dagriculture informelle est particulièrement important pour la sécurité alimentaire des pauvres des villes. Quant à lélevage, il peut prendre une grande variété de formes dans les agglomérations urbaines asiatiques, depuis la présence très répandue de bétail dans les villes de lInde jusquà lengraissement des porcs, qui constitue un moyen dexistence important pour les femmes des villes des Philippines. Enfin, laquaculture représente une activité fermement établie dans plusieurs régions dAsie où le poisson constitue lun des éléments principaux du régime alimentaire, notamment en Asie du Sud-Est, au Bangladesh et dans les États indiens du Bengale occidental et de lOrissa.
La Photo 4.1 montre un micro-élevage porcin à Hanoï (Viet Nam), où les porcs servent à convertir les déchets dune fabrique damidon à base de manioc. La photo 4.2 montre une chèvre laitière avec son chevreau, dans larrière-cour dune famille de classe moyenne, à Malany (Indonésie).
(Source: Schiere 2000, 41).
Toutes les activités énumérées ci-avant peuvent être regroupées sous la rubrique générale «production alimentaire urbaine et périurbaine». La production alimentaire découlant de ces activités représente une portion importante de lapprovisionnement alimentaire des villes dAsie.
Selon les estimations, 80 pour cent des légumes frais, 50 pour cent de la viande de porc et de volaille et des poissons deau douce, ainsi que 40 pour cent des ufs consommés à Hanoï proviennent des zones urbaines et périurbaines. À Shanghaï, 60 pour cent des légumes, plus de la moitié de la viande de porc et de volaille et plus de 90 pour cent du lait et des ufs proviennent des zones urbaines et périurbaines. À Bangkok, les choux et les oignons proviennent de la région de Chiang Mai, située à plus de 200 kilomètres de distance, tandis que les légumes feuillus tels que la moutarde chinoise, les épinards ou les laitues, proviennent des régions périurbaines (Moustier, 2000).
De nombreuses méthodes dhorticulture et daquaculture mettent à profit les eaux usées et les déchets solides municipaux recyclés, souvent sous forme de compost. La promotion de ces activités peut non seulement améliorer lapprovisionnement alimentaire des villes, mais également favoriser la bonne gestion des déchets urbains.
Il convient, afin doptimiser lefficacité du transport des denrées alimentaires produites dans les régions rurales vers les points de distribution au détail dans les villes, de tenir compte dun certain nombre détapes intermédiaires, et notamment de veiller au respect des critères qualitatifs et quantitatifs concernant:
- les centres de collecte: notamment les marchés ruraux, où les producteurs peuvent rassembler leurs produits et rencontrer une grande diversité dacheteurs éventuels;
- la préparation des produits alimentaires et leur manutention: cette rubrique comprend le lavage, le tri et le calibrage des articles;
- lemballage: cette activité facilite la manutention, favorise la bonne hygiène et la subdivision en unités vendables;
- lentreposage: cette rubrique intéresse les greniers et les installations dentreposage à froid et de réfrigération, souvent déficientes, mal gérées ou trop onéreuses;
- le transport de la campagne vers la ville: la consommation accrue de nourriture dans les villes intensifie la pénétration et la circulation de véhicules, et notamment de camions de livraison, à lintérieur de la zone urbaine. À Shanghaï, il faudra prévoir dici 2010 plus de 350 000 cargaisons supplémentaires de camions de dix tonnes, pour assurer lapprovisionnement alimentaire de cette mégapole (voir le tableau 4.2). Toujours en 2010, on prévoit que 313 400 cargaisons de camions dun tonnage identique entreront dans Mumbai. Or, de tels véhicules exigent une infrastructure appropriée, à savoir des routes, des marchés de gros et de détail adéquatement situés, de bonnes installations dappontage et dentreposage. Le Tableau 4.2 indique le nombre estimatif de cargaisons supplémentaires de camions de dix tonnes requis pour un certain nombre de villes dAsie dici lannée 2010.
Ne pas tenir suffisamment compte de la liaison entre les campagnes et les villes signifie sexposer à de gros gaspillages de nourriture. «Selon les estimations, les pertes de denrées alimentaires entre la phase de la production et celle de la vente au détail sont de lordre de 10 à 30 pour cent, et sont attribuables à un ensemble de facteurs de détérioration qui interviennent à la ferme, durant le transport ou la distribution, et qui se font sentir davantage dans les villes que dans les campagnes» (FAO, 1998: p. 3-4). En Inde seulement, le taux davarie atteint de 30 à 40 pour cent de la production annuelle de légumes (Bhogle, 2000). «Selon le Ministère des approvisionnements alimentaires et civils, 10 pour cent de la production céréalière totale de lInde, à savoir 20 millions de tonnes, sont dévorés par les rongeurs et attaqués par les insectes, du fait de linadéquation des installations dentreposage» (Roy, 2000: p. 67-68).
Lamélioration des modes de transformation et de distribution de la nourriture en vue de réduire les pertes après-récolte peut réduire de façon marquée les coûts subis par les consommateurs.
Au cours des dix prochaines années, il importe de réaliser de toute urgence en Asie, des investissements privés et publics afin de renforcer la liaison ville-campagne, notamment pour améliorer les systèmes et les réseaux de transport de denrées alimentaires. La mauvaise qualité des liaisons, notamment du réseau routier, entraîne un taux important de détérioration de la nourriture avant quelle natteigne le marché. Étant donné que lamélioration de linfrastructure de transport est un processus lent et coûteux, qui nécessite souvent un financement international pour les villes pauvres du continent asiatique, il convient de prendre acte de limportance de facteurs connexes comme la transformation des aliments, thème auquel nous consacrons la section suivante.
La transformation des aliments est une activité «daval» qui conduit à un traitement à valeur ajoutée des matières premières alimentaires par le biais dune série dopérations telles que pelage, découpage, moulure, broyage, saumurage, fermentation, déshydratation et autres méthodes de conservation[7]. Elle comporte, en fin de circuit, la cuisson comme lune des formes finales de transformation avant la consommation. Le traitement comprend également, de façon indirecte, lemballage et autres activités analogues liées au traitement des aliments.
Certaines activités de traitement des aliments sont encore effectuées au foyer, bien que, par suite de lévolution historique vers lindustrialisation, ces activités soient aujourdhui le fait dentreprises de tailles différentes: microentreprise, petite, moyenne ou grande entreprise. Il est important de tenir compte de la transformation des aliments, et ce pour trois raisons principales.
En premier lieu, comme nous lavons déjà vu, compte tenu des pertes après-récolte dans les pays pauvres manquant dune infrastructure de transport adéquate, il convient dadopter des technologies postrécolte simples de manière à éviter la détérioration des aliments.
En deuxième lieu, le traitement des aliments doit être considéré comme un aspect central de lapprovisionnement alimentaire des villes asiatiques, en raison du fait que lévolution démographique entraîne une augmentation rapide de la demande de produits alimentaires à valeur ajoutée. Les modes de vie urbains, et notamment lentrée massive des femmes sur le marché du travail, ne laissent que peu de temps pour le traitement et la cuisson des aliments au foyer. Alors que, par le passé, il était dusage que les familles préparent leurs propres conserves, portent les sacs de céréales au moulin et cuisinent la plupart des aliments à domicile, aujourdhui, on tend de plus en plus à acheter des produits prêts à la consommation, qui font gagner du temps et du travail.
En troisième lieu, la demande de produits alimentaires à valeur ajoutée offre de nombreuses perspectives rémunératrices. En effet, les denrées alimentaires se prêtent à la transformation par toute une gamme de microentreprises ou de petites et moyennes entreprises. Les femmes, qui par tradition savent cuisiner et préparer les aliments, sont bien placées pour entreprendre de transformer les aliments dans un but commercial; en Asie du Sud-Est par exemple, elles tendent à prédominer dans ce secteur. Cependant, les microentrepreneurs du domaine alimentaire ont intérêt à suivre une formation dans le domaine de la manutention des aliments et de la gestion des entreprises, afin daméliorer la sécurité sanitaire des aliments tout en augmentant leurs perspectives de gains.
La transformation des aliments comme activité générale saccompagne dun certain nombre dautres préoccupations et difficultés qui se trouvent souvent aggravées lorsquelles surgissent de façon concentrée dans les villes et à leur périphérie.
Tout comme la production et la distribution alimentaires, la transformation des aliments nécessite que lassemblage, lemballage et le transport des denrées soient accomplis de façon adéquate depuis le lieu de fabrication jusquà celui de la consommation. Dans le même ordre didées, il est nécessaire daméliorer laccès des petites entreprises de transformation alimentaire à linformation, au crédit et aux services de commercialisation.
La transformation des produits alimentaires dorigine animale mérite une grande attention, non seulement du fait de laugmentation de la demande, mais aussi en raison du risque de contamination lié à la consommation de viande, de poisson, dufs et de produits laitiers, tous types daliments qui sont particulièrement vulnérables aux bactéries et aux virus. Ainsi, les préoccupations suscitées par lencéphalopathie spongiforme bovine, liées aux modalités dalimentation des animaux, ont débouché sur un problème de sécurité sanitaire de premier plan touchant lindustrie de la viande bovine. Dautres problèmes de santé publique liés à lalimentation animale, tels que la contamination par la dioxine et lutilisation impropre de produits antimicrobiens, ont souligné la nécessité dimposer des contrôles adéquats tout au long de la chaîne de production animale, y compris en ce qui a trait à lalimentation des bêtes. En conséquence, si lon veut répondre au goût de plus en plus prononcé des consommateurs urbains dAsie pour la viande et les produits dorigine animale tout en respectant les règles dhygiène, il convient daccorder lattention nécessaire à tous les aspects de la production et de la transformation des produits dorigine animale, ainsi quaux conditions sanitaires des circuits de distribution.
Lélevage intensif du bétail pose de sérieux problèmes de santé animale, de dégradation de lenvironnement et de santé publique, notamment dans les villes et à leurs périphéries, comme le démontre lépidémie de fièvre aphteuse qui sévit en Europe. À mesure que le revenu augmente, les populations urbaines dAsie consomment davantage de viande, dufs et de produits laitiers et il faut sattendre à ce que les conséquences sen fassent sentir davantage au cours des prochaines années.
Dans de nombreuses villes dAsie, les abattoirs ont souvent un débit insuffisant et sont mal gérés. Leur état de délabrement mérite une attention immédiate, de même que la cruauté inutile des méthodes employées dans nombre dentre eux. De plus, une proportion notable de la viande consommée dans les villes dAsie provient danimaux élevés et abattus dans des microentreprises familiales du secteur informel, qui échappent à toute réglementation (Heinz, 2000).
Comme nous lavons vu, les Asiatiques consomment une grande quantité de poisson, de fruits de mer et de produits connexes. Le poisson et les fruits de mer, très vulnérables à la contamination, présentent des difficultés particulières de traitement dans de bonnes conditions sanitaires. Parallèlement, on trouve en Asie de lEst et du Sud-Est des activités traditionnelles de transformation du poisson et des fruits de mer en vue de la fabrication de produits comestibles tels que la sauce de poisson, la pâte de poisson fermentée, les produits à base de surimi (pâte de poisson) tels que les boulettes de poisson, et les condiments tels que les flocons de poisson. Les industries maison solidement établies pourraient être développées comme moyen dexistence pour les pauvres des villes et de leurs périphéries.
Nous proposons, dans cette section, un aperçu des questions liées à la distribution alimentaire dans les villes dAsie. Lexpression «distribution alimentaire dans les villes» couvre ici les questions liées au transport intra-urbain, aux marchés de gros et de détail, ainsi quun ensemble dautres activités de distribution au détail dans les zones urbaines, telles que les débits de produits alimentaires de différentes tailles et catégories, les supermarchés et les services de restauration allant du petit vendeur de rue au restaurant classique.
4.3.5.1 Le transport intra-urbain
Afin que les produits alimentaires puissent passer du circuit de gros à celui des débits de détail, il faut que les autorités municipales et locales reconnaissent quil importe de disposer dun système de transport intra-urbain bien conçu et en bon état de fonctionnement. Pour améliorer la qualité du transport intraurbain, il faut réduire les embarras de circulation, notamment autour des marchés et fournir de bonnes installations dentreposage et de manutention, notamment pour les denrées périssables telles que la viande, le poisson, les produits laitiers et les ufs. Si lattention nécessaire nest pas accordée au transport intra-urbain, on verra apparaître une myriade de problèmes tels que:
Le chaos dans les marchés et les abattoirs;
une congestion croissante des marchés et de la circulation;
la détérioration des conditions pour les consommateurs pauvres, du fait du coût élevé de la nourriture et de léloignement des marchés;
la prolifération des activités «informelles»;
un niveau plus élevé de contamination et de pollution des denrées alimentaires.
Étant donné que de nombreuses villes dAsie souffrent déjà des difficultés évoquées plus haut, il est encore plus urgent daméliorer le transport intra-urbain.
4.3.5.2 Marchés dalimentation en gros et au détail
Les préoccupations urgentes touchant aux marchés de gros et de détail tiennent à leur emplacement, à leur configuration, à leur entretien et à leur gestion. Les marchés de gros continuent de jouer un rôle central dans les SADA dAsie, du fait, principalement, de la préférence que manifestent les Asiatiques pour lachat de nourriture dans de petits marchés de proximité plutôt que dans les supermarchés. Cette situation na plus cours dans de nombreux pays occidentaux, où lon voit prédominer «des systèmes à intégration verticale de distribution de la nourriture, depuis la ferme jusquau supermarché», à lexception de lEurope du Sud où lon peut encore trouver des marchés traditionnels de gros et de détail.
Sur les quatre marchés de gros que lon trouve à Hanoï, seul le marché Long Bien a été planifié, tandis que ceux de Cau Giay, Bac Qua, Nga Tu So et Trung Hien se sont développés spontanément, opérant tôt le matin sans véritables installations ou gestion du marché. Ils sont aujourdhui situés au centre-ville, si bien que les camions doivent traverser des embouteillages devenus la règle plutôt que lexception, et il ny a pas suffisamment de stationnement. Les marchés et les entrepôts sont déficients et mal entretenus, malgré le droit de séjour versé par les commerçants. En conséquence, les denrées subissent des pertes et des dégâts et leur qualité se détériore, notamment pour les produits frais. De ce fait, les prix à la consommation sont plus élevés que nécessaire (Quang et Argenti 1999, p. 1).
Lexemple de Hanoï que nous avons cité met en relief la myriade de difficultés suscitées par le développement des marchés de gros dans les villes dAsie. Il souligne la nécessité dune planification avancée, dune bonne gestion et de lexistence de services aux vendeurs de marchés, comme les entrepôts et les appontements. Rappelons que les conflits de territoire suscités par lespace entourant les marchés publics et laugmentation du prix des aliments sont, lhistoire la démontré, source de violence dans les villes.
Lévolution des marchés de gros dans les villes dAsie, ainsi que le besoin auquel ils sont censés répondre laissent en suspens toute une série de questions, parmi lesquelles la détermination du type et de léchelle des marchés requis, les facteurs techniques, financiers et institutionnels entrant en jeu et, notamment dans le cas de la viande et du poisson, les préoccupations dordre sanitaire (voir Tracey-White, 1991, 1997 et 1999).
Les marchés de détail sont spécialisés dans la vente de denrées brutes telles que les fruits et légumes frais, la viande, le poisson, les ufs et les produits laitiers. Toutefois, les marchés alimentaires de détail des villes dAsie présentent plusieurs déficiences, qui sappliquent pour la plupart aux marchés de gros:
les problèmes demplacement: les marchés alimentaires sont souvent mal situés, ce qui oblige les citadins à faible revenu à subir la fatigue et les frais de longs parcours pour aller faire leurs courses au jour le jour, en achetant de petites quantités pour limiter les dépenses;
les problèmes de configuration: il arrive que les étals installés sur la chaussée ou les foires hebdomadaires soient pris dassaut, tandis que les marchés locaux, construits par les municipalités, restent sous-utilisés ou sont tout simplement abandonnés, ce qui démontre limportance dune bonne conception pour attirer et retenir les acheteurs;
la congestion: les marchés se trouvent généralement dans des secteurs de trafic intense; cette situation est source dantagonisme entre les véhicules et les piétons, mais aussi de difficultés liées à la pollution atmosphérique. De nombreux marchés de construction ancienne se trouvent aujourdhui situés dans des zones urbaines à forte densité, ce qui ajoute à la congestion. Les marchés non planifiés, résultat de linsuffisance numérique des marchés formalisés, sont très répandus et entraînent des conflits axés sur lutilisation des terres ou la congestion du trafic;
lhygiène: des améliorations devront être apportées afin de donner aux vendeurs de marché et à leurs clients laccès nécessaire à leau potable et aux toilettes, et à leur dispenser une formation en matière 30 Nourrir les villes dAsie dhygiène personnelle, de manipulation des aliments et délimination des déchets;
la gestion des déchets: les marchés sont à lorigine dun volume considérable de déchets organiques et demballage, susceptibles dêtre recyclés ou transformés en compost. Les autres déchets liquides et solides nécessitent des circuits appropriés délimination.
Lamélioration des marchés alimentaires est essentielle à la vente, dans de bonnes conditions dhygiène, de la viande et des autres produits dorigine animale. Lapparition de nouveaux points de vente au détail de produits alimentaires dans les villes dAsie entraîne dores et déjà une évolution du système de distribution alimentaire des produits dorigine animale.
Encadré 4.4: Lélaboration dune politique dADA à Amman (Jordanie) Les autorités locales dAmman ne se préoccupent guère de la sécurité des aliments consommés en milieu urbain. De manière générale, elles perçoivent mal limportance et lincidence des SADA sur le développement socioéconomique de la ville et de son contexte, doù la carence de données concernant un système alimentaire. En conséquence, les interventions visant à améliorer les SADA urbains devront être axées sur les autorités municipales et leur conférer le rôle de chef de file dans la coordination dun processus délaboration des politiques impliquant de nombreuses parties prenantes. Il est urgent dadopter des programmes spécifiques pour les micro-entreprises et les petites entreprises du secteur alimentaire. En effet, plus de 17 000 micro-entreprises et petites entreprises opérant dans le secteur alimentaire ont été dénombrées à Amman. Ces activités économiques jouent un rôle important pour lapprovisionnement alimentaire de la ville et constituent une source de revenus pour les familles qui possèdent ou exploitent les entreprises. Cependant, le contexte juridique et financier tend à entraver plutôt quà promouvoir la création de telles entreprises. Labsence de programmes de formation et la faible influence dont peut se réclamer le secteur alimentaire expliquent que ces besoins ne soient pas pris en compte par les autorités locales. Il est par conséquent jugé nécessaire de créer une «unité centrale pour le développement des microentreprises et petites entreprises du secteur alimentaire» dans la région de lagglomération dAmman (Awamleh, 2000; Sunna, 2000). |
Le système traditionnel de commercialisation de viande et de lait non réfrigérés dans le laps de temps dà peine quelques heures qui sécoule entre la production et la consommation est voué à tomber en désuétude dans de nombreux endroits. Ce phénomène tient à lallongement des circuits de distribution depuis les abattoirs/ateliers de transformation jusquaux consommateurs, et à la mise en place de nouvelles modalités de vente des produits alimentaires par le biais de supermarchés, de débits de restauration rapide, etc. (Heinz, 2000, p. 4).
4.3.5.3 Les autres points de vente au détail des produits alimentaires
Cest dans les différents points de vente au détail des produits alimentaires que les consommateurs urbains ont le contact le plus direct avec les SADA. Ils peuvent y acheter de la nourriture sous une forme relativement «brute» (transformée ou semi-transformée) ou «prête à manger». Ces débits peuvent être des marchés publics et privés de taille variable, comme nous lavons vu plus haut, des supermarchés de style occidental, des marchés alimentaires itinérants, des boutiques, des vendeurs de rue et des établissements plus importants de type «service-restauration» comme les restaurants.
La vente au détail de produits préparés se fait, dans les villes dAsie, par le truchement dun éventail détablissements qui vont de létal itinérant et autres types de vente dans la rue à des établissements plus formalisés tels que les cantines, les cafétérias et les restaurants.
Selon la définition de la FAO, les aliments vendus dans la rue sont «des produits alimentaires et des boissons prêts à manger préparés et/ou vendus par des vendeurs ou des marchands itinérants plus particulièrement dans la rue et dautres espaces publics analogues» (FAO, 1997). La nourriture vendue dans la rue joue un rôle important dans la satisfaction des besoins alimentaires des consommateurs pauvres comme de ceux de la classe moyenne tels que les mères travaillant à lextérieur, les jeunes et les étudiants (Tinker, 1997). Leur prix peu élevé et le bon rapport «produitprix », associés aux facteurs culturels, stimulent la demande pour ce type dalimentation.
La vente de nourriture dans la rue est un moyen dexistence pour les pauvres des villes et, dans certaines régions dAsie, notamment en Asie du Sud-Est, les femmes occupent une position prépondérante dans ce secteur. À léchelle mondiale, la préparation et la vente de nourriture dans la rue est une entreprise familiale et une source de revenu particulièrement précieuse en période de crise économique, lorsquil est difficile de trouver dautres emplois.
La sécurité sanitaire des aliments, de même que la valeur nutritionnelle de la nourriture vendue dans la rue, sont souvent mises en cause à léchelle collective. En effet, bien que les aliments cuisinés et vendus immédiatement soient relativement salubres, on trouve souvent un taux élevé de coliformes dans les aliments qui restent exposés pendant de longues périodes, notamment lorsque le climat est chaud et humide. Il faut par conséquent améliorer la qualité de la nourriture vendue dans la rue. En outre, «les mauvaises conditions dhygiène, la pollution et les difficultés de circulation des piétons comme des véhicules sont souvent citées comme aspects négatifs de la vente de nourriture dans la rue» (Clarke, 2000: p. 1).
Dans certaines villes dAsie comme Singapour, les vendeurs itinérants de produits cuisinés ont souvent été relogés dans des centres de restauration, les «hawker centres», et ce processus pourrait être envisagé pour dautres villes dAsie. Il est indéniable que, dans lensemble de la région, il conviendra dadopter des politiques municipales progressistes et dynamiques reconnaissant limportance du secteur alimentaire «informel» et la nécessité de lappuyer. Ces politiques ne devront pas négliger les microentreprises de distribution alimentaire moins visibles, telles que les microtraiteurs.
Les établissement de «service-restauration» plus importants ne sont pas à labri des risques de contamination alimentaire liés à la vente dans la rue, et génèrent eux aussi des déchets liquides et solides. Le nombre croissant de cantines «formalisées», de cafétérias et de restaurants où un nombre croissant de citadins asiatiques viennent acheter leur repas doit être considéré comme faisant partie du circuit de distribution alimentaire des villes. Il faut enfin noter que les supermarchés ainsi que les magasins de proximité sont de plus en plus nombreux à vendre des produits alimentaires «prêts à manger». Cette tendance souligne la nécessité de ne pas sarrêter à la nourriture vendue dans la rue lorsquon passe en revue lhygiène alimentaire, et met également en relief la concurrence de plus en plus aiguë exercée dans ce domaine par les autres secteurs.
Tous les secteurs du SADA, y compris les ménages, contribuent à générer des volumes énormes de déchets. Nous consacrons la section suivante aux modalités de gestion durable de ces déchets.
La gestion des déchets provenant du système alimentaire urbain, et notamment des marchés et des abattoirs, est lun des principaux problèmes que doivent affronter les responsables municipaux. Les déchets provenant des abattoirs sont à lorigine dune foule de problèmes dhygiène, de santé et denvironnement, et doivent par conséquent être éliminés dans le respect des normes sanitaires. «Les volumes croissants de déchets provenant des usines et ateliers de transformation, des marchés et des abattoirs, ainsi que lélimination des emballages de plastique et la combustion des déchets aggravent les risques pour la santé ainsi que la pollution de leau, du sol et de latmosphère» (Argenti, 2000: p. 4). Ces problèmes sont encore aggravés par le fait que les villes manquent des espaces nécessaires aux décharges destinées aux déchets solides[8].
Nous présentons, dans cette section, trois types de déchets alimentaires qui se prêtent à une amélioration des pratiques actuelles en matière délimination dans les villes dAsie, à savoir: les déchets provenant des abattoirs et des marchés alimentaires, la transformation en compost organique des déchets provenant des cuisines ménagères, et lutilisation des eaux usées pour laquaculture périurbaine.
La question des déchets provenant des abattoirs constitue un problème délicat de gestion, de technologie et dinformation, avec des répercussions sérieuses pour la santé et pour lhygiène. En effet, laugmentation de la consommation de viande et de volaille engendre une quantité croissante de déchets provenant des abattoirs dans la plupart des villes dAsie. Cest pourquoi il convient dacquérir la technologie appropriée afin de transformer ce type de déchets extrêmement instables, et de communiquer aux employés concernés les connaissances permettant une utilisation correcte de cette technologie. A nen pas douter, la gestion de ce type particulier de Aperçu technique: le défi de lapprovisionnement alimentaire des villes dAsie déchets alimentaires soulève un problème environnemental et de santé publique[9].
Les déchets organiques provenant des marchés alimentaires tels que les déchets de fruits et légumes doivent être considérés comme une ressource non négligeable, en raison de la facilité avec laquelle ils peuvent être compostés lorsquils sont adéquatement manutentionnés avant de quitter le marché. Pour une bonne manutention, il faut avant tout veiller à séparer à la source les déchets organiques des déchets non organiques.
Dans les régions marécageuses situées à la périphérie de Calcutta et de Dhaka, laquaculture irriguée au moyen des eaux dégout constitue une pratique traditionnelle et respectueuse de lenvironnement, qui permet dobtenir la majeure partie du poisson consommé par des millions de citadins. Cette pratique a également cours au Viet Nam. La pratique de laquaculture au moyen deaux usées constitue une réponse partielle à la question posée par les importants volumes deaux usées provenant des mégapoles dAsie.
Deux considérations prévalent lorsquon se penche sur les problèmes évoqués plus haut: en premier lieu, le rôle des autorités locales dans la planification et le fonctionnement des marchés de gros et de détail; deuxièmement, la promotion des investissements privés dans les activités et les installations dADA, y compris les marchés.
Il va sans dire que si lon ne prend pas des mesures concrètes pour y faire face, les problèmes et les contraintes présentés dans les sections précédentes de cet aperçu technique seront aggravés par lurbanisation. Les AML sont en mesure de jouer un rôle central face aux défis qui ont été évoqués dans les sections précédentes, et ce rôle leur incombe. Il consiste, dans la perspective dun meilleur ADA, à esquisser en la matière une politique qui peut se définir comme suit:
«... un ensemble de buts, dobjectifs, de stratégies et de programmes couvrant les secteurs aux niveaux régional, métropolitain, urbain et local. Cet ensemble sinscrit dans un cadre temporel précis et sa formulation est élaborée en collaboration étroite avec toutes les parties intéressées. Il guide les autorités municipales et locales dans lutilisation des ressources relevant de leur ressort ou provenant des investissements privés, afin daméliorer laccès des ménages urbains à des approvisionnements stables en nourriture de bonne qualité, grâce à des systèmes dapprovisionnement et de distribution alimentaires efficaces, respectueux de lhygiène, des normes sanitaires et de lenvironnement» (Argenti, 2000: p. 12).
Plusieurs raisons militent en faveur de ladoption de politiques appropriées par les AML en matière dADA. En premier lieu, les politiques nationales, lorsquelles existent, négligent souvent de prendre en compte les conditions et les besoins locaux. De manière générale, les questions liées à lalimentation sont perçues comme relevant des gouvernements centraux plutôt que des autorités locales; de ce fait, les politiques présentent souvent un caractère général et risquent de ne pas entrer suffisamment dans le détail pour sappliquer avec pertinence et efficacité à des villes données. En deuxième lieu, les AML sont en contact étroit avec la communauté locale et gèrent dores et déjà de nombreuses institutions clés du SADA telles que les marchés et les abattoirs, mais aussi les mécanismes réglementaires du secteur de lalimentation tels que les services dinspection. Par ailleurs, les AML sont responsables de linfrastructure et des institutions indirectement liées au SADA telles que le transport intra-urbain, et il leur incombe par conséquent de planifier et de gérer leurs villes en gardant à lesprit les besoins présents et futurs du SADA.
Enfin, étant donné que la tendance est au transfert du pouvoir décisionnel du niveau national au niveau local pour de nombreuses questions relevant de la planification économique, lélaboration dune politique solide au plan technique et concrètement réalisable en matière dADA permettra aux AML dentreprendre des partenariats dynamiques avec toute une gamme dacteurs au niveau local. Ces acteurs comprennent des entreprises du secteur privé - dont le secteur dit «informel» - dautres organismes gouvernementaux à différents niveaux et, enfin, la société civile.
Avant dentreprendre lélaboration dune politique en matière dADA, il convient que les AML dAsie aient une perception exacte de leur participation aux SADA. Elles peuvent, à ce titre, jouer cinq rôles principaux (Argenti, 2000, p. 7-11):
promouvoir des attitudes et des politiques appuyant lexistence des différents fournisseurs et distributeurs de produits alimentaires dans leurs villes;
stimuler les investissements privés dans le secteur alimentaire;
intervenir dans le secteur ADA par des activités de planification et de collecte et diffusion de linformation, mais aussi en mettant en place les infrastructures, les installations, les services et les règlements appropriés;
coordonner les différents acteurs du SADA;
faire office dintermédiaire entre le gouvernement central et le secteur privé de lalimentation.
Pour que le SADA fonctionne avec fluidité, il doit sappuyer sur une planification appropriée et coordonnée aux niveaux municipal, métropolitain et régional. Il importe, par conséquent, de sensibiliser de façon prioritaire les planificateurs et les gestionnaires municipaux, urbains et régionaux à limportance des SADA et à la nature des circuits dapprovisionnement alimentaire de leurs localités.
«... les planificateurs doivent, entre autres tâches prioritaires, comprendre les mécanismes de fonctionnement des SADA en ce qui a trait à la production, au transport et à la distribution, de même quà linfrastructure et aux services nécessaires et aux solutions techniques et financières les plus appropriées. En outre, les gestionnaires de lagglomération urbaine doivent identifier les solutions présentant le meilleur potentiel de mobilisation des ressources disponibles à léchelon local, tout en définissant des normes et des critères conformes aux capacités du secteur public comme du secteur privé» (Balbo, 2000, p. 1).
Parallèlement, il faudra veiller à inculquer aux maires ainsi quaux responsables et aux planificateurs municipaux, une attitude positive à légard du secteur alimentaire.
Les démarches adoptées pour lélaboration et la mise en uvre dune politique urbaine en matière dADA doivent être basées sur la consultation, la participation, louverture desprit, la recherche dalliances et la solidité des paramètres techniques (Argenti, 2000: p. 18). Mais dautres principes sappliquent, tels que veiller à promouvoir la concurrence, résister aux «modes passagères»[10] et laisser le secteur privé gérer les activités correspondant au travail des entreprises.
Il convient toutefois de combler plusieurs lacunes techniques avant que les AML ne puissent concevoir et mettre en uvre avec succès une politique dADA. Ces lacunes tiennent au manque dinformations critiques et de savoir-faire technique nécessaires à un rôle significatif. Nombre de ces lacunes peuvent être comblées par le biais de la formation et de collaborations bien conçues avec dautres villes (voir la section suivante).
Lun des principaux obstacles à lélaboration de politiques dADA par les AML tient au rôle croissant que jouent ces dernières dans tous les domaines du développement local face à lamenuisement des ressources, financières en particulier. Cest pourquoi toutes les recommandations que lon trouvera dans ce rapport partent de lhypothèse que lon dispose en suffisance de ressources monétaires, humaines et institutionnelles pour élaborer et mettre en uvre les politiques dADA et en suivre lapplication.
Les AML doivent être linstitution chef de file dans la formulation des politiques dADA en milieu urbain. Leur rôle doit consister à coordonner plutôt quà obliger les autres parties relevant des différents niveaux des pouvoirs publics, du secteur privé - y compris les entreprises «informelles» et les organisations de la société civile - dans la formulation dune politique dADA et des buts, des objectifs et des stratégies associés. Lexemple que nous donnons ci-après, de formulation dune politique dADA à Amman, en Jordanie, souligne la nécessité de placer les AML à la tête du peloton des institutions concernées.
Une fois que toutes les parties intéressées se seront entendues sur les objectifs généraux, les buts concrets et les stratégies spécifiques, les AML devront prendre la direction des opérations en ce qui a trait à la conception des programmes dADA ayant une incidence sur les juridictions municipale, métropolitaine et régionale. Ces programmes, qui doivent porter sur le ravitaillement et la distribution des aliments ainsi que sur les préoccupations connexes dordre sanitaire et environnemental, se composent de sous-programmes distincts. Chaque sous-programme devra, à son tour, contenir des plans daction spécifiques assortis de résultats clairement identifiables pouvant être mesurés immédiatement, à court, à moyen et à long termes.
Pour être efficace, une politique dADA doit: 1) répondre de façon efficace et équitable à lévolution prévue des volumes et des sources dapprovisionnement alimentaire nécessaires; 2) sadapter à lévolution des goûts des consommateurs; 3) mettre à la disposition de tous les habitants de la ville une alimentation de bonne qualité à des prix accessibles; 4) atténuer et, si possible, éliminer les problèmes sanitaires liés à lalimentation. Ces quatre domaines doivent constituer des priorités pour les AML.
Les objectifs dune politique globale dADA en milieu urbain sont triples: économiques tout dabord, afin daméliorer lefficience et dabaisser les coûts; sociaux ensuite, afin de renforcer léquité et la sécurité alimentaire; sanitaires et écologiques enfin, pour faire reculer les maladies transmises par les produits alimentaires ainsi que la détérioration de lenvironnement liée aux systèmes alimentaires urbains. On pourrait fixer comme objectif une meilleure localisation des marchés publics dalimentation dans les villes.
Par objectifs des politiques, on entend les mesures concrètes qui doivent être adoptées pour atteindre les objectifs des politiques. En règle générale, les objectifs concernent le court terme et intéressent plusieurs unités opérationnelles. Pour être efficaces, les objectifs doivent être accessibles, réalisables, crédibles, techniquement fondés, conformes aux priorités du gouvernement central et acceptables au plan social comme au plan politique. Citons, comme exemple dobjectifs de politiques se rapportant au but susmentionné de garantir une meilleure localisation des marchés publics, la mise en vigueur de règlements concernant lutilisation des terres dans la ville concernée afin de favoriser la relocalisation des marchés publics au cours des trois prochaines années.
Les stratégies de politique mettent en lumière les modalités permettant datteindre des objectifs clairement définis. Pour prolonger lexemple ci-dessus, une stratégie pertinente en la matière pourrait consister à consulter et à impliquer les parties intéressées susceptibles de sopposer à ce changement. Une telle initiative garantirait que leurs besoins sont pris en compte et que leurs points de vue sont incorporés au processus damendement du plan dutilisation des terres.
Il convient en outre que les buts, les objectifs et les stratégies connexes dune politique dADA proposés par une CLA viennent compléter les politiques qui sy rapportent, notamment en matière de santé et de développement économique. On veillera en outre à prévoir les éventuels conflits entre politiques et programmes afin den atténuer limpact négatif.
Le succès dune politique dADA se mesure par la présence des éléments suivants:
un approvisionnement stable en denrées alimentaires à prix contenu, notamment à lintention des citadins à faible revenu, grâce à des systèmes de distribution efficaces englobant les marchés informels et les vendeurs de rue;
lobtention dune meilleure équité grâce à des prix peu élevés pour les denrées alimentaires, facteur qui atténue les perturbations sociales, stabilise les approvisionnements et les prix et élargit les perspectives demploi et de gains dans le secteur alimentaire;
réduction des problèmes sanitaires liés à lalimentation et réduction des nuisances générées par les activités dADA sur lenvironnement, tels que les embouteillages, la pollution atmosphérique et le bruit dans les secteurs avoisinant les marchés dalimentation (Balbo, 2000: p. 1).
Il importe de disposer de ce genre de critères afin de pouvoir jauger limpact dune politique dADA dans une région urbaine donnée.
La coopération technique entre les AML dans le domaine des SADA est relativement récente. Cependant, ce secteur pionnier offre un énorme potentiel de partage dexpériences, de bonnes pratiques, dinformations et de savoir-faire technique entre les villes du monde en développement (coopération Sud - Sud), de même quentre les villes dAsie et celles dEurope occidentale ou dAmérique du Nord (coopération Nord - Sud). Le fait quil existe déjà des réseaux internationaux bien établis dautorités locales tels que CityNet ou lUnion internationale des autorités locales, facilite la coopération technique entre les AML en matière dADA. Les technologies de linformation et de la communication ouvrent la porte à un échange rapide et efficace dexpériences et dinformations, notamment par le biais de bases de données virtuelles ou de mise en réseau englobant les ressources servant à linformation.
Un certain nombre de mesures préliminaires doivent être adoptées afin de garantir une coopération technique fluide entre les AML. Pour que règnent la coopération et la concorde, tous les acteurs impliqués doivent:
sengager pleinement;
se donner une mission et des objectifs clairs et accessibles;
identifier le type daccord de partenariat;
élaborer un échéancier prospectif pour les résultats à obtenir;
se procurer les ressources nécessaires;
formuler des attentes claires, et fournir les effectifs et la formation requis.
Les AML peuvent coopérer selon une orientation Nord-Sud ou Sud-Sud afin déchanger et délaborer ces informations, de renforcer la sensibilisation à limportance des questions de SADA et de mettre au point des ensembles de formation ciblant des domaines techniques tels que la gestion des terres urbaines et périurbaines, le fonctionnement des marchés de gros et le développement des entreprises du secteur alimentaire. CityNet et le Programme «Urbs pour lAsie» de lUnion européenne ont déjà pris des initiatives pour encourager la coopération technique entre les AML dans le secteur de lADA. Les ateliers du Séminaire ont énuméré plusieurs domaines dans lesquels les AML dAsie pourraient profiter dune coopération technique:
renforcer la prise de conscience à légard de lADA par des campagnes dinformation et de sensibilisation;
renforcer la capacité du personnel technique des AML en matière délaboration et de mise en uvre de politiques et de programmes techniquement valables dADA en milieu urbain;
élargir léventail de qualifications et la panoplie doutils favorisant lADA en dispensant une formation spécifique aux planificateurs et aux gestionnaires urbains.
Les AML peuvent favoriser leur coopération réciproque en collaborant avec les réseaux existants au niveau régional, tels que CityNet et les organisations internationales présentant un savoir-faire en matière dADA, comme la FAO. Citons, entre autres exemples de matériels et dactivités pouvant être produits pour faciliter des échanges de données, ainsi que la formation:
une documentation technique rédigée dans les langues locales, sous forme dopuscules, de guides et de brochures;
des CD-ROM contenant des informations multimédias sur des thèmes comme «les bonnes pratiques dADA dans les villes»;
des enregistrements vidéo destinés à sensibiliser les autorités locales à limportance dADA dans les villes;
des cours de formation, des bourses détude et de recherche, des voyages détude et des ateliers/séminaires visant à former les représentants des AML et à renforcer les réseaux régionaux du secteur.
Léventail des problèmes liés à lADA en milieu urbain que nous évoquons dans cet aperçu technique met en relief un certain nombre de difficultés auxquelles sont confrontées les villes dAsie, difficultés qui ne manqueront pas de sexacerber au cours des dix prochaines années si lon nintervient pas avec détermination. Cependant, ces problèmes qui concernent tant le présent que lavenir des SADA ne manquent pas doffrir des perspectives pour une coopération technique créative Nord - Sud et Sud - Sud englobant la participation des AML, des organismes internationaux et de la myriade dautres parties prenantes des diverses activités qui entourent lapprovisionnement alimentaire des villes dAsie en croissance constante.
Bibliographie
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[4] Des instruments financiers
doivent être établis afin de soutenir le gouvernement local dans
son rôle et ses responsabilités en ce qui concerne le
développement des SADA. [5] Par suite de labsence dune tradition pastorale, une bonne partie de la population dAsie de lEst et du Sud-Est présente une intolérance au lactose. Malgré cela, les grandes multinationales agroalimentaires sont nombreuses à commercialiser de façon très intensive leurs produits laitiers dans les villes des deux régions. [6] En Asie, les villes de Bangalore, Bangkok et Cebu illustrent les difficultés dapprovisionnement des populations citadines en eau. Pour plus dinformations concernant le réchauffement de la planète et la sécurité alimentaire, voir les travaux du Groupe de travail intergouvernemental sur les changements climatiques. [7] La mise en conserve est une activité de transformation commune qui sexécute au domicile mais nécessite une formation sérieuse avant de pouvoir être entreprise à léchelle commerciale. [8] Les décharges sont souvent considérées, aujourdhui, comme un mode inefficace et dépassé de gestion des déchets solides. [9] Pour de plus amples explications concernant les problèmes causés par le compostage des déchets dabbatoirs, voir Sawant (1997: p. 18-19). [10] Lorsquil parle de «mode», Argenti se réfère à des évolutions qui encouragent des objectifs tels que la «modernisation» ou la préservation de la tradition, tout en perdant de vue lobjectif principal qui consiste à atténuer la pauvreté en renforçant les possibilités dactivités rémunérées et en abaissant le coût de la vie. |