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Effets potentiels du développement de la pêche associée aux DCP ancrés dans les Petites Antilles sur les ressources de grands poissons pélagiques

L. Reynal et M. Doray
Ifremer, délégation des Antilles
Laboratoire de Recherche Halieutique
Pointe Fort, 97231, Le Robert
Martinique (F.W.I.)
[email protected]
[email protected]

Dans la région caraïbe, le développement de la pêche des grands poissons pélagiques, grâce aux DCP ancrés, a souvent eu pour objectif de préserver les ressources côtières. Limitées à des plateaux insulaires relativement étroits, celles-ci sont sollicitées par un marché en forte croissance et très demandeur de produits de la mer. Au début du développement des DCP, les ressources ciblées paraissaient a priori peu sensibles à une exploitation par les pays insulaires des petites Antilles. En effet, les prises y sont généralement limitées par les petits marchés intérieurs et par les unités artisanales de faible capacité qui composent la flottille de pêche. Aujourd’hui, les informations acquises sur les différentes pêcheries associées aux DCP ancrés permettent de mieux appréhender les effets potentiels de cette nouvelle activité sur les ressources sur lesquelles elle se développe. Afin de s’engager sur la voie du développement durable, une synthèse sur les niveaux d’exploitation de ces ressources est proposée ici. Cette synthèse doit permettre de mettre en évidence les espèces menacées de surexploitation ou dont la gestion est à organiser.

Effets potentiels du développement de la pêche associée aux DCP ancrés

Les données disponibles sur les prises de la pêche associée aux DCP ancrés sont encore relativement rares. De plus cette pêche est en cours de développement et de ce fait la composition spécifique des captures ainsi que la proportion de chaque espèce dans les débarquements évoluent. Il est cependant indispensable de recueillir les informations permettant de prévenir les évolutions indésirables que pourraient engendrer le développement de cette nouvelle pêche. En particulier, il est nécessaire d’identifier les espèces sur lesquelles les prises ont ou vont augmenter ou sur lesquelles des captures de jeunes individus s’opèrent. L’évaluation des rejets est également à prendre en compte afin de noter les éventuels gaspillages générés par le développement de la pêche associée aux DCP ancrés.

Les prises de la pêche associée aux DCP ancrés ont pu être décrites à partir d’un suivi détaillé des débarquements réalisé en Martinique et en Guadeloupe. Il ne s’agit pratiquement que de grands poissons pélagiques. Dans ces deux îles, la production par sortie a augmenté au cours des premières années ainsi que le poids moyen des prises. Ces augmentations sont dues au ébarquement croissant de thons jaunes (Thunnus albacares) de plus de 14 kg et à la prise de marlins bleus (Makaira nigricans) en nombre plus élevé[19]. La comparaison des prises par sortie effectuées ces dernières années autour des DCP ancrés avec celles des autres types de pêche des grands poissons pélagiques, révèle une composition spécifique différente. De 75 à 85 % des prises des trois types de pêche pratiquée actuellement se font sur deux ou trois espèces. Sur les hauts-fonds, se sont Sphyraena baraccuda (33 % du poids débarqué), Thunnus atlanticus et Scomberomorus cavala qui constituent l’essentiel des débarquements. A la traîne au large, Coryphaena hippurus domine largement dans les captures (plus de 50 % du poids) avec Acanthocybium solandri. Quant à la pêche associée aux DCP ancrés elle réalise 85 % de ses captures avec Makaira nigricans, Thunnus albacares et Thunnus atlanticus (tableau. 1).

Les prises de marlin bleu (M. nigricans) sont importantes en tonnage et ne se font qu’autour des DCP. Par conséquent, le développement de la pêche associée aux DCP ancrés va ainsi favoriser une augmentation des captures de ce poisson. Pour les autres espèces, leur prise évoluera selon la façon dont l’activité se répartira entre les différents types de pêche. Il est possible d’imaginer plusieurs scénarios selon que la pêche associée aux DCP ancrés se développe en plus des autres types de pêche ou qu’elle s’y substitue totalement ou partiellement. Dans ce dernier cas, l’effort de pêche devrait diminuer sur le barracuda (S. barracuda), les thazards (A. solandri et S. cavala) et sur la dorade coryphène (C. hippurus) et augmenter sur les thons noir et jaune (T. albacares et T. atlanticus).

Tableau 1: Composition spécifique pondérale des débarquements (en %) en fonction du type de pêche (données Martinique, mai 1998 à mai 2001).

Espèce

DCP

Traîne au large

Hauts-fonds

Thunnus albacares

26

8

4

Thunnus atlanticus

15

3

26

Katsuwonus pealmis

5

7

4

Makaira nigricans

44

3

2

Xyphidae et Istiophoridae

4

0

0

Coryphaena hippurus

2

52

5

Acanthocybium solandri

1

22

5

Scomberomorus cavalla

0

0

18

Sphyraena barracuda

0

0

33

Autre

1

4

1

L’examen des tailles des captures en fonction des types de pêche des grands poissons pélagiques a été réalisé sur les données de débarquement de la Martinique. A partir de ces mensurations le pourcentage de juvéniles de chaque espèce capturée a pu être calculé.

La comparaison des prises révèle un changement de diagramme d’exploitation avec le développement de la pêche associée aux DCP ancrés[20]. Celui-ci a entraîné une augmentation des prises de juvéniles de plusieurs espèces et en particulier de celles débarquées en nombre élevé comme Thunnus atlanticus (75 %), Katsuwonus pelamis (88 %), Thunnus albacares (93 %) et secondairement Euthynnus alleteratus et Coryphaena hippurus. Sur l’ensemble des prises, la pêche associée aux DCP ancrés capture une proportion plus élevée de juvéniles que la pêche à la traîne au large (respectivement 79 et 45 %). Cette différence est due, entre autres, au fait que les techniques de pêche utilisées autour des DCP, pour la capture de gros poissons, font appel à des appâts vivants constitués par les petits individus pêchés en surface. De ce fait, la proportion des juvéniles ne peut qu’être supérieure à celles des adultes.

Il faut noter qu’aucun rejet de la pêche associées aux DCP ancrés n’a été observé jusqu’ici. Des juvéniles de thonidés capturés près de la surface servent d’appât vivant pour la capture des gros poissons profonds (T. albacares et M. nigricans). Lors de la remontée des lignes profondes ces poissons sont conservés pour la vente, s’ils n’ont pas été consommés ou abîmés par des prédateurs.

La présence d’espèces non exploitées autour des DCP ancrés, constituant un potentiel appréciable pour les pêcheurs, a pu être mise en évidence par des pêches expérimentales réalisées en Martinique et en Guadeloupe. C’est le cas du thon noir (T. atlanticus), dont les prises ne sont pas négligeables, mais restent faibles par rapport aux concentrations observées en plongée sous-marine à des profondeurs supérieures à celles exploitées à la traîne par les pêcheurs. La taille de ces thons noirs observés et capturés lors de pêches expérimentales, est supérieure à celle des individus actuellement pêchés par les professionnels autour des DCP (Taquet et al., 1998 et 2000). Des prises d’espadon en pêche expérimentale ont permis d’identifier cette espèce comme ressource potentielle pour les pêcheurs antillais (Taquet et al., 1998 et Diaz et al., 2002). D’autres espèces, capturées à proximité des DCP, ont un intérêt économique probablement moindre comme le Taractichthys longipinnis (Taquet et al., 1998). Sur toutes ces espèces il reste à mettre au point ou à améliorer les techniques de pêche. Mais il est à prévoir une augmentation de leur exploitation autour des DCP ancrés dans les Petites Antilles.

Des interrogations subsistent sur le potentiel que représente certaines espèces qui ne sont capturées que très rarement par les pêcheurs des Petites Antilles et dont la présence est notée dans la littérature et les prises enregistrées dans les statistiques de pêche régionales. Parmi celles-ci, on peut citer les thons obèse (Thunnus obesus) et germon (Thunnus alalunga) et dans une moindre mesure le thon rouge (Thunnus thynnus).

Jusqu’à 4 200 t de thon germon ont été débarquées en 1973, dans la zone Atlantique Centre Ouest. Les prises de cette espèce sont le fait du Panama, du Venezuela et récemment de Trinidad et Tobago dont les débarquements ont fortement augmenté au cours des années 1990 (FAO, 2000). Cette espèce vit préférentiellement à des profondeurs supérieures à celles exploitées actuellement par les pêcheurs autour des DCP ancrés; c’est ce qui peut expliquer que l’espèce n’apparaisse pas dans leurs prises.

Le thon obèse vit également à des profondeurs supérieures à celles exploitées par les artisans pêcheurs antillais. Plus de 4 000 t de cette espèce ont été capturées certaines années dans l’Atlantique Centre Ouest. Il est exploité dans la zone, essentiellement par le Venezuela, Panama et les Etats Unis (FAO, 2000). Au cours des campagnes réalisées entre 1995 et 1997, cinq thons obèses ont été pêchés entre 270 et 550 m de jour et en surface de nuit (Taquet et al., 1998).

Ces deux dernières espèces ont été considérées par la FAO comme potentiellement exploitable autour des DCP ancrés (Marcille, 1985).

Le thon rouge (T. thynnus) pourrait peut-être également constituer une ressource potentielle à haute valeur ajoutée. Cette espèce est l’objet de prises très variables d’une année sur l’autre. Les captures de l’Atlantique Centre Ouest ont atteint 2 400 t (1967). Elle serait exploitée par Cuba, la République Dominicaine, Sainte Lucie (FAO, 2000).

Evaluation de l’état des stocks

Les stocks de grands poissons pélagiques, concernés par le développement de la pêche associée aux DCP ancrés, couvrent un espace géographique très large qui impose une gestion à une échelle internationale. La Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique (CICTA - en anglais: ICCAT) a été créée à cet effet en 1969. Environ 30 espèces sont directement suivies par cette organisation qui est la seule à pouvoir conduire de tels travaux. La convention pour la conservation des thons de l’Atlantique, signée en 1966, permet à tous les pays membres des Nations Unies d’adhérer à la CICTA. Actuellement, il y a 31 parties contractantes, parmi lesquelles quelques pays des petites Antilles: Trinidad et Tobago, la Barbade et la France pour les Antilles françaises (Guadeloupe et Martinique). Les données statistiques de tous les pays des petites Antilles sont utilisées par la CICTA pour l’évaluation des stocks dont elle a la charge.

Une liste des principales espèces de grands poissons pélagiques actuellement exploitées ou constituant un potentiel pour la pêche associée aux DCP ancrés dans les Antilles a été dressée dans le tableau 2. Parmi les stocks concernés, certains sont évalués par la CICTA, il s’agit de T. albacares, T. alalunga, K. pelamis, T. thynnus, T. obesus, et des poissons à rostre M. nigricans, T. albidus et X. gladius. Une base de données est élaborée sur d’autres espèces qui pour l’instant ne font pas l’objet d’évaluation. Il s’agit des requins ou de ressources dont la CICTA préconise la gestion à un niveau régional ou sub-régional: A. solandri, Scomberomorus spp, A. thazard, E. alletteratus, T. atlanticus. La CICTA ne prend pas en compte la dorade coryphène (Coryphaena hippurus) et les barracudas (Sphyraena sp.).

Parmi les trois principales espèces exploitées autour des DCP, deux ont fait l’objet d’une évaluation récente par la CICTA, il s’agit de T. albacares et M. nigricans. La troisième, T. atlanticus, est une espèce dont l’aire de répartition se limite à la Caraïbe.

L’état des stocks selon les évaluations de la CICTA

Les résultats des évaluations réalisées par la CICTA, sur les espèces retenues ci-dessus, sont résumés dans le tableau 2. Il s’agit d’espèces importantes au plan économique et dont la production est proche sinon dépasse la production maximale équilibrée (PME). Des mesures de gestion de ces ressources ont été établies; elles visent à réguler les prises et l’effort et sont parfois complétées par des tailles minimales de capture.

Le stock Atlantique de Thunnus albacares est relativement important. Sa production maximale équilibrée est estimée à 150 000 tonnes par an. Les prises estimées sont proches de la prise maximale équilibrée (PME). La CICTA, recommande pour cette espèce de ne pas augmenter l’effort de pêche effectif au-delà du niveau observé en 1992, mais surtout de rechercher des moyens efficaces en vue de réduire la mortalité par pêche des petits individus. Pour cela, un poids minimal de capture de 3,2 kg a été fixé. Cette mesure devrait donc être appliquée par les pays des Petites Antilles. Une tolérance de 15 % du nombre des individus débarqués, de poids inférieur à la limite réglementaire a été néanmoins accordée (CICTA, 2001).

Selon les données d’échantillonnage de Martinique, les prises de cette espèce sont constituées d’une proportion élevée d’individus n’ayant pas la taille minimale fixée, tant pour les techniques traditionnelles de traîne autour de bois dérivant ou sur des hauts fonds (100 % d’individus sous taille) que pour la pêche associée aux DCP ancrés (85 %).

La dernière évaluation du stock de Makaira nigricans a mis en évidence la faible importance de cette ressource dont la production maximale équilibrée serait de l’ordre de 2000 à 3000 tonnes par an. Les résultats des études génétiques et de marquage-recapture ont conduit à retenir l’hypothèse d’un stock atlantique unique pour la gestion de cette espèce (CICTA, 2001). L’évaluation faite à partir des données disponibles suggère que le stock se situe à 40 % de la biomasse associée à la production maximale équilibrée (BPME) et que la mortalité par pêche est environ 4 fois supérieure à celle associée à la production maximale équilibrée (FPME). Cependant, des incertitudes subsistent sur cette évaluation. Les données historiques de prises et d’effort doivent être validées et des recherches poursuivies sur la biologie de cette espèce afin de réduire ces incertitudes. Des mesures de réduction des débarquements ont été adoptées; elles s’appliquent aux pêches à la palangre et à la senne (CICTA, 2001).

Les autres espèces évaluées par la CICTA sont peu ou pas exploitées autour des DCP ancrés, dans les eaux des Petites Antilles. Leurs prises pourraient augmenter avec le développement de la pêche associée aux DCP ancrés, c’est la raison pour laquelle il est nécessaire de les prendre en compte dès à présent, afin d’identifier celles qui devraient a priori faire l’objet d’attention particulière.

Le stock de T. alalunga de l’Atlantique nord, est à un niveau de pleine exploitation ou en deçà. Les mesures des gestion en vigueur portent sur la limitation du nombre de bateaux, mais la CICTA fait remarquer que le contingentement des prises pourrait être plus approprié (CICTA, 2001).

Il existe des incertitudes sur l’évaluation du stock de T. thynnus de l’Atlantique ouest, liées notamment à des interrogations sur l’importance du recrutement et sur les échanges entre stocks ouest et est. La réglementation impose une taille limite de 6,4 kg pour l’Atlantique ouest avec une marge de tolérance de 15 % du nombre de poissons ou de 30 kg, avec une marge de tolérance de 8 %. Depuis 1992, le pourcentage de poissons capturés sous taille est inférieur au seuil de tolérance (4,2 % et 2,1 % respectivement en 1998 et 99). Ces mesures sont complétées par une production maximale autorisée (PMA ou TAC) de 2 500 tonnes.

Le stock de T. obesus de l’Atlantique est aussi pleinement exploité. Les juvéniles de cette espèce subissent une mortalité par pêche dont la réduction permettrait d’augmenter la production par recrue. La réglementation impose une taille minimale de capture de 3,2 kg avec une tolérance de 15 %. Cette réglementation est peu suivie par les flottilles équatoriales de surface (canneurs et senneurs) qui continuent à pêcher de grandes quantités de juvéniles (53-55 % entre 1996 et 1999). Une réduction des captures en dessous de la production maximale équilibrée a également été imposée. Depuis juin 2000, une mesure d’interdiction de pêche sous DCP dérivants a été étendue à toutes les flottilles de surface de la zone est tropicale afin d’éviter les prises de juvéniles. Cette dernière mesure ne concerne pas les Petites Antilles où aucune prise de juvénile de cette espèce n’a été observée dans les débarquements des pêches associées aux DCP ancrés.

Le marlin blanc, T. albidus concerne peu la zone atlantique ouest où en moyenne, depuis 20 ans, la production annuelle atteint une centaine de tonnes. L’hypothèse d’un stock Atlantique unique est actuellement retenue. La production actuelle de ce stock serait de 839 tonnes. La dernière évaluation menée en 2000 sur cette espèce suggère que la biomasse du stock estimée à partir des captures actuelles représente moins de 15 % de la biomasse correspondante si l’espèce était exploitée au niveau de la production maximale équilibrée, qu’il y a surpêche depuis plus de trois décennies et que la PME serait de moins de 1300 tonnes. La mortalité par pêche actuelle est estimée à sept fois la mortalité par pêche associée à la prise maximale équilibrée, ou même plus. Compte tenu de cette situation les mesures de gestion en vigueur (réduction de 25 % des débarquements par rapport à 1996) s’avèrent insuffisantes. La CICTA recommande de mettre en place les mesures permettant de réduire le plus possible la mortalité.

Aucune nouvelle évaluation de stock d’espadon X. gladius, n’a pas été faite par la CICTA en 2000. La prise estimée du stock nord Atlantique s’élevait à 11 900 tonnes en 1999. La biomasse au début de la même année était évaluée à 65 % de la biomasse nécessaire pour donner la PME. Le taux de mortalité a été estimé en 1998 à 1,34 fois la FPME. Le déclin de la biomasse d’espadon semble avoir été freiné ou interrompu et le fort recrutement observé ces dernières années (1997 à 1999) devraient permettre des perspectives plus optimistes. Il faudrait cependant pour que la BPME se rétablisse que les classes annuelles récentes ne subissent pas une exploitation intense. Or les débarquements de 1999 ont dépassé de 6 % le total des prises autorisées, et le total des débarquements déclarés et des rejets l’ont dépassé de 11 %.

Tableau 2: Liste des espèces observées autour des DCP ancrés, niveau d’exploitation et mesures de gestion en cours

Species

Evaluation CICTA

PME (tonne)

Production (tonne)

B / BPME

F / FPME

Mesures de gestion

Taille réglementaire

Régulation de l’effort et quota

Dorade (Coryphaena hippurus)

Non (*)







Bécune (Sphyraena barracuda)

Non (*)







Thazard bâtard (Acanthocybium solandri)

Non (*) - (Base de données)







Thazard (Scomberomorus spp)

Non (*) - (Base de données)







Auxis thazard

Non (*) - (Base de données)







Thonine commune (Euthynnus alletteratus)

Non (*) - (Base de données)







Bonite à ventre rayé (atlant. Ouest) (Katsuwonus pelamis)

Oui

Non estimée

26 406 (2000)

Non estimée

Non estimée

Aucune

Aucune

Thon noir (Thunnus atlanticus)

Non (*) - (Base de données)







Albacore (Thunnus albacares)

Oui

144 600 à 152 200

135 200 (2000)

1,03

0,88 à 1,16

Poids < 3,2 kg avec 15 % tolérance

Effort de pêche effectif n’excédant pas le niveau de 1992 Fermeture zone/saison pour la pêche avec DCP

Germon (atlant. nord) (Thunnus alalunga)

Oui

32 600

33 134 (2000)

0,68 (1999)

1,10 (1999)


Limitation du nombre de bateaux

Thon rouge (atlant. ouest) (Thunnus thynnus)

Oui

3500 à 7 700

2395 (2000)

0,36 à 1 (1999)

1,37 à 2,22

Poids <6,4 kg avec 15 % tolérance <115 cm (30 kg) avec 8 % tolérance

TAC 2500 Incluant les rejets morts

Thon obèse (Thunnus obesus)

Oui

79 000 à 94 000

98 608

0,57 à 0,63

1,50 à 1,82 (1998)

Poids < 3,2 kg avec 15 % tolérance

Réduction des captures en dessous de la PME

Marlin bleu (Makaira nigricans)

Oui

2 000 (2 à 3 000)

3 155 (2000)

0,4 (0,25-0,60) (2000)



Réduction 50 % niveau des débarquements 1999 pour palangre et senne

Marlin blanc (Tetrapturus albidus)

Oui

1 300 (900 à 2 000)

839 (2000)

0,15 (2000)

> 7 (1999)


Réduction 33 % niveau des débarquements 1999 pour palangre et senne

Espadon (atlantique nord) (Xiphias gladius)

Oui

13 370

11 914

0,65 (1999)

1,34

< 25 kg /125 cm LJFL avec 15 % tolérance <15 kg / 119 cm sans tolérance

TAC (2002): 10 400 tonnes (incluant: 200 t de rejets morts)

Requins

Non (*) - (Base de données)







(*) Stocks devant être gérés à un niveau régional ou sous régional. Bases de données constituées par la CICTA. PME: Production Maximale Equilibrée, B: Biomasse; F: mortalité par pêche; TAC: Capture Totale Autorisée

Les stocks non évalués par la CICTA

Les espèces se trouvant dans la zone Atlantique Centre Ouest (FAO 31) et dont les stocks ne sont pas évalués par la CICTA sont en général des espèces qui ont un impact économique moindre à l’échelle de l’Atlantique. Elles sont exploitées le plus souvent par des unités artisanales dont les débarquements sont difficiles à échantillonner. Elles ont par contre un intérêt non négligeable pour les pêcheries artisanales des Petites Antilles, (voir le tableau 1 ci-dessus). C’est ainsi que C. hyppurus représenterait plus de 50 % des débarquements de la pêche à la traîne au large et A. solandri plus de 20 %; S. cavalla et S. barracuda représenteraient respectivement 18 et 33 % des débarquements de la traîne côtière à la Martinique. Le bon état de ces stocks est donc important pour les pêcheries côtières des petites îles de la Caraïbe.

Afin de faire le point sur les données statistiques disponibles par pays sur les grands poissons pélagiques non évalués par la CICTA, les débarquements moyens annuels provenant de la zone Atlantique Centre Ouest, enregistrés par la FAO sur la période 1980 à 2000, ont été reportés dans le tableau 3. Ce tableau permet de mettre en évidence l’insuffisance des données statistiques disponibles. Un classement des pays de la zone, du nord au sud, montre une absence de données de la part de certains pays qui ne peut s’expliquer par la zone de répartition géographique des espèces. De même, des fluctuations d’abondances interannuelles très importantes (disparition d’une espèce des captures) montrent que ces données sont perfectibles. Des incertitudes subsistent également sur l’identification de certaines espèces, car leur ressemblance peut entraîner des confusions. Il s’agit essentiellement des thonidés juvéniles comme T. albacare, T. atlanticus ou T. obesus et K. pelamis qui peuvent constituer des bancs plurispécifiques. Les trois espèces Auxis thazard, A. rochei et Sarda sarda semblent également être mal identifiées dans les statistiques où elles sont parfois regroupées. Les différentes espèces de thazards sont parfois mal identifiées. Dans les statistiques de la FAO plus de 6 % des débarquements se retrouvent sous la rubrique Scomberomorus spp (tabl. 3). Les statistiques de pêche des bécunes sont fournies aussi par la FAO sans distinction des espèces.

Le thon noir, T. atlanticus, est l’une des principale espèce cible de la pêche associée aux DCP ancrés. D’après l’échantillonnage des captures réalisé en Martinique, cette espèce représenterait 15 % en poids des débarquements de cette pêche et constitueraient la principale espèce capturée en nombre d’individus avec 56 % des prises. T. atlanticus est également fortement représenté dans les prises de la traîne au large ainsi que de la traîne côtière avec respectivement 8 % et 27 % du nombre d’individus. Les prises de juvéniles de cette espèce sont importantes autour des DCP (75 % du nombre des individus débarqués). La CICTA suggère la prise en compte de la gestion de cette ressource à un niveau sub-régional. L’organisation de celle-ci paraît indispensable, compte tenu du fait que la pêche déjà importante s’intensifiera certainement sur cette ressource. Actuellement plus de 2000 tonnes de cette espèce sont capturées en moyenne par an dans l’Atlantique Centre Ouest. Cette espèce ne concerne, selon les statistiques de la FAO, que les pays de l’est de la Caraïbe: Etats Unis, Antilles, Venezuela et Brésil. Les pays de l’Amérique centrale ne débarqueraient pas cette espèce (tabl. 3).

Le tableau 3 devrait théoriquement permettre d’identifier les pays les plus concernés par chacune des espèces, mais il est à craindre que les différences de fiabilité dans la collecte et la déclaration des données entre les pays ne fausse la réalité. Il en ressort tout de même que certaines espèces sont marginales dans les prises de la partie est de la Caraïbe. C’est le cas de Sarda sarda, dont les débarquements les plus importants concernent les pays continentaux (Etats Unis d’Amérique, Mexique, Venezuela). La présence de cette espèce aux Antilles françaises est peu probable. Des débarquements de S. sarda par des bateaux en provenance en particulier du Venezuela sont par contre possible. Il en est de même de Scomberomorus maculatus qui ne concerne pas les Petites Antilles, ainsi que de S. brasiliensis dont l’aire de répartition couvre essentiellement le continent sud américain mais concerne toutefois Trinidad et Tobago avec plus de 1200 tonnes débarquées en moyenne par an. Les deux espèces Auxis Thazard et A. rochei serait localisées dans le sud des Antilles à partir de Grenade, selon les statistiques enregistrées par la FAO. Cependant, A.thazard a formellement été identifiée dans les captures des pêcheurs martiniquais. Il représente plus de 5 % en nombre des prises sous DCP.

Euthynnus alletteratus ne serait débarqué que dans la partie est de la Caraïbe des Etats Unis au Venezuela, mais pas dans la partie ouest. Des Etats Unis d’Amérique au Venezuela, la moyenne des prises de cette espèce provenant de la zone FAO 31, s’élèverait à 1 100 tonnes par an.

Scomberomorus cavalla intéresse toute la Caraïbe et est recherché par les pêcheurs artisans des Petites Antilles en raison sa valeur commerciale. Les débarquements de cette espèce, enregistrés par la FAO sont localisés essentiellement au Mexique, au Etats Unis d’Amérique et au Venezuela qui cumulent en tout 88 % des prises de l’Atlantique Centre Ouest. Près de 8 000 tonnes de cette espèce sont capturées dans cette zone. Il est probable que les prises de cette espèce sont peu déclarées par les Petites Antilles. Le développement de la pêche associée aux DCP ancrés ne devrait pas augmenter les prises de cette espèce car elle n’est capturée qu’à proximité des hauts fonds.

Les débarquements de Scomberomorus regalis en provenance de la zone FAO 31 ne sont déclarés que par les Antilles (Grandes et Petites). Les prises de cette espèce seraient relativement faibles (500 tonnes par an en moyenne), mais il est à craindre que la proportion importante de pêcheries artisanales des pays concernés soit à l’origine d’une sous déclaration des débarquements.

Les statistiques de débarquements de Acanthocybium solandri ne concernent que la partie est de la région Caraïbe, des Etats Unis d’Amérique au Venezuela. Il est à craindre également pour cette espèce une sous déclaration des prises par les pêcheurs artisans. Au total, 785 tonnes de cette espèce seraient capturées annuellement dans la zone FAO 31. Elle est capturée essentiellement par la pêche traditionnelle de traîne sous bois dérivant et n’est pratiquement jamais rencontrée sous les DCP.

Coryphaena hyppurus est certainement pêchée par tous les pays de la zone FAO 31, même si certains d’entre eux n’apparaissent pas dans les statistiques enregistrées par la FAO. Les prises effectuées dans la zone s’élèveraient à près de 3 000 tonnes en moyenne par an. Les prises de cette espèce sont peut importantes sous DCP. Les pêcheurs guadeloupéens semblent augmenter leur prise de C. hyppurus sous DCP (Diaz et al., 2002b), mais elles ne seront probablement jamais aussi importantes que sous les bois dérivants.

Les deux espèces fortement représentées dans les prises de la pêche traditionnelle de traîne au large: C. hyppurus et A. solandri ont fait l’objet d’un atelier du SAFMC (South Atlantic Fishery Management Council) en 1998. L’existence de deux stocks de C. hyppurus pour l’Atlantique Centre Ouest a été retenue comme hypothèse de travail. Le stock nord serait séparé du stock sud par une ligne passant au sud des îles vierges des Etats Unis. Par contre pour A. solandri, l’hypothèse d’un stock unique a pour l’instant été retenue. En raison des connaissances insuffisantes sur ces deux espèces, les travaux de l’atelier n’ont pas permis de réaliser une véritable évaluation de ces stocks, mais ils constituent une première base de travail et un début d’organisation à encourager.

Les différentes espèces de bécunes (Sphyraena spp) ne sont pas individualisées dans les statistiques de la FAO. Elles concernent toutes la zone Atlantique Centre Ouest. Il serait débarqué en moyenne 1 000 tonnes de ces espèces par an. Il est également probable que les prises soient ici aussi sous estimées en raison des difficultés rencontrées par tous les pays pour évaluer les débarquements des pêches artisanales qui exploitent les bécunes. Le développement de la pêche associée aux DCP ancrés a peu de chance d’entraîner une augmentation des prises de ces espèces.

Conclusions

Le développement de la pêche associée aux DCP ancrés modifie la composition spécifique des débarquements des pêcheries de grands poissons pélagiques des Petites Antilles ainsi que le diagramme d’exploitation de certaines espèces. L’utilisation des petits thonidés capturés en surface comme appât vivant pour la prise des gros poissons en profondeur est à l’origine d’une proportion plus élevée de juvéniles que dans les débarquements des autres types de pêche de grands poissons pélagiques (traîne au large et traîne côtière). La recherche de méthodes de capture sélectives doit être entreprise afin de préserver les juvéniles. Ces recherches devraient également être entreprises pour les pêches traditionnelles dont les débarquements comportent une proportion élevée de poissons immatures. L’espèce la plus concernée par ces prises est T. albacares pour laquelle la proportion de juvéniles capturés dépasse le seuil de tolérance admis par la réglementation. Pour d’autres espèces pour lesquelles il n’existe pas de réglementation sur les tailles, il a été observé également une proportion importante de juvéniles dans les captures des professionnels. C’est en particulier le cas de: T. atlanticus, K. pelamis, et secondairement de E. alleteratus et C. hyppurus.

Les prises de marlin bleu devraient également faire l’objet d’attention particulière, car cette espèce est actuellement la principale observée dans les prises de la pêche associée aux DCP. Or, selon les évaluations réalisées avec des données encore insuffisantes, ce stock serait surexploité.

Certaines espèces pourraient voir leur exploitation se développer autour des DCP, si elles existent en quantité suffisante pour intéresser les professionnels des Petites Antilles. C’est le cas de T. obesus, T. thynnus, T. alalunga et X. gladius qui ne peuvent pas être accessibles aux techniques de pêche actuellement utilisées par les professionnels. Compte tenu de l’état de ces stocks, dans le cas où leur pêche viendrait à se développer autour des DCP ancrés, il sera nécessaire d’assurer un suivi de leur débarquement et de veiller plus particulièrement aux tailles des prises de façon à prévenir l’exploitation de juvéniles. Les captures de T. albidus doivent être évitées, car cette espèce semble fortement surexploitée (on notera qu’elles n’existent pas pour l’instant dans les statistiques enregistrées par la FAO pour les pays des Petites Antilles).

Parmi les espèces déjà exploitées ou pouvant constituer un potentiel pour la pêche associée aux DCP ancrés et qui ne sont pas évaluées par la CICTA, celles qui concernent les Petites Antilles couvrent une zone en fait plus large, allant à l’est de la Caraïbe, des Etats Unis d’Amérique au Venezuela et parfois au Brésil. C’est le cas de T. atlanticus (2000 t enregistrées par an) ou E. alleteratus (1200 t / an) pour lesquelles il est nécessaire d’organiser une gestion internationale des stocks. La dorade C. hyppurus n’intéresse que secondairement la pêche associée aux DCP ancrés et la gestion de cette ressource pourrait être organisée au niveau des Petites Antilles.

Tableau 3: Débarquements moyens annuels (tonne) des grands poissons pélagiques (non-pris en compte par la CICTA) établis à partir des données enregistrées par la FAO pour les années 1980 à 2000. Première partie


Thunnus atlanticus

Sarda sarda

Auxis thazard et rochei

Euthynnus alletteratus

Sphyraena spp.

Coryphaena hippurus

Etats-Unis d'Amérique

57

3%

82

4%



58

5%

14

1%

194

7%

Bermudes

7

0%





8

1%





Mexique



445

21%





294

29%

95

3%

Cuba

232

11%





18

2%





République dominicaine

201

9%







65

7%

145

5%

Porto Rico









19

2%

97

3%

Iles Vierges britanniques.



5

0%







3

0%

Saint-Kitts-et-Nevis











19

1%

Guadeloupe

595

28%

48

2%







527

18%

Dominique

10

0%











Martinique

445

21%

379

18%







323

11%

Sainte-Lucie

13

1%

1

0%



0

0%



365

13%

Barbade











818

28%

Saint-Vincent/Grenadines

9

0%





0

0%





Grenade

123

6%

74

4%

0

0%



21

2%

67

2%

Trinité-et-Tobago



55

3%

149

10%







Antilles néerlandaises

56

3%











Aruba













Venezuela

395

18%

989

48%

1385

90%

1057

93%

585

59%

231

8%

Colombie













Guyana













Panama













Espagne

11

1%



2

0%







France













Taiwan













République de Corée













Japon





1

0%







TOTAL

2154

100%

2078

100%

1537

100%

1141

100%

998

100%

2884

100%

Tableau 3: Débarquements moyens annuels (tonne) des grands poissons pélagiques (non-pris en compte par la CICTA) établis à partir des données enregistrées par la FAO pour les années 1980 à 2000 Suite


Scomberomorus maculatus

Scomberomorus cavalla

Scomberomorus regalis

Scomberomorus brasiliensis

Acanthocybium solandri

Scomberomorus spp.

Etats-Unis d'Amérique

3326

37%

2099

27%





43

5%



Bermudes









58

7%



Mexique

5569

63%

2426

32%









Cuba











703

50%

République dominicaine



643

8%

96

18%



3

0%



Porto Rico











101

7%

Iles Vierges britanniques.











4

0%

Saint-Kitts-et-Nevis













Guadeloupe





126

24%







Dominique



1

0%





19

2%



Martinique





300

57%







Sainte-Lucie









60

8%

21

1%

Barbade









54

7%

208

15%

Saint-Vincent/Grenadines





0

0%



11

1%

4

0%

Grenade



20

0%



7

0%

38

5%



Trinité-et-Tobago



230

3%



1225

31%

4

1%



Antilles néerlandaises









206

26%



Aruba









91

12%



Venezuela



2230

29%



2610

67%

198

25%



Colombie











361

26%

Guyana



30

0%



68

2%





Panama













Espagne













France













Taiwan













République de Corée













Japon













TOTAL

8895

100%

7679

100%

522

100%

3910

100%

785

100%

1402

100%

Références

Diaz N., Gervain P., Druault-Aubin V. 2002a. Optimisation de l’exploitation des ressources nouvelles en Guadeloupe. Ressources profondes et DCP. Rapport final IRPM 158 P., 25 annexes.

Diaz N., Doray M., Reynal L., Gervain P., Carpentier A., 2002b. Pêche des poissons pélagiques hauturiers et développement des DCP ancrés en Guadeloupe in Rapport de la 1ère réunion du groupe de travail FAO Petites Antilles pour le développement durable de la pêche associée aux DCP ancrés. Le Robert, Martinique, 8-11 Octobre 2001. FAO Fisheries Report No. Port-of-Spain, FAO.

FAO, Département de spêches, Unité de l’information des données et des statistiques sur les pêches. Fishstat Plus: logiciel pour les séries chronologiques de pêche. Version 2,3, 2000.

CICTA, 2001. Rapport de la période biennale 2000-01. Résumé exécutif 1e partie -2000, pp. 16 - 115.

Marcille, J., 1985. Tuna resources of the Lesser Antilles. Present state of fishing and prospects for development. FAO Fish. Circ., (787): 33 p.

SAFMC, 1998. Dolphin/wahoo workshop proceedings. South Atlantic Fishery Management Council, Charleston, S.C. 246 p.

Taquet M., Guillou A., Rageot O., Maguer C., Lagin A., 1998. Grands pélagiques: biologie et optimisation de l’exploitation dans les eaux proches de la Martinique. Rapport final de convention Ifremer/Conseil Régional de la Martinique N°96-241, 82 p.

Taquet M., Reynal L., Laurans M., Lagin A. - Blackfin tuna (Thunnus atlanticus) fishing around FADs in Martinique (French West Indies). Aquat. Living Resour. 13 (2000) 259-262.


[19] Voir dans ce rapport : Les pêcheries de poissons pélagiques hauturiers aux Petites Antilles en 2001
[20] Voir dans ce rapport : Les pêcheries de poissons pélagiques hauturiers aux Petites Antilles en 2001 – tabl. 7.

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