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Contexte


1. Le rôle crucial de la gestion de l’eau en agriculture

L’augmentation constante de la population mondiale et la modification des habitudes de consommation vont continuer à régir la demande alimentaire. Les besoins fondamentaux en eau des humains et des animaux étant relativement faibles, c’est la production d’aliments et de plantes à fibres qui exige la part la plus importante des prélèvements d’eau. Cette eau prélevée est consommée par les cultures et les sols par évapotranspiration ou retournée aux cours d’eau et aux nappes aquifères sous forme d’eaux de drainage. Il résulte de tout cela que les besoins quotidiens en eau potable pour une personne sont de quatre litres, mais que la quantité d’eau nécessaire pour produire notre alimentation quotidienne est beaucoup plus importante: il faut compter 1 000 litres par jour pour l’essentiel, mais selon nos préférences alimentaires, 2 000 à 5 000 litres peuvent être nécessaires.

En outre, il ne faut pas oublier que les besoins en nourriture et en eau potable ne sont pas négociables, ce qui fait que l’amélioration globale de la gestion de l’eau dépendra essentiellement de l’amélioration continue de la productivité de l’eau dans les systèmes agraires existants (pluviaux et irrigués).

L’agriculture est de loin le plus grand utilisateur d’eau puisqu’elle consomme en moyenne 70 pour cent de tous les prélèvements d’eau effectués mondialement. A l’heure actuelle, l’agriculture irriguée occupe moins de 20 pour cent des terres cultivées, mais produit 40 pour cent des ressources alimentaires mondiales et presque 60 pour cent des céréales dans les pays en développement. De fait l’amélioration de la gestion de l’eau en agriculture est le seul moyen d’assurer la sécurité alimentaire. Le rapport de la FAO Agriculture mondiale: horizon 2015/2030, récemment publié (et désigné ici par le numéro AT2030), prévoit que la production alimentaire mondiale devra augmenter de 60 pour cent pour remédier aux déficits nutritionnels, faire face à la croissance démographique et satisfaire les changements de régime. Les prélèvements en eau pour l’agriculture devraient s’accroître de quelque 14 pour cent entre 2000 et 2030 pour répondre aux besoins de la production alimentaire. Le rapport prévoit une nette expansion des terres arables irriguées dans le monde d’environ 45 millions d’hectares (pour 242 millions d’hectares au total d’ici 2030), avec d’importantes différences régionales. Ces chiffres révèlent, pour l’utilisation d’eau, un taux de croissance prévisionnel de 0,6 pour cent par an, alors qu’il s’élevait à 1,9 pour cent pour la période comprise entre 1963 et 1999.

Les chiffres globaux et les moyennes masquent toutefois la réalité puisque les questions de gestion de l’eau sont souvent traitées à l’échelle locale. Les données par pays donnent déjà une idée plus exacte de la situation, quoique dans les grands pays les totaux et moyennes nationaux cachent encore d’importantes différences régionales. Le Proche-Orient, l’Afrique du Nord et certaines parties de l’Asie souffrent de stress hydrique, par comparaison avec la relative abondance de ressources en terres et en eau dont bénéficie l’Amérique latine, et le faible pourcentage d’agriculture irriguée en Afrique sub-saharienne. Au demeurant, un manque d’investissement dans une agriculture productive peut être aussi contraignant que l’insuffisance des ressources naturelles.

Pour 93 pays en développement, l’efficacité d’utilisation de l’eau (c’est-à-dire le ratio entre l’eau consommée par les cultures et la quantité d’eau prélevée au total) devrait augmenter de 38 à 42 pour cent dans l’agriculture irriguée. Il existe néanmoins de grandes différences entre les régions: l’efficacité est beaucoup plus élevée dans les régions où l’eau est rare, alors qu’elle ne devrait pas augmenter autant dans les régions riches en eau.

2. La nécessité de maintenir l’investissement dans la gestion de l’eau en agriculture pour accroître la productivité

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, de considérables investissements publics et privés dans l’agriculture ont permis l’accroissement indispensable de la productivité et remédié aux déficits de la sécurité alimentaire, en particulier dans les zones par ailleurs vulnérables aux variations climatiques. Sans ces investissements massifs dans l’agriculture, le monde aurait connu des famines dévastatrices. L’augmentation de la productivité de l’eau va demeurer primordiale, car si l’on parvient à la maintenir, la surexploitation des ressources s’allégera et les possibilités de transfert à d’autres usagers s’élargiront.

L’augmentation de la productivité de l’eau en agriculture procède des investissements stratégiques dans la mise en valeur de l’eau et aussi des efforts de recherche et développement et de vulgarisation agricole. Les tendances actuelles pour l’investissement dans ces secteurs révèlent un net fléchissement. L’avenir de la gestion de l’eau en agriculture dépendra du maintien des niveaux d’investissement dans les domaines cruciaux de la chaîne de production, et pas seulement dans les infrastructures de régulation de l’eau. A cet égard ce sera la qualité de l’investissement, plutôt que sa quantité, qui sera déterminante.

Par conséquent l’investissement doit se répartir sur un ensemble stratégique d’activités mêlant la recherche sur le matériel génétique, l’amélioration des pratiques culturales, les initiatives commerciales et, le cas échéant, le développement de nouvelles ressources.

Contrairement à une opinion largement répandue, le rendement des investissements en irrigation est généralement comparable à celui d’autres investissements. Il faut aussi noter que de nombreuses analyses négligent de tenir compte des avantages sociaux et écologiques de l’irrigation. Les futurs investissements en irrigation seront dirigés vers la réhabilitation et la modernisation. Ces investissements différentiels bénéficieront du grand nombre de coûts irrécupérables dans les aménagements existants, qui permettront des taux de rendement plus élevés. Le fait que l’irrigation attire de nombreux investissements privés dans le monde entier donne une bonne idée de l’intérêt de ses rendements. On estime que l’investissement privé représente 20 pour cent des superficies totales actuellement irriguées (environ 264 millions d’ha en 1995/97). La part de l’investissement privé dans les 80 pour cent restants compte approximativement pour la moitié de l’investissement total. En outre, il y aurait selon les estimations 70 millions d’ha supplémentaires de terres irriguées de manière privée et informelle, qui ne dépendent pas directement des pouvoirs publics.

Une fois bien appréciée l’importance de l’eau dans la production alimentaire, il faut se rendre compte que la valeur réelle de l’aide nette déboursée pour l’agriculture à la fin des années quatre-vingt-dix ne représente que 35 pour cent de son niveau de la fin des années quatre-vingts. La part des prêts à l’agriculture du portefeuille de la Banque mondiale a considérablement baissé, et ce déclin s’est répercuté dans les budgets nationaux de nombreux pays en développement.

Les mouvements de baisse des prix des denrées agricoles (et en particulier des denrées de première nécessité) ont aggravé les effets de la chute de l’aide des bailleurs de fonds à l’agriculture. Les données de la Banque mondiale indiquent que les prix mondiaux des exportations agricoles ont baissé de 47 pour cent en valeur réelle entre 1965 et 1998. L’élasticité de la demande par rapport aux faibles revenus de nombreux produits de ce type et les prix en baisse sont deux phénomènes qui vont vraisemblablement perdurer. Dans une période où les principales ceintures productrices de blé dans l’ouest des Etats-Unis, l’Ukraine, le Pendjab et l’Australie ont toutes été touchées par la sécheresse (et où les prix du blé ont atteint un niveau record au début de septembre 2002), on peut maintenant observer une chute des prix du blé due au fait que les exportateurs non traditionnels ont continué à orienter une plus grande part de leurs excédents intérieurs vers le marché mondial. Il apparaît donc que la production mondiale et les courants d’échange possèdent une remarquable capacité d’adaptation aux chocs climatiques. Les pays à faibles ressources en eau pourront donc continuer à remplacer leur production intérieure par des céréales importées (en réalisant un échange d’eau virtuelle) sans grand risque si les systèmes commerciaux restent ouverts. Par ailleurs, ces échanges internationaux de grosses quantités de denrées deviennent de plus en plus sophistiqués et le coût du transport plus compétitif.

Malgré ces mouvements durables de baisse du prix des denrées alimentaires, les pays en développement doivent toujours faire face au caractère extrêmement fluctuant de ces prix, contre lequel leurs capacités actuelles de gestion des risques et d’accès à des instruments de couverture sont insuffisantes. Ces fluctuations de prix ont un effet négatif sur l’économie globale et les perspectives d’élaboration et de mise en oeuvre de politiques judicieuses sur le plan fiscal, monétaire, commercial et en matière de développement.

Il se peut toutefois que l’investissement agrégé dans l’irrigation n’ait pas diminué si radicalement. Ces deux dernières décennies ont connu une évolution de l’investissement vers une augmentation des ressources consacrées à la participation des usagers et une renaissance des techniques autochtones et du savoir traditionnel. Ce changement a permis de mettre en oeuvre des projets d’aménagement des terres moins coûteux et plus efficaces, et de passer d’aménagements d’irrigation à grande échelle à des initiatives plus modestes mieux adaptées aux conditions locales et favorisant les communautés défavorisées. Il ne fait pas de doute que c’est la qualité de l’investissement, plutôt que sa quantité, qui jouera un rôle décisif pour l’accroissement de la productivité, l’augmentation des revenus et la répartition des bénéfices de l’agriculture irriguée à ceux qui en ont besoin.

3. Les multiples rôles de l’eau: la nature particulière de l’utilisation de l’eau en agriculture

La gestion de l’eau en agriculture va bien au delà de la production de denrées et touche à un large éventail de services sociaux, économiques et écologiques. L’objectif de la gestion de l’eau en agriculture est précisément d’apporter un approvisionnement en eau plus fiable et suffisant à une culture donnée par le captage, le stockage et le transport de l’eau, sa distribution dans l’ensemble des périmètres d’irrigation et son application dans les champs. Par ailleurs, les eaux de pluie peuvent être récupérées et les ressources en eaux souterraines peu profondes rechargées par la percolation directe des eaux de pluie et l’infiltration en provenance des cours d’eau. Ces mesures physiques de gestion modifient toujours le débit naturel des cascades et la circulation de l’eau dans les cours d’eau et les nappes aquifères, et ont par conséquent des impacts considérables sur les activités économiques, les processus environnementaux et la santé humaine. Ces impacts sont appelés effets externes dans la mesure où ils ont des répercussions en dehors des environs immédiats de l’activité productrice.

L’agriculture, tout comme les autres activités humaines, fait toujours apparaître des effets externes qui vont au delà du simple objectif de l’activité et peuvent être positifs ou négatifs. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les préoccupations croissantes posées par les impacts écologiques (pollution) et l’épuisement des ressources naturelles ont contraint les activités industrielles à éliminer ou compenser leurs effets externes et à ainsi «internaliser leurs effets externes». L’agriculture subit également des pressions pour réduire l’impact de ses effets externes négatifs, en particulier ceux qui sont liés à l’application d’engrais et de pesticides. Mais il est maintenant plus communément admis que la gestion de l’eau en agriculture a de profonds effets positifs qui dépassent largement le strict dispositif économique de la production agricole. Ces effets externes découlent des rôles multiples que l’eau joue dans l’aménagement des paysages et la gestion des terres et se manifestent dans toute une série de paramètres socio-économiques et écologiques.

La gestion de l’eau en agriculture peut se traduire par des réalisations tangibles et évidentes telles que la pêche et les installations touristiques dans les lacs artificiels et les rivières, la production d’énergie, une meilleure reconstitution des nappes aquifères peu profondes et une augmentation de l’apport en eau pour les usages domestiques. Les avantages sociaux engendrés par la gestion de l’eau en agriculture sont peut-être moins visibles mais restent très importants: viabilité socio-économique globale des zones rurales, développement du capital social nécessaire à la gestion des systèmes d’irrigation et expansion des infrastructures de transport et de commercialisation pour permettre la vente des produits agricoles. Parmi les valeurs positives pour l’environnement figurent la création de zones humides artificielles et l’apparition de la biodiversité qui leur est associée, la protection de la végétation pérenne et les améliorations microclimatiques qui dans certains climats rudes peuvent rendre le milieu dans lequel les hommes vivent beaucoup plus agréable. En outre, la gestion des terres pour les besoins de l’agriculture pluviale peut aussi avoir des effets positifs. Le modelage des paysages pour les cultures (zones sèches) ou le stockage de l’eau (rizières) contribue sensiblement à diminuer l’érosion et à protéger les zones situées en aval des inondations. Certaines pratiques d’irrigation participent aussi à la reconstitution des eaux souterraines, ce qui a un effet positif sur l’approvisionnement en eau de la population environnante pour ses besoins domestiques.

Il est fondamental pour le développement durable que la diversité et l’ampleur de ces effets externes soient reconnus. Dans un contexte de réforme institutionnelle globale encourageant les méthodes de gestion plus adaptées aux besoins, il importe que chaque utilisation avisée de l’eau et chaque effet positif des pratiques agricoles se traduise par des mesures judicieuses dans l’allocation réglementée de l’eau et les transactions commerciales. Il a souvent été démontré que les projets polyvalents (production d’énergie, lutte contre les inondations et irrigation) représentaient un bon moyen de partager les coûts entre plusieurs utilisations, malgré les évidents conflits de gestion qu’ils peuvent occasionner. La solution consiste à prendre en considération tous les services offerts par ces initiatives polyvalentes et à partager le coût de leur gestion de manière équitable.

Cet enjeu, l’internalisation des effets externes, que l’on considère souvent comme un défi quasiment irréalisable pour le secteur agricole, pourrait bien en fait constituer une excellente occasion d’instituer le développement durable dans les zones rurales. En restant exclusivement concentrée sur la production agricole, la gestion de l’eau en agriculture deviendra non viable sur le plan de l’économie et de l’environnement. Par contre une appréciation beaucoup plus précise des effets positifs et négatifs permettra de reconnaître et rémunérer les utilisations de l’eau et réduira les contraintes sur l’environnement tout en ouvrant la voie à une gestion économiquement équilibrée. C’est dans ce sens que l’agriculture doit attirer l’attention sur les multiples rôles et effets de la gestion de l’eau en agriculture dans les zones rurales et urbaines, et les internaliser dans les systèmes locaux d’administration des terres et des eaux.

4. Amélioration du service aux usagers: passage d’un fonctionnement axé sur l’offre à des initiatives axées sur la demande

La gestion de l’eau en agriculture est en train de passer d’une culture de la gestion de l’offre à celle de la gestion de la demande. Une modernisation des institutions et de la technologie sera indispensable pour adapter la gestion de l’eau aux paramètres locaux et améliorer l’égalité sociale et la performance des systèmes. La modernisation vise à augmenter la productivité de l’eau et à améliorer son efficacité d’utilisation en économisant l’eau, ce qui permettra de dégager des ressources pour la réattribution à d’autres utilisations concurrentes à plus fort rapport économique ou social.

Pendant la seconde moitié du XXe siècle, le secteur de l’irrigation a réussi à accroître considérablement la production alimentaire et à remédier aux déficits de la sécurité alimentaire. Les grands organismes nationaux ou d’Etat responsables de l’irrigation ont pu aménager des systèmes d’irrigation sur de vastes superficies agricoles. Par contre ils se sont montrés beaucoup moins efficaces dans la gestion de ces systèmes après la construction. La plupart du temps, l’élaboration et la gestion de ces systèmes d’irrigation étaient axées sur l’offre. Les processus décisionnels se faisaient plutôt de manière descendante et bureaucratique, ce qui laissait peu de latitude aux usagers, en aval, pour choisir les calendriers de plantation des systèmes de culture et la fréquence de la distribution d’eau. En outre, c’est en grande partie à cause du manque de fiabilité de l’approvisionnement en eau que les utilisateurs se sont tournés vers l’utilisation des eaux souterraines, ce qui a entraîné dans bien des cas une surexploitation des eaux souterraines peu profondes.

Ce modèle axé sur l’offre a montré ses limites dans les années quatrevingts sur le plan de la charge qu’il imposait aux budgets nationaux, de l’insuffisance des performances de l’agriculture, du manque d’entretien des systèmes d’irrigation et de son impact sur la gestion des ressources naturelles. Dans les années quatre-vingt-dix, l’irrigation s’est ainsi engagée dans une réforme approfondie et un transfert massif de l’autorité et de la responsabilité aux organisations locales (Associations d’usagers de l’eau, Fédération des associations d’usagers de l’eau, organismes publics locaux). Il s’agissait de créer des conditions favorables pour améliorer les performances des systèmes d’irrigation et aussi augmenter la rentabilité globale de l’agriculture afin de développer des systèmes agraires durables, atténuer la pauvreté et garantir la sécurité alimentaire. Les stratégies de gestion axées sur la demande, qui se fondent sur les principes de subsidiarité, responsabilité, transparence et réceptivité, ont pris la relève. Les acteurs locaux, les agriculteurs et les autres utilisateurs participent de plus en plus au processus décisionnel et à la prise en charge des coûts de fonctionnement et d’entretien du système.

L’une des grandes priorités de la modernisation est l’évaluation de l’état matériel des systèmes d’irrigation et la définition des solutions pratiques susceptibles de rendre les services d’approvisionnement en eau plus fiables et souples, et capables de répondre à une demande variable. Ce sont fondamentalement les utilisateurs qui doivent décider du niveau de service dont ils ont besoin et pour lequel ils sont disposés à payer. Il est manifeste que les programmes de modernisation doivent donc se fixer pour objectif l’élargissement des choix techniques et administratifs offerts aux usagers locaux. La modernisation ne se limite pas aux changements matériels, mais devrait être considérée comme une transformation fondamentale de la gestion des ressources en eau passant par la modification des règlements, pratiques et structures (physiques et/ou institutionnels) liés aux droits sur l’eau, aux services de distribution d’eau, aux mécanismes de la transparence et aux mesures d’incitation.

La modernisation de la distribution des eaux d’irrigation est par conséquent fondamentale pour la mise en place de services rentables pour tous les usagers et pour l’amélioration de la productivité de l’eau. C’est là un défi complexe qui se présente aux organisations locales parce que la gestion de l’eau doit aller au delà de la production de denrées et intégrer toutes les utilisations de l’eau qui se combinent dans le cadre du périmètre global d’un aménagement d’irrigation particulier. Il ne fait toutefois aucun doute que les stratégies de modernisation ne devraient pas être élaborées de manière isolée mais soumises à des essais pilotes, coordonnées à différents niveaux d’organisation et d’intervention (projet, organisme, région, pays), et appliquées seulement lorsque les capacités indispensables sont mises en place.

5. Atténuation de l’impact sur l’environnement: à la recherche d’autres solutions

L’impact de l’agriculture, et en particulier l’agriculture irriguée, sur l’environnement et la santé humaine est considérable. La poursuite d’un objectif de développement limité axé uniquement sur l’augmentation de la productivité a souvent entraîné la dégradation des capacités de régénération des écosystèmes naturels. La situation n’est toutefois pas uniforme. Dans certains cas, il est évident que les contraintes qui pèsent sur les écosystèmes doivent être allégées. Ailleurs, la productivité est encore faible et peut être améliorée dans le respect de limites acceptables pour l’environnement. Les effets externes négatifs liés à l’agriculture et à la gestion de l’eau en agriculture sont fondamentalement associés aux utilisations des terres et des eaux, aux pratiques agricoles (application de pesticides et d’engrais), à la gestion de la qualité de l’eau (santé) et à la gestion du drainage (salinité, engorgement). Il importe donc que ces effets externes soient réellement pris en considération pour garantir la productivité à long terme des systèmes naturels et des populations qui en dépendent.

Dans les endroits où les pratiques agricoles utilisent au maximum les ressources en terre et en eau et où elles dégradent l’intégrité et la valeur des écosystèmes aquatiques qui leur sont associés, il faudra chercher d’autres solutions viables d’exploitation agricole pour parvenir à un niveau de production durable. Ces solutions, telle la réintroduction des débits naturels, devraient améliorer la productivité globale des systèmes naturels même si elles compromettent les bénéfices économiques locaux dans l’immédiat.

L’essentiel des prélèvements pour l’agriculture sont effectués dans les basses terres où la faiblesse des gradients hydrauliques a créé de vastes zones humides. Les prélèvements d’eaux brutes dans les rivières et lacs et la construction d’infrastructures d’irrigation sur ces basses terres, le long des berges des rivières, font invariablement reculer les zones humides naturelles. Celles-ci constituent par elle-mêmes des systèmes agricoles et écologiques très productifs. L’application d’eau peut intensifier la vie d’une zone humide, mais le drainage et les débits de retour des terres irriguées ont souvent un impact non désiré: baisse de la qualité de l’eau, propagation de maladies liées à l’eau et dégradation des sols par la salinisation et l’engorgement. Les estimations actuelles indiquent que l’absence de drainage adéquat menacerait quelque 500 millions d’hectares de terres agricoles dans le monde.

Il est par conséquent essentiel de trouver d’autres méthodes d’utilisation et de gestion de l’eau pour atténuer ces impacts négatifs, non seulement pour préserver l’intégrité et la productivité des écosystèmes, mais surtout pour créer des conditions qui permettent à l’agriculture de continuer à participer à la sécurité alimentaire, à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique.

Ces questions complexes dépendent en grande partie des conditions locales et des solutions possibles. La recherche de nouvelles options ne peut donc se faire qu’à l’échelon local, au cas par cas. Des éléments de stratégie communs à toutes les situations se dégagent toutefois. Parmi ces principes et outils techniques, il faut noter:

Ces outils doivent s’appuyer sur les principes bien compris de partage et transparence des informations parmi les usagers de l’eau, les responsables de la réglementation de l’environnement et les producteurs agricoles, de participation aux opérations de planification et d’investissement dans le cadre d’un processus d’apprentissage par étapes et de facilitation des initiatives locales par l’élaboration de politiques nationales et régionales.


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