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Faire payer la récréation forestière

R. Leslie

Rod Leslie est gestionnaire de l’environnement à la Forest Entreprise England (organisme d’Etat, chargé de gérer les forêts publiques), Bristol, (Royaume-Uni).

En Angleterre, la Commission des forêts a introduit avec succès des services payants pour pouvoir payer l’entretien des ressources utilisées à des fins récréatives.

Après avoir passé en revue dans les années 90 les infrastructures de récréation existant en Angleterre, la Commission des forêts (Département forestier d’Etat de la Grande-Bretagne) a réalisé qu’elle ne serait pas en mesure d’entretenir les ressources utilisées à des fins récréatives et de répondre aux besoins des visiteurs, si elle ne dégageait pas de recettes supplémentaires. C’est pourquoi elle a décidé de développer les services demandés par les visiteurs pour soutenir la récréation. L’objectif n’était pas uniquement de tirer un profit, mais:

Entre 1992 et 2000, la part des dépenses de récréation de la Commission des forêts couverte par des revenus a augmenté, passant de 34 à 50 pour cent. Toutes les recettes imputées sur les dépenses courantes (et non d’investissement) sont couvertes, sauf les salaires du personnel et quelques frais fixes. Les centres d’accueil pour les visiteurs couvrent tous leurs coûts en espèces.

Les centres d'accueil forestiers construits près d'entreprises commerciales viables, comme les magasins, les restaurants et la location de bicyclettes, couvrent leurs frais tout en créant des emplois et un revenu pour l'économie rurale

R. LESLIE


CONTEXTE HISTORIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE

En Europe de l’Ouest, l’Angleterre n’est surpassée que par les Pays-Bas pour la densité de la population. Les vastes étendues de plaines agricoles très peuplées du centre, du sud et de l’est de l’Angleterre sont bordées par les montagnes du nord de l’Angleterre, du pays de Galles et de l’Ecosse. Or la densité de population est beaucoup plus faible en Ecosse et au pays de Galles.

Le Royaume-Uni a été l’une des premières nations industrielles du monde, ce qui transparaît dans sa démographie actuelle: plus de 90 pour cent de la population gagne sa vie dans les villes et moins de 1,5 pour cent travaille dans l’agriculture ou la foresterie. Au XIXe siècle, le pays était la première économie manufacturière du monde, alors qu’aujourd’hui, son économie repose à 80 pour cent sur les services.

Comme il est de plus en plus difficile de vivre de la production primaire de produits alimentaires ou de bois d’œuvre, l’Angleterre a été amenée à revoir ses stratégies forestières, en s’écartant de l’aménagement exclusivement axé sur la production de bois, système dominant durant l’ère industrielle, pour se tourner vers l’aménagement polyvalent ou à buts multiples. Cette réorientation, confirmée par la Stratégie forestière britannique en 1999, a été renforcée par la chute des prix du bois et par le développement de nouveaux domaines d’activité, dont la régénération des terres endommagées par les industries.

Avec l’augmentation des richesses disponibles, les dépenses de loisirs sont en pleine expansion. Toutefois, l’élection d’un gouvernement conservateur au Royaume-Uni en 1979 a mis fin à une période – qui a duré 20 ans – d’investissements massifs du secteur public dans le secteur des sites de récréation naturels. Ce changement a coïncidé avec une transition mondiale générale vers les économies de marché, et a été manifeste dans bon nombre d’autres pays développés.

Ces tendances ont considérablement favorisé le développement des services de récréation de la Commission des forêts, au cours de la dernière décennie.


LA RÉCRÉATION – SERVICE PUBLIC

La Commission des forêts, établie en 1919, est aujourd’hui le plus grand gestionnaire foncier de Grande-Bretagne, puisqu’elle s’occupe de plus de 1 million d’hectares, dont 260 000 situés en Angleterre. Cette superficie représente 19 pour cent des terres boisées de l’Angleterre et 2 pour cent de son territoire.

Historiquement, la Commission des forêts a été un chef de file des activités récréatives basées sur la nature en Grande-Bretagne. Elle a lancé le premier parc forestier du pays, à Argyll, en 1936. Les parcs forestiers sont de vastes forêts qui appartiennent à l’Etat et qui se trouvent dans des zones de loisirs appréciées des populations. Les parcs nationaux – un mélange de terres publiques et privées, semi-naturelles et cultivées, ou d’habitats boisés – ont été établis plus tard, après la seconde guerre mondiale. Ces deux types de parcs sont plus appréciés du point de vue culturel, que comme paysages naturels.

La Commission des forêts a une politique d’accès, basée sur la «liberté de se promener» unique dans le paysage britannique; son emblème est devenu synonyme de «librement accessible au public.»

La Commission des forêts a commencé à développer ses infrastructures de récréation dans les années 60. Prenant modèle sur le Service des forêts du Département de l’agriculture des Etats-Unis, pionnier en la matière, elle a établi de nouvelles normes de conception pour un développement de la récréation adapté à la campagne britannique, en faisant appel à des experts et à des professionnels de l’aménagement paysager. Les parcs de stationnement automobile à proximité de sentiers forestiers balisés étaient l’élément central des infrastructures avec, dans certains endroits, des toilettes et des centres d’accueil pour les visiteurs. Comme c’était la norme à l’époque, leur utilisation était généralement gratuite, car la fourniture de services payants était considérée comme en contradiction avec le concept de service public.

La Commission a aussi installé des terrains de camping et des cabines forestières – chalets en bois de très bonne qualité dans des zones isolées de la forêt – dans le but d’en retirer un profit. Ces «entreprises» ont toujours été gérées comme des entités distinctes et sont parmi les plus réussies de la Commission des forêts, puisque la rentabilité de l’investissement va jusqu’à 15 pour cent. Toutefois, ces cabines ont été installées sur un nombre limité de sites, faute de capitaux disponibles. Divers partenariats publics et privés ont été et sont encore à l’étude pour développer ce service.

La Commission des forêts s’est mise de plus en plus à l’écoute de ses visiteurs et de ses communautés. Les services payants ont l’avantage de fournir une preuve incontestable de l’attrait du produit, mais la Commission emploie aussi bien d’autres méthodes pour sonder les opinions et faire participer les populations. Elle se réfère à des enquêtes génériques nationales, effectue ses propres études de sites spécialisées et engage de larges consultations à propos de ses plans de conception des forêts à buts multiples, en donnant aux communautés la possibilité de participer à la fourniture des services de récréation et en modelant l’environnement forestier. L’ampleur des consultations est fonction de l’échelle du changement; lorsqu’une innovation majeure est prévue, on peut commencer par réunir un forum des principales parties prenantes, et poursuivre en cherchant à impliquer plus largement les communautés par des publications, des réunions et des journées de visite dans les centres communautaires.


Secteurs des activités récréatives devenus payants dans les années 90

Parc de stationnement automobile. Des droits de parking sont maintenant exigés sur les sites munis d’autres installations, telles que centres d’accueil, toilettes, pistes de jeux ou sentiers sculptés qui attirent un grand nombre de visiteurs, demandent du personnel et dont l’entretien coûte cher. En général, on utilise des parcmètres, mais sur les sites les plus fréquentés, du personnel est posté à l’entrée pour encaisser les droits durant les périodes de pointe. Les droits sont fixés au niveau local, et représentent un certain pourcentage du tarif des parcs de stationnement du centre-ville.

Pour des raisons pragmatiques, le stationnement n’est pas encore payant sur les sites plus petits et plus éloignés, où le coût des parcmètres ou du personnel de service aurait un effet dissuasif. Sur les sites éloignés attirant peu de visiteurs, la sécurité est un problème (essentiellement actes de vandalisme et vols).

Droits d’entrée. L’entrée des visiteurs à pied n’est payante que sur deux sites, les Arboretum nationaux de Westonbirt et de Bedgebury. Il s’agit en effet d’attractions plus officielles, comparables aux manoirs historiques de l’Angleterre, où l’accès payant est la norme. Là encore, les prix sont fixés par rapport à des attractions locales comparables.

Vente au détail. Des enquêtes nationales auprès des ménages ont indiqué que si les visiteurs étaient satisfaits des services de restauration et de vente au détail, ils étaient en revanche peu intéressés par les expositions coûteuses du style de celles que l’on trouve dans les musées, dans les centres d’accueil traditionnels pour les visiteurs. Au début, la Commission se préoccupait de la manière dont les visiteurs réagiraient à une nouvelle «approche-client», mais leur réaction a été en très grande majorité positive.

Au départ, les boutiques étaient des points d’information qui distribuaient ou vendaient des livres et des brochures en rapport avec les expositions. Des enquêtes ont montré que les visiteurs préféraient obtenir des informations de vive voix, plutôt que de les lire dans des publications imprimées ou sur des écrans d’ordinateurs; il est donc devenu essentiel d’accroître les recettes en vendant une plus large gamme de produits, pour pouvoir maintenir en permanence du personnel sur le site.

Le passage à la vente au détail s’inscrit dans l’émergence plus générale de la consommation, vue comme un loisir. Pour de nombreux visiteurs, les boutiques et les cafés justifient désormais en eux-mêmes le déplacement. Les boutiques vendent des cadeaux, notamment des produits locaux, des articles fonctionnels (habillement) et des souvenirs – cartes postales, calendriers, photos encadrées et vidéos. La gamme d’articles a été établie grâce à un savant dosage d’intuition et de calcul, en utilisant des méthodes de vente professionnelles pour la gestion des stocks et les achats.

On a également noté que les articles tendaient à être chers. Initialement, peu d’articles se vendaient à plus de 20 t. Aujourd’hui, les plus beaux produits en bois faits main peuvent dépasser 200 t. Au départ, la plus grosse boutique, dans l’Arboretum de Westonbirt, avait un chiffre d’affaires annuel de 125 000 t. Aujourd’hui, ce chiffre est de 500 00 t, et l’on a ajouté une jardinerie qui rapporte 500 000 t de plus sur le même site.

La part de recettes provenant de taxes directes diminue à mesure que les ventes de biens et de services sur les sites augmentent.

Restauration. Des enquêtes ont montré que les rafraîchissements étaient importants pour ceux qui visitent des sites forestiers. Les restaurants sont maintenant l’élément central des principaux centres. Alors que les expositions traditionnelles peuvent avoir un caractère répétitif pour les visiteurs locaux, un bon café peut être une raison de revenir fréquemment sur le site. La restauration demande beaucoup de main-d’œuvre, ce qui conduit à la création de nouveaux emplois cruciaux pour des économies rurales fragiles.

Evénements et services. L’expansion des programmes d’événements a dépassé les attentes. Ces programmes très variés peuvent être des promenades guidées par un garde forestier et réservées à quelques passionnés, ou un programme de concerts, d’une valeur de 1,4 million d’euros, destinés à plus de 40 000 personnes. Des événements importants, comme les festivals du bois, du jardinage et de la faune et de la flore sauvages récompensent l’effort nécessaire car ils génèrent des bénéfices, mais la meilleure récompense est le plaisir que tirent les visiteurs de leurs forêts nationales, grâce à de nouvelles activités. Ils peuvent observer un balbuzard dans son nid grâce une télécaméra ou suivre le passage de chauve-souris dans la forêt, la nuit, accompagnés d’un garde forestier. La fourniture de tels services est un secteur de croissance dans une société riche où les personnes sont heureuses de payer pour vivre une expérience de qualité.

Education. Les programmes «d’éducation à la terre» sont appréciés des enseignants, et des élèves et leur conception est en rapport avec les programmes scolaires nationaux. Ces programmes transmettent des concepts écologiques complexes à travers des activités ludiques.

Une étude de marché a révélé que la grosse dépense pour les écoles était le transport jusqu’à la forêt, mais qu’une fois sur place, le paiement d’un petit droit d’entrée ne posait guère de problèmes et que la qualité de la visite était le plus important.

Bien que la subvention au service d’éducation dans les zones récréatives n’ait pas varié, en imposant un prix et en améliorant la gestion, il a été possible de développer le service d’éducation sans en augmenter le coût global, de sorte que le nombre d’élèves qui en bénéficient a plus que doublé.


Nouveaux produits

Les plus grands succès sont arrivés à travers l’innovation, sous forme de nouvelles activités qui passionnent les visiteurs et qui ne font pas partie de leur vie quotidienne. La Commission des forêts cherche à identifier les nouvelles tendances et à les saisir au vol. En voici quelques exemples.

Sculpture en forêt. A Grizedale dans le District des Lacs et dans la forêt de Dean, d’étonnantes pistes parsemées de sculptures réalisées exprès pour les sites ont eu un succès inespéré auprès du public.

Pistes de jeux. Les enfants (tout comme les adultes) raffolent des pistes avec ces fantastiques sculptures en bois qui les invitent à ramper à travers la fosse des serpents, à traverser le marécage aux crocodiles, à escalader la toile d’araignée géante et à se balancer et à grimper sur des serpents et des échelles. Les pistes aident les enfants à développer leurs capacités physiques et à acquérir confiance dans un environnement sans danger. Quant aux parents, ils apprécient le calme et la détente que procure la forêt.

Cyclisme. Les années 90 ont mis en vedette la forme physique (fitness) et la nature. Les randonnées en mountain bike ont connu une expansion fulgurante dont la Commission des forêts s’est fait le chef de file en multipliant les opportunités (cyclisme en famille, sentiers de mountain bike, courses de descente, etc.). Là encore, la Commission des forêts, en partenariat avec des institutions de développement rural qui reconnaissaient la contribution économique de ce tourisme spécialisé basé sur la nature, a suivi sa philosophie d’excellence pour mettre en place des services conformes aux normes internationales, en s’inspirant de l’expérience des Etats-Unis.

Parcours à cordes de haut niveau. L’idée des parcours à cordes construits en haut d’arbres adultes a été importée de France en 2002. Les parcours sont constitués de ponts de corde et d’une série d’obstacles suspendus à une hauteur allant jusqu’à 1 m du sol, entre les arbres. Des glissoires ramènent les participants au sol après chaque obstacle. Ceux-ci portent un harnais sophistiqué qui les maintient accrochés par un mousqueton à un câble qui leur garantit une sécurité totale. La réaction du public a dépassé les attentes. Les participants sont terrifiés, ou s’amusent comme des fous, ou les deux à la fois – ce qui peut être une expérience intense pour des gens qui dans leur vie quotidienne ne côtoient pas le danger. Les parcours ont un grand succès et fournissent maintenant de nombreux emplois, au niveau local.

A 15 m du sol, le parcours de corde «Go-Ape», qui comprend des ponts en cordage et des toboggans en fil de fer, garantit des émotions en toute sécurité

R. LESLIE


L'imposition de droits pour les visites des écoles permet de mieux exploiter les subventions au programme d'éducation; mais ces droits ne frappent pas les groupes qui ne peuvent pas payer

R. LESLIE


EST-IL JUSTE QUE L’UTILISATION D’UNE RESSOURCE PUBLIQUE SOIT PAYANTE?

La Commission a reconnu d’emblée que le fait de faire payer des services dans le domaine forestier national soulevait des problèmes de justice et d’équité. Les contribuables ont déjà payé pour mettre en place les services, alors pourquoi devraient-ils payer à nouveau pour les utiliser?

La principale charge directe concerne le parc de stationnement. Celle-ci a été introduite parce que l’on partait du principe que les propriétaires de voitures acceptent généralement de payer une place pour se garer, et que toute personne possédant une voiture a les moyens de payer un droit approprié. Le fait que pratiquement tous les parcs de stationnement d’Angleterre soient devenus payants au cours de la dernière décennie a été pour beaucoup dans l’acceptation de cette pratique. Il n’y a pas de droits à payer pour entrer dans la forêt ou pour utiliser des installations comme les toilettes ou les centres d’accueil. Le maintien de l’accès libre des piétons est le principe clé. Alors que de nombreuses forêts sont facilement accessibles uniquement en voiture, il y a généralement un parc de stationnement gratuit dans un rayon de 1 à 2 km du parking payant, si bien que les visiteurs peuvent toujours choisir la première solution.

Le paiement de ces services a suscité très peu de résistance. Les visiteurs en vacances s’attendent à payer pour leurs loisirs et ils pensent généralement qu’on «leur en donne pour leur argent». Le cas des populations locales a donné un peu plus de fil à retordre: les habitués locaux de la forêt peuvent être mécontents à l’idée de payer un service qu’ils considèrent (à juste titre) comme «leur appartenant». C’est pourquoi, ceux qui viennent souvent ont toujours la possibilité d’acheter un ticket d’entrée annuel, très bon marché. Au tarif de 10 à 15 visites, ce ticket annuel est presque toujours considéré comme une bonne affaire.

Le personnel est autorisé à exempter du paiement – par exemple pour des visites pédagogiques – certains groupes d’utilisateurs qui seraient probablement dissuadés par le coût, notamment les groupes économiquement ou physiquement défavorisés.


IMPACT DES ACTIVITÉS RÉCRÉATIVES FORESTIÈRES PAYANTES

Le revenu reflète l’évolution du comportement des visiteurs: aux tarifs actuels, le paiement des services ne semble pas, en lui-même, avoir entraîné de baisse de la fréquentation. Toutefois, le nombre de visiteurs a progressivement diminué dans les sites d’attraction touristique traditionnels, que l’on visite en voiture, comme le belvédère de Symonds Yat, dans la forêt de Dean, ou dans les sites qui n’ont pas été modifiés ou améliorés depuis plusieurs années. En revanche, les visites liées à des loisirs plus actifs et participatifs (cyclisme et pistes de jeux, par exemple) ont connu une augmentation spectaculaire. Le parc national de Moors Valley, qui faisait au départ l’objet d’une affluence locale limitée, attire maintenant 800 000 visiteurs par an, depuis que la première grande piste de jeux a été introduite sur ce site.

De nouveaux produits peuvent engendrer de nouveaux impacts écologiques. Toutefois, ce n’est pas parce que l’on gagne plus d’argent que les impacts augmentent – c’est seulement une idée fausse couramment répandue. Dans les zones les plus intensément utilisées, comme la New Forest, le gros problème est d’augmenter les dépenses individuelles des clients – par exemple en les persuadant de passer la nuit sur le site – et de produire des effets positifs pour l’économie locale sans accroître le nombre de visiteurs. Les centres où il existe de nombreuses activités, comme celui de Grizedale dans le District des Lacs, peuvent réduire les déplacements et le trafic en tenant les visiteurs occupés toute la journée. Des éléments attractifs, comme les bonnes installations ou des caractéristiques naturelles (panorama ou cascade) ou d’un autre genre (sentier artistique) sont des outils précieux pour orienter les impacts vers des sites peu fragiles ou de moindre valeur (pinèdes résistantes) et épargner des environnements plus fragiles, comme les bruyères semi-naturelles des basses terres.


RATIONALISER LES INSTALLATIONS

Il y a une dizaine d’années, la Commission des forêts décidait de rationaliser les infrastructures de récréation, en écartant celles qui étaient médiocres pour concentrer les ressources sur celles dont les visiteurs tireraient le plus de profit. Ce besoin de restructuration n’était pas considéré comme un échec; les attitudes et les préférences du public changent, et les gestionnaires devraient prévoir de réexaminer les services offerts tous les 10 à 20 ans.

La Commission a choisi de fermer les services qui n’avaient jamais réussi à attirer suffisamment de visiteurs. En outre, sur les sites destinés à une utilisation locale, les toilettes ont été fermées, à la fois parce que les clients des alentours qui viennent pour peu de temps n’en avaient pas réellement besoin, et parce que les toilettes étaient la cible de comportements antisociaux. De plus, des complexes de petites, moyennes et longues pistes, dont l’établissement était devenu une habitude dans les années 70, ont été réduits à des sentiers à une seule voie. En effet, ces complexes ne répondaient pas aux besoins de la majorité des visiteurs que les signalisations induisaient en erreur, et les frais d’entretien étaient élevés. En outre, la Commission a conclu qu’il était inutile de dépenser de l’argent pour baliser les pistes dans les bois locaux, car les populations locales les connaissaient très bien.

Il y a eu quelques réactions négatives, qui témoignent du peu de valeur attachée à ces installations. Dans deux cas, les objections étaient importantes, et les services ont été remplacés.

Dans le même temps, un certain nombre d’améliorations ont été apportées. Au lieu de viser, comme avant, un hypothétique visiteur «moyen», la Commission des forêts reconnaît aujourd’hui la diversité des utilisateurs et des utilisations des forêts, notamment en faisant une distinction entre les visiteurs locaux qui viennent pour peu de temps dans des bois situés près de chez eux, et les vacanciers qui visitent des forêts plus éloignées comme celles du District des Lacs.

Depuis 2002, en partenariat avec des institutions de développement qui ont accordé des financements pour la régénération des zones urbaines, la Commission des forêts a établi plus de 40 km de nouvelles pistes «tous usagers» dans des bois proches des agglomérations. Ces sentiers, de très bonne qualité avec des gradients plats et une surface régulière, sont accessibles aux chaises roulantes, aux poussettes et à ceux qui se déplacent difficilement.

Des parcours cyclables de très bonne qualité ont été créés ces dernières années et sont très appréciés par les familles. Ces parcours comprennent des sentiers de débardage, après nivellement de la surface si nécessaire, et des bouts de pistes construits exprès.

Les grands centres ayant un potentiel important d’accueil et pouvant compenser les coûts par des recettes ont été multipliés. L’accroissement du nombre de visiteurs et d’activités rend les centres plus viables. Même petits, les sites fréquentés par une clientèle locale avaient peu de possibilités de rapporter de l’argent, mais au lieu de les fermer tous, la Commission des forêts a chargé les gestionnaires locaux de trouver des moyens novateurs de garantir leur rentabilité.

Lorsque des fonds ont été mis à disposition, les infrastructures de base ont été développées, en particulier les parcs de stationnement et les toilettes. Bien que ces installations exigent des capitaux importants et soient coûteuses à gérer, elles sont fondamentales si l’on veut que les boutiques, les cafés et les activités rapportent de l’argent.


La qualité paye

Il est toujours tentant d’acheter plus avec des fonds limités. Mais les vastes installations de mauvaise qualité demandent plus d’entretien que des améliorations de qualité ciblées. Une bonne conception et un bon entretien sont de plus en plus importants, étant donné que le propriétaire est légalement responsable de la sécurité et que les revendications et les litiges se multiplient.

Le mobilier de plein air et les structures de signalisation ont été redessinés par des architectes paysagistes pour leur donner un aspect contemporain et abaisser les coûts d’entretien. Construits de manière rustique avec du bois certifié par le Stewarsdhip Forest Council provenant des forêts de la Commission, ils s’intègrent bien avec l’environnement forestier et résistent aux actes de vandalisme.


Public ou privé

La Commission des forêts se soucie maintenant moins des rôles respectifs des entreprises publiques et privées, et elle travaille souvent en partenariat avec des compagnies privées; cela a donné naissance à un mélange de services publics et privés sans règles fixes. Dans certains endroits, les restaurants et les boutiques sont gérés par la Commission, alors que dans d’autres, un ou plusieurs de ces services sont gérés en franchise. Des activités comme la location de vélos ou les parcours à cordes sont généralement privées, alors que les installations de jeux sont gérées par la Commission. Le principal souci est de conserver une réputation de qualité.

La récréation forestière et l’économie au sens plus large

Selon la politique de la Commission des forêts, l’économie rurale au sens large doit tirer profit des forêts et des centres de récréation situés en zones rurales, et ce sont les communautés rurales qui sont la cible des financements publics (et non les visiteurs). Les communautés locales tirent des avantages si les visiteurs utilisent les capacités d’hébergement et achètent des aliments et des produits locaux. Les services de récréation permettent de créer des entreprises durables dans des zones économiquement fragiles et, si ce n’est pas le cas, elles bénéficient d’un appui du gouvernement.

La fermeture des sites naturels britanniques pendant plusieurs mois durant l’épidémie de fièvre aphteuse de 2001 a rappelé l’importance des activités récréatives dans les forêts nationales, pour l’économie rurale en général. Ainsi, la fermeture de la forêt de Dean – où le tourisme rapporte environ 55 millions d’euros par an à l’ensemble de l’économie, alors que les recettes provenant du bois n’atteignent que 1,5 million d’euros – a fait chuter de 70 pour cent le tourisme local pendant les vacances de Pâques, bien que d’autres attractions et capacités d’hébergement soient restées ouvertes.

Au pays de Galles, on estime que le centre de mountain bike Coed Y Brenin a attiré des recettes touristiques, estimées à 7 millions d’euros par an, dans une zone rurale éloignée et économiquement fragile. Le Gouvernement de la Welsh Assembly a maintenant donné à la Commission des forêts 1,2 million d’euros pour établir d’autres centres. La Commission compte attirer d’autres activités, qui devraient rapporter 20 millions d’euros par an à la campagne du pays de Galles.


LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS

Les revenus procurés par le paiement des services ont révolutionné les opérations et permis d’embaucher plus de personnel, d’améliorer les infrastructures et de développer les services. Toutefois, les recettes dégagées sont rarement suffisantes pour réaliser des investissements importants, ce qui pose un problème car beaucoup de centres sont trop vieux ou trop petits et doivent être complètement restructurés.

La croissance actuelle repose essentiellement sur le financement en partenariat avec d’autres institutions, souvent dans le cadre d’une stratégie de développement rural plus générale. La capacité de la Commission des forêts à améliorer la qualité de vie dans quelques-unes des zones les plus pauvres du pays fait de cet organisme un partenaire intéressant pour les institutions de financement. Parmi les principales sources publiques et semi-publiques, on peut citer les produits de la Loterie nationale du Royaume-Uni, le financement du développement régional par le Gouvernement central et le financement du développement provenant de fonds structurels européens. Ainsi, le centre de Whinlatter, dont le premier élevage de balbuzards d’Angleterre a attiré en 2002 100 000 visiteurs, est en cours de restructuration et de modernisation, grâce à des dons de près de 1,5 million d’euros. Selon une analyse économique, cet investissement rapportera à l’économie locale 2 millions d’euros par an. Chaque activité – art, cyclisme, éducation et pistes tous usagers – attire des fonds provenant de diverses sources.

Un parcomètre associé à un kiosque d'informations construit en planches grossièrement équarries pour s'adapter à la forêt et résister aux dommages

R. LESLIE


CONCLUSION

Les préoccupations initiales de la Commission des forêts, qui craignait qu’une approche commerciale n’endommage l’environnement forestier, se sont révélées infondées. Pour les visiteurs forestiers, le niveau, la qualité et la diversité des activités et des services ont augmenté, alors que les financements de base du gouvernement ont diminué. Les installations sont en meilleur état qu’il y a 10 ans, et l’entreprise a une nouvelle culture d’innovation, de qualité et d’«approche- client». Les anciens clients reviennent sur les sites qui attirent aussi de nouveaux visiteurs.

Quelques opportunités n’ont pas été saisies. Pendant longtemps, la Commission des forêts pensait que chaque site devait être unique, de sorte qu’elle n’a pas tiré profit des économies d’échelle. Quelques produits à succès, comme les pistes de jeux, n’ont pas été remplacés assez vite. Quelques grands événements et quelques centres n’ont pas eu un succès immédiat.

La principale protection contre l’échec a été la flexibilité. Les gestionnaires locaux ont un mandat très clair et la Commission réfléchit beaucoup pour tenter de déterminer pendant combien de temps il faut persévérer sur des idées qui ne semblent pas donner de bons résultats.

Cette expérience est probablement familière à certains, mais bien des centres de récréation publics du Royaume-Uni, d’Europe et d’Amérique du Nord pourraient en tirer des leçons. Les environnements opérationnels varieront: il est tout à fait inutile d’essayer de faire payer des parcs de stationnement automobiles, si ce n’est pas une pratique établie dans la zone. Toutefois, le plus gros obstacle semble être l’inaptitude des institutions publiques, qui sont habituées à attendre pour obtenir des financements publics, à réagir à la baisse des moyens financiers des gouvernements. La Commission des forêts a été surprise de voir à quel point les changements introduits par nécessité avaient amélioré la qualité des services et le plaisir des visiteurs, tout en aidant à financer les services de récréation.

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