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Comment rétribuer les services forestiers environnementaux: l’expérience du Costa Rica

J.M. Rodríguez Zúñiga

Jorge M. Rodriguez Zuñiga est Directeur exécutif du Fonds national de financement forestier (Fondo Nacional de Financiamiento Forestal, FONAFIFO), San José, Costa Rica.

Au Costa Rica, le Gouvernement rétribue les propriétaires forestiers pour les services environnementaux qu’ils fournissent.

Conformément à sa politique nationale générale, qui vise à restaurer les ressources naturelles après une longue période d’épuisement, le Gouvernement costa-ricien s’est opposé récemment à l’établissement de concessions de forage pétrolier sur son territoire et a interdit l’exploitation aurifère à puits ouvert. Au lieu d’utiliser ses ressources non renouvelables pour financer le développement, le Costa Rica se tourne maintenant vers les activités respectueuses de l’environnement comme le tourisme, qui est le deuxième principal secteur contribuant au produit intérieur brut (PIB) (Projet sur l’état de la nation, 2001). Les forêts jouent naturellement un rôle de premier plan. Le Costa Rica reconnaît que la valeur totale des services environnementaux offerts par ses forêts représente un énorme potentiel financier, qui est supérieur à la simple valeur marchande du bois tiré des forêts naturelles et des plantations forestières. Le pays a introduit des mécanismes novateurs au titre desquels les petits propriétaires de forêts naturelles et de plantations forestières reçoivent des paiements directs pour les services environnementaux que ces formations fournissent à la société costa-ricienne et au monde dans son ensemble (Espinoza, Gatica et Smyle, 1999; FONAFIFO, 2000). Il ne s’agit pas de subventions mais plutôt d’un paiement équitable pour des services environnementaux parmi lesquels figurent:

Malgré la longue tradition de conservation des ressources naturelles du Costa Rica, appuyée par son système de parcs nationaux, et la création de mécanismes de remise en état des terres boisées (Arias et Castro, 1997), il a fallu des années de débats politiques et l’établissement d’un consensus social pour élaborer le processus de rémunération des services environnementaux.


LE CADRE JURIDIQUE

La loi forestière 7575 de 1996 fournit le cadre juridique pour la rétribution des services environnementaux, qui sont clairement définis comme «les services fournis par la forêt et les plantations forestières en vue de protéger et d’améliorer l’environnement». La loi de l’organisme réglementaire des services publics constitue le cadre juridique, alors que la loi sur la biodiversité définit la contribution du Costa Rica à la sauvegarde de la biodiversité comme avoir mondial, conformément aux décisions de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED, 1992). Des accords internationaux comme la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCCC), son Protocole de Kyoto et le nouveau Mécanisme pour un développement propre (MDP) ont permis au Costa Rica de jouer un rôle de chef de file dans la prévention des changements climatiques mondiaux par le biais de projets financés à l’échelon international portant sur la gestion et la conservation des forêts et des plantations forestières, et qui mettent fortement l’accent sur la participation des petits propriétaires fonciers. Le Costa Rica a ainsi lié de façon novatrice ses obligations juridiques envers la CCCC avec les possibilités intérieures de promotion de la gestion durable des forêts.

Le Programme de rétribution des services environnementaux récompense les propriétaires forestiers pour des services environnementaux comme la protection de l’eau

INVENTAIRE FORESTIER NATIONAL DU COSTA RICA


LE CADRE INSTITUTIONNEL

Pendant que se déroulait le processus législatif, le Fonds national de financement forestier (Fondo Nacional de Financiamiento Forestal, FONAFIFO), déjà établi en 1991 par le Ministère de l’environnement et de l’énergie (MINAE), élargissait sa portée afin de comprendre l’objectif «attirer des crédits pour le programme de rétribution des services environnementaux fournis par les forêts naturelles et les plantations forestières et entreprendre d’autres activités aptes à renforcer le développement du secteur forestier». A la fin des années 1990, le FONAFIFO a lancé le programme de rétribution des services environnementaux avec sa propre structure de gestion et son propre organe de direction.

A l’heure actuelle, le programme est exécuté dans le cadre des politiques établies par le MINAE. Alors que le Système national d’aires de conservation (SINAC) – une direction générale du MINAE – est responsable de la supervision des activités de projet, la gestion financière et les versements aux propriétaires fonciers prévus par le programme relèvent du FONAFIFO.


LE FINANCEMENT DU PROGRAMME

La principale source de financement du Programme de rétribution des services environnementaux est la taxe sur les combustibles, appelée aussi «écotaxe» (tableau 1). Cette taxe sur la consommation de tous les produits dérivés du pétrole brut, approuvée dans le cadre de la nouvelle loi forestière de 1996, a suscité des débats animés impliquant la Cour constitutionnelle nationale car la politique fiscale du Costa Rica (comme dans la plupart des autres pays) interdit l’affectation de taxes ou de droits à des objectifs spécifiques. Initialement, les interprétations légales de la loi forestière et les litiges interministériels ont provoqué de graves retards dans l’allocation au FONAFIFO des crédits mobilisés par cette taxe. Toutefois, ces problèmes ont été résolus et le FONAFIFO reçoit désormais les fonds sans retard. En approuvant cette mesure fiscale controversée au titre de la loi forestière, le Costa Rica a pu placer les forêts au sommet de la liste des priorités nationales.

Les «certificats de services environnementaux» sont un autre instrument financier novateur. Ils sont délivrés pour des contributions volontaires du secteur privé, et les crédits servent à financer le programme de rétribution des services environnementaux. Normalement, les acheteurs des certificats spécifient à quelles terres boisées les crédits devront être affectés. En outre, par le biais d’accords passés avec des compagnies hydroélectriques, FONAFIFO obtient des paiements pour la protection des ressources en eau. Quatre compagnies participent à ce programme, qui bénéficie à l’heure actuelle d’un investissement total de 5,6 millions de dollars EU
(tableau 2) (MINAE, 2002).

La communauté internationale a grande confiance dans le Programme de rétribution des services environnementaux et le cadre institutionnel établi par le FONAFIFO et le SINAC en vue de sa mise en œuvre. En effet, par le biais du Projet des «écomarchés», la Banque mondiale et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) ont fourni, respectivement, une ligne de crédit de 32,6 millions de dollars EU et une aide financière de 8 millions de dollars EU pour contribuer à son financement et pour renforcer le FONAFIFO, le SINAC et les organisations non gouvernementales locales participant à son exécution.

TABLEAU 1. Les sources de financement du FONAFIFO pour le Programme de rétribution des services environnementaux, 1995-2002 (millions de dollars EU)

Année

Source de financement

Total

 

Certificats
forestiers

Taxe sur les
combustibles

 
1995
9,1
 

9,1

1996
8,0
 

8,0

1997
7,7
 

7,7

1998
9,3
4,9

14,2

1999
5,6
8,5

14,1

2000
4,5
6,8

11,3

2001
3,9
7,2

11,1

2002
3,6
8,9

12,5

Total

51,7

36,3

88,0


TABLEAU 2. Investissement public et privé destiné à financer le service environnemental de la protection des ressources en eau

Nom de la compagnie

Bassin
versant

Superficie
du bassin versant

Superficie intéressée
par le projet

Zone sous
contrat
(ha)

Investissement
($EU)

 

 

 

(ha)

(% du bassin
versant)

   
E. Global Rio Volcán
San Fernando

3 466
2 404

2 493
1 818

71,9
75,6

567,6
819,3

43 110

H. Platanar Rio Platanar

3 655

1 226

33,5

959,0

14 358

Compañía Nacional
de Fuerza y Luz (CNFL)
Rio Aranjuez
Balsa
Lago Cote

15 638
18 926
1 259

4 000
6 000
900

32,0
31,7
71,5

4 630,6

5 280 000

Florida Ice and Farm Rio Segundo

2 619

1 000

38,2

340,0

272 727

Total  

47 967

17 437

7 316,5

5 610 195

Fuente: Cifras del FONAFIFO.


CONCLUSION

Il est évident qu’un programme aussi ambitieux, qui rémunère les services environnementaux de milliers de propriétaires forestiers et d’agriculteurs, doit surmonter un grand nombre de problèmes de gouvernance générale et d’administration financière et pour instaurer la volonté politique nécessaire à sa mise en œuvre permanente. Cependant, le Costa Rica a pu donner son appui à la gestion durable et à la conservation des forêts et accroître les ressources forestières nationales grâce à des paiements directs aux propriétaires forestiers.

Il a défini son marché national de services environnementaux comme la biodiversité, l’eau, le climat et les loisirs en créant la demande par des mesures législatives et en déterminant la valeur des services par une décision politique. En outre, il a regroupé les différents services, ce qui a permis d’affecter des crédits relativement élevés à la promotion, non seulement des plantations forestières mais aussi de la régénération des forêts secondaires et d’autres terres dégradées.

La notion de rétribution des services environnementaux fournis par les forêts ouvre d’énormes possibilités, et le Costa Rica a réussi à utiliser ces paiements pour accroître le couvert forestier, gérer de manière durable les ressources forestières existantes et accroître la beauté de son paysage.

Bibliographie

Arias, G. et Castro, R. 1997. Costa Rica hacia la sostenibilidad de los recursos naturales. San José, Costa Rica. (ronéo)

Espinoza, N., Gatica, J. et Smyle, J. 1999. El pago de servicios ambientales y el desarrollo sostenible en el medio rural. Unité régionale d’assistance technique (RUTA). San José, Costa Rica.

Fondo Nacional de Financiamiento Forestal (FONAFIFO). 2000. El desarrollo del sistema de pago de servicios ambientales en Costa Rica. San José, Costa Rica. (ronéo)

Ministère de l’environnement et de l’énergie, Costa Rica (MINAE). 2002. El éxito forestal de Costa Rica: en cinco casos. San José, Costa Rica.

Projet sur l’état de la nation. 2001. Sétimo informe sobre el Estado de la Nación. San José, Costa Rica. Disponible sur Internet: www.estadonacion.or.cr

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