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INTÉGRATION DES MARCHÉS ET TRANSMISSION DES PRIX POUR CERTAINS MARCHÉS DE CULTURES VIVRIÈRES ET COMMERCIALES DE PAYS EN DÉVELOPPEMENT: ANALYSE ET APPLICATIONS - George Rapsomanikis, David Hallam et Piero Conforti[46]


Le présent article traite de l'application de séries chronologiques à l'intégration des marchés. Un certain nombre de questions essentielles liées à la définition de l'intégration des marchés et de la transmission des prix, l'utilité et les limites de l'économétrie des séries chronologiques et l'interprétation des paramètres estimés sont examinés. La transmission des prix est définie en termes de composants théoriques, tels que la complétude, la dynamique et l'assymétrie de l'ajustement et un cadre de vérification est appliqué à chaque composant faisant l'objet d'un test individuel. Il est allégué que ces tests, d'un point de vue collectif, peuvent être utilisés pour évaluer l'intégration des marchés et la mesure dans laquelle les politiques et autres distorsions influencent la transmission des prix. Le cadre de vérification est appliqué à certains marchés de cultures vivrières et commerciales de pays en développement.

1. Introduction

Une question fondamentale lors de l'analyse de la réforme des politiques commerciales sur les marchés agricoles mondiaux est la mesure dans laquelle les marchés intérieurs des produits agricoles de base des pays en développement réagissent aux changements des prix internationaux. La transmission des prix des marchés mondiaux vers les marchés intérieurs est un élément déterminant pour comprendre l'ampleur de l'intégration des agents économiques dans les mécanismes du marché.

Les études portant sur la transmission des signaux de prix reposent sur des concept liés à un comportement de fixation des prix compétitif[47]. En termes spatiaux, le paradigme classique de la loi du prix unique, ainsi que les prévisions relatives à l'intégration des marchés fournies par les modèles spatiaux standard de fixation des prix (Enke, 1951; Samuelson, 1952; Takayama et Judge, 1972) posent comme hypothèse que la transmission des prix est définie par des prix d'équilibre pour un produit de base vendu sur des marchés intérieurs et étrangers compétitifs ne différant que par les coûts de transfert, lorsqu'ils sont convertis en une devise commune. Ces modèles prévoient que les changements intervenant dans les conditions de l'offre et de la demande sur un marché auront une influence sur le commerce et, donc, sur les prix des autres marchés dans la mesure où l'équilibre est restauré par le biais d'un arbitrage spatial.

L'absence d'intégration des marchés ou de répercussion complète des changements de prix d'un marché à l'autre a une influence considérable sur le bien-être économique[48]. Une transmission incomplète des prix due soit aux politiques commerciales et autres soit à des coûts de transaction liés par exemple à une infrastructure de transport ou de communication de piètre qualité, entraîne une réduction de la quantité de renseignements disponibles, en matière de prix, pour les agents économiques et risque donc de déboucher sur des décisions contribuant à des résultats inefficaces. La réforme des politiques agricoles et de commerce des produits alimentaires, tout particulièrement, est une question qui s'inscrira dans les priorités des prochaines négociations de l'OMC, dans la mesure où la libéralisation des échanges commerciaux est perçue comme encourageant l'allocation optimale des ressources et la croissance à long terme.

Les études sur la transmission des prix sont, manifestement, un exercice empirique visant à mettre à l'épreuve les prévisions formulées par les théories économiques et à apporter des renseignements précieux sur la manière dont les changements survenant sur un marché sont répercutés sur un autre, reflétant ainsi le degré d'intégration des marchés, ainsi que le degré d'efficacité de leur fonctionnement. Outre les travaux théoriques et pratiques qui se chargent de vérifier les théories économiques, les mécanismes de transmission des prix figurent en bonne place dans tous les modèles d'équilibre partiel portant sur l'agriculture mondiale, tels que le Modèle alimentaire mondial de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et d'autres modèles comme celui développé par Tyers et Anderson (1992). Dans ces modèles, les valeurs des paramètres de transmission des prix sont composées de blocs fondamentaux et jouent un rôle essentiel pour déterminer la direction, l'ampleur et la distribution des effets des différents scénarios proposés par les politiques commerciales sur le bien-être économique (pour une analyse des mécanismes de transmission des prix dans les modèles d'équilibre partiel, voir Sharma, 2002). Compte tenu de l'utilisation croissante de tels modèles pour aborder des questions sensibles liées à des politiques clés, telles que la libéralisation des échanges commerciaux et la distribution des bénéfices et des coûts à travers les pays et les groupes de population, il est urgent d'analyser ces mécanismes et de les harmoniser pour de futures applications.

L'objectif de ce document est de contribuer aux travaux théoriques et pratiques sur la transmission des prix axée sur les marchés de cultures vivrières et commerciales de pays en développement et de souligner un certain nombre de questions importantes liées à la définition de la transmission des prix, aux diverses méthodes économétriques utilisées pour examiner son ampleur et à l'interprétation des résultats dans une perspective de politiques. La section 2 fournit une brève analyse de la littérature spécialisée et met en lumière les principaux résultats concernant les facteurs qui entravent le processus de transmission des prix et d'intégration des marchés. La section 3 est une discussion autour de la définition des concepts d'intégration des marchés et de transmission des prix et examine les questions sous-jacentes auxdits concepts. La section 4 ébauche un cadre de vérification à des fins de travaux empiriques. La section 5 présente les études de cas et la section 6 sert de conclusion au document.

2. Analyse de la littérature et principaux résultats

Différents auteurs ont étudié la transmission des prix dans le contexte de la loi du prix unique (notamment Ardeni, 1989; Baffes, 1991) ou dans le contexte de l'intégration des marchés (Ravallion, 1986; Sexton et al., 1991; Palaskas et Harriss 1993; Zanias, 1993; Gardner et Brooks, 1994; Blauch, 1997). Le concept et les techniques analytiques ont également été utilisés pour évaluer la réforme des politiques, notamment l'évaluation ex post de l'intégration des marchés dans le contexte de la mise en oeuvre de programmes d'ajustement structurel (Goletti et Babu, 1994; Alexander et Wyeth, 1994; Dercon, 1995). Un autre volet de la recherche s'intéresse à la transmission verticale des prix le long de la chaîne d'approvisionnement, du consommateur au producteur (voir par exemple Brorsen et al., 1985; Wohlgenant, 1985; Kinnucan et Forker, 1987; Shroeter et Azzam, 1991; Goodwin et Holt, 1999; Prakash 1998; von Cramon-Taubadel, 1999).

Les nombreuses recherches sur l'intégration des marchés et la transmission des prix, à la fois spatiale et verticale, ont appliqué diverses techniques quantitatives et mis en évidence plusieurs facteurs qui empêchent la répercussion des signaux de prix. Les distorsions introduites par les gouvernements, sous la forme de politiques frontalières ou de mécanismes de soutien des prix, affaiblissent les liens existant entre les marchés internationaux et les marchés intérieurs. Les instruments de politique agricole tels que les droits de douane à l'importation, les contingents tarifaires, les subventions ou les taxes à l'exportation, les mécanismes d'intervention ainsi que les politiques des taux de change conduisent à un isolement des marchés intérieurs et entravent la pleine transmission des signaux de prix internationaux en influençant les barèmes relatifs à l'excès de demande ou d'offre des marchés intérieurs des produits de base (Gardner, 1975; Mundlak et Larson, 1992; Quiroz et Soto, 1996; Baffes et Ajwad, 2001; Abdulai, 2000; Sharma, 2002).

En théorie, les modèles spatiaux de fixation des prix montrent que, si deux marchés sont liés par des échanges commerciaux reposant sur un régime de libre-échange, les chocs survenant au niveau de l'offre ou de la demande excédentaire dans un marché auront un impact égal sur les prix des deux marchés. L'application de tarifs d'importation favorisera, en général, la pleine transmission des changements des prix internationaux vers les marchés intérieurs en termes relatifs. Ainsi, une hausse proportionnelle du prix international entraînera une hausse également proportionnelle du prix intérieur, à tout moment pour autant que les niveaux des tarifs restent inchangés. Cependant, si le niveau tarifaire est démesurément élevé, les changements au niveau du prix international ne seraient que partiellement (si tant est qu'ils le soient) transmis au marché intérieur, dans la mesure où les prix intérieurs pourraient être proches du niveau de prix autarciques, ce qui compromettrait toute possibilité d'arbitrage spatial et entraînerait des mouvements indépendants des deux prix, comme si les importations faisaient l'objet d'une interdiction. D'autres instruments de politique commerciale, tels que les contingents tarifaires, peuvent entraîner une transmission non systématiquement proportionnelle des changements des prix internationaux aux prix intérieurs, dans la mesure où les changements affectant les prix intérieurs dépendront de deux tarifs différents, selon que le volume d'importations sera situé dans les limites du contingent tarifaire ou en dehors de celles-ci. Dans l'éventualité où les importations seraient égales au contingent tarifaire, les changements affectant le prix international pourraient n'avoir aucune influence sur le prix intérieur, à condition que de tels changements soient relativement faibles par rapport à la différence entre les tarifs situés en dehors des limites du contingent et ceux situés dans ces mêmes limites. L'application de politiques de soutien des prix, notamment les mécanismes d'intervention et les prix planchers, peut amener le prix international et le prix intérieur à être totalement indépendant l'un de l'autre ou à être reliés de manière non linéaire, en fonction du niveau de l'intervention ou du prix plancher par rapport au prix international. Les changements du prix international n'auront aucun effet sur le prix intérieur si le prix international est situé à un niveau inférieur à celui auquel le prix plancher a été fixé. Toutefois, tout changement amenant le prix international à dépasser le niveau du prix plancher sera transmis au marché intérieur. Ainsi, les politiques fondées sur un prix plancher peuvent amener le prix intérieur à être totalement détaché du prix international, en dessous d'un certain seuil déterminé par le prix plancher ou à ce que les deux prix soient reliées de manière non linéaire, les hausses du prix international étant totalement transmises au niveau intérieur, alors que les baisses ne seront transmises que lentement et de façon incomplète.

Outre les politiques, les marchés intérieurs peuvent également être partiellement isolés par de fortes marges commerciales dues à des coûts de transfert élevés. Dans les pays en développement plus particulièrement, l'insuffisance de l'infrastructure et des services de transport et de communication donne lieu à de fortes marges commerciales dues à des coûts élevés visant à acheminer les produits de base produits localement vers la frontière à des fins d'exportation ou des produits de base importés vers le marché intérieur à des fins de consommation. Les coûts de transfert élevés et les fortes marges commerciales entravent la transmission des signaux de prix, dans la mesure où ils peuvent interdire tout arbitrage (Sexton, Kling et Carman, 1991; Badiane et Shively, 1998). Par conséquent, les changements des prix au niveau des marchés mondiaux ne sont pas totalement transmis aux prix intérieurs, raison pour laquelle les agents économiques ne s'adaptent que partiellement (dans le meilleur des cas) aux changements de la demande et de l'offre mondiales.

Le comportement non compétitif, tel que celui envisagé par les modèles de fixation du prix en fonction du marché (Dornbush, 1987; Froot et Klempeter, 1989; Krugman, 1986) peut freiner l'intégration des marchés. Les modèles de fixation du prix en fonction du marché partent de l'hypothèse que les entreprises peuvent absorber une partie des mouvements de change en modifiant les prix à l'exportation mesurés en devise nationale afin de conserver leur part de marché. Il peut aussi arriver qu'un comportement oligopolistique et une entente entre les partenaires commerciaux à l'échelon intérieur maintiennent les différences entre prix internationaux et prix intérieurs à des niveaux supérieurs à ceux déterminés par les coûts de transfert.

La plupart des études utilisent des techniques d'analyse économétrique des séries chronologiques visant à repérer les co-mouvements des prix. Ces techniques, qui impliquent la cointégration et les modèles à correction d'erreur, sont devenues l'outil standard pour analyser les relations spatiales des marchés, remplaçant ainsi les anciens outils empiriques, comme le coefficient de corrélation simple et les régressions. Néanmoins, l'analyse des séries chronologiques a également été critiquée et jugée non fiable (Blauch, 1997; Barrett et Li, 2002) par les récents travaux de recherche portant sur des modèles à changement de régime intégrant des données relatives aux prix, aux volumes échangés et aux coûts de transaction. Le débat sur la méthodologie à appliquer afin de définir et déterminer l'intégration des marchés et la transmission des prix est relativement ancien et a commencé avec Harriss (1979). Blauch (1997) fournit une analyse de ce débat et examine les résultats statistiques des tests économétriques visant à mettre en évidence l'intégration des marchés. Par essence, les tests linéaires de mise en évidence de l'intégration des marchés et de la transmission des prix sont perçus comme étant approximatifs et inappropriés (Blauch, 1997; McNew, 1996; McNew et Fackler, 1997; Fackler et Goodwin, 2002 et Barrett et Li, 2002). Les non-linéarités au niveau des rapports entre les marchés, découlant des conditions d'arbitrage, des cycles de prix non synchronisés, des échanges commerciaux discontinus et des coûts de transfert non stationnaires, sont considérées comme étant des représentations et des modèles linéaires inutiles et imprécis.

Dans ce document, nous soutenons que, même si les critiques susmentionnées sont défendables, tout particulièrement en ce qui concerne les coûts de transfert non stationnaires, l'analyse des séries chronologiques peut fournir des renseignements utiles sur l'intégration des marchés et la transmission des prix, pour autant qu'un cadre de vérification adéquat soit utilisé et que les résultats fassent l'objet d'une interprétation correcte. L'intégration des marchés peut être testée adéquatement, si l'on s'en tient à la définition suggérée par le modèle d'équilibre spatial standard. Cependant, le degré de la transmission des prix est un concept intrinsèquement ambigu. La cointégration et les modèles à correction d'erreur constituent un outil analytique susceptible de dépasser le stade de mise en évidence de l'intégration des marchés ou de transmission complète des prix, en vue d'analyser des notions telles que la complétude, la vitesse et l'assymétrie de la relation existant entre les prix. Par exemple, les discontinuités des échanges commerciaux, au sein d'un cadre de modélisation des séries chronologiques, correspondent à un rythme lent de convergence vis-à-vis d'une relation à long terme, alors que les non-linéarités peuvent être modélisées sous la forme de réponses asymétriques aux changements de prix. Les modèles de séries chronologiques présentent de faibles besoins en données, par rapport à d'autres méthodologies et reposent uniquement sur des séries de prix, qui sont plus aisément disponibles pour les pays en développement. En outre, les applications de séries chronologiques jouent un rôle précieux dans l'identification de possibles dysfonctionnement des marchés et contribuent à évaluer la direction, l'ampleur et la distribution des effets des réformes en matière de politique commerciale sur le bien-être économique. Cependant, il convient de noter qu'en règle générale, les applications de séries chronologiques peuvent également faire fausse route en tentant d'atteindre un objectif irréalisable, à savoir fournir une mesure universelle du degré de transmission des prix sous la forme d'un paramètre ou d'un test uniques.

3. Notions et composants de la transmission des prix et impact des politiques alimentaires

Soit p1t et p2t les prix pour un produit de base sur deux marchés distincts spatialement. La loi du prix unique et le modèle Enke-Samuelson-Takayama-Judge avancent qu'à tout moment, compte tenu des coûts de transfert c, pour assurer le transport du produit de base du marché 1 au marché 2, la relation qui existe entre les deux prix est la suivante:

p1t = p2t + c (1)

Si une relation entre deux prix, telle que (1), est exacte, les marchés peuvent être considérés comme intégrés. Cependant, il est peu probable qu'une situation aussi extrême se produise, en particulier à court terme. À l'autre extrémité du spectre, si la distribution conjointe des deux prix se révélait totalement indépendante, on serait en droit de penser qu'il n'existe aucune intégration des marchés et aucune transmission des prix. En général, l'arbitrage spatial doit garantir que les prix d'un produit de base diffèrent d'un montant qui est au plus égal aux coûts de transfert, la relation entre les prix étant déterminée par l'inégalité suivante:

p2t - p1t £ c (2)

Fackler et Goodwin (2001) font référence à la relation ci-dessus comme la condition d'arbitrage spatial et postulent qu'il s'agit là d'une forme atténuée de la loi du prix unique, la forme forte étant caractérisée par une égalité (1). Les deux chercheurs soulignent également que la relation (2) représente une condition d'équilibre. Les prix observés peuvent diverger par rapport à la relation (1), mais l'arbitrage spatial amènera la différence observée entre les deux prix à se rapprocher du coût de transfert. La condition d'arbitrage spatial implique que l'intégration des marchés se prête à une interprétation par cointégration, sa présence étant évaluée au moyen de tests de cointégration. La cointégration peut être perçue comme étant l'équivalent empirique de la notion théorique d'une relation d'équilibre à long terme. Si deux séries de prix séparées dans l'espace sont cointégrées, elles ont tendance à bouger ensemble (co-mouvement) à long terme, selon une relation linéaire. À court terme, les prix peuvent diverger, dans la mesure où les chocs affectant un marché peuvent ne pas être immédiatement transmis aux autres marchés (par exemple en raison de retards de transport). Cependant, les mécanismes d'arbitrage veillent à ce que ces divergences par rapport à la relation (d'équilibre) sous-jacente à long terme restent temporaires et non permanentes.

La condition d'arbitrage spatial couvre des relations de prix situées entre les deux extrêmes que sont la forme forte de la loi du prix unique et l'absence d'intégration des marchés. En fonction des caractéristiques des marchés, ou des distorsions auxquelles ceux-ci sont soumis, les deux séries de prix peuvent se comporter de multiples manières et présenter des relations fort complexes, les prix étant transmis de manière incomplète, lentement et non pas instantanément, selon diverses structures dynamiques ou de manière non linéaire. Compte tenu de l'éventail de relations qui peut exister entre les prix, on peut considérer que le concept de transmission des prix s'articule autour de trois notions, ou composants (Prakash, 1998; Balcombe et Morisson, 2002):

Dans ce contexte, la transmission complète des prix entre deux marchés distincts dans l'espace est définie comme étant une situation dans laquelle les changements d'un prix sont complètement et instantanément transmis à l'autre prix, comme avancé par la loi du prix unique présentée par la relation (1). Dans ce cas, les marchés séparés dans l'espace sont intégrés. En outre, cette définition implique que si les changements des prix ne sont pas transmis instantanément, mais au bout d'un certain laps de temps, la transmission des prix est incomplète à court terme, mais complète à long terme, comme suggéré par la condition d'arbitrage spatial. Cette distinction entre la transmission des prix à court et à long terme est importante et la vitesse à laquelle les prix s'ajustent à leur relation à long terme est essentielle pour comprendre la mesure dans laquelle les marchés sont intégrés à court terme. Les changements des prix d'un marché peuvent nécessiter un certain temps afin d'être transmis à d'autres marchés pour différentes raisons, notamment les politiques, le nombre d'étapes dans le processus de commercialisation et les arrangements contractuels correspondants entre les agents économiques, le stockage et la détention de stocks, les retards occasionnés au niveau du transport ou de la transformation ou encore des pratiques de «nivellement des prix».

Une réponse asymétrique d'un prix par rapport à un autre implique un ajustement non linéaire et mérite une attention plus particulière. De nombreux chercheurs ont étudié la question des réponses asymétriques des prix en utilisant le modèle asymétrique à correction d'erreur mis au point par Granger et Lee (1989) ou les modèles de cointégration à seuil formulés par Enders et Granger (1998). Abdulai (2000) apporte une réflexion approfondie sur les raisons d'une réponse asymétrique spatiale des prix. Outre les politiques, le pouvoir d'intervention sur le marché est souvent cité comme une source d'asymétrie (Scherer et Ross, 1990). La concentration industrielle et un comportement partiellement compétitif au-delà de l'étape de production impliquent que les grossistes, ou les intermédiaires qui ont une influence sur les prix, peuvent appliquer des stratégies de fixation des prix aboutissant à une transmission lente et incomplète des hausses du prix international et à une transmission rapide et complète des baisses du prix international vers les prix en amont, dans la mesure où leurs marges sont resserrées.

Cependant, à court terme, une transmission asymétrique des prix peut également se produire pour des raisons autres que les politiques et le pouvoir d'intervention sur le marché. Sur des marchés spatiaux, la détention de stocks sur les marchés intérieurs peut conduire à des asymétries, dans la mesure où des perspectives de prix internationaux élevés entraînent une accumulation de stocks. La déblocage consécutif des stocks, une fois retombées les perspectives de prix internationaux élevés, peut exercer une pression vers le bas sur le marché intérieur et entraîner une hausse du prix intérieur inférieur à celle logiquement attendue en l'absence de stocks (Maccini, 1978; Blinder, 1982). Parmi les autres raisons d'un ajustement asymétrique des prix, citons une réaction différente aux hausses et aux baisses des coûts de production, en fonction d'une augmentation ou d'une diminution des prix, dans la mesure où la concurrence entre grossistes présentant des coûts fixes élevés et une capacité excédentaire peut entraîner une hausse rapide des prix à la production lorsque la demande de produits transformés est forte, mais également une baisse plus lente lorsque cette même demande est peu élevée (Bailey et Brorsen, 1989; Kovenock et Widows, 1998). Par conséquent, il est important de noter que, même si la plupart des chercheurs s'accordent sur le fait qu'une réponse asymétrique des prix peut être due à un phénomène de concentration et à un comportement de fixation des prix non compétitif, les fondements théoriques d'une telle hypothèse (voir par exemple Wohlgenant, 1999), ainsi que les preuves empiriques correspondantes sont peu concluants. Par exemple, Griffith et Piggot (1994) ont repéré des asymétries dans les marchés australiens de l'agneau et du boeuf, mais pas dans celui du porc, malgré le fait que le marché porcin australien soit plus concentré que les autres marchés de la viande.

4. Un cadre de vérification pour la transmission des prix

Comme indiqué dans la section 2, le degré de transmission des prix ne fait l'objet d'aucun équivalent empirique direct et non ambigu, qui prendrait la forme d'un test formel et unique. La définition de la notion de transmission des prix donnée dans la section précédente renferme l'intégration parfaite des marchés, les relations dynamiques inhérentes aux marchés et découlant soit de l'inertie soit des discontinuités des échanges commerciaux ainsi que les non-linéarités qui pourraient apparaître par le fait des politiques et d'autres distorsions de l'arbitrage. Plus important encore, cette définition implique un certain nombre d'hypothèses, par le biais de ses composants, lesquelles peuvent être vérifiées au moyen de tests, à l'intérieur d'un cadre lié soit à un mécanisme de cointégration soit à un modèle à correction d'erreur. Plusieurs techniques d'analyse des séries chronologiques peuvent être utilisées pour tester chacun des composants de la transmission des prix et, en dernier ressort, évaluer le degré de la transmission des prix. Ces techniques sont les suivantes:

Chacun des tests susmentionnés sont effectués dans le but de mettre en évidence les composants de la transmission et, ce faisant, de fournir des renseignements spécifiques à la nature même de celle-ci. Mises en commun, ces techniques offrent un cadre d'évaluation de la transmission des prix et de l'intégration des marchés.

Le concept de cointégration (Granger, 1981) et les méthodes d'estimation d'une relation ou d'un système de cointégration (notamment Engle et Granger, 1987; Johansen, 1988, 1991, 1995) fournissent un cadre permettant l'estimation et l'expérimentation de relations d'équilibre à long terme entre des variables intégrées non stationnaires.[49] La cointégration a fait l'objet d'amples débats et d'applications dans la littérature, et une analyse détaillée de ce concept dépasse la portée de la présente étude (Maddala et Kim, 1998 fournissent une analyse complète et détaillée de la cointégration). Cependant, une brève description du concept et des méthodes d'évaluation utilisées dans le cadre de la présente analyse sont fournies.

Si deux prix sur des marchés distincts dans l'espace (ou à différents niveaux de la chaîne d'approvisionnement), p1t et p2t présentent des tendances stochastiques et sont intégrés du même ordre, par exemple I(d), les prix sont dits intégrés si:

p1t - bp2t = ut (3)

est égal à I(0).

b représente le vecteur de cointégration (dans le cas des deux variables, un vecteur scalaire), alors que l'équation (3) est considérée comme étant la régression de cointégration. La relation susmentionnée peut être estimée à l'aide, notamment, des moindres carrés ordinaires (Engle et Granger, 1987), ou de la méthode du maximum de vraisemblance à information complète mise au point par Johansen (1988, 1991), que l'on retrouve le plus souvent dans la littérature. Plus spécifiquement, p1t et p2t sont cointégrés, s'il existe entre les deux une combinaison linéaire qui ne présente pas de tendance stochastique, même si la série individuelle en présente (voir Stock et Watson, 1988, pour la représentation de la tendance stochastique de systèmes cointégrés). La cointégration implique que ces prix évoluent selon un étroit parallèle à long terme, même si à court terme ils peuvent diverger, ce qui est conforme au concept de l'intégration des marchés. Engle et Granger vérifient l'hypothèse nulle de non-cointégration en appliquant des tests de racines unitaires à. Johansen a dérivé la distribution de deux tests statistiques visant à vérifier l'hypothèse nulle de non-cointégration, appelés tests de la trace et de la valeur propre (ou racine caractéristique).[50]

Dans la mesure où ut est stationnaire, les prix présentent des tendances stochastiques qui affichent une proportionnalité à long terme, le paramètre de cointégration mesurant la relation d'équilibre à long terme entre eux. Ce paramètre a parfois été interprété comme étant «l'élasticité de la transmission des prix», lorsque les séries de prix sont converties en logarithmes. Cependant, ce paramètre de cointégration ne permet pas d'identifier parfaitement cette élasticité, en d'autres termes la complétude de la transmission, comme le montrent Balcombe et Morrison (2002) ainsi que Barrett et Li (2002). La cointégration est un concept statistique et, par conséquent «athéorique». Quant au paramètre de cointégration, il peut ne faire l'objet d'aucune interprétation économique, contrairement à un paramètre de modèle structurel. Par exemple, si les prix de marchés distincts dans l'espace présentent une tendance stochastique commune reflétant l'inflation, le paramètre de cointégration sera égal à un, ce qui reflétera une proportionnalité d'unité et impliquera une transmission complète des prix.

Néanmoins, si l'hypothèse nulle de non-cointégration ne peut être infirmée, les deux prix divergent alors à long terme, dans la mesure où ils sont mûs par des tendances stochastiques non proportionnelles. Dans ce cas, certains changements affectant un prix, par exemple le prix international, peut à un certain degré être transmis au prix intérieur. Cependant, d'autres facteurs, tels que les politiques ou les écarts issus de la fixation des prix au coût marginal, déterminent les mouvements du prix intérieur, ce qui résulte en l'absence d'intégration des marchés. Une lacune potentielle de l'utilisation de la cointégration pour mettre en évidence l'intégration des marchés est l'hypothèse implicite selon laquelle les coûts de transfert sont stationnaires (Fackler et Goodwin, 2001; Barret et Li, 2002). Des coûts de transfert non stationnaires entraîneront la mise en évidence, dans les tests de cointégration, d'une absence d'intégration des marchés, eu égard à la divergence entre les prix internationaux et les prix intérieurs, malgré le fait que les signaux de prix soient transmis d'un marché à l'autre. Néanmoins, des coûts de transfert non stationnaires peuvent amener les prix intérieurs à fluctuer indépendamment des prix internationaux, ce qui limite le volume de renseignements dont peuvent disposer les producteurs.

Outre les tests formels d'intégration des marchés, le concept de cointégration a des incidences importantes, suggérées par le théorème de représentation de Granger (Engle et Granger, 1987). Selon ce théorème, si deux variables de tendance, disons I(1), sont cointégrées, leur relation peut être décrite de manière valable par un modèle à correction d'erreur (MCE) et inversement (voir également la brève description en annexe). Si les prix de deux marchés distincts dans l'espace, p1t et p2t, sont cointégrés, le modèle vectoriel à correction d'erreur (soit le MVCE) est le suivant:

(4) v1t où v2t et sont iid perturbations à moyenne zéro et variance finie et constante, alors que l'opérateur D montre que les variables I(1) ont été différenciées pour devenir stationnaires.

L'intégration des niveaux de ces variables, p1t et p2t parallèlement à leurs termes différenciés Dp1t et Dp2t est essentielle au concept du modèle à correction d'erreur. Les paramètres contenus dans les matrices A2...Ak, mesurent les effets à court terme, alors que b est le paramètre de cointégration qui caractérise la relation d'équilibre à long terme entre les deux prix. Les niveaux des variables sont entrés dans le modèle à correction d'erreur, combinés sous la forme d'une entité unique (p1t-1-bp2t-1) qui reflète les erreurs ou toute divergence de cet équilibre et correspond au terme d'erreur retardé de l'équation (3). Le vecteur contient des paramètres, généralement, i=1,2, communément appelés coefficient de correction d'erreur, qui mesurent le degré de correction des erreurs effectuée par le marché en ajustant p1t et p2t de manière à restaurer la relation d'équilibre à long terme. La vitesse à laquelle le marché retrouve son équilibre dépend de la proximité de ai par rapport à 1. Dans ce contexte, les ajustements à court terme sont mûs par la relation d'équilibre à long terme et conformes à cette dernière, ce qui permet au chercheur d'évaluer la vitesse d'ajustement qui caractérise la relation entre les deux prix.

Dans le cadre des études portant sur l'intégration des marchés et la transmission des prix, le modèle à correction d'erreur (MCE) ainsi que ses autres applications mentionnées ci-dessous, est peut-être l'outil le plus utile, dans la mesure où il donne une image précise de la relation qui existe entre deux prix. Ce modèle fournit une structure permettant de tester une transmission des prix progressive et non instantanée, ce qui tient compte des discontinuités des échanges commerciaux et d'autres facteurs qui pourraient freiner l'intégration des marchés au fil du temps. Il est un point encore plus important, à savoir que la proximité du coefficient de correction d'erreur par rapport à -1 peut être utilisée pour évaluer la mesure dans laquelle les politiques, les coûts de transaction et d'autres distorsions retardent l'ajustement total à un équilibre à long terme. Sharma (2002), dans une étude portant sur l'intégration des marchés entre plusieurs marchés asiatiques du blé et le marché mondial, a évalué plusieurs modèles à correction d'erreur et a conduit une analyse approfondie des politiques. Ses résultats montrent que dans des pays comme le Pakistan, l'Inde, le Sri Lanka et l'Indonésie, où le gouvernement intervient sur le marché intérieur par le biais de différents instruments de politique commerciale, les coefficients de correction d'erreur seraient compris entre -0,01 et -0,07, ce qui indiquait un ajustement lent à la relation d'équilibre à long terme.

L'autre implication importante de la cointégration et de la représentation du modèle à correction d'erreur est que la cointégration entre deux variables signifie l'existence d'une causalité (au sens où l'entend Granger) entre ces variables, au moins dans une direction (Granger, 1988). La définition de la causalité, et son importance dans le contexte de l'intégration des marchés et de la transmission des prix, mérite d'être discuté. La cointégration, en tant que telle, ne peut être utilisée pour formuler des déductions quant à la direction du lien de cause à effet existant entre des variables, d'où la nécessité de mener des tests de causalité. Granger (1969) a proposé une définition empirique de la causalité fondée uniquement sur son contenu prévisionnel: si xt entraîne yt dès lors yt+1 peut faire l'objet de prévisions plus exactes si les renseignements contenus dans xt sont utilisées, car l'erreur de prévision présentera une variance moins élevée. Cette définition a suscité une vive controverse dans la littérature (voir par exemple Pagan, 1989), dans la mesure où elle se base sur la précédence et non sur la causalité instantanée, ce que soutiennent la plupart des économistes. Néanmoins, si deux marchés sont intégrés, le prix sur un marché, p1, entraînerait, selon un lien de causalité entendu au sens de Granger, le prix sur l'autre marché, p2 et/ou inversement. Par conséquent, la causalité de Granger fournit des preuves supplémentaires sur la question de savoir s'il y a transmission des prix entre deux séries et, le cas échéant, dans quelle direction.

L'hypothèse selon laquelle p1 entraîne, selon une causalité de Granger, p2 et inversement peut être évaluée dans le cadre d'une autorégression vectorielle (VAR) (voir Annexe) en vérifiant l'hypothèse nulle selon laquelle les coefficients d'un sous-ensemble de ces variables conjointement déterminées, les termes p1 retardés, sont égaux à zéro. En outre, Granger (1988) a proposé un test pour la mise en évidence d'une causalité de Granger à long terme dans le contexte d'un modèle à correction d'erreur ou d'un système cointégré de variables. La présence et la direction de la causalité de Granger à long terme, peut être évaluée en vérifiant l'hypothèse nulle selon laquelle les coefficients de correction d'erreur a1 et a2 du modèle vectoriel à correction d'erreur présenté par l'équation (3) sont égaux à zéro, ce test révélant également une faible exogénéité, au sens économétrique. Pour être plus précis, lorsque a1 =0, a2 ¹ 0, p2 entraîne, selon une causalité de Granger, p1 à long terme et, lorsque a2 =0, a1 ¹ 0, p1 entraîne, selon une causalité de Granger, p2 à long terme, alors que si a1 ¹ 0, a2 ¹ 0, les deux séries s'entraînent mutuellement, selon une causalité de Granger, à long terme.

Il convient de noter que, même si la cointégration entre deux séries de prix implique l'existence d'une causalité de Granger au moins dans une direction, le contraire n'est pas nécessairement vrai. Dans ce cas, et comme il l'a été indiqué plus haut concernant la cointégration, l'absence de cointégration entre les deux séries de prix tendancielles peut indiquer l'absence d'intégration des marchés, dans la mesure où d'autres facteurs, tels que les coûts de transaction, déterminent les mouvements de l'une des séries de prix. Cependant, une causalité de Granger peut exister, ce qui indique, le cas échéant, que même si les deux séries de prix divergent en raison d'autres facteurs tels que des coûts de transaction non stationnaires, certains signaux de prix sont transmis d'un marché à l'autre. Par ailleurs, l'absence d'une causalité de Granger n'implique pas forcément celle d'une transmission, dans la mesure où les signaux de prix peuvent être transmis instantanément dans des circonstances particulières. Toutefois, compte tenu de la dynamique inhérente aux marchés, nous pensons que ce phénomène est très peu probable.

Diagramme 1

Le modèle à correction d'erreur fournit également un cadre de vérification de l'ajustement asymétrique et non linéaire à un équilibre à long terme. Granger et Lee (1989) ont proposé un modèle asymétrique à correction d'erreur (MACE), dans lequel la vitesse d'ajustement de la variable endogène dépend du caractère positif ou négatif de l'écart par rapport à l'équilibre à long terme. Le modèle asymétrique à correction d'erreur est détaillée comme suit:

(5)

Les erreurs ou divergences de cet équilibre sont décomposées en deux parties, et , reflétant respectivement un déséquilibre positif et négatif. Dans ce contexte, une asymétrie se produit si les divergences positives ou négatives de l'équilibre à long terme entre p1t et p2t donnent lieu à des changements au niveau de p1t d'ampleur différente. Par conséquent, une transmission asymétrique implique que a+1 n'est pas égal à a-1. L'hypothèse nulle de symétrie est opposée à l'hypothèse alternative selon laquelle l'ajustement est asymétrique et ce, en imposant la restriction d'égalité a+1=a-1. En outre, la transmission asymétrique à court terme peut également faire l'objet d'un test en décomposant DP2t en deux parties reflétant les hausses et les baisses des prix et en testant l'égalité des coefficients à court terme correspondants. L'ajustement asymétrique peut également faire l'objet d'un test en suivant la méthode de Prakash et al. (2001). Cette méthode suppose l'assignation d'une variable nominale, d=0 à tous les paramètres du modèle sous-jacent autorégressif à retards échelonnés (ARE) si l'on observe un déséquilibre positif et d=1 si le déséquilibre est négatif. L'ajustement asymétrique à l'équilibre à long terme est ensuite testé en imposant et en testant des restrictions zéro pour les paramètres des variables nominales.

Au vu de la réflexion précédente relative aux outils empiriques pouvant être utilisés pour évaluer les composants théoriques de l'intégration des marchés et de la transmission des prix, nous procédons maintenant à l'application des techniques de séries chronologiques proposées à certains marchés de produits de base, sous la forme d'une séquence présentée par le diagramme 1. La manière dont les tests portant sur les composants de la transmission ont été ordonnés est adaptée aux circonstances dans une certaine mesure. La séquence de ces tests est la suivante:

(i) Pour chaque paire de prix, nous commençons par tester l'ordre d'intégration de chaque prix en utilisant le test de Dickey-Fuller augmenté (Dickey and Fuller, 1979) et les tests de Phillips et Perron (Phillips et Perron, 1988). Si les séries présentent un ordre d'intégration différent, nous en concluons que les marchés ne sont pas intégrés. Si les séries présentent un ordre I(0), nous procédons à l'évaluation de la dynamique de la relation au moyen de modèles autorégressifs à retards échelonnés (ARE). Nous testons la causalité de Granger dans le cadre d'une autorégression vectorielle (VAR), afin d'évaluer la transmission des prix entre les marchés ou le long de la chaîne d'approvisionnement.

(ii) Si les tests révèlent que les séries sont intégrées du même ordre (par exemple I(1)), nous poursuivons par une vérification de l'hypothèse nulle de non-cointégration, que nous mettons en contraste avec l'hypothèse alternative d'un vecteur de cointégration à l'aide de la méthode de Johansen (Johansen, 1988, 1991), ou nous vérifions l'hypothèse nulle de non-cointégration en suivant la méthode de Engle et Granger (1987). Les éléments permettant d'infirmer l'hypothèse nulle de non-cointégration sont perçus comme indiquant que les prix affichent des co-mouvements et que les marchés sont intégrés. Nous n'imposons ni ne testons aucune restriction sur l'estimation du paramètre de cointégration .Comme observé précédemment, les déductions relatives au degré de la transmission des prix et fondées sur la taille du paramètre peuvent être trompeuses. Si l'hypothèse nulle de non-cointégration n'est pas infirmée, nous en concluons que les marchés ne sont pas intégrés et/ou que nous sommes dans l'incapacité de conclure que la transmission des prix le long de la chaîne d'approvisionnement est complète.

(iii) Si les tests révèlent que les séries de prix sont cointégrées, nous portons notre attention sur le modèle à correction d'erreur, sous la forme d'un modèle vectoriel à correction d'erreur et examinons la dynamique à court terme, la vitesse d'ajustement et la direction de la causalité de Granger à court ou à long terme, selon les principes de Granger (1969, 1988).

(iv) À l'étape suivante, en nous fondant sur nos résultats relatifs à la direction de la causalité, nous précisons les modèles asymétriques à correction d'erreur et vérifions l'hypothèse nulle de symétrie selon les méthodes de Granger et Lee (1989) ou de Prakash, Oliver et Balcombe (2001). Enfin, nous discutons des résultats et formulons des observations sur la nature de la transmission des prix et de l'intégration des marchés.

Il est essentiel de noter que le cadre de vérification susmentionné ne permet pas d'identifier les facteurs qui affectent l'intégration des marchés et la transmission des prix. En d'autres termes, nous ne sommes pas en mesure d'établir si la transmission des prix et l'intégration des marchés sont influencées par les coûts de transaction, les politiques d'intervention qui isolent les marchés intérieurs ou par le degré d'intervention sur le marché exercé par les agents dans la chaîne d'approvisionnement. C'est pourquoi il faut poursuivre les travaux pour essayer de compléter les résultats obtenus par certains renseignements qualitatifs concernant les principaux facteurs susceptibles de déterminer le degré de transmission.


[46] David Hallam est Chef et George Rapsomanikis et Piero Conforti sont Spécialistes des produits au Service des matières premières et des produits tropicaux et horticoles, Division des produits et du commerce international, FAO. Les auteurs souhaitent remercier Nanae Yabuki, Adam Prakash et Abdolreza Abbassian, Spécialistes des produits, Division des produits et du commerce international, FAO, Denis Sedieu, Économiste en chef, OIC et Kelvin Balcombe, Imperial College, University of London, pour leur précieuse contribution.
[47] Fackler et Goodwin (2001) ont procédé à une étude exhaustive des concepts liés à l'intégration des marchés et des modèles économiques correspondants en matière de fixation des prix.
[48] Barrett (2001) et Barrett et Li (2002) établissent une distinction entre l'intégration des marchés et l'efficacité visée par le modèle Enke-Samuelson-Takayama-Judge. Ils soulignent que l'échangeabilité et des flux commerciaux positifs constituent une condition suffisante d'intégration des marchés, alors que l'efficacité est établie lorsque les prix de deux marchés distincts diffèrent en termes de coûts de transfert. Dans le présent document, nous suivons la définition traditionnelle de l'intégration des marchés, qui répond à la loi du prix unique et aux conditions d'équilibre du modèle Enke-Samuelson-Takayama-Judge. En bref, nous posons comme hypothèse que l'échangeabilité, en soi, n'est pas suffisante pour garantir «l'intégration» des agents économiques dans les mécanismes du marché.
[49] Les propriétés statistiques des séries peuvent être résumées par le concept de stationnarité. Une série de stationnarité présente une moyenne constante ainsi qu'une structure de covariance finie et constante. Une telle série ne varie pas systématiquement avec le temps, mais tend à retourner fréquemment à sa valeur moyenne et à fluctuer autour de celle-ci au sein d'une fourchette plus ou moins constante. D'un autre côté, une série non stationnaire possède des propriétés statistiques temporelles. Cette série peut contenir des tendances stochastiques ou déterministes. Les variables contenant des tendances stochastiques sont dites «intégrées» et présentent des variations systématiques mais imprévisibles, par rapport aux séries contenant des tendances déterministes et présentant, de ce fait, des variations totalement prévisibles. Une tendance stochastique au sein d'une série peut être supprimée par la différenciation. Une série différenciée possède des propriétés statistiques qui revêtent un caractère invariable par rapport au temps, alors que des déductions relatives à la similitude des propriétés statistiques de différentes séries économiques peuvent être réalisées en comparant le nombre de différenciations qu'une série doit subir afin d'atteindre la stationnarité. Plus formellement, une variable est dite intégrée d'ordre d, notée I(d), si elle doit être différenciée d fois pour devenir stationnaire.
[50] Des présentations détaillées d'Engle et Granger, ainsi que des tests de Johansen, figurent dans Hamilton (1994). Une brève description du test de Johansen est fournie en annexe.

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