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PROGRESSIVITÉ DES DROITS DE DOUANE SUR LES MARCHÉS DES PRODUITS AGRICOLES DE BASE - Nasredin Elamin et Hansdeep Khaira[75]


La progressivité des droits entraîne des distorsions au niveau des mécanismes de protection des pays développés et des pays en développement contre les produits agricoles et les produits à forte intensité de main-d'oeuvre. Ces distorsions freinent la croissance tirée par les exportations ainsi qu'une plus grande diversification de l'économie des pays en développement. Les résultats de cette étude suggèrent que la progressivité des droits touche un grand nombre de chaînes de produits agricoles, à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement. La progressivité des droits est plus marquée dans les secteurs de produits tels que la viande, le sucre, les fruits, le café, le cacao ou encore les cuirs et les peaux, qui, pour la plupart, présentent un intérêt à l'exportation pour un grand nombre de pays pauvres en développement. En moyenne la progressivité des droits est moins élevée pour les droits appliqués que pour les droits consolidés, plus particulièrement lorsque les préférences tarifaires sont prises en considération.

La réduction de la progressivité des droits est considérée comme un volet essentiel de la dimension «développement» de l'actuel cycle de négociations commerciales multilatérales, étant donné qu'elle est supposée accroître considérablement le potentiel d'exportation des pays en développement exportateurs de produits de base. Après comparaison de l'impact de trois méthodes de réduction tarifaire (linéaire, formule suisse à 25 pour cent et formule tirée de la proposition de Harbinson) en matière de progressivité des droits, il semble que la formule de Harbinson donne lieu aux écarts tarifaires les plus bas, mais favorise une forte réduction des marges tarifaires préférentielles pour les pays en développement. Plusieurs questions liées à la structure du mécanisme de progressivité des droits doivent être abordées lors de l'évaluation des propositions de réduction tarifaire formulées dans le contexte des négociations de l'OMC sur l'agriculture, à savoir: i) mesure de la progressivité des droits; ii) distorsions réelles causées par la progressivité des droits pour le commerce des produits transformés et iii) interaction avec les préférences tarifaires pour les pays en développement.

1. Introduction

La progressivité des droits fait référence à une situation où les droits de douane augmentent proportionnellement au degré de transformation. Ce phénomène peut conférer un niveau élevé de protection aux produits transformés des pays importateurs, en fonction de la part que représente la valeur ajoutée dans la production finale. Ainsi, la progressivité des droits impose effectivement des limites à la transformation des produits agricoles et produits à forte intensité de main d'oeuvre dans les pays exportateurs. La question de la progressivité des droits pour les produits agricoles revêt une importance croissante, dans la mesure où la croissance des échanges agricoles tend à s'orienter vers les produits transformés. Les pays fortement dépendants des exportations de produits de base sont parmi les premiers concernés par la question, dans la mesure où ils tentent de briser le cercle de production et d'exportation de produits primaires.

Le phénomène de progressivité des droits sur les marchés agricoles est considéré comme étant l'un des principaux facteurs entravant la croissance des exportations, la diversification et le développement durable des pays exportateurs. Deux aspects des effets de la progressivité des droits sont jugés d'une importance cruciale. Premièrement, la progressivité des droits peut freiner la croissance du secteur de la transformation agricole des pays exportateurs. Elle entraîne une réduction de la demande de produits transformés, en provenance des pays exportateurs, ce qui freine le développement de l'industrie de transformation de ces pays, limite leur capacité à réunir compétences et capitaux et entrave la diversification de leurs exportations. En outre, le fait que les exportations se concentrent sur des produits à moindre degré de transformation provoque souvent un ralentissement de la croissance fondée sur les exportations et une exposition accrue au risque de volatilité des prix des produits de base.

Deuxièmement, la progressivité des droits est perçue comme étant une atteinte à l'environnement pour les pays exportateurs et donc un frein au développement durable. Elle peut porter atteinte à l'environnement de plusieurs manières. Une trop grande dépendance à l'égard des exportations de produits primaires risque de provoquer un appauvrissement des ressources naturelles et de troubler l'équilibre écologique d'un pays. L'importance démesurée accordée à la production et à l'exportation de matières premières conduira à une exploitation «excessive» des ressources naturelles et donc à une détérioration de la base de ressources.[76] En outre, le ralentissement de la croissance des revenus, résultant de la surexploitation des ressources, limitera les ressources disponibles en vue d'une gestion environnementale efficace pour les pays exportateurs.

L'importance de réduire la progressivité des droits a été reconnue dans le cycle actuel des négociations de l'OMC sur l'agriculture. Le présent article examine la progressivité des droits sur les marchés des produits agricoles de base. La deuxième section analyse l'évolution des échanges commerciaux de produits agricoles transformés au cours de la période 1981-2000 et met en évidence les principaux obstacles à l'expansion de ces échanges pour les pays en développement. La troisième section fournit une brève description de la mesure de la progressivité des droits et la quatrième section passe en revue certains travaux de recherche empirique récents qui évaluent la progressivité des droits au cours de la période postérieure au Cycle d'Uruguay. La cinquième section mesure l'ampleur de la progressivité des droits pour les droits appliqués et consolidés sur un certain nombre de grandes chaînes de produits agricoles de base et la sixième section met en lumière certains changements potentiels de la structure de ces chaînes en vertu de diverses méthodes de réduction tarifaire. Enfin, la septième section vient conclure le présent article et soulève certaines questions liées aux politiques.

2. Évolution des échanges de produits agricoles transformés

Au cours des 20 dernières années, le commerce mondial des produits agricoles transformés a enregistré une croissance plus soutenue que celle des produits agricoles primaires. Dans l'ensemble, les exportations de produits agricoles transformés ont affiché une croissance annuelle de 6 pour cent au cours de la période 1981-2000 (par rapport à 3,3 pour cent pour les produits primaires), leur part du commerce mondial de produits agricoles passant de 60 pour cent en 1981-1990 à 66 pour cent en 1991-2000 (tableau 1). Les taux de croissance ont été exceptionnellement élevés (supérieurs à 6 pour cent) pour les produits transformés suivants: céréales, fruits, légumes, légumes secs, boissons tropicales et produits de volaille (graphique 1).

Tableau 1. Valeur des exportations agricoles mondiales, tous produits confondus (cultures et élevage)


Valeur des exportations agricoles mondiales a (millions de dollars É.U.)

Part du total des exportations agricoles mondiales (pour cent)

Primaire

Transformé

Primaire

Transformé

1981 - 1990

111 805

160 996

40

60

1991 - 2000

166 249

310 019

34

66

a/Inclut les échanges intracommunautaires.
Source: chiffres obtenus à partir de FAOSTAT (2003)

Il a été démontré que la faible élasticité-revenu de la demande de produits primaires et la moindre utilisation de matières premières dans les activités économiques étaient les principaux facteurs à l'origine de la diminution de la part des échanges de produits primaires (Banque mondiale, 1994).

Graphique 1: Part des produits dans le total des exportations agricoles mondiales, 1981-1990, 1991-2000

a) Produits primaires

a) Produits transformés

Plusieurs études ont également montré que les modifications apportées à la structure organisationnelle des marchés des produits de base ont pu contribuer à la baisse de la part des produits primaires par rapport au volume total des échanges commerciaux. Les coûts élevés liés à la transformation, au conditionnement, à la promotion, à la commercialisation et à la distribution signifient que le coût des produits primaires, en tant que part du prix des produits transformés, est généralement peu élevé (OCDE, 2001).

Bien que certains pays en développement aient augmenté leur part dans les exportations mondiales de produits agricoles transformés[77], les pays développés ont raflé la plus grande part des échanges commerciaux de ce secteur, dont l'expansion connaît un rythme soutenu. La forte dépendance vis-à-vis des exportations de produits agricoles primaires a continué d'être une caractéristique essentielle d'un grand nombre de pays en développement, plus particulièrement des pays les moins avancés (PMA).[78] La part des pays en développement dans les exportations mondiales de produits agricoles transformés a diminué, passant de 27 pour cent en 1981-1990 à 25 pour cent en 1991-2000 (tableau 2). Pour le groupe des PMA, la part des exportations de produits agricoles transformés a connu une forte baisse, passant de 0,7 à 0,3 pour cent.

Tableau 2. Part des exportations agricoles mondiales, tous produits (cultures et bétail)


Produits primaires

Produits transformés

Pays développés

Pays en développement

PMA

Pays développés

Pays en développement

PMA

1981 - 1990

66,2

33,8

3,1

73,0

27

0,7

1991 - 2000

67,4

32,6

2,2

75,0

25

0,3

Source: chiffres obtenus à partir de FAOSTAT (2003)

La diminution de la part des pays en développement dans les exportations mondiales de produits transformés a été plus visible pour des produits comme le cacao et le café. La part des dix premiers pays en développement producteurs de cacao dans les exportations mondiales a diminué parallèlement à une augmentation du degré de transformation. En 1996-1999, la part de ces pays dans les exportations mondiales de fèves de cacao, beurre de cacao, poudre de cacao et chocolat était de 83 pour cent, 30 pour cent, 18 pour cent et 1 pour cent, respectivement. Alors que la part des exportations de chocolat dans le total des échanges de cacao est passée de 20 pour cent en 1970-1975 à 56 pour cent en 1996-1999, la part de ces pays dans les exportations de chocolat a diminué, passant de 1,3 pour cent à 1 pour cent seulement au cours de la même période. De même, la part des dix premiers pays en développement producteurs de café dans les échanges de café vert est restée inchangée, à environ 67 pour cent, entre 1970-1975 et 1996-1999, mais leur part dans les échanges de café torréfié est passée de 10 à 2 pour cent au cours de la même période.

La baisse de la part des pays en développement dans les exportations mondiales de produits agricoles transformés a été imputée à plusieurs facteurs. Les obstacles à l'accès au marché dans les pays importateurs ont freiné la capacité des pays en développement à accroître leurs exportations de produits transformés. La progressivité des droits de douane, plus particulièrement, est souvent considérée comme le principal obstacle à l'entrée sur le marché pour la plupart des exportations de produits agricoles transformés des pays en développement.

Plusieurs études ont montré que les chaînes de produits agricoles de base, particulièrement celles de produits agricoles à forte valeur et de produits transformés, sont de plus en plus dominées par un petit groupe d'entreprises multinationales (ENM) et de sociétés de distribution.[79] La concentration croissante peut avoir un impact sur l'accès aux marchés et sur le rendement des pays en développement, pour leurs produits primaires.

Parmi les autres grands défis auxquels sont confrontés de nombreux pays en développement, plus particulièrement les PMA, il y a les contraintes de l'offre intérieure qui restreignent la capacité de ces pays à tirer avantage du potentiel commercial qu'offrent les produits agricoles transformés. Ce sont notamment le faible niveau de développement technologique, le manque d'infrastructure de transport, de stockage et de commercialisation, des arrangement juridique et réglementaire inappropriés et les conséquences de politiques commerciales et macroéconomiques défavorables à l'agriculture et aux exportations.

3. Mesure de la progressivité des droits: écarts tarifaires nominaux et taux effectif de protection (TEP)

La progressivité des droits est mesurée à l'aide des écarts tarifaires, c'est-à-dire la différence en termes de droits de douane nominaux, entre les intrants (produits d'entrée) et les extrants (produits de sortie). L'écart tarifaire peut être exprimé comme suit:

TW = T - t (1)

Où,

TW = Écart tarifaire nominal
T = Droit en équivalent ad valorem de l'extrant
t = Droit en équivalent ad valorem de l'intrant

Ainsi, la progressivité des droits intervient lorsque TW > 0, la «dé-progressivité» des droits lorsque TW < 0 et la parité tarifaire lorsque TW = 0.

Alors que l'écart tarifaire nominal (TW) est simple à calculer, il présente une limite de taille, en ce sens qu'il ne mesure pas pleinement le degré de la protection conférée au produit fini. Premièrement, la mesure de l'écart tarifaire nominal ne fournit aucun renseignement quant à l'impact de la structure tarifaire sur la valeur ajoutée du produit fini. Deuxièmement, l'écart tarifaire nominal compare les droits nominaux de l'extrant final et d'un seul intrant. Comme l'explique Lindland (1997), le TW peut difficilement être appliqué à des processus de fabrication impliquant plusieurs intrants et/ou plusieurs extrants.

Pour mesurer efficacement le degré de protection d'un produit, il est préférable d'utiliser le taux effectif de protection (TEP),[80] qui évalue la manière dont les droits de douane influencent la valeur ajoutée du produits transformé et prend en compte les droits d'un certain nombre d'intrants. Le taux effectif de protection est défini comme étant la variation de la valeur ajoutée, rendue possible par la structure tarifaire, exprimée en pourcentage de la valeur ajoutée de libre-échange:

VAf et VAd > 0 (2)

où,

VAf = valeur ajoutée par unité d'extrants au prix de libre-échange;
VAd = valeur ajoutée par unité d'extrants en présence de droits de douane.

Avec m intrants utilisés pour produire j extrants, VAf et VAd peuvent être écrits comme suit:

VAf = (3)

et

(4)

où,

Pj = prix nominal par unité d'extrant j au prix de libre-échange;
Pi = prix nominal par unité d'intrant i au prix de libre-échange;
aij = part de l'intrant i dans le coût de l'extrant j au prix de libre-échange;
Tj = droit nominal en équivalent ad valorem de l'extrant j;
ti = droit nominal en équivalent ad valorem de l'intrant i.

Avec un seul intrant et un seul extrant, l'équation [2] peut être simplifiée comme suit:

où 0 < aij < 1 (5)

L'équation (5) montre la relation entre l'écart tarifaire nominal (TW) et le taux effectif de protection (TEP):

Si:

T > t (progressivité des droits)

®

TEP > T > t, et le TEP augmente proportionnellement à une hausse de aij

T < t (dé-progressivité des droits)

®

TEP < T < t, et le TEP diminue proportionnellement à une hausse de aij

T = t (parité tarifaire)

®

TEP = T = t, et le TEP n'est pas affecté par les variations de aij

Ainsi, plus le degré de progressivité des droits est élevé, plus le taux effectif de protection du produit fini est élevé, c'est-à-dire que pour un TW supérieur à zéro (T > t), le TEP sera positif et supérieur aux droits nominaux relatifs aux extrants. Cette relation peut être illustrée par le café vert (noté A) et le café torréfié (noté B). En posant aij = 0,6, un droit de 20 pour cent sur le produit B et de 10 pour cent sur le produit A entraînera un TEP de 30 pour cent. Cependant, un droit de 20 pour cent sur le produit B et de 0 pour cent sur le produit A entraînera un TEP de 50 pour cent.

Par conséquent, la comparaison des droits nominaux portant sur les intrants et les extrants au niveau d'une chaîne de production fournit une bonne indication du taux effectif de protection, mais certainement pas du degré de la protection assurée au produit. Cependant, la mesure du taux effectif de protection présente un problème majeur, par rapport à la mesure de l'écart tarifaire nominal, en ce sens qu'elle requiert des données précises sur les prix et sur les coefficients techniques intrants-extrants, lesquelles ne sont généralement pas disponibles. Si le taux effectif de protection offre une mesure plus détaillée de la protection apportée par la structure tarifaire, il présente aussi certaines limites. Greenaway et Milner (2003) ont résumé les critiques théoriques formulées à l'égard de ce concept. Malgré ces limites, le taux effectif de protection demeure l'un des principaux indicateurs utilisés pour évaluer les politiques commerciales.

4. Progressivité des droits et Cycle d'Uruguay - un état des lieux

La réduction des taux de droit généraux pour les produits agricoles qui a été décidée au cours du Cycle d'Uruguay (CU) est considérée comme un grand pas en avant vers une réduction des distorsions qui affectent les marchés agricoles mondiaux et une amélioration des conditions d'accès au marché pour les exportateurs de produits agricoles, notamment par le biais d'une réduction de la progressivité des droits.

Plusieurs études ont été menées pour évaluer l'impact du Cycle d'Uruguay sur la progressivité des droits pour les marchés des produits agricoles de base. Ces études diffèrent sensiblement en termes de pays et de produits couverts, de types de mesures utilisés (écarts nominaux ou taux effectif de protection), de niveaux d'agrégation des droits utilisés dans le cadre de l'analyse et des étapes de transformation prises en considération (initiale, intermédiaire et finale). Elles ont abouti à de nombreux résultats et observations, mais la principale conclusion que l'on peut dégager est la persistance de la progressivité des droits, à l'issue du Cycle d'Uruguay, sur les marchés des pays développés et des pays en développement.

Pratiquement toutes les études ont montré que si les droits appliqués au titre du régime de la Nation la plus favorisée (NPF) ont, en moyenne, fait l'objet de réductions à l'issue du Cycle d'Uruguay, les problèmes relatifs à la nature élevée des droits et à leur progressivité sont encore répandus. Lindland (1997) a évalué l'impact, sur la progressivité des droits, des concessions tarifaires convenues lors du Cycle d'Uruguay en étudiant les marchés d'importation de produits agricoles de l'Union européenne (UE), du Japon et des États-Unis. Après avoir comparé en détail les droits de base et les droits consolidés résultant des engagements pris dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture (AA) de l'OMC concernant une large gamme de paires de produits, l'étude est parvenue à la conclusion que plus de 80 pour cent de l'écart entre les droits consolidés portant sur les produits transformés et les produits primaires avait diminué après le Cycle d'Uruguay, ce qui avait offert aux pays en développement de nouvelles possibilités de diversifier leurs exportations au profit de produits transformés à plus forte valeur ajoutée. Cependant, après l'application totale des engagements du Cycle d'Uruguay, plus de 50 pour cent des paires de produits examinées demeureraient soumises à une progressivité des droits consolidés, avec un écart nominal moyen de 17 pour cent. L'étude en question montre que les droits progressifs consolidés les plus élevés appliqués depuis le Cycle d'Uruguay concernaient les secteurs des produits laitiers, du sucre, des fruits, du tabac ainsi que des cuirs et des peaux (voir tableau 3).

Tableau 3. Sélection de groupes de produits soumis à une forte progressivité des droits consolidés (écarts tarifaires nominaux)


Écarts tarifairesa

Droits de base

Droits consolidés Cycle d'Uruguay

Union européenne



Fruits

102,5

84,8

Sucre et édulcorants

39,8

37,2

Produits laitiers et oeufs

51,6

34,4

Racines et tubercules

31,0

19,8

Tabac et pyrèthre

37,3

14,1

Japon



Sucre et édulcorants

96,9

82,2

Racines et tubercules

61,1

50,3

Cuirs et peaux

60,0

30,0

Produits laitiers et oeufs

36,9

29,1

États-Unis



Fécule de manioc

40,1

38,0

Orge de brasserie

38,1

36,9

Produits laitiers et oeufs

39,7

33,6

Sucre et édulcorants

36,1

31,2

a L'écart tarifaire mesure la différence entre les droits des produits primaires et des produits transformés, calculée en tant que T-t, où t représente le droit sur le produit primaire et T le droit sur le produit transformé.

Source: Lindland (1997).

Des résultats similaires ont été obtenus au terme d'une étude menée par l'OCDE en 1996. Cette étude montrait que, dans les pays de l'OCDE les droits ne sont, en général, pas réduits davantage pour les produits transformés que pour les produits primaires agricoles. Une récente étude de la CNUCED (CNUCED, 2003) a évalué la progressivité des droits pour 12 groupes de produits agricoles de base en calculant une moyenne des droits nominaux pour chaque grand groupe et pour chaque étape du processus de transformation sur les marchés de la Quadrilatérale (Canada, Union européenne, Japon et États-Unis). Il a été observé que, hormis quelques exceptions, les droits post-Cycle d'Uruguay sont progressifs non seulement entre les étapes initiale (matières premières) et intermédiaire (produits semi-finis) mais également, selon les cas, entre les étapes intermédiaire (produits semi-finis) et finale (produits finis). En moyenne, au Canada, au Japon et dans l'Union européenne, la progressivité est plus forte entre les étapes initiale (matières premières) et finale (produits finis), alors qu'aux États-Unis, la progressivité moyenne la plus élevée a été observée entre les étapes intermédiaire (produits semi-finis) et finale (produits finis).

Certaines des études ont examiné la progressivité des droits sur les marchés des pays en développement et des pays développés. Une récente étude du ministère américain de l'agriculture (USDA) a montré, à l'aide du calcul de la moyenne simple des droits consolidés au titre de la Nation la plus favorisée (NPF) pour un certain nombre de groupes de produits agricoles de base par région, que la progressivité des droits sur les marchés agricoles touche à la fois les pays développés et les pays en développement.[81] L'étude de la CNUCED (2003) est arrivée à des résultats similaires.

Malgré les progrès réalisés dans l'évaluation de la progressivité des droits par produits/pays, il reste une grande marge d'amélioration. Il existe plusieurs domaines dans lesquels des améliorations pourraient être utiles.

Premièrement, la plupart des études précédemment menées dans le but d'évaluer l'impact du Cycle d'Uruguay sur la progressivité des droits ont utilisé les droits consolidés. Ces derniers ont l'avantage de fournir une mesure de la progressivité des droits, telle qu'elle a été négociée entre les membres de l'OMC. Cependant, les droits effectivement appliqués sont souvent inférieurs aux taux consolidés. En outre, les préférences tarifaires, en vigueur pour différents groupes de pays, ne sont souvent pas prise en considération, la raison principale étant que de telles données ne sont pas disponibles sous une forme facilement utilisable par les analystes. Une récente étude de Chevassus-Lozza et Gallezot (2003) montre que la progressivité des droits dans l'Union européenne est moindre lorsque les préférences tarifaires sont prises en compte. Par conséquent, l'analyse de la progressivité des droits appliqués serait nécessaire, plus particulièrement à la lumière de préférences tarifaires dont bénéficient de nombreux pays en développement.

Deuxièmement, les résultats relatifs à l'incidence de la progressivité des droits diffèrent sensiblement entre les études utilisant différents niveaux d'agrégation de produits/pays. Les moyennes de droits calculées en fonction de groupes de produits majeurs et/ou de groupes de régions ou de pays d'importation fournissent, cependant, une description incomplète du niveau de protection conféré par la structure tarifaire existante. De telles moyennes ne font pas état d'une forte progressivité des droits des paires de produits. Une analyse plus désagrégée est nécessaire pour aboutir à des indicateurs représentatifs de la progressivité des droits.

En outre, il convient d'évaluer l'impact de la progressivité des droits sur le commerce de produits transformés. La plupart des études sont davantage axées sur l'évaluation de l'ampleur et des variations de la progressivité des droits que sur l'impact de celle-ci sur la structure des échanges commerciaux. Seules quelques rares études, comme celles de l'OCDE (1996), de la CNUCED (2003) ou de Rae et Josling (2003) évaluent l'impact des changements affectant les structures tarifaires sur les exportations de produits transformés par les pays en développement. Les résultats de simulations effectuées dans le cadre de telles études ont montré que la libéralisation des échanges de produits transformés serait plus profitable que celle des échanges de produits primaires pour les pays en développement. Dans l'ensemble, l'important est l'ampleur de l'impact des droits progressifs sur la production et les flux commerciaux. Pour analyser cette ampleur, il faudrait non seulement évaluer la protection conférée aux produits issus de la transformation, mais également l'impact que cette dernière pourrait avoir sur la structure des échanges commerciaux.


[75] Nasredin Elamin est Économiste et Hansdeep Khaira, Consultant au Service des politiques et des projections concernant les produits, Division des produits et du commerce international, FAO.
[76] OCDE (1996).
[77] La Malaisie et le Chili sont des exemples de pays en développement qui sont parvenus à diversifier leurs exportations agricoles.
[78] Pour une description détaillée de la dépendance vis-à-vis des exportations de produits agricoles de base, voir FAO (2002).
[79] En 1996, par exemple, quatre sociétés représentaient 50 pour cent du café torréfié et le nombre d'entreprises spécialisées dans le commerce du cacao à Londres est passé de 30 en 1980 à environ dix en 1999. De même, les six plus grands fabricants de chocolat représentent la moitié des ventes mondiales de chocolat. Pour les huiles végétales, à la suite d'une série de fusions et d'acquisitions réalisées dans les années 90, un petit nombre d'entreprises multinationales dominent maintenant la production et le commerce des oléagineux et des huiles. Pour les céréales, quelques grandes entreprises ont fait l'objet d'une intégration verticale en termes d'échange, de stockage, de transformation et de mouture (voir FAO 2003).
[80] Le taux effectif de protection a été décrit pour la première fois par Corden (1966).
[81] USDA (2001).

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