En 1962, le Royaume du Southland obtient lindépendance dune puissance européenne dont il avait été un protectorat pendant plus de soixante ans. Durant le protectorat, le pouvoir politique était exercé par une série de gouverneurs (au nom de la monarchie indigène), qui ont cherché à ménager les intérêts économiques et politiques du pouvoir colonial et les intérêts de lélite locale, particulièrement ceux des propriétaires terriens liés à la monarchie. Au fil du temps, les intérêts de la métropole étaient devenus progressivement dominants, au point quau moment de lindépendance, les hautes sphères du pouvoir, le commerce international, les secteurs minier, manufacturier et de lénergie, aussi bien que la plus grande partie du secteur agricole moderne étaient entre les mains des étrangers.
Avant le protectorat, le Southland connaissait une économie agricole féodale, qui approvisionnait en alimentation, oléagineux et en fibres (coton et laine) quatre grandes villes. Ces villes comprenaient des sociétés urbaines complexes, qui étaient bien établies comme centres de commerce, de production artisanale, dadministration, de religion et déducation depuis plus de six siècles. Lexploitation des mines dargent, de cuivre et détain était importante et sous le contrôle direct de la monarchie qui en obtenait des revenus substantiels.
La structure agraire de la période pré-coloniale variait en fonction du potentiel de la terre, et de la proximité des villes. Dans les zones bien arrosées proches des villes, lunité agricole principale était la petite exploitation familiale (paysanne) gérée par des fermiers qui devaient payer une redevance. Au début du siècle dernier, les fermages étaient payés en nature (céréales et bétail) aux propriétaires ou à leurs agents, mais, vers le milieu du XXe siècle, largent remplaça le paiement en nature comme forme préférée de fermage. Les fermes paysannes sauto-approvisionnaient substantiellement en denrées alimentaires de base, mais vendaient aussi leur production pour obtenir de largent. Dans les régions les plus arides, à potentiel agricole faible, la terre était généralement détenue en commun par des groupes tribaux (ou des lignages), la stratification sociale était moins accentuée et le bétail jouait un rôle plus important avec, par conséquent, une plus petite proportion de revenu provenant des céréales.
Malgré de sévères handicaps - système foncier peu satisfaisant, accès médiocre au marché et, jusquà la fin des années 40, indifférence du gouvernement - la production paysanne marchande avait crû substantiellement pendant le protectorat. A lindépendance, les producteurs des trois régions à meilleur potentiel agricole (ZN 1 et 2) produisaient un surplus de céréales denviron 200 000 tonnes annuellement (à peu près un sixième de leur production estimée) et, en plus, ils commercialisaient des quantités importantes de coton brut, de légumineuses, de fruits, de légumes et de bétail. Une petite quantité du tabac (moins de 1 000 tonnes) était produite par des petits paysans sous la supervision de lentreprise publique TOBACSO.
Pendant le protectorat, des immigrants européens arrivèrent et installèrent des exploitations dans les zones à potentiel élevé (ZN 1 et 2). La terre fut acquise par achat ou par location auprès des propriétaires terriens traditionnels. Dans certains cas, la terre nouvellement exploitée navait pas été cultivée auparavant, mais dans dautres, les petits exploitants furent expulsés de leur terre et se trouvèrent avec le choix soit de rester dans la région comme ouvriers agricoles, soit démigrer pour mettre en culture de nouvelles terres dans les régions à potentiel plus faible (généralement en ZN 3). Les colons produisaient des céréales pour le marché local et pour lexportation, des fruits et des légumes pour lexportation et du bétail pour le marché local. Après 1935, un certain nombre dexploitations détenues par les colons et produisant du tabac furent établies dans les régions plus arides du pays (ZN 2 et 3). Leur tabac était principalement produit pour lexportation.
Vers les années 50, plusieurs southlandiens dorigine développèrent des exploitations commerciales avec des caractéristiques similaires à celles des colons. Les principaux propriétaires, notamment les membres de la famille royale, commencèrent à gérer quelques unes de leurs propriétés comme de grandes exploitation modernes. Aussi, comme la technologie évoluait dans la direction dune plus grande utilisation dintrants achetés, le métayage devint de plus en plus courant entre les propriétaires southlandiens et leurs locataires. Généralement, en retour de laide des propriétaires pour lacquisition de semences, de matériel, dengrais, de travaux de labour et de pompes, la part des récoltes revenant au propriétaire eut tendance à augmenter considérablement (denviron 20 à plus de 60 pour cent).
Le développement industriel pendant la période du protectorat fut limité à cause des infrastructures inadéquates, de la petite taille des marchés locaux, du libre échange avec la métropole (ce qui signifiait que les coûts et la qualité devaient être compétitifs par rapport aux importations européennes) et dun encouragement minimal de la part du gouvernement. Cependant lindustrie minière, dont le cuivre était de loin la composante la plus importante, a permis le développement dusines de transformation sophistiquées et intensives en capital (principalement établies et gérées par un personnel étranger). Les besoins dénergie des raffineries de cuivre rendirent possible le financement du Programme de développement du bassin versant de la rivière Wadu, mis en uvre par le WRVA. Commencé en 1938, le WRVA a été le plus grand investissement effectué par le gouvernement du protectorat. Il consiste en une série de barrages qui fournissent de lénergie hydroélectrique et de leau pour les projets dirrigation développés dans la région littorale au sud du pays. Le développement du potentiel hydrologique et agricole du bassin versant du fleuve Wadu permit un rapide essor de la production des fruits pour lexportation et le développement dactivités agroindustrielles (égrenage du coton).
Lindépendance fut obtenue après dix ans de lutte entre la puissance coloniale et une large coalition nationale. La monarchie avait joué un rôle important dans la coalition nationaliste et le PP (Patriotic Party - Parti patriotique), parti majoritaire dans la législature à lindépendance, était considéré comme proche de la monarchie. Deux autres membres importants de la coalition nationaliste étaient la SPL (Southland Progressive League - Ligue progressiste du Southland) et lAP (Peasant Alliance - Alliance paysanne).
Le gouvernement conduit par le PP, formé en 1962, hérita dune économie qui était en déclin depuis plusieurs années, suite à lincertitude politique et à la fuite des capitaux. Face à cette situation, le PP poursuivit une politique économique prudente et chercha à regagner la confiance des milieux daffaire et des grands exploitants agricoles, dont la majorité des membres était des citoyens de lancienne puissance coloniale. Le gouvernement du PP annonça que les avoirs étrangers ne seraient plus soumis à lachat obligatoire, à lexception de quelques terres agricoles dans les régions à forte densité de population (qui seraient utilisées pour des projets détablissement de petites exploitations financés par de laide de lancienne puissance coloniale). La stratégie du PP pour un contrôle croissant de léconomie par les nationaux mettait laccent sur le rôle de léducation, de la SODEVBANK nouvellement créée et lutilisation dun système de permis de travail pour supprimer progressivement la dépendance envers les résidents étrangers qui navaient pas choisi dadopter la nationalité southlandienne.
Bien que léconomie eût connu une courte reprise en 1963 (voir tableau 2), elle saffaiblit de nouveau en 1965. Lune des principales causes de la détérioration de léconomie fut la position de plus en plus fragile du gouvernement du PP qui semblait perdre lappui populaire en faveur de la PA et de la SPL. Le gouvernement subissait les critiques de la PA pour la portée très modeste de ses mesures de réforme foncière, et était violement attaqué par la SPL, qui le considérait comme une simple continuation du pouvoir colonial. Les principaux points de la politique de la SPL étaient la nationalisation des mines de cuivre, des terres agricoles et de lindustrie de substitution à limportation, lintroduction de contrôles stricts sur les mouvements des capitaux et une protection accrue de lindustrie domestique. La position de faiblesse du PP face à lopposition radicale stimula une fuite supplémentaire des capitaux. Lopposition fut capable dexploiter ce qui est connu sous le nom de «scandale de lAMCOP»: une des principales compagnies minières avait, sur la période de 1964 à 1967 fait une série de prêts importants à sa société holding AMCOP-INTERNATIONAL, en plus de ses transferts normaux de dividendes. Cela revenait à effectuer un transfert de fonds en dehors du Southland, ce qui créa une pression sur le compte capital de la balance des paiements. La SPL accusa le gouvernement, et particulièrement les officiels de la Banque centrale, de complicité.
Craignant de perdre le pouvoir, le Parlement dominé par le PP annula les élections parlementaires programmées pour 1967, et le Roi annonça quil gouvernerait par décret jusquà ce quune convention nationale se tienne en 1970 pour préparer une «constitution plus appropriée». En 1969, le mécontentement populaire à légard du gouvernement augmenta: de grandes marches de protestation furent organisées par la SPL et la PA. En juillet 1969, il y eut un coup détat militaire sanglant et le Roi et sa famille quittèrent le pays. Les leaders du coup détat étaient des officiers sympathisant de la SLP. Ils proclamèrent une «révolution» et annoncèrent que, pour une période intérimaire, le Southland serait dirigé par un Conseil révolutionnaire, auquel un certain nombre des dirigeants de la SPL et de la PA étaient invités à se joindre.
En 1971, un autre nouveau parti politique de masse fut fondé, parrainé par le Conseil révolutionnaire, sous le nom de «Peoples Development Movement» (PDM) - Mouvement du peuple pour le développement. En 1972 le PDM devint le parti au pouvoir avec comme ministres des civils tirés de ses rangs. Le Conseil révolutionnaire, dont la majorité des membres étaient des officiers militaires, se transforma en un «protecteur constitutionnel», son pouvoir résiduel étant dêtre capable de déterminer quels partis politiques pouvaient participer aux élections.
La première décennie post-révolutionnaire, les années 70, fut marquée par un succès économique remarquable. Le taux moyen annuel de croissance était de 3,3 pour cent sur la période 1968-1973, saccélérant à 4,3 pour cent sur la période 1974-7979, et cet excellent niveau de croissance fut soutenu jusquen 1982. Un certain nombre de facteurs importants peuvent expliquer le progrès économique réalisé pendant cette période. La nationalisation des mines, une mesure annoncée par le Conseil révolutionnaire en août 1969 eut lieu dans un contexte de prix croissants pour le cuivre. Bien que laccord financier entre les anciens propriétaires et le gouvernement ne fut pas trouvé avant plusieurs années, le résultat de cette nationalisation fut une large augmentation des ressources disponibles pour le gouvernement. Ces ressources étaient dune grande aide pour les politiques énergiques de substitution à limportation mises en uvre après 1969 et ont permis une forte croissance dans lindustrie et dans des sous-secteurs de lagriculture produisant pour le marché local (en particulier les céréales et le sucre).
Le gouvernement et le PDM furent lents à reconnaître que la stratégie de développement des années 70 nétait pas aussi bonne pour le pays dans les années 80. Les difficultés surgies pendant le SODEVPLAN-3 étaient largement attribuées à la dégradation des termes de léchange et au durcissement des conditions extérieures demprunt. Bien quune analyse donnant des facteurs extérieurs comme causes principales des difficultés économiques pouvait donner de bonnes preuves à lappui de cette thèse, elle manquait cependant de fournir des solutions politiques claires.
Un groupe au sein du PDM tira la conclusion selon laquelle un accent plus grand devait être placé sur lautosuffisance, et que le Southland devait réduire graduellement sa participation aux marchés mondiaux. La «faction libérale», au contraire, affirmait que les marchés mondiaux restaient une source importante de technologie et dopportunités commerciales. A son avis, la route à suivre pour le Southland était daugmenter sa participation aux marchés mondiaux, en réduisant la protection, en alignant les prix domestiques sur les prix mondiaux, et en accueillant favorablement les investissements étrangers, même au risque dun contrôle accru de létranger.
Jusquen 1988, la «faction libérale» était le courant le plus faible au sein du PDM, les preuves contraires au «point de vue libéral» semblaient accablantes. La plupart des difficultés du Southland semblaient avoir leur origine dans le marché mondial et dans les institutions financières internationales. La dévaluation, mesure proposée par le FMI, était sûrement lorigine de linflation! La baisse des termes de léchange était responsable du déficit de la balance des paiements. Les réductions des dépenses de létat et les restrictions sur le crédit domestique étaient responsables des difficultés du FSB (doù les émeutes de 1980 pour la nourriture) et de lutilisation de plus en plus faible de la capacité industrielle.
La «faction libérale» prit le dessus en 1988 en montrant la tendance générale vers la libéralisation dans léconomie mondiale et en argumentant que seul un programme de libéralisation attirerait lappui étranger nécessaire pour la reprise économique. Néanmoins, lavantage de la faction libérale restait ténu. Initialement le changement de politique fut lent, peu daide additionnelle était disponible et léconomie continua à senfoncer dans la dépression. En 1990, léconomie southlandienne avait atteint le point de rupture. A ce moment, la préparation dun Document cadre des politiques satisfaisant et politiquement acceptable devenait critique pour assurer lafflux dune aide étrangère indispensable.
Le gouvernement devait absolument agir et la position de la «faction libérale» était renforcée une fois de plus au moment où la plupart des membres plus conservateurs du PDM reconnaissaient que lapproche adoptée jusqualors savérait désastreuse.
En 1991, sous la pression interne et internationale, le gouvernement annonça la formation dune Commission constitutionnelle chargée de formuler des amendements à la constitution pour permettre la réintroduction dune forme plus démocratique du système politique multipartite. Les élections parlementaires furent prévues pour 1994, et auraient dû être la première occasion pour le PDM dentrer dans une compétition démocratique pour le pouvoir.
Un Document cadre de politique détaillant les mesures à prendre en matière de réforme macroéconomique et de réforme du secteur industriel fut formulé et présenté à la Table ronde des donateurs en 1993 à Paris. Ses objectifs étaient lourdement influencés par lidéologie de la faction libérale et furent approuvés par les donateurs, ce qui permit dassurer loctroi au Southland dun prêt dans le cadre de la Facilité dajustement structurel renforcé et dun Prêt dajustement sectoriel par la Banque mondiale pour la réforme de la politique industrielle.
Le processus de réforme fut mis en mouvement presque immédiatement et progressa initialement conformément au plan. Lannée 1994 vit la ratification des accords du GATT dont le Southland était signataire, et pour un instant, la réforme de la politique commerciale devint prioritaire. Pourtant, dans la course vers les élections, plusieurs domaines de politique furent négligés car le gouvernement essayait de satisfaire ses engagements envers les donateurs alors même quen réalité il augmentait la dépense publique pour apaiser sa base électorale, surtout urbaine.
La sécheresse durant la saison de culture 1994-1995 scella lincapacité du gouvernement de poursuivre avec la phase suivante de la réforme sectorielle, dans le domaine agricole et alimentaire. Des mesures rapides au niveau régional, principalement dans le cadre de la SCC, ainsi que des quantités substantielles daide alimentaire, permirent de résorber la crise en grande partie. Cela signifia que les effets de la sécheresse sur la population et sur léconomie nétaient pas aussi désastreux quils auraient pu être si les ressources navaient pas été mobilisées de manière efficiente. Cependant, le gouvernement utilisa la situation durgence comme excuse pour augmenter encore les dépenses publiques et mettre en sourdine les réformes macroéconomique et industrielle.
Les élections eurent lieu en 1995, après un retard de 12 mois dû à la crise provoquée par la sécheresse. Elles furent qualifiées par les observateurs de semi-démocratiques. Si manipulations il y eut, comme cela avait été prouvé lors des précédentes élections, elles furent pour le moins peu apparentes. La campagne de lopposition se concentra sur lincapacité du gouvernement à empêcher la spirale négative de léconomie pendant la décennie précédente et elle tenta de rallier à son projet les ruraux pauvres qui manifestaient leur mécontentement par rapport à la direction du processus des réformes mises en uvre au cours des trois dernières années.
Malgré cela, le PDM gagna les élections avec une faible majorité, grâce en grande partie aux votes des urbains pauvres et des milieux daffaires. Ces groupes étaient restés relativement satisfaits des mesures telles que la réduction de limportance du secteur public et laccent mis sur la libéralisation et la privatisation.
Un développement important au Southland au début des années 90 fut lémergence dun mouvement féministe cohérent, organisé et tirant sa principale base dappui de lélite intellectuelle. Beaucoup de débats ont été menés autour du statut et du traitement des femmes. Pour les femmes rurales, les problèmes particulièrement importants concernaient leurs droits dans le domaine foncier, lemploi et laccès au crédit. Une délégation participa à la quatrième conférence des Nations Unies sur les femmes, à Beijing, en 1995. Les ONG occidentales ont soutenu financièrement ce mouvement et ses thèmes sont repris par les femmes à travers toute la société. Les années 90-- ont également vu lémergence de diverses organisations de la société civile: La «Southland Commercial Farmers Association (SCFA) - lAssociation des grands exploitants du Southland - en 1994; la Chambre de commerce de lindustrie et de lagriculture en 1997 et la «National Small Farmers Union - lUnion nationale des petits exploitants - en 1999, pour ne citer que les plus importantes pour lagriculture.
Le résultat net des événements de 1994-1995 fut que la politique de réforme fit des progrès beaucoup plus lents que ce que gouvernement envisageait. Les résultats macroéconomiques ne sont nullement désastreux par rapport à la situation dans laquelle se trouvait le Southland durant la fin des années 90-. Les experts pensent toutefois quil est impératif que le processus de réforme se poursuive à un rythme accéléré si lon veut éviter une autre crise économique extrêmement préjudiciable. Le PDM, se sentant en sécurité en tant que parti au pouvoir démocratiquement élu, décida la dissolution du Conseil révolutionnaire en 1997. Le parti renouvela avec vigueur son engagement à poursuivre ses objectifs de réforme et formuler un calendrier de réformes pour le secteur agricole et de lalimentation.
Des élections eurent lieu en 2002 sous une toile de fond de détérioration de léconomie. Les observateurs internationaux les ont considérées comme véritablement démocratiques. Aucun parti na été exclu du scrutin et le dépouillement des bulletins de vote sest effectué régulièrement. Le MPD a perdu sa majorité, mais continue à gouverner comme un parti minoritaire avec un soutien conditionnel de la PA. Certainement la liberté daction du gouvernement est à présent limitée.
Comme cela a été expliqué dans lintroduction, lassistance intérimaire des donateurs a été prolongée à condition que le gouvernement prépare un Document intérimaire de stratégie pour la réduction de la pauvreté. Développer une stratégie qui fera lobjet dun consensus national est le défi immense qui attend le gouvernement.