Jute, kénaf et fibres apparentées

Introduction

Le jute et le kénaf sont cultivés presque exclusivement dans les pays en développement de l'est de l'Asie et dans certaines régions de l'Amérique latine. Le Bangladesh, l'Inde et la Thaïlande sont à l'origine de plus de 90 pour cent de la production mondiale. Les fibres sont traitées surtout dans les pays producteurs eux-mêmes et sont utilisées pour la fabrication de produits traditionnels comme tissus en jute, sacs pour produits alimentaires, doublure de tapis et autres types de couvertures de sol. Des produits diversifiés à base de jute, comme géotextiles et composites, sont également fabriqués en quantités relativement réduites. Le jute ne représente qu'une faible proportion de la valeur du commerce mondial mais sa culture et son traitement sont à forte intensité de main-d'oeuvre et constituent par conséquent un moyen de subsistance et une importante source de sécurité alimentaire pour beaucoup d'agriculteurs d'Asie et leurs familles.

À moyen terme, la conjoncture sur le marché mondial du jute devrait être affectée, du côté négatif, par l'intensité de la concurrence provenant des fibres synthétiques et, du côté positif, par l'élargissement des débouchés de produits diversifiés à base de jute. L'expansion continue des installations de manutention en vrac de divers produits agricoles exercera également des pressions sur le marché du jute, bien que plus lentement que par le passé, selon l'amélioration de l'infrastructure dans les pays en développement.

Ces projections ont été générées au moyen d'un modèle économétrique d'équilibre partiel, l'hypothèse étant des conditions météorologiques et un environnement économique normaux. Le modèle est dynamique, en ce sens qu'il admet des ajustements graduels et tient par conséquent compte de l'inertie biologique, comportementale et autre qui intervient dans la production et la consommation de produits à base de jute. Le modèle englobe 27 pays et régions et repose sur des équations comportementales estimatives pour les superficies plantées et les rendements par hectare de jute ainsi que pour la demande, les exportations et les importations de fibres de jute et de produits dérivés.

Production

Le jute est essentiellement une culture annuelle pluviale. Sa culture est une activité à forte intensité de main-d'oeuvre mais exige relativement peu d'autres intrants, comme engrais et pesticides, et peut être le fait de petites exploitations. Pour ces raisons, la production de jute est de plus en plus concentrée au Bangladesh, en Inde, en Chine et en Thaïlande, lesquels représentaient en 1998-2000 plus de 95 pour cent de la production mondiale, contre 90 pour cent au début des années 70.

Les terres plantées de jute sont parfois destinées à des cultures vivrières comme le riz paddy au Bangladesh et en Inde et le manioc en Thaïlande. La répartition des terres entre le riz et le jute dépend des niveaux relatifs des prix et de leur variabilité. En général, les agriculteurs s'orientent généralement vers une stratégie de culture par roulement du jute et du paddy. Néanmoins, il y a une substitution entre ces deux cultures, les producteurs essayant d'amortir le risque d'une réduction des rendements résultant d'un repiquage tardif du paddy. Selon la région, toutefois, la possibilité de remplacer le jute par du riz paddy peut être limitée du fait des inondations.

Jusqu'à la fin des années 90, la production mondiale de jute a fluctué entre 3 millions et 3,7 millions de tonnes, à l'exception notable d'une récolte record de plus de 6,0 millions de tonnes en 1985. Entre 1998 et 2000, la production mondiale a fait apparaître un recul marqué et est tombée en moyenne à 2,6 millions de tonnes. Ce déclin a été dû à la moindre compétitivité du jute par rapport au polypropylène, dont le prix a été en baisse.

À supposer que les conditions météorologiques et le rendement par hectare correspondent à la normale, la production mondiale de jute devrait être de 2,4 millions de tonnes en 2010, soit bien moins que la moyenne des dix années écoulées. Ce fléchissement de la production à moyen terme sera sans doute imputable au fléchissement des prix entraîné par la contraction de la demande mondiale de fibres de jute.

À moyen terme, les superficies plantées de jute en Extrême-Orient devraient se contracter de 3,1 pour cent par an pour tomber de 1,6 million d'ha en moyenne en 1998-2000 à 1,2 million d'ha en 2010, les producteurs réagissant à la conjoncture par des investissements. La production devrait diminuer de 1,6 pour cent par an pour tomber de 2,6 millions de tonnes en moyenne pendant la période 1998-2000 à 2,3 millions de tonnes en 2010,

L'Inde devrait jouer un rôle encore plus prédominant dans la production mondiale de jute et représenter 66 pour cent de la production mondiale en 2010, contre 58 pour cent pendant la période 1998-2000. À moyen terme, les superficies plantées de jute en Inde devraient se rétrécir de 2,7 pour cent par an bien que la production devrait demeurer stable, quelque 1,6 million de tonnes, par suite de l'amélioration des rendements. Entre 1990 et 2000, les rendements sont passés de 1,60 à 1,86 tonne par ha et devraient continuer de progresser pour atteindre 2,1 tonnes par ha en 2010.

Au Bangladesh, les superficies plantées de jute devraient tomber de 447 000 ha à 387 000 ha en 2010, les producteurs, face à une baisse des cours sur les marchés, se réorientant vers des cultures vivrières. Cette diminution des superficies sera compensée en partie par une amélioration des rendements, lesquels devraient passer de 1,70 tonne par ha en moyenne pendant la période 1998-2000 à 1,76 tonne par ha en 2010. De ce fait, la production devrait diminuer de 1,9 pour cent par an pour tomber de 768 000 tonnes en 1998-2000 à 681 000 en 2010.

En Chine, les superficies plantées et la production de jute devraient continuer de se rétrécir. La production est tombée de 726 000 tonnes à 126 000 tonnes pendant les années 90 et devrait continuer de baisser pour n'être que de 7 000 tonnes en 2010, les terres étant de plus en plus utilisées pour des cultures vivrières. Pendant la même période, la production en Thaïlande devrait aussi tomber à 17 000 tonnes, tandis qu'au Viet Nam, elle devrait demeurer stable et rester de 12 000 tonnes.

Consommation

Le jute est utilisé pour ses fibres pour la fabrication de produits traditionnels comme toile de jute, sacs, doublure de tapis et autres couvertures de sol. Dans les pays en développement, il est consumé principalement sous forme de toile de jute et de sacs pour les céréales et le sucre, tandis que, dans les pays développés, il est utilisé surtout comme doublure de tapis. Des produits diversifiés, comme composites, géotextiles, pâte à papier et matériaux décoratifs représentent une petite proportion de la consommation totale.

Au cours des dix dernières années, la consommation mondiale de jute s'est contractée, la configuration du marché continuant d'être dictée par deux éléments importants, à savoir l'intensité de la concurrence provenant des fibres synthétiques et le déplacement des fibres de jute par ces dernières, d'une part, et l'extension des installations de manutention en vrac des produits. Ces deux éléments ont contribué à une baisse de 16 pour cent de la consommation mondiale de jute, qui est tombée de 3,4 millions de tonnes d'équivalent fibre en 1988-90 à 2,9 millions de tonnes en 1998-2000. Dans les pays développés, le recul de la consommation de produits à base de jute a atteint 40 pour cent, celle-ci étant tombée de 668 000 tonnes en 1988-90 à 395 000 tonnes en 1990-2000. Dans les pays en développement, le marché du jute s'est amenuisé de 10 pour cent, tombant de 2,8 millions de tonnes en 1988-90 à 2,5 millions de tonnes en 1998-2000.

La compétitivité du jute par rapport au polypropylène est déterminée par des considérations de prix et par d'autres facteurs aussi. L'augmentation des rendements d'échelle dans l'industrie pétrochimique ainsi que son intégration verticale, qui permet une allocation souple des éléments de coût aux différentes étapes de traitement pour les différents produits, contribuent à réduire les coûts unitaires. De ce fait, les prix du polymère de polypropylène et des produits synthétiques connexes sont compétitifs par rapport aux prix correspondants à base de jute. Parmi les considérations autres que les prix, il y a lieu de citer des caractéristiques techniques comme le poids considérable et la difficulté d'utiliser des sacs de jute dans les systèmes de remplissage automatique, la meilleure perméabilité à l'air des sacs de jute par opposition aux qualités de résistance à l'eau des sacs synthétiques et la biodégradabilité des sacs de jute. Outre les caractéristiques techniques susmentionnées, d'autres facteurs importants comme des approvisionnements fiables et réguliers de fibres de qualité constante, ont encouragé le déplacement du jute par des fibres synthétiques, le jute étant une culture annuelle instable sujette aux conditions météorologiques et devant être transporté sur de longues distances.

Entre 1988-1990 et 1998-2000, les prix de la fibre de polypropylène ont baissé à un rythme moyen de 2 pour cent par an en termes réels tandis que, pendant la même période, la demande mondiale a augmenté à un rythme de quelque 8 à 10 pour cent par an. Au cours de la décennie écoulée, la consommation mondiale de fibres de jute et de produits dérivés a décliné de 1,54 pour cent par an pour tomber à 2,9 millions de tonnes en 1988-2000. À moyen terme, il est à prévoir que les nouvelles capacités de fabrication de polypropylène en Asie contribueront à réduire les prix unitaires, ce qui ne manquera pas d'intensifier les pressions sur le marché du jute.

D'une manière générale, la rapidité avec laquelle les techniques de manutention en vrac peuvent être adoptées et par conséquent avec laquelle les produits alimentaires n'ont pas à être transportés en sacs dépend des investissements dans l'infrastructure, comme installations portuaires, routes en entrepôts. Il est difficile de fournir des estimations de l'impact de l'extension des installations de manutention en vrac sur le marché du jute, bien que la moindre contraction de la consommation de jute dans les pays en développement au cours des dix dernières années soit due au fait que l'ensachage demeure généralisé et que les méthodes de manutention et de transport en vrac sont appliquées moins rapidement du fait des défaillances des réseaux routiers et ferroviaires. À plus longue échéance, toutefois, l'amélioration progressive de l'infrastructure dans les pays en développement continuera sans doute à freiner la demande de sacs.

Au cours des dix dernières années, les autres utilisations du jute n'ont représenté que de petites quantités de fibres. Néanmoins, leur part dans la valeur des exportations totales est en hausse. Entre autres produits diversifiés à base de jute, il y a lieu de citer les géotextiles pour la maîtrise de l'érosion des sols, les matières plastiques renforcées au moyen de jute, les laminés de jute, le papier et la pâte à papier, les tissus décoratifs, les tapis et l'artisanat. Entre 1997-1998 et 2001-2002, la part, en termes de valeur, des exportations d'articles diversifiés à base de jute de l'Inde est passée de 10 pour cent à 24 pour cent de la valeur totale des exportations, ce qui met en relief les possibilités de croissance à moyen terme et d'expansion des marchés pour peu que soient entrepris des stratégies efficaces de recherche-développement et des efforts de commercialisation plus intenses.

Pendant la période allant de 1998-2000 à 2010, la consommation mondiale de jute devrait continuer de s'amenuiser par suite de la concurrence exercée par le polypropylène et l'introduction de technologies de manutention en vrac. La consommation mondiale devrait baisser de 1,07 pour cent par an pour tomber de 2,89 millions de tonnes en 1998-2000 à 2,62 millions de tonnes en 2010. La consommation de jute et de produits à base de jute dans les pays développés devrait continuer de diminuer à moyen terme, bien que plus lentement que pendant les années 90. Le ralentissement de la contraction du marché reflétera peut-être l'épuisement progressif des possibilités de substitution du jute par des technologies ou des produits concurrents, tout au moins dans ces pays. Dans les pays en développement, la consommation devrait reculer à un rythme annuel de 0,95 pour cent pour tomber de 2,49 millions de tonnes en 1998-2000 à 2,33 millions de tonnes en 2010.

En Inde, qui est le plus gros marché mondial, la consommation de produits à base de jute devrait demeurer d'environ 1,6 million de tonnes, en dépit de la révision des règlements administratifs qui déterminent la proportion respective du jute et des fibres synthétiques dans les sacs utilisés pour le transport de denrées alimentaires et agricoles. Les nouvelles dispositions, introduites pendant la campagne 2002-2003, permettent de ramener la proportion de céréales alimentaires transportées en sacs de jute de 100 pour cent à 80 pour cent cette proportion étant ramenée de 90 pour cent à 75 pour cent pour le sucre. Ces pourcentages doivent être réduits à nouveau pendant la campagne 2003-2004 et ramenés à 60 pour cent pour les céréales alimentaires et à 50 pour cent pour le sucre. Cet assouplissement de la réglementation devrait affaiblir la demande de jute en Inde, exercer une pression à la baisse des prix et ramener le taux d'expansion du marché à un niveau inférieur à celui des dix années écoulées. Il y a cependant différents facteurs, comme la préférence marquée pour l'utilisation de sacs de jute pour le transport de céréales alimentaires du fait de sa perméabilité à l'air, ainsi que les possibilités de réutilisation des sacs de jute, qui compenseront peut-être dans une certaine mesure l'impact de ces nouvelles dispositions.

À moyen terme, la consommation de jute au Bangladesh devrait s'accroître à un rythme annuel d'environ 1 pour cent pour passer de 152 000 tonnes en 1998-2000 à 162 000 tonnes en 2010. Cela sera dû en partie à l'interdiction décrétée en 2002, pour des raisons environnementales, de l'utilisation de sacs en polythène pour les achats, qui devrait raffermir la demande de jute. En Chine, la consommation de jute devrait reculer d'environ 13 pour cent par an, soit plus rapidement qu'au cours de la décennie écoulée, du fait de l'augmentation de la capacité des installations de fabrication de fibres synthétiques et de rude concurrence provenant des sacs synthétiques. La consommation dans les autres pays d'Extrême-Orient, comme la Thaïlande, le Viet Nam, le Népal et le Pakistan, devrait également continuer à décliner tandis qu'au Proche-Orient, elle devrait augmenter lentement du fait, principalement, de l'augmentation de la consommation de fibres pour le tissage des tapis en Iran. En Afrique et en Amérique latine, la consommation devrait suivre une tendance à la baisse en raison de la concurrence provenant des matériaux d'emballage synthétique.

Commerce

Pendant la période comprise entre 1998-2000 et 2010, le commerce aussi bien de fibres de jute que de produits dérivés devrait se contracter de 3,0 pour cent par an, suivant la tendance à la baisse à long terme entraînée par la délocalisation des industries de traitement des pays développés dans les pays en développement ainsi que d'une diminution plus rapide de la consommation dans les pays non producteurs que dans les pays producteurs. Par voie de conséquence, le commerce mondial pendant les années 90 a représenté déjà une proportion en recul de la production mondiale totale.

À moyen terme, la consommation devant continuer de décliner dans les pays aussi bien producteurs que non producteurs, le commerce de fibres de jute et de produits dérivés devrait se contracter lentement pour tomber de 948 000 tonnes en 1998-2000 à 920 000 tonnes en 2010.

Les exportations de fibres devraient demeurer de l'ordre de 250 000 tonnes. En outre, le renforcement de la demande d'importations de la Chine devrait contribuer à réduire encore plus le commerce à moyen terme. La Chine a été exportateur net pendant la période 1979-1994 et, bien que les importations nettes aient été erratiques vers la fin des années 90 (par exemple 100 000 tonnes en 1998 mais 4 500 tonnes seulement en 2000), la production devrait baisser plus rapidement que la consommation, de sorte que les importations devraient atteindre 41 000 tonnes en 2010. L'apparition de la Chine comme importateur net constant sur le marché mondial devrait accroître la proportion du jute exporté et la porter de 36 pour cent de la production mondiale totale en 1998-2000 à 39 pour cent en 2010. Il est vraisemblable que le taux d'augmentation des importations de fibres en Chine compensera la diminution rapide de la consommation et de la demande d'importations du Pakistan, importateur traditionnel de fibre.

L'industrie de traitement du jute étant maintenant implantée intégralement dans les pays en développement, les exportations de fils devraient décliner, comme le reste du marché mondial. La concurrence intense exercée par le polypropylène déprimera le commerce de tissus de jute, qui devrait diminuer plus rapidement que le commerce total. Les principaux produits à base de jute exportés seront sans doute des sacs et des trames pour tapis.

Le Bangladesh devrait demeurer le plus gros exportateur net avec plus de 75 pour cent du commerce mondial de l'ensemble des fibres et des produits en jute. Cependant, les exportations devraient se contracter, suivant en cela la conjoncture sur le marché mondial, à un rythme annuel de 0,62 pour cent pour tomber de 742 000 tonnes en 1998-2000 à 703 000 tonnes en 2010. Les exportations nettes de l'Inde, deuxième pays exportateur net, devraient demeurer stables, c'est-à-dire environ 185 000 tonnes,

Problèmes et incertitudes

D'une manière générale, il est à prévoir que le marché mondial du jute continuera de se contracter à moyen terme, bien que plus lentement que pendant la décennie écoulée. L'augmentation de la capacité de l'industrie de fabrication de fibres synthétiques, spécialement dans l'est de l'Asie, devrait améliorer encore la compétitivité du polypropylène par rapport à la fibre de jute et continuer d'éroder la demande des principaux produits en jute, comme sacs et trame de tapis, ce qui ne manquera pas d'exercer une pression à la baisse des prix du jute. Les producteurs réagiront sans doute à cette diminution des prix en réduisant les superficies cultivées et la production.

Tableau 2.72 - Jute: superficie plantée et production de fibre effective et projetée

Tableau 2.73 - Jute: consommation apparente, effective et projetée

Tableau 2.74 - Inde: exportations de produits diversifiés à base de jute

Tableau 2.75 - Jute: importations nettes, effectives et projetées

Tableau 2.76 - Jute: exportations nettes, effectives et projetées