RÉSUMÉ INTERPRÉTATIF

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3. Identification des dangers

On s'accorde aujourd'hui généralement à reconnaître que la listériose est attribuable en grande partie à la transmission du microorganisme par les aliments. Chez l'homme, la listériose prend généralement la forme de cas sporadiques ou de poussées épidémiques largement diffuses dans le temps ou dans l'espace, parfois dans les deux. Si les modes de transmission de L. monocytogenes peuvent comprendre la transmission verticale (de la mère à l'enfant), zoonotique (de l'animal à l'homme) ou nosocomiale (contractée à l'hôpital), ce n'est qu'après que plusieurs poussées importantes de sources communes de listériose se sont produites en Amérique du Nord et en Europe durant les années 1980 que l'on a reconnu l'importance des aliments comme principale voie de transmission pour l'exposition humaine à L. monocytogenes (Broome, Gellin et Schwarz, 1990; Bille, 1990). Les aliments le plus souvent associés à la listériose chez l'homme comprennent les aliments prêts à consommer ayant subi une transformation industrielle qui i) favorisent la croissance de L. monocytogenes, ii) se conservent longtemps au réfrigérateur, et iii) sont consommés sans autre traitement listéricide, par exemple la cuisson (Pinner et al., 1992; Rocourt, 1996; FDA/FSIS, 2001; Nørrung, Andersen et Schlundt, 1999). En raison de la gravité de la maladie et de la mise en cause très fréquente des aliments industriels, en particulier durant les poussées épidémiques, l'impact social et économique de la listériose s'inscrit parmi les plus élevés des maladies d'origine alimentaire (Roberts, 1989; Roberts et Pinner, 1990).

L. monocytogenes est un pathogène opportuniste qui affecte le plus souvent les personnes dans des conditions qui s'y prêtent (par exemple, thérapie immunosuppressive, SIDA et maladies chroniques, telles que la cirrhose qui met en danger le système immunitaire), les femmes enceintes, les fœtus et les nouveaux-nés, ainsi que les personnes âgées. Les infections par L. monocytogenes peuvent menacer la vie, avec des taux de mortalité de 20 à 30 pour cent. Toutes les souches de L. monocytogenes semblent être pathogènes. On observe toutefois de fortes variations dans la virulence relative des isolats de L. monocytogenes (Hof et Rocourt, 1992), et la virulence, telle que définie dans les études sur les animaux de laboratoire, peut varier jusqu'à 1 000 fois. On a observé des variations similaires dans la virulence dans les isolats d'origine alimentaire de L. monocytogenes. La majorité des cas de listériose sont associés à un nombre restreint de sérotypes: 1/2a (15-25 pour cent); 1/2b (10-35 pour cent); 1/2c (0-4 pour cent); 3 (1-2 pour cent); 4b (37-64 pour cent); et 4 non b (0-6 pour cent) (McLauchlin, 1990; Farber et Peterkin, 1991). Néanmoins, aucun modèle cohérent de virulence accrue associée à un sérotype spécifique ou à un sous‑type chez l'animal ou dans des études in vitro n'est apparu (Pine et al., 1991; Tabouret et al., 1991; Weidman etal., 1997) et aucune des méthodes actuelles n'a fait ressortir de manière évidente des souches qui ne sont pas pathogènes ou moins virulentes (McLauchlin, 1997).

Après avoir envahi le tissu intestinal, L. monocytogenes se diffuse le plus souvent dans le sang, le foie, l'utérus des femmes enceintes ou le système nerveux central. Les symptômes de la listériose envahissante comprennent, sans toutefois s'y limiter, la bactériémie, des infections du système nerveux central (méningite, encéphalite, méningo-encéphalite), les maladies prodromales chez les femmes enceintes, les fausses-couches, les naissances prématurées, les accouchements de morts-nés et les maladies néonatales. La période d'incubation peut être longue, en général deux à trois semaines, voire jusqu'à trois mois (Gellin et Broome, 1989).

La listériose est une maladie relativement rare. Il y aurait chaque année 0,1 à 11,3 cas par million de personnes (référence citée dans Notermans et al., 1998), 0,3 à 7,5 cas par million de personnes en Europe (CE, 2003), 4,4 cas par million de personnes aux États-Unis d'Amérique (Mead et al., 1999) et 3 cas par million de personnes en Australie; toutefois, l'exactitude de ces chiffres est fonction de l'efficacité des programmes de surveillance de la listériose mis en œuvre dans chaque pays. Étant donné la gravité de la maladie, il est probable que les individus demanderont un traitement médical et aux États-Unis d'Amérique, le Centre de lutte et de prévention de la maladie (CDC) estime que 90 pour cent de tous les patients atteints de listériose sont hospitalisés et qu'environ la moitié de tous les cas sont déclarés au CDC contre 3 pour cent pour la plupart des autres maladies d'origine alimentaire (Mead et al., 1999). La listériose sévit principalement dans les pays industrialisés. Reste encore à établir si les différences dans les taux d'incidence entre pays développés et pays moins avancés reflètent des différences géographiques véritables ou des différences dans les habitudes alimentaires et la conservation des aliments ou des différences concernant le diagnostic et les modes de déclaration.

L. monocytogenes est largement distribué dans l'environnement et a été isolé dans de nombreuses sources, dont le sol, la végétation, les produits d'ensilage, les matières fécales, les eaux usées et l'eau. Tout porte à croire que c'est un hôte transitoire dans l'intestin des humains, 2 à 10 pour cent de la population générale, selon l'examen d'échantillons de matières fécales, étant porteurs de l'organisme sans conséquences négatives apparentes sur la santé. (Farber et Peterkin, 1991; Rocourt et Cossart, 1997; Skidmore, 1981; Slutsker et Schuchat, 1999; Mascolaet al., 1992; Schuchat et al., 1991). Un facteur important dans la listériose d'origine alimentaire est que le pathogène peut se développer en grand nombre à des températures de réfrigération au bout d'un certain temps. L. monocytogenes est plus résistant à diverses températures ambiantes que beaucoup d'autres bactéries pathogènes d'origine alimentaire non sporulées, ce qui lui permet de survivre plus longtemps dans des conditions défavorables (McCarthy, 1990; Ryser and Marth, 1991). L. monocytogenes est présent dans de nombreux milieux de transformation des aliments (Ryser et Marth, 1991, 1999), et peut survivre pendant de longues périodes dans les aliments, les usines de transformation des aliments, les maisons et les établissements de restauration ou dans l'environnement, en particulier à des températures de réfrigération ou de congélation. La capacité de L. monocytogenes de se développer et de survivre dans les aliments et les systèmes modèles a fait l'objet d'études approfondies et des modèles mathématiques sont disponibles qui décrivent l'effet des divers paramètres environnementaux sur la croissance et la survie des microorganismes.

L. monocytogenes est souvent présent dans les aliments crus d'origine tant animale que végétale et peut devenir endémique dans les milieux de transformation des aliments. Il est également présent dans les aliments cuits à cause de la contamination après transformation ou d'un traitement thermique insuffisant. L. monocytogenes a été isolé dans des aliments tels que le lait cru nature et pasteurisé,les fromages (notamment les variétés affinées à pâte molle), les crèmes glacées, les légumes crus, la viande crue fermentée, les saucisses cuites, la volaille crue et cuite, les viandes crues et les fruits de mer crus et fumés (Buchanan et al., 1989; Farber et Peterkin, 1991; FDA/FSIS, 2001; Ryser et Marth, 1991, 1999). Une étude d'une gamme d'aliments prélevés dans les réfrigérateurs de patients atteints de listériose aux États-Unis a montré que des isolats de L. monocytogenes dans les aliments impossibles à distinguer de la souche du patient pouvaient être isolés de 33 pour cent des réfrigérateurs (Pinneret al., 1992). Toutefois, du fait que la fréquence à laquelle les individus sont exposés à L. monocytogenes dépasse largement l'incidence de la listériose, un débat a été ouvert sur l'importance pour la santé publique d'ingérer de faibles doses de ce pathogène, en particulier pour la partie de la population qui n'est pas immunodéprimée (CCFH, 1999; EC, 1999; Farber, Ross et Harwig, 1996; ICMSF, 1994).


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